Classement en zone inondable du PLU: le contrôle du juge est restreint à l’erreur manifeste d’appréciation (CAA Douai, 13 fév.2014)

Par un arrêt en date du 13 février 2014 (CAA de DOUAI, 13 février 2014, n°12DA00941) la Cour administrative d’appel de DOUAI rappelle le contrôle allégé opéré par le juge sur la qualification en zone “inondable ou humide”. C’est l’occasion de se pencher sur les critères retenus… et de regretter qu’il n’y ait pas davantage d’éclairages jurisprudentiels sur la détermination juridique des “zones humides”. Rappelons qu’il appartient aux auteurs du plan local d’urbanisme de déterminer la partie d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer, en conséquence, le zonage et le classement des terrains en secteur inondable ou humide et ainsi d’encadrer les possibilités de construction. En l’espèce, lors d’une révision du plan local d’urbanisme d’une commune, une parcelle appartenant à un M.B avait été classé en « zone UA, secteur inondable ou humide ». Ce dernier avait alors saisi le Tribunal administratif en vue de faire annuler la délibération par laquelle le Conseil municipal avait approuvé le PLU révisé. Le Tribunal administratif de Rouen avait rejeté sa demande. Dans son arrêt en date du 13 février 2014, la Cour administrative d’appel de DOUAI confirme le jugement de première instance et considère : « … que la parcelle D 951 appartenant à M. B…a été classée, lors de la révision du plan local d’urbanisme de la commune de Fontaine-Le-Bourg, en zone UA dans le secteur inondable ou humide où sont interdits les sous-sols et les constructions ou installations à l’exception de celles autorisées en UA2 ; que le caractère inondable du terrain a été mis en évidence par le bureau d’études Ingétec qui a été chargé, dans le cadre de la procédure de révision du plan local d’urbanisme, de recueillir des informations précises sur les hauteurs d’eau maximales atteintes dans les zones urbanisées lors des dernières inondations et de recenser les habitations et tout autre bâtiment concernés par celles-ci ; que ce caractère inondable s’explique, en l’espèce, par la présence du ruisseau ” la Caplette “, à proximité immédiate de la maison de M.B…, qui communique avec la rivière ” Le Cailly ” ayant débordé à plusieurs reprises et notamment en 1981 ; que M. B… ne conteste, d’ailleurs, pas sérieusement que le bâtiment agricole qu’il a transformé en maison d’habitation a été inondé lors des crues de 1981 ; qu’ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Fontaine-Le-Bourg aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en classant le terrain de M. B… dans le secteur inondable ou humide de la zone UA, alors même qu’il présenterait une altimétrie supérieure à la cote de 85,50 dont il n’est d’ailleurs pas établi qu’elle aurait constitué, pour les auteurs de la modification du plan, le seuil pris en compte pour établir le classement des terrains en secteur inondable ou humide ; ». Au regard de ces éléments factuels, dont la Commune avait connaissance lors de son approbation du PLU, la Cour en déduit que le classement en zone inondable ou humide n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation (c’est-à-dire d’une erreur manifeste). Contrairement à ce qu’il pourrait laisser penser, cet arrêt ne traite pas du classement par un plan local d’urbanisme en « zone humide » (mais se prononce seulement sur le classement en zone inondable). Mais c’est pourtant un aspect qu’il aurait été intéressant d’aborder, tant le besoin de sécurité juridique quant à cette problématique de délimitation de la zone humide est prégnant. En effet, en l’état actuel du droit, en l’absence de zonage, les pétitionnaires sont placés dans la délicate situation de devoir déterminer d’eux-mêmes si le terrain est constitutif ou non d’une « zone humide ». Or, les critères législatifs de détermination d’une zone humide offrent une marge d’appréciation, ce qui tend à placer les pétitionnaires en situation d’insécurité juridique. La notion de zone humide a été définie par le législateur aux termes de l’article L 211-1-I du Code de l’environnement comme « les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année » (C. envir., art. L. 211-1, I). La définition est fondée sur deux critères alternatifs que constituent : les sols hydromorphes (sols gorgés d’eau) et les plantes hygrophiles (plantes adaptées à la vie dans des milieux très humides ou aquatiques). Définition qui s’imposent aux pétitionnaires et à laquelle doivent répondre les différents inventaires et cartes de zones humides, qu’ils soient établis à des fins de connaissance, de localisation pour la planification ou d’action à titre contractuel ou réglementaire (Circ. 18 janv. 2010, NOR : DEVO1000559C, § 4 : BO min. Écologie n°2010/2, 10 févr.). Or, l’appréciation de ces critères est souvent complexe, et peut engendrer des débats scientifiques. Rappelons que compte-tenu de la difficulté à déterminer une zone humide, le juge lui-même a recours à un faisceau d’indices concordants pour mettre en œuvre la qualification de zone humide. A titre d’exemples, notons que ne répondent pas aux exigences de la définition des zones humides, des bois, prairies sèches, d’anciennes cultures et des prés de fauche (TA Orléans, 31 mai 2001, n°002330), de même que des terrains anciennement humides mais qui ne présentent plus ce caractère compte tenu des aménagements tenant à la pose de drains et à la plantation de résineux (TA Besançon, 1re ch., 31 mai 2012, n°1100090). En revanche, des terrains inondables peuvent présenter le caractère de zone humide (TA Strasbourg, 11 avr. 2003, n°99-03578), tout comme une prairie humide située sur une île dans une dépression topographique naturelle et une prairie mésophile (CAA Nantes, 2e ch., 8 oct. 2010, n°09NT01117), ou un marais bordé de fossés et de roselières (TA Caen, 2e ch., 4 févr. 2003, n°011455). Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Vente de terrain: le notaire ne peut se dispenser de conseiller même en cas de certificat d’urbanisme positif ! (Cass, 20 mars 2014)

Par un arrêt en date du 20 mars 2014 (C cass, 20 mars 2014, n° de pourvoi 13-14121) la Cour de cassation rappelle que le notaire est tenu à un devoir de conseil dans le cadre d’une vente avant l’obtention d’un permis de construire. Les faits et la procédure En l’espèce, un notaire avait rédigé un acte authentique de vente d’une parcelle de terrain sur la base d’un certificat d’urbanisme indiquant que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation d’un projet de construction situé en zone littoral. Cependant, le certificat était assorti d’une série d’observations sur les réglementations applicables à la zone Par la suite, le juge administratif avait annulé le permis de construire délivré par le maire au motif de la violation de la loi littoral précisément. L’acquéreur du terrain ayant vu son permis annulé et estimant que le notaire avait manqué à son obligation de conseil, a recherché sa responsabilité devant les juridictions civiles.  La Cour d’appel rejeta l’argumentation de l’acquéreur au motif que l’acte authentique se fondait sur un certificat d’urbanisme positif révélant la possibilité de mener sur la parcelle un projet de construction. Toutefois, dans son arrêt en date du 20 mars 2014, la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle : « […] que pour rejeter les demandes de M. Z…, l’arrêt énonce que M. X…a reçu l’acte authentique de vente sur la base d’un certificat d’urbanisme positif indiquant que le terrain pouvait être utilisé pour la réalisation du projet de construction, cette mention étant précédée d’observations selon lesquelles le terrain était situé ” en partie en zone UB destinée à l’habitation et en partie zone NC protégée en raison de sa valeur agricole ” et ” concerné par les dispositions de la loi du 3 janvier 1986 dite loi littoral en plus de celles du document d’urbanisme applicable de la commune (POS/ PLU) “, que si le permis de construire obtenu le 14 mars 2006 a ensuite été annulé pour violation des dispositions de l’article L. 146-4-1 du code de l’urbanisme en ce que la construction projetée ne s’inscrivait ni en continuité avec les agglomérations et villages existants, ni dans un hameau nouveau intégré à l’environnement, cette circonstance n’induit pas pour autant un manquement de M. X…à son obligation de conseil, dès lors que présumé légal, le certificat d’urbanisme délivré était réputé prendre en compte les restrictions au droit de construire imposées par la loi littoral à laquelle ce document faisait expressément référence ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’un certificat d’urbanisme, document purement informatif, n’ayant pas pour objet d’autoriser une construction ou la réalisation d’une opération immobilière, le notaire, informé d’un projet de construction concerné par la loi du 3 janvier 1986 dite loi littoral, se devait d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques qu’il encourait en s’engageant avant que le permis de construire requis n’ait acquis un caractère définitif, et de l’informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; » La Cour de cassation rappelle les obligations du notaire en cas de vente d’un terrain, fut il l’objet d’un CU positif En tant que professionnel, le notaire aurait donc du en l’espèce attirer l’attention de l’acquéreur sur la situation de la parcelle et la soumission de cette dernière au régime restrictif de la loi Littoral. L’arrêt de la Cour de cassation est intéressant à double titre puisqu’il rappelle :  Que le certificat d’urbanisme est un acte administratif qui n’autorise ni n’interdit rien. A cet égard, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante puisque de nombreux arrêts ont déjà pu souligner qu’un certificat d’urbanisme même positif s’analyse comme un acte d’information qui n’a pas pour objet d’autoriser une construction ou la réalisation d’une opération immobilière (en ce sens C.cass, 1ère civ. 9 juin 2010, n°09-12.995). Que le devoir de conseil est un devoir professionnel obligatoire auquel le notaire ne peut se soustraire sous aucun prétexte et quelle que soit la nature de son intervention (C.cass, 3ème civ. 18 octobre 2005, juris-data n°2005-030336). Le devoir de conseil du notaire est donc un devoir absolu. En vertu de ce devoir de conseil, le notaire doit  s’assurer de la validité, de l’utilité, l’efficacité de son acte, éclairer les parties, attirer leur attention sur les conséquences et les risques des actes qu’il authentifie (C.cass, 1ère civ, 26 novembre 1996, bull. civ 2001, 3ème partie n°20). A noter que l’arrêt de Cour de cassation en date du 20 mars 2014 confirme un courant jurisprudentiel selon lequel il appartient au notaire de se renseigner sur la possibilité de construire sur le terrain au regard du POS ou du PLU en vigueur et mettre en garde les acheteurs contre les conséquences d’un refus d’autorisation de construire (C.cass 1ère civ., 21 février 1995). La Cour de cassation va même encore plus loin en estimant que le notaire « se devait d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques qu’il encourait en s’engageant avant que le permis de construire requis n’ait acquis un caractère définitif, et de l’informer de la possibilité d’insérer une condition résolutoire dans l’acte de vente ». A noter qu’une vigilance particulière doit donc être portée par ces derniers sur la rédaction de l’ensemble des clauses de l’acte authentique puisque seules les carences matérielles de l’acte pourront être sanctionnées par les juridictions judicaires. Les acquéreurs qui sont confrontés à des difficultés en cas de vente avant l’obtention d’un permis de construire ont donc la possibilité de se retourner contre le notaire qui n’aurait pas été suffisamment précis dans l’acte authentique sur les risques entourant l’obtention du permis de construire. Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Construction irrégulière et travaux d’extension : la régularisation des travaux entrepris irrégulièrement doit concerner l’ensemble de la construction (CE, 13 déc. 2013, n°349081)

Dans un arrêt « Commune de Porspoder » (CE, 13 déc. 2013, n°349081 ; consultable ici), le Conseil d’Etat revient partiellement sur une jurisprudence antérieure selon laquelle un maire ne peut légalement accorder un permis de construire portant extension d’un bâtiment prenant appui sur une partie du même bâtiment construite, elle, sans autorisation (CE, 9 juil. 1986, Mme Thalamy, n°51712). Cette jurisprudence était donc limitée aux seuls cas de figure où les travaux pour lesquels l’autorisation était sollicitée prenaient appui sur les éléments irréguliers de la construction, ou en étaient indissociables. En d’autres termes, la Haute juridiction considérait qu’un permis de construire portant sur une construction existante irrégulièrement érigée ne pouvait être accordé sans que cette dernière soit préalablement régularisée (CE, 25 juin 2003, Daci, n°229023). L’arrêt commenté constitue une remise en cause de la jurisprudence « Thalamy » puisque désormais la régularisation de l’existant édifié sans autorisation est indispensable bien que l’extension du bâti ne prenne pas appui sur la partie construite sans autorisation : « Lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ; » La décision « Commune de Porspoder » rompt avec l’exigence du lien physique entre les travaux pour lesquels une autorisation d’urbanisme est requise et les travaux irrégulièrement construits contenue dans la jurisprudence « Thalamy ». L’abandon du lien physique a déjà pu être identifié dans la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, sect., 3 mai 2011, Ely, n° 320545), l’arrêt commenté confirme donc ce durcissement. En l’espèce, un particulier avait déposé une déclaration de travaux pour procéder à l’extension de sa maison d’habitation qui avait fait l’objet de transformations préalables sans en obtenir l’autorisation nécessaire. La déclaration de travaux avait été attaqué par des requérants sur le fondement de la jurisprudence « Thalamy ». Le tribunal administratif de Rennes avait rejeté leur requête au motif que la déclaration des travaux d’extension ne prenait pas appui sur « la partie du bâtiment dont l’irrégularité était alléguée », la jurisprudence « Thalamy » n’étant donc pas applicable en l’espèce. Ce raisonnement a donc été censuré par le Conseil d’Etat qui considère que la régularisation de l’ensemble des travaux irréguliers est un préalable nécessaire à la réalisation des travaux d’extension. Dans un deuxième temps, l’arrêt commenté précise : « qu’il appartient à l’administration de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier, en tenant compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 emportant régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans» L’article L. 111-12 du code de l’urbanisme dispose que : « Lorsque qu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme ». Cet article qualifié de « pardon administratif » dans la doctrine juridique signifie que l’administration qui refuserait de délivrer un permis de construire ou s’opposerait à une déclaration de travaux ne peut pas le faire au motif que les travaux entrepris sur le même bâtiment depuis plus de dix ans n’ont pas fait l’objet de la délivrance d’un permis ou d’une non opposition à une déclaration préalable de travaux. Ainsi l’article L. 111-12 rompt avec une irrégularité perpétuelle de l’immeuble sur le plan administratif à défaut de régularisation a posteriori et a par la même occasion introduit une sécurité juridique pour tout pétitionnaire en cas de mutation de l’immeuble ou de travaux sur celui-ci. En outre, rappelons que l’introduction de cette prescription administrative décennale participe à une cohérence de la prescription des actions sur les travaux irréguliers puisque l’action pénale est enfermée dans un délai de trois ans à compter de l’achèvement des travaux et qu’en matière civile, l’action en démolition des constructions irrégulières s’éteint dans le délai de droit commun fixé à dix ans. Dans l’arrêt «Commune de Porspoder », le Conseil d’Etat mentionne donc que l’autorité administrative amenée à se prononcer sur une demande de permis de construire ou sur une déclaration de travaux doit prendre en compte, dans sa décision, la possible application de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme qui, le cas échéant permettra la régularisation des constructions irrégulières achevées il y plus de dix ans. Valentin GUNER GREEN LAW AVOCAT

La liquidation de l’astreinte pénale en matière d’infractions aux règles d’urbanisme n’est pas contraire aux garanties constitutionnelles (Cass, 4 févr.2014, n°13-83492)

Par un intéressant arrêt en date du 04 février 2014 (C.cass, 4 février 2014, n°13-83492), la Cour de cassation confirme la conformité à la constitution de la possibilité pour l’administration en vertu de l’article L 480-8 du Code de l’urbanisme de liquider une astreinte ayant pour partie un caractère pénal consécutivement à un jugement répressif rendu en matière d’infractions au Code de l’urbanisme. La Cour de cassation était saisie d’une demande de Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) formulée comme suit : « Les dispositions de l’article L.480-8 du code de l’urbanisme permettant à l’administration de liquider une astreinte ayant pour partie un caractère pénal, prononcée par le juge répressif qui a ordonné la remise en l’état des lieux en raison d’une infraction aux règles de l’urbanisme, ne sont-elles pas contraires aux garanties constitutionnelles instituées par les articles 2, 8 et 16 de la déclaration des droits de l’homme aux termes desquelles il appartient à la loi sous le contrôle du juge judiciaire de fixer les peines dans le cadre d’un procès juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties? » Reprenant une solution constante en la matière, la Cour refuse de renvoyer la question au Conseil Constitutionnel :  « Attendu que les dispositions contestées sont applicables à la procédure ; Qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ; Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ; Et attendu que la question posée ne présente pas à l’évidence un caractère sérieux dès lors que la créance d’astreinte liquidée trouvant son fondement dans une décision prononcée par une juridiction répressive en application de l’article L. 480-7 du code de l’ urbanisme, le contentieux de son recouvrement ressortit aux juridictions de l’ordre judiciaire, la circonstance que l’Etat a procédé à la liquidation de l’astreinte prononcée, ainsi que le prévoit l’article L. 480-8 du même code, n’ayant pu modifier ni la nature du litige ni la détermination de la compétence » Cet arrêt est l’occasion de rappeler le régime juridique de la liquidation de l’astreinte consécutivement à un jugement rendu en matière pénale. La possibilité d’assortir une condamnation pénale en urbanisme, non seulement d’une obligation de démolition ou de remise en état, mais plus encore d’une astreinte est prévue à l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme : « Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation; il peut assortir sa décision d’une astreinte de 7,5 à 75 euros par jour de retard Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté. Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus. Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ». L’astreinte permet alors d’accompagner la sanction d’une pression financière. Il est utile de préciser que selon la Cour de cassation « le délai d’exécution de la mise en conformité ne peut courir avant que la condamnation soit devenue définitive » (Crim., 12 décembre 2000, n°00-81771). Sur le plan de la contestation, il convient de noter que la procédure de contestation à l’”état exécutoire” permet de contester le titre exécutoire procédant au recouvrement d’une astreinte prononcée sur le fondement de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme. La pratique veut qu’une phase de recouvrement amiable précède une phase de recouvrement contentieux. Ainsi, un titre de perception est tout d’abord adressé par pli simple au débiteur (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 115) auquel est jointe une lettre invitant le débiteur à régler sa dette dans un certain délai (généralement un mois). Si passé ce délai, le débiteur ne réagit pas, une lettre de rappel peut lui être adressée, suivie, si celle-ci ne produit toujours pas d’effet, d’un commandement de payer. Cependant, il n’est pas rare que l’administration envoie directement un commandement de payer au débiteur de l’astreinte. Ce commandement de payer va constituer le premier acte de poursuite qui procède du titre de perception. S’agissant de la forme de la contestation, l’« opposition à état exécutoire » devra contester le bien fondé du titre exécutoire, à savoir : –        L’existence de la créance ; –        L’exigibilité de la créance ; –        Le montant de la créance. Cependant, avant de saisir la juridiction compétente, le débiteur devra absolument adresser dans les deux mois qui suivent la notification du titre de perception ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause, une réclamation  appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l’ordre de recouvrer (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 118 ; et article R. 480-5 du code de l’urbanisme). Au sens de l’article 116 du décret n°2012-1246 du 07 novembre 2012, le comptable chargé de la mise en œuvre de l’action en recouvrement « est le comptable public du lieu du domicile du débiteur ». A compter du jour où l’autorité compétente reçoit cette réclamation, date dont elle informe le débiteur en lui délivrant un reçu, elle dispose d’un délai de 6 mois pour statuer sur celle-ci. Si à l’issue de ce délai, l’autorité compétente n’a pas notifiée sa décision au débiteur, son silence vaut rejet. Dès lors qu’une décision explicite ou implicite intervient, le débiteur dispose alors d’un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision explicite, ou à compter du jour où est née la décision implicite pour saisir la juridiction compétente (Décret n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 119)….

La cohabitation des éoliennes et des radars : plus que jamais une question d’expert! (CE, 30 déc. 2013, “Sté E.”)

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt ce 30 décembre 2013 qui constitue une nouvelle étape sur le long chemin des opérateurs éoliens cherchant à cohabiter avec un radar météo (CE, 30 décembre 2013, “Ste E.”, n°352693). Cet arrêt fait suite à celui de la Cour administrative d’appel de Douai du 30 juin 2011 qui avait confirmé la légalité d’arrêtés préfectoraux de refus de permis de construire fondés sur la localisation d’un parc éolien dans la zone dite “de coordination” autour d’un radar météo (soit entre 5 et 20km autour du radar). Il n’est pas inutile de rappeler que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai intervenait lui même à la suite d’une expertise ordonnée par ladite Cour, et réalisée par un expert dont il sera établi par la suite qu’il ne présentait pas les garanties d’impartialité requises. En effet, un autre opérateur dont une expertise avait été diligentée devant le TA d’Amiens à l’égard d’un autre radar météo (celui d’Avesnes s/ Helpe, alors que le dossier devant la CAA de Douai et maintenant jugé par le Conseil d’Etat concernait le radar d’Abbeville), avait sollicité la récusation de cet expert, avec succès (voir notre analyse de l’ordonnance de récusation du 10 avril 2012). Un pourvoi en cassation est enregistré en décembre 2011 contre l’arrêt de la CAA de Douai fondé sur l’expertise réalisée par cet expert. Cependant, le Conseil d’Etat par une décision du 30 décembre 2013 rejette ce pourvoi en considérant notamment: “8. Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable : ” Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions projetées, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d’autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ” ; 9. Considérant que la cour a relevé que le projet de champ éolien serait de nature à provoquer ” un affaiblissement de la précision et de la fiabilité des estimations des précipitations à partir des mesures en réflectivité, d’une part, et, surtout, une dégradation de l’évaluation de la vitesse du vent par mode Doppler, d’autre part ” ; qu’elle a également estimé que la société requérante ne pouvait utilement soutenir que les radars utilisés pourraient être adaptés afin de permettre la réalisation de son projet ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt en jugeant que les perturbations engendrées par le parc éolien seraient de nature à altérer le fonctionnement du radar météorologique ne peut qu’être écarté ; 10. Considérant que la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis et qu’elle n’a pas dénaturés une appréciation souveraine en jugeant, par une décision suffisamment motivée et exempte d’erreur de droit, qu’il ressortait des pièces du dossier que les dysfonctionnements induits par les éoliennes sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme en raison de la perturbation importante de la détection des phénomènes météorologiques dangereux qu’elles entraînent, sans réelle possibilité de neutralisation de leurs effetset, par suite, que le préfet de la Somme n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en refusant de délivrer le permis de construire les installations litigieuses ;’ Contrairement à ce qu’un survol de la décision pourrait laisser penser, il nous semble que la Haute juridiction ne pouvait malheureusement pas juger dans un sens différend. D’une part, s’agissant du défaut d’impartialité de l’expert que l’opérateur avait soulevé postérieurement à l’arrêt de la Cour et pour la première fois en cassation, il s’agit là d’un “moyen nouveau”. Juridiquement, il est constant qu’un tel moyen est inopérant (et même sans qu’il soit besoin d’en informer préalablement les parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative : CE, 24 novembre 2010, Commune de Lyon, n° 325195, T. p. 932). C’est profondément regrettable, surtout qu’en l’espèce, le défaut d’impartialité de cet expert avait été reconnu par une décision définitive du Tribunal administratif d’Amiens au sujet d’une expertise sur certains points comparables. C’est dire que le Conseil d’Etat, pour un pur motif de procédure, est contraint de ne pas censurer un rapport d’expertise dont il est de notoriété publique qu’il est profondément biaisé. D’autre part, le juge de cassation n’a pu ici que contrôler, s’agissant des faits qui ont été soumis à l’appréciation des juges d’appel, que leur “dénaturation” . Rappelons que le juge de cassation suit le principe selon lequel il ne contrôle pas les faits en cassation. Notamment, il s’interdit de contrôler les éléments de preuve car ils relèvent de la souveraineté des juges du fond (CE, 7 mars 1962, Jaffré : Rec. CE, tables, p. 1086. – 19 janv. 1966, Lion Mayer : Rec. CE, p. 43. – 13 nov. 1991, Brami, req. n° 98515. – sect., 10 juill. 1992, Normand : Rec. CE, tables, p. 889-905. – 22 mars 1993, CHR de Brest : Rec. CE, p. 79). Néanmoins, certains contrôles peuvent encore être opérés en cassation, comme celui de la “dénaturation des faits”. La dénaturation des faits peut permettre au juge de cassation de sanctionner les appréciations opérées par le juge du fond à partir du moment où elles ont donné des faits une interprétation fausse ou tendancieuse (CE, 4 janv. 1952, Simon : Rec. CE, p. 13, concl. M. Letourneur. – 9 févr. 1966, com. Gouv. près la commission régionale des dommages de guerre de Colmar c/ Dame Debré-Feldbau : Rec. CE, p. 101. – 16 mars 1975, Bischoff : RD publ. 1975, p. 1453. – 3 déc. 1975, Bové : RD publ. 1976, p. 618. – 25 nov. 1985, Dame Frapier de Montbenoît-Gervais : Rec. CE, p. 911. – 23 juin 1993, Cne de Lespinasse, req. n° 129363. – 13 déc. 1993, Albert Beaume, req. n° 117130 : Dr. fisc. 1994, n° 13, comm. 644, concl. Loloum. – 26 janv. 1994, Knafo : Dr. fisc. 1994, n° 15, comm. 751. – 26 janv. 1994, Panas : Dr. fisc. 1994, n° 18, comm. 831. –…