Priorités de l’inspection des ICPE pour 2022 : un programme chargé mais rien de très nouveau

Par Maître Marie-Coline, avocate collaboratrice (Green Law Avocats)

Par une instruction du 22 décembre 2021, mise en ligne le 4 janvier 2022, le ministre de la transition écologique a défini les actions prioritaires de l’inspection des installations classées pour l’année 2022.

Plan de prévention des risques technologiques : une nouvelle application de la jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise (CE, 6 déc.2017)

  Par Me Fanny Angevin- Green Law Avocats   Par une décision en date du 6 décembre 2017 (CE, n°400735, Mentionné aux Tables), le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de savoir si la jurisprudence du Conseil d’Etat Commune de Saint-Bon-Tarentaise du 5 mai 2017 n°388902 pouvait s’appliquer à la concertation organisée pour l’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques. La décision Commune de Saint-Bon-Tarentaise avait mis fin à la jurisprudence Commune de Sainte-Lunaire, en considérant que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. C’est donc une décision intéressante pour les PPRT. Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) sont encadrés par les articles L. 515-15 et suivants du code de l’environnement. Ces plans visent à réguler l’urbanisation autour de certaines installations dangereuses et à ces fins, peuvent prévoir des interdictions et des prescriptions particulières pour les constructions ou ouvrages environnants. La procédure d’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques est encadrée par l’article L. 515-22 du code de l’environnement. Cet article prévoit classiquement trois étapes à la procédure d’élaboration du plan : la concertation, la consultation des personnes associées et l’enquête publique. Par ailleurs, l’article L. 515-22 du code de l’environnement, en ce qui concerne la concertation, opère un renvoi vers les dispositions du code de l’urbanisme (ancien article L. 300-2 du code de l’urbanisme aujourd’hui aux articles L. 103-2 et suivants du code de l’urbanisme). C’est donc avec la même logique de concertation d’un document d’urbanisme que la procédure de concertation d’un plan de prévention des risques technologiques est en principe élaborée. Dans l’affaire présentée devant le Conseil d’Etat, les préfets d’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher avaient prescrit l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques visant à délimiter un périmètre de sécurité autour du site naturel de stockage souterrain de gaz au lieu-dit « Les Gerbaults » (Commune de Céré-la-Ronde). Par un arrêté commun en date des 19 et 24 décembre 2013, le plan a été approuvé. Une association de riverains et un particulier ont ensuite attaqué cet arrêté devant le Tribunal administratif d’Orléans, qui a l’a annulé par un jugement en date du 10 février 2015 au regard de l’insuffisante précision des modalités de concertation dans la délibération initiale. La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision en date du 15 avril 2016 n°15NT01185, a confirmé l’annulation du Tribunal administratif d’Orléans par adoption des motifs. Le Ministre s’est donc pourvu en cassation, soutenant que le moyen tiré de l’insuffisance des modalités de concertation qui sont définies initialement dans la délibération prescrivant l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques, était inopérant à l’encontre de la délibération ayant ultérieurement approuvé le même plan. Le Conseil d’Etat avait donc à examiner la question relative à l’application de sa récente jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise du 5 mai 2017 (relative à un PLU) à l’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques. Pour plus de clarté, il convient de revenir sur l’apport de la jurisprudence précitée. En effet, l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme dans sa version applicable au litige (aujourd’hui codifié aux articles L. 103-2 et suivants du même code) indiquait que : « Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont fixés par […] le préfet […]. ». Or, depuis 2010, le Conseil d’Etat considérait de manière constante que la délibération prévoyant les modalités de concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ainsi que les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser un document d’urbanisme, constituait dans ces deux volets, une formalité substantielle dont la méconnaissance entachait d’illégalité le document d’urbanisme approuvé (CE, 10 février 2010, Commune de Sainte-Lunaire, n°327149). Il convient d’ailleurs de noter que le document d’urbanisme approuvé était entaché d’illégalité et ce alors même que la concertation aurait respecté les modalités définies par le conseil municipal (arrêt précité du10 février 2010, n°327149). Cette jurisprudence avait entraîné l’annulation de nombreuses délibérations adoptant un plan local d’urbanisme qui emportaient ainsi l’annulation du document d’urbanisme (voir notamment à ce titre : CAA Douai, 27 novembre 2014, n°13DA01104 ; CAA Marseille, 13 avril 2016, n°15MA02002 ; CAA Nancy, 2 juillet 2015, n°14NC01767 ; CAA Versailles, 11 mai 2015, n°13VE00583 ; CAA Douai, 30 avril, 2015, n°14DA01249), ce qui pouvait avoir de lourds impacts pour les finances communales. Il convient néanmoins de noter que l’article L. 300-2 indiquait en son 5e alinéa que « Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux I et II ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées. ». Le Conseil d’Etat a progressivement donné plus d’importance à cette disposition, afin d’éviter qu’une irrégularité qui s’est déroulée en début de procédure conduise à l’annulation du document d’urbanisme (voir notamment CE, 8 octobre 2012, n°338760). Ainsi, dans la décision précitée Commune de Saint-Bon-Tarentaise, le Conseil d’Etat a mis fin à la jurisprudence Commune de Sainte-Lunaire, en considérant que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. En effet, la Haute juridiction a estimé dans cette décision que : « si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme » (CE, 5 mai 2017, n°388902). Le Rapporteur public dans cette affaire avait d’ailleurs précisé qu’il s’agissait « d’estimer, du fait des particularités de cette procédure, que cette irrégularité du tout premier acte est structurellement sans influence sur le dernier. » (Conclusions M. Louis DUTHEILLET de LAMOTHE sur CE, 5 mai 2017, n°388902). Le revirement de jurisprudence du Conseil d’Etat visait donc à instaurer le fait que la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme est attaquable dans les délais de recours normaux, mais que…

réservoirs aériens de liquides inflammables : nouvelles prescriptions incendies

Par Maître Sébastien BECUE (Green Law Avocat) Un arrêté du 2 septembre 2015 vient modifier l’article 43 de l’arrêté du 3 octobre 2010 relatif au stockage en réservoirs aériens de liquides inflammables soumis à autorisation au titre de la règlementation I.C.P.E., consacré aux prescriptions applicables en matière de lutte contre l’incendie. L’arrêté procède à une réécriture de l’article 43 qui modifie les conditions du recours aux services d’incendie et de secours (les « SIS », dénomination juridique des sapeurs pompiers) par l’exploitant du réservoir (1) et procède à un report des échéances antérieurement prévues (2). 1. La modification des conditions du recours aux SIS Aux termes de l’article 43 de l’arrêté du 3 octobre 2010, l’exploitant d’un réservoir aérien de liquides inflammables soumis à autorisation est tenu d’élaborer une stratégie de lutte contre les incendies au sein de son installation, qui est formalisée dans un plan de défense incendie. Ce plan décrit les procédures organisationnelles à mettre en œuvre en cas d’incendie ainsi que la démonstration de la disponibilité et de l’adéquation des moyens de lutte contre l’incendie au regard de la stratégie définie. En plus des moyens propres dont il dispose, l’exploitant, s’il le souhaite, peut tenir compte de moyens externes, ceux des SIS. Pour ce faire, l’exploitant devait, jusqu’à l’intervention de l’arrêté du 2 septembre 2012, solliciter leur concours directement auprès des SIS, en leur indiquant si l’aide souhaitée avait un caractère temporaire ou permanent. Les SIS devaient donner leur accord pour que l’exploitant puisse compter sur leurs moyens dans l’élaboration de sa stratégie. Cette relation directe entre l’exploitant et les SIS posaient parfois des difficultés auxquelles l’arrêté du 2 septembre 2012 met un terme en prévoyant que dorénavant l’exploitant doit solliciter le concours des SIS auprès du préfet, et non plus auprès d’eux directement. L’accord du préfet se matérialisera dans un arrêt préfectoral. Le recours ou non aux SIS avait une influence sur les moyens en eau et émulseurs dont l’exploitant doit disposer sur son site, l’arrêté prévoit désormais que cette option a aussi un impact sur les taux d’application et durées d’extinction à prendre en compte (annexes V et VI de l’arrêté du 3 octobre 2010). 2. Report des échéances Les exploitants sont tenus d’élaborer un plan de défense incendie avant le 31 décembre 2016 (contre le 31 décembre 2013 précédemment). Les demandes de recours aux moyens des SIS doivent être quant à elles transmises au préfet avant le 30 juin 2016. Enfin, les nouvelles dispositions sur les taux d’application et durées d’extinction doivent être mises en œuvre par l’exploitant : – Avant le 31 décembre 2018 s’il n’a pas recours aux moyens des SIS ; – Avant le 30 juin 2020 s’il a sollicité ce recours mais que celui-ci lui a été refusé par le préfet ; – Avant le 30 juin 2022 s’il a obtenu ce recours auprès du préfet.

PPRT : nouveaux objectifs

Faisant suite au Plan de mobilisation pour la prévention des risques technologiques présenté par le gouvernement en réaction aux incidents survenus en début d’année dans une usine SEVESO seuil haut de Rouen, une circulaire ministérielle du 11 avril 2013 vient donner des instructions aux préfets visant à accélérer l’élaboration des Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT).   Tout d’abord, rappelons que c’est par la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages que l’obligation pour l’Etat de créer des PPRT a été instituée à l’article L. 515-15 du Code de l’environnement.   Comme l’indique fort pédagogiquement le ministère de l’environnement dans son « bilan des actions nationales 2012 de l’inspection des installations classées », ces plans ont pour vocation de rendre les sites industriels à risque (SEVESO) « compatibles avec leur  environnement par une réduction préalable du risque à la source (aux frais de l’exploitant du  site industriel) et par la mise en œuvre : –          de mesures « foncières » sur l’urbanisation existante, composées d’expropriations et  de droits à délaissement volontaire des biens ; –          de mesures « supplémentaires » de réduction du risque à la source proposées par l’exploitant allant au-delà des exigences règlementaires, lorsque leur mise en œuvre est moins coûteuse que les mesures foncières qu’elles permettent d’éviter ; –          de restrictions ou règles sur l’urbanisme futur, sur l’usage des bâtiments futurs, des voies de communication existantes ou futures, des équipements…, ainsi que des restrictions d’usage ou des règles de construction sur les futurs bâtiments édifiés à proximité du site industriel ; –          de travaux à mener sur les constructions existantes au voisinage du site industriel, pour en réduire la vulnérabilité, travaux dont le montant ne peut excéder 10% de la valeur vénale du bien ».   On comprend ainsi que ces PPRT ont une importance primordiale dans la prévention des risques technologiques et des catastrophes industrielles.   Or, pour un objectif fixé à 70% de PPRT approuvés pour la fin 2012, seuls 54% l’ont été, c’est à dire 218 PPRT sur les 404 prescrits.   C’est à ce retard que le plan de mobilisation pour la prévention des risques technologiques et la présente circulaire entendent remédier, tout en fixant des objectifs d’élaboration encore plus ambitieux.   En effet, la ministre de l’environnement demande aux préfets de fixer pour chaque région un planning d’approbation des PPRT qui permette que 75% des plans soient approuvés d’ici la fin de l’année 2013 et que 95% le soient avant la fin de l’année 2014.   Pour atteindre ces objectifs ambitieux, elle rappelle notamment les récentes modifications des modalités de financement des différentes mesures des PPRT, principale raison des blocages rencontrés lors de l’élaboration et l’approbation de ces plans : –          le financement des mesures foncières à part égal entre les collectivités territoriales, l’Etat et l’exploitant à défaut d’accord sur ce financement dans un délai d’un an suivant l’approbation du PPRT ; –          le crédit d’impôt de 40% du coût des travaux de renforcement des habitations prescrits aux riverains par le PPRT ; –          le financement complémentaire des travaux prescrits par le PPRT aux riverains par les collectivités et les industriels à l’origine des risques à hauteur de 25% chacun.   Cependant, il convient de noter que cette dernière modification n’est pas encore entrée en vigueur. En effet, bien que votée par le Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013, le Conseil Constitutionnel a censuré cette modification en demandant au gouvernement d’utiliser un vecteur législatif différent. La ministre s’engageant par cette circulaire à le faire dans les tous prochains mois, l’ont peut considérer cette modification comme acquise.    Ensuite, de façon plus concrète, la ministre de l’environnement ordonne la mise en place d’une « task force » au sein des directions départementales du territoire (DDT). Ainsi, une organisation provisoire devra être instituée au sein de chaque DDT et visera la montée en compétence des agents dédiés pour en faire des experts de la réalisation des PPRT et des démarches suivant leur approbation.   Ces agents seront mis au service de cette organisation pour une durée limitée à l’élaboration des PPRT de la région et leur mise en oeuvre, et devront pouvoir consacrer plus de 50% de leur temps aux PPRT, afin de monter en puissance techniquement pour les dossiers qui le nécessiteraient.   Enfin, pour assurer la bonne mise en œuvre des PPRT déjà approuvé, la ministre préconise la mise en place d’un dispositif d’accompagnement collectif pour le pré-financement et la réalisation effective des travaux de renforcement des habitations prescrits par un PPRT. Dans cette logique, elle recommande d’intégrer les aspects risques technologiques dans des programmes locaux de l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat (ANAH) lorsque cela est opportun.   Si le Plan de mobilisation précité combiné à cette circulaire semble pouvoir faire espérer que les objectifs d’approbation des PPRT, il conviendra néanmoins de faire un premier bilan dès l’année prochaine.   Surtout cette marche forcée va conduire à adopter les plans les plus contestés et susciter un contentieux d’ores et déjà initié (PPRT: annulation d’un plan de prévention des risques ayant listé les immeubles devant être expropriés (TA Toulouse, 15 novembre 2012, n°121105)), même si la jurisprudence sur le sujet est encore confidentielle car demeurée au stade des Tribunaux administratifs.   Etienne POULIGUEN – Juriste (Green Law Avocat)