Collectivités territoriales : attention à l’effet utile des modalités de la concertation !

Par Maître Jérémy TAUPIN (Green Law Avocats) Par un jugement en date du 2 février dernier, le Tribunal administratif de Melun est venu préciser la portée des dispositions de l’ancien article L. 300-2 du code de l’urbanisme (dispositions désormais codifiées aux articles L. 130-2 du code même code). Pour rappel, cet article énonçait que « I – Le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d’urbanisme ; b) Toute création, à son initiative, d’une zone d’aménagement concerté ; c) Toute opération d’aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l’activité économique de la commune et qu’elle n’est pas située dans un secteur qui a déjà fait l’objet de cette délibération au titre du a) ou du b) ci-dessus. Un décret en Conseil d’Etat détermine les caractéristiques des opérations d’aménagement soumises aux obligations du présent alinéa. Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d’occuper ou d’utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. […] ». Il n’aura pas échappé au praticien du droit de l’urbanisme que l’interprétation de ces dispositions a donné lieu à une jurisprudence importante : le Conseil d’Etat a notamment été amené à se prononcer sur la question des objectifs poursuivis et des modalités de la concertation. Pendant longtemps, il a été admis que l’insuffisante définition des objectifs dans la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du PLU entachait celui-ci d’illégalité (cf. en ce sens CE, 10 février 2010, Commune de Saint-Lunaire, req. n°327149). Néanmoins, dans une récente décision, le Conseil d’Etat a précisé cette jurisprudence. Il a ainsi d’abord rappelé que, conformément aux dispositions de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme précité, l’adoption ou la révision du PLU devait être précédée d’une concertation associant les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées et que le conseil municipal devait, avant que ne soit engagée la concertation, délibérer, d’une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser ce document d’urbanisme, et, d’autre part, sur les modalités de la concertation. Puis, il a considéré que si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le PLU, tout en rappelant qu’ainsi que le prévoit l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant la révision du document d’urbanisme demeurent par ailleurs invocables à l’occasion d’un recours contre le plan local d’urbanisme approuvé (CE, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, req. n°388902). C’est sur ce dernier point que le Tribunal administratif de Melun apporte une précision importante, en considérant « qu’il résulte de ces dispositions que la légalité d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme ne saurait être contestée au regard des modalités de la procédure de concertation qui l’a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par la délibération prescrivant l’élaboration de ce document d’urbanisme ; que de telles modalités ne sauraient être regardées comme ayant été respectées si, bien que formellement exécutées, elles l’ont été dans des conditions les privant de tout effet utile et n’ont, ainsi, pas permis d’associer réellement le public à l’élaboration du projet de plan local d’urbanisme » (TA de Melun, 2 février 2018, req. n°1309483). Les faits d’espèce sont particulièrement éclairants sinon sur le projet de la collectivité du moins sur sa volonté d’escamoter la concertation. Par une délibération du 13 mai 2013, le conseil municipal d’Ozoir-la-Ferrière a approuvé le plan local d’urbanisme de cette commune. Une association a alors demandé au tribunal administratif l’annulation de cette délibération, en soulevant le moyen tiré de ce que les modalités de concertation définies par le conseil municipal dans sa délibération du 6 avril 2011 prescrivant l’élaboration du PLU n’avaient pas été respectées par la commune. Le Tribunal, après avoir rappelé que ladite délibération du 6 avril 2011 prévoit que les modalités de la concertation seront « – une exposition en mairie ; – une information dans le bulletin municipal ; la mise à disposition d’un cahier destiné à recueillir les observations du public » note, d’une part, que s’il est constant que le bulletin municipal de novembre/décembre 2011 comprend une information sur le projet de plan local d’urbanisme présentant les objectifs assignés à l’élaboration du plan, cette publication ne mentionne ni l’organisation d’une procédure de concertation, ni la mise en place d’une exposition et d’un registre permettant de recueillir les observations du public ; que, d’autre part, si une exposition a été organisée, cette exposition, qui n’a fait l’objet d’aucune mesure de publicité, ne l’a été qu’à compter de la fin du mois d’avril 2012 ; qu’en outre, faute d’informer les habitants de la commune de ce qu’un registre de concertation était mis à leur disposition, seule une observation a été recueillie sur ce registre ; que, s’il ressort des pièces du dossier qu’une réunion publique ayant réuni une quarantaine de personnes, a été organisée le 19 juin 2012, la commune d’Ozoir-la-Ferrière ne produit aucun élément sur les conditions dans lesquelles le public a été informé de cette réunion et de son objet ; que la très faible information du public…

Plan de prévention des risques technologiques : une nouvelle application de la jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise (CE, 6 déc.2017)

  Par Me Fanny Angevin- Green Law Avocats   Par une décision en date du 6 décembre 2017 (CE, n°400735, Mentionné aux Tables), le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la question de savoir si la jurisprudence du Conseil d’Etat Commune de Saint-Bon-Tarentaise du 5 mai 2017 n°388902 pouvait s’appliquer à la concertation organisée pour l’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques. La décision Commune de Saint-Bon-Tarentaise avait mis fin à la jurisprudence Commune de Sainte-Lunaire, en considérant que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. C’est donc une décision intéressante pour les PPRT. Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) sont encadrés par les articles L. 515-15 et suivants du code de l’environnement. Ces plans visent à réguler l’urbanisation autour de certaines installations dangereuses et à ces fins, peuvent prévoir des interdictions et des prescriptions particulières pour les constructions ou ouvrages environnants. La procédure d’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques est encadrée par l’article L. 515-22 du code de l’environnement. Cet article prévoit classiquement trois étapes à la procédure d’élaboration du plan : la concertation, la consultation des personnes associées et l’enquête publique. Par ailleurs, l’article L. 515-22 du code de l’environnement, en ce qui concerne la concertation, opère un renvoi vers les dispositions du code de l’urbanisme (ancien article L. 300-2 du code de l’urbanisme aujourd’hui aux articles L. 103-2 et suivants du code de l’urbanisme). C’est donc avec la même logique de concertation d’un document d’urbanisme que la procédure de concertation d’un plan de prévention des risques technologiques est en principe élaborée. Dans l’affaire présentée devant le Conseil d’Etat, les préfets d’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher avaient prescrit l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques visant à délimiter un périmètre de sécurité autour du site naturel de stockage souterrain de gaz au lieu-dit « Les Gerbaults » (Commune de Céré-la-Ronde). Par un arrêté commun en date des 19 et 24 décembre 2013, le plan a été approuvé. Une association de riverains et un particulier ont ensuite attaqué cet arrêté devant le Tribunal administratif d’Orléans, qui a l’a annulé par un jugement en date du 10 février 2015 au regard de l’insuffisante précision des modalités de concertation dans la délibération initiale. La Cour administrative d’appel de Nantes, par une décision en date du 15 avril 2016 n°15NT01185, a confirmé l’annulation du Tribunal administratif d’Orléans par adoption des motifs. Le Ministre s’est donc pourvu en cassation, soutenant que le moyen tiré de l’insuffisance des modalités de concertation qui sont définies initialement dans la délibération prescrivant l’élaboration du plan de prévention des risques technologiques, était inopérant à l’encontre de la délibération ayant ultérieurement approuvé le même plan. Le Conseil d’Etat avait donc à examiner la question relative à l’application de sa récente jurisprudence Commune de Saint-Bon-Tarentaise du 5 mai 2017 (relative à un PLU) à l’élaboration d’un plan de prévention des risques technologiques. Pour plus de clarté, il convient de revenir sur l’apport de la jurisprudence précitée. En effet, l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme dans sa version applicable au litige (aujourd’hui codifié aux articles L. 103-2 et suivants du même code) indiquait que : « Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont fixés par […] le préfet […]. ». Or, depuis 2010, le Conseil d’Etat considérait de manière constante que la délibération prévoyant les modalités de concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ainsi que les objectifs poursuivis par la commune en projetant d’élaborer ou de réviser un document d’urbanisme, constituait dans ces deux volets, une formalité substantielle dont la méconnaissance entachait d’illégalité le document d’urbanisme approuvé (CE, 10 février 2010, Commune de Sainte-Lunaire, n°327149). Il convient d’ailleurs de noter que le document d’urbanisme approuvé était entaché d’illégalité et ce alors même que la concertation aurait respecté les modalités définies par le conseil municipal (arrêt précité du10 février 2010, n°327149). Cette jurisprudence avait entraîné l’annulation de nombreuses délibérations adoptant un plan local d’urbanisme qui emportaient ainsi l’annulation du document d’urbanisme (voir notamment à ce titre : CAA Douai, 27 novembre 2014, n°13DA01104 ; CAA Marseille, 13 avril 2016, n°15MA02002 ; CAA Nancy, 2 juillet 2015, n°14NC01767 ; CAA Versailles, 11 mai 2015, n°13VE00583 ; CAA Douai, 30 avril, 2015, n°14DA01249), ce qui pouvait avoir de lourds impacts pour les finances communales. Il convient néanmoins de noter que l’article L. 300-2 indiquait en son 5e alinéa que « Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux I et II ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées. ». Le Conseil d’Etat a progressivement donné plus d’importance à cette disposition, afin d’éviter qu’une irrégularité qui s’est déroulée en début de procédure conduise à l’annulation du document d’urbanisme (voir notamment CE, 8 octobre 2012, n°338760). Ainsi, dans la décision précitée Commune de Saint-Bon-Tarentaise, le Conseil d’Etat a mis fin à la jurisprudence Commune de Sainte-Lunaire, en considérant que l’illégalité de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un plan local d’urbanisme ne pouvait être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. En effet, la Haute juridiction a estimé dans cette décision que : « si cette délibération est susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir, son illégalité ne peut, en revanche, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoquée contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme » (CE, 5 mai 2017, n°388902). Le Rapporteur public dans cette affaire avait d’ailleurs précisé qu’il s’agissait « d’estimer, du fait des particularités de cette procédure, que cette irrégularité du tout premier acte est structurellement sans influence sur le dernier. » (Conclusions M. Louis DUTHEILLET de LAMOTHE sur CE, 5 mai 2017, n°388902). Le revirement de jurisprudence du Conseil d’Etat visait donc à instaurer le fait que la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme est attaquable dans les délais de recours normaux, mais que…

Illégalité pour vice de procédure d’une délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU) : précisions sur l’application de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme (CE, 23 déc.2014)

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)  En novembre 2014, le Conseil d’Etat avait admis que l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme ne faisait pas obstacle à ce que l’irrégularité d’un document d’urbanisme soit invoquée au-delà d’un délai de six mois après son adoption lorsqu’il n’est pas encore devenu définitif (voir notre analyse ici). Aux termes d’une décision du 23 décembre 2014, le Conseil d’Etat affine son interprétation des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme en examinant une nouvelle situation et en adoptant alors une lecture assez restrictive de cet article (Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 23 décembre 2014, n°368098, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Il s’agit de la décision présentement commentée. En l’espèce, les requérants ont demandé l’annulation d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme. Le Tribunal administratif de Grenoble a fait droit à leur demande par un jugement du 21 juin 2012. Par un arrêt du 5 mars 2013, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé ce jugement en estimant que le contenu de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal du 21 octobre 2005, au cours de laquelle avait été adoptée la délibération prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme, ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales. La commune s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Le Conseil d’Etat a alors censuré l’arrêt de la cour administrative d’appel. Tout d’abord, il a rappelé les dispositions des deux premiers aliénas de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme aux termes desquelles : « L’illégalité pour vice de forme ou de procédure (…) d’un plan local d’urbanisme (…) ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de la prise d’effet du document en cause. / Les dispositions de l’alinéa précédent sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une zone d’aménagement concerté ». Il a ensuite déduit de ces dispositions « qu’un vice de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération ». Il a considéré qu’il était constant qu’en l’espèce, « la délibération du 21 octobre 2005 prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme était entrée en vigueur depuis plus de six mois à la date à laquelle les requérants ont invoqué, à l’appui de leur demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, l’irrégularité de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal au cours de laquelle cette délibération avait été adoptée ». Il en a donc conclu « qu’il appartenait à la cour de relever d’office l’irrecevabilité de ce moyen ; qu’en s’abstenant de le faire, elle a commis une erreur de droit ». Cette décision est intéressante en ce qu’elle considère qu’en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, un vice de forme ou de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un PLU ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération et que cette règle vaut y compris à l’appui d’un recours dirigé directement contre la délibération approuvant ce plan local d’urbanisme. Elle contribue à sécuriser encore plus la procédure d’élaboration des plans locaux d’urbanisme. En effet, le Conseil d’Etat affirme ainsi que l’irrégularité de la délibération initiale de la procédure d’élaboration d’un PLU ne peut être invoquée plus de six mois plus tard lors de la contestation de la délibération finale approuvant le PLU lorsqu’elle a été correctement publiée (date de prise d’effet). Plus encore, le Conseil d’Etat souligne l’erreur de droit commise par la Cour et prétend qu’elle aurait dû relever d’office l’irrecevabilité du moyen. Notons que cette position du Conseil d’Etat était prévisible au regard des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme et ce d’autant plus qu’elle se situe dans la tendance actuelle de limiter le contentieux de l’urbanisme en apportant plus de sécurité juridique aux auteurs des documents d’urbanisme (et, par suite, aux bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme). Au regard de cette décision, nul doute qu’un certain nombre de juridictions vont mettre un terme à plusieurs contentieux en cours sur ce sujet en relevant d’office ce moyen…  

Urbanisme: comment apporter la preuve d’une violation d’une règle d’urbanisme? (Cass, 23 octobre 2013, n°12-24.919)

Dans un arrêt en date du 23 octobre, la Cour de cassation rappelle que la preuve d’une faute résultant de la violation d’une règle d’urbanisme peut être établie par tous moyens (Civ. 3e, 23 oct. 2013, FS-P+B, n° 12-24.919), ce qui peut relativiser la portée d’un certificat de conformité des travaux. En l’espèce, un voisin avait obtenu dans le cadre d’une procédure en référé la désignation d’un expert afin que ce dernier détermine si l’habitation voisine à sa propriété dépassait la hauteur autorisée par le plan d’occupation des sols. Fort du rapport remis, le requérant avait assigné son voisin aux fins de solliciter la démolition de l’habitation et des dommages et intérêts. La Cour d’appel avait rejeté les demandes du requérant aux motifs que le propriétaire attaqué avait obtenu une décision administrative, en l’espèce, un certificat de conformité des travaux eu égard au permis de construire délivré. De cette seule constatation, la Cour avait estimé que la preuve de la  violation des règles d’urbanisme n’est pas apportée et qu’en tout état de cause cette décision administrative prévaut sur le rapport d’expertise judiciaire. La cour de cassation casse le raisonnement de la cour d’appel et précise : « Attendu que pour débouter M. X… de sa demande de dommages intérêts, l’arrêt retient que le 4 octobre 2004, M. Y… s’est vu accorder un certificat de conformité pour les travaux ayant fait l’objet du permis de construire accordé le 12 octobre 2001, que ce certificat, dont la légalité n’est pas contestée, atteste de la conformité des travaux au permis de construire, que cette décision administrative, que le juge de l’ordre judiciaire ne saurait remettre en cause, prévaut sur les constatations effectuées par les experts judiciaires et apporte la preuve qu’aucune violation des règles d’urbanisme ne saurait être reprochée à M. Y… et qu’en l’absence de faute imputable à M. Y… celui-ci ne saurait voir engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil ; Qu’en statuant ainsi, alors que la faute de M. Y…, résultant de la violation d’une règle d’urbanisme et recherchée sur le fondement de l’article 1382 du code civil, pouvait être établie par tous moyens, la cour d’appel a violé le texte ».   En l’espèce, l’arrêt de la Cour de cassation met en relief l’interaction des décisions administratives dans le cadre d’un litige judiciaire. Une fois n’est pas coutume, l’arrêt de cassation souligne la portée trop importante qu’ont accordé les juges du fond à un acte administratif (au demeurant un certificat de conformité) et ce en méconnaissance d’une règle générale de droit civil qui prévoit que la preuve de prétentions peut être apportée par tous moyens.   Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

PLU Intercommunal: le Sénat freine la disposition phare du projet de loi ALUR

Le projet de loi pour l’accès au logement et à l’urbanisme rénové « ALUR »  présenté par la Ministre  de l’égalité du territoire et du logement est passé cette semaine sous les fourches caudines du Sénat. Concernant la partie du projet de loi relative à l’urbanisme rénové, la mesure phare – article 63 du projet – était le transfert du plan local d’urbanisme (ci-après PLU) de plein droit, c’est-à-dire de manière automatique des communes  vers les communautés de communes et d’agglomération. A l’heure actuelle, ces deux institutions intercommunales n’exercent pas à titre obligatoire la compétence d’urbanisme des communes qu’elles regroupent. Ce transfert de compétence n’est possible qu’à titre facultatif lorsque les communes membres en expriment le souhait (en vertu des articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT)). Le Gouvernement veut ainsi aligner sur le même régime juridique toutes les structures intercommunales puisque les métropoles et communautés urbaines qui regroupent au moins 450 000 habitants exercent à titre obligatoire la compétence d’urbanisme (articles L. 5217-4 et L. 5215-20 du CGCT). Alors que l’Assemblée nationale n’a pas cru bon de retoucher le projet du Gouvernement sur ce point, les sénateurs ont fait illustration de l’adage selon lequel le Sénat était l’assemblée « du seigle et de la châtaigne », c’est-à-dire une assemblée attachée au respect du droit des territoires et de la ruralité. En effet, et quand bien même cette disposition serait gage d’une simplification administrative, les sénateurs ont amendé le projet de loi. Les intentions du Gouvernement étaient pourtant louables. En effet, le transfert de plein droit du PLU à la structure intercommunale participait en substance à « assurer une meilleure cohérence des problématiques de l’aménagement », « renforcer la solidarité entre communes grâce au PLU communautaire » afin d’éviter la concurrence des documents d’urbanisme et à « mutualiser les moyens financiers et l’ingénierie » sachant que l’élaboration d’un PLU s’avère couteuse et qu’un PLU intercommunal est censé atténuer les risques contentieux. Malgré tout, par un amendement adopté en commission et inchangé en séance publique, le Sénat durcit les conditions de transfert du PLU à l’établissement intercommunal : D’une part, alors que le projet prévoyait que les communautés de communes et d’agglomération se verraient transférer la compétence le 1er jour du sixième mois suivant la publication de la loi, les sénateurs ont décidé de repousser l’application de l’article au 1er jour de la troisième année suivant la publication de la loi ;    D’autre part, et surtout, le texte revisité introduit une minorité de blocage permettant à un quart des communes représentant 10 % de la population totale de l’établissement intercommunal de s’opposer au transfert du PLU communal vers l’intercommunalité. Les raisons de ce durcissement du transfert du PLU des plus petites communes vers l’échelon intercommunal se trouvent dans la farouche volonté des sénateurs de préserver l’échelon communal qui pourrait être voué à disparaitre. Après la réforme des collectivités territoriales de 2010 favorisant la fusion des communes et l’obligation pour toutes les communes de se rattacher à un établissement intercommunal, l’article 63 tel qu’il était rédigé dans le projet du Gouvernement constituait «  une nouvelle étape sur le chemin de l’évaporation des communes » (sénatrice communiste Mireille SCHURCH). Ainsi, « le texte de la commission protège singulièrement les communes avec une palanquée de garanties » et  « garantit la liberté d’administration des communes, singulièrement des communes rurales, sans obérer l’avenir » (sénateur socialiste Jean-Jacques MIRASSOU). Alors que la Ministre semble s’arranger du compromis trouvé au nom du principe fondamental de libre administration des collectivités territoriales porté par les élus locaux, ce sont les promoteurs immobiliers qui estiment que le texte adopté « prive de réelle efficacité » (Fédération des promoteurs immobiliers) le transfert de la compétence d’urbanisme aux petites intercommunalités  entachant de manière générale toute la force de la partie du projet de loi relatif à la rénovation de l’urbanisme. La suite du processus législatif, à savoir le passage en deuxième lecture dans les deux chambres puis le cas échéant réunion d’une commission mixte paritaire laisse présager que le projet de loi « ALUR » sera encore redessiné par la représentation nationale… Valentin GÜNER Green Law Avocat