Les projets ENR (éolien, solaire, hydroélectricité etc.) temporairement reconnus d’intérêt public supérieur par le droit européen (règlement UE 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022)

Les projets ENR (éolien, solaire, hydroélectricité etc.) temporairement reconnus d’intérêt public supérieur par le droit européen (règlement UE 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022)

Par Maître Sébastien BECUE, avocat of counsel (Green Law Avocats).

Un nouvel épisode marquant sur la question de l’articulation entre protection de la biodiversité et développement des énergies renouvelable: l’adoption du règlement temporaire du 22 décembre 2022.

Entrepôts : consultation publique

Par maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 26 Septembre dernier, un incendie de grande ampleur s’est déclarée à Rouen sur le site de Lubrizol, classé Seveso seuil haut, et sur celui des entrepôts de Normandie Logistique, soumis eux à un régime de déclaration. C’est dans ce contexte que 9 mois plus tard le Gouvernement sollicite l’avis du public sur un projet de renforcement réglementaire, constituant le volet « Entrepôts de matières combustibles » du plan d’action gouvernemental lancé pour tirer les conséquences de l’accident. Le but de ce projet est de modifier la nomenclature des ICPE ainsi que la nomenclature relative à l’évaluation environnementale des projets tout en revoyant les prescriptions applicables à certaines installations. Le 26 Juin, le Ministère de la Transition écologique et solidaire a en effet ouvert une consultation publique relative à un projet de décret et d’arrêté visant plus particulièrement à modifier les seuils d’autorisation et à renforcer les prescriptions de certains entrepôts de stockage classés au titre des rubriques 1510 (entrepôts couverts), 1511 (entrepôts frigorifiques), 1530 (papier), 1532 (bois), 2662 et 2663 (matières plastiques). Concernant la nomenclature ICPE, le projet vise d’abord à considérer le classement de l’installation au niveau de l’entrepôt dans son ensemble et ainsi limiter les doubles classements conduisant in fine à appliquer un régime administratif moins contraignant. Ensuite, il prévoit de revoir à la hausse le seuil d’autorisation pour les installations relevant de la rubrique 1510 (900 000 m³ contre 300 000 m³  actuellement). Enfin, il réserve l’autorisation au stockage de plus de 50 000 m³ de produits susceptibles de dégager des poussières inflammables pour la rubrique 1532 et supprimer le régime d’autorisation pour les rubriques 1511 (sous réserve des obligations liées à l’évaluation environnementale), 1530, 2662, 2663. S’agissant de l’évaluation environnementale, le projet modifie les règles de soumission à l’évaluation environnementale systématique en prévoyant qu’y seront soumis les projets de plus de 40 000 m2 d’emprise au sol dans un espace non artificialisé au lieu de 40 000 m² de surface de plancher auparavant. Ces évolutions de nomenclatures s’accompagnent d’une modification des prescriptions applicables aux rubriques 1510, 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663 à compter du 1er Janvier 2021. Le projet d’arrêté a en effet pour objectifs de renforcer les prescriptions relatives aux entrepôts couverts, d’imposer des prescriptions nouvelles aux entrepôts existants compte tenu des enjeux de sécurité, et d’adopter des mesures transitoires permettant de prendre acte de la modification de la nomenclature ICPE. Parmi les nouvelles prescriptions applicables aux établissements couverts figurent notamment la mise à disposition des éléments des rapports de visites de risques qui portent sur les recommandations issues de l’analyse des risques menée par l’assureur, à l’inspection des installations classées, le renforcement des informations minimales contenues dans les études de dangers, ou encore le renforcement des prescriptions relatives à l’éloignement des stockages extérieures et des zones de stationnement susceptibles de favoriser la naissance d’un incendie pouvant se propager à l’entrepôt. Ces prescriptions de nature sécuritaires font suite à la volonté affichée du Gouvernement de sensibiliser davantage les exploitants des installations classées sur l’importance du partage de la connaissance des risques accidentels issue de l’étude de dangers en insistant sur la nécessité pour ces derniers de connaître en temps réel la nature, les quantités et les emplacements des produits présents sur leurs sites, tout en leur rappelant leur entière responsabilité sur la conformité de leurs installations, au regard de leurs études de dangers. On sait que le président de la commission d’enquête du Sénat, chargée d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences de l’accident de Lubrizol, dénonce des défaillances patentes dans l’information des élus et du public dans la gestion cette catastrophe caractérisant un « manque de culture du risque » en France. On mesure tout l’intérêt pour les citoyens de se prononcer en cet été un peu spécial sur ledit projet… la culture du risque sanitaire devrait encore se doubler d’une participation estivale à la prévention du risque technologique. Mais gageons que nos concitoyens ont encore jusqu’au 17 Juillet 2020 pour émettre leur avis à ce propos sur le site internet du Ministère. A minima l’exécutif aura donné l’impression d’avoir mobilisé les DREAL sur le sujet en dotant l’Inspection des installations classées de nouveaux instruments réglementaires dans une période où dire c’est faire … Une fois de plus le droit de l’environnement se donne bien à voir comme le droit des catastrophes où chaque sinistre suscite sa réforme réglementaire ou législative (on pense bien évidemment à la loi Bachelot de 2003 après la catastrophe d’AZF), voire communautaire (Avènement du droit Seveso du nom de la même catastrophe chimique connue par l’Italie). On se demande au final si cette gesticulation réglementaire était vraiment indispensable. Mais une autre réalité va vite rattraper l’inspection des Installations classées : la France est devenue une terre d’entrepôts avec ses 78 millions de m² d’entrepôts et de plateformes logistiques (EPL) d’au moins 5 000 m² pour stocker sa production. Et les DREAL des Hauts-de-France et Auvergne Rhône Alpes qui doivent gérer près de 58 % de ces EPL ne doivent pas oublier que le secteur emploie 165 000 personnes pour   l’entreposage et la manutention alors que la logistique représente près de 10% de la population active… En période de crise économique et de risque de confinement il faut de surcroît encore prendre garde de ne pas menacer nos capacités de stockages qui servent une consommation exsangue …

Vous avez dit simple la déclaration ICPE ?

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La Cour administrative de Bordeaux (CAA Bordeaux, 5e ch., 17 déc. 2019, n° 17BX03677) vient de censurer en ces termes le Tribunal administratif de Poitiers (Tribunal administratif de Poitiers, 27 septembre 2017, N° 1500942) pour avoir rejeté l’intérêt agir à des requérants contre le récépissé de déclaration d’une installation de méthanisation délivré le 1er avril 2014 :  « 4. Il résulte de l’instruction que le projet en litige est implanté dans une zone de bocages dédiée à l’activité agricole. Les pièces du dossier, et notamment des vues aériennes produites par les requérants eux-mêmes, établissent que M. et Mme H…-J…, Mme I…, M. et Mme Q… demeurent …. S’il n’est certes pas établi au dossier que la construction projetée serait visible depuis les demeures des requérants, il n’en reste pas moins que la distance de 750 mètres est relativement faible s’agissant d’une usine destinée à traiter en moyenne 29,9 tonnes de matières par jour. A cet égard, les requérants font valoir que l’unité de méthanisation projetée entraînera pour eux des nuisances olfactives. Il résulte de l’instruction que le stockage des déchets avant incorporation dans le digesteur est de nature à émettre des odeurs même si les fumiers acheminés sur le site doivent être entreposés dans des structures bétonnées et bâchées, les digestats liquides stockés dans une structure couverte et les digestats solides placés sous abri. Eu égard aux nuisances olfactives susceptibles d’être engendrées par le processus de méthanisation, alors même que celui-ci ne se réalise pas à l’aire libre, à l’épandage des matières, même si ce processus est moins odorant que lorsqu’il concerne des matières brutes, et à la distance relativement faible qui séparent les bâtiments autorisés des habitations de M. et Mme H…-J…, Mme I…, M. et Mme Q…, ces derniers justifient d’un intérêt suffisant à contester le récépissé de déclaration en litige, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité des conclusions présentées par les autres demandeurs de première instance.». Est-il bien raisonnable de reconnaître un intérêt agir à des requérants aussi éloignés d’une installation de méthanisation, sans une réelle problématique d’épandage ? Les actions juridictionnelles dont sont trop souvent désormais victimes les exploitants d’installations d’élevage et de méthanisation  mériteraient sans doute une approche moins subjective de la recevabilité et assurément mieux fondée scientifiquement. Il serait opportun que le Conseil d’Etat joue ici son rôle pour préserver la filière agricole d’actions contentieuses qui ne devraient pas passer le cap de la recevabilité, tant l’agribashing devient insupportable pour les éleveurs… certaines actions sont tellement menées avec virulences qu’elle peuvent conduire à des renoncements à projet avant même d’être jugées ! L’on sait au demeurant que le financement sur recours, s’il n’est pas impossible, demeure extrêmement coûteux psychologiquement pour le porteur de projet et contre nature dans la culture bancaire française… Certes on peut se rassurer à la lecture de l’arrêt rendu parc la CAA de Bordeaux, dès lors que la Cour rejette au fond tous les moyens articulés contre le récépissé et en particulier s’agissant de la complétude du dossier (CE, 23 mars 1990, n° 62 644) ou du classement (solution classique s’agissant d’un tonnage journalier : cf. CAA Paris, 5 nov. 1998, n° 97PA01612) : « En deuxième lieu, il résulte de l’instruction que la demande de récépissé comportait un plan cadastral et un plan de localisation des bâtiments projetés. Il comportait aussi des développements sur la question du traitement des bruits et des odeurs en lien avec le fonctionnement de l’installation. Par suite, le contenu de la demande respectait sur ces points les exigences de l’article R. 512-47 du code de l’environnement. En troisième lieu, le dossier de déclaration comportait un volet explicitant le choix du lieu d’implantation de l’installation et son intégration dans le paysage. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier de déclaration est conforme sur ce point aux exigences de l’article 2.2 de l’annexe I à l’arrêté du 10 novembre 2009 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées de méthanisation soumises à déclaration. En quatrième lieu, selon la rubrique n° 2781 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement annexée à l’article R. 511-9 du code de l’environnement, les unités de méthanisation qui traitent moins de 30 tonnes par jour relèvent du régime de la déclaration et, au-delà de ce seuil, du régime de l’enregistrement. Le dossier de déclaration déposé par la société Méthane Invest Bleu indique que la quantité totale annuelle d’effluents traités est en moyenne annuelle de 10 910 tonnes, soit 29,9 tonnes par jour et non de 11 910 tonnes, valeur correspondant aux tonnages maximum que l’usine de méthanisation est en mesure de traiter. Par suite, le projet de la société Méthane Bleu Invest relevait du régime de la déclaration et non de celui de l’enregistrement » Mais l’on relève tout de même un contrôle du récépissé qui dépasse la seule complétude du dossier pour voire le juge se saisir du respect des intérêts protégés par la loi  par la décision de délivrance: « 12. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l’article L. 512-8 du code de l’environnement : ” Sont soumises à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l’article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d’assurer dans le département la protection des intérêts visés à l’article L. 511-1 “. 13. Il résulte de l’instruction que le terrain d’assiette du projet se situe dans une zone de nature ne présentant pas, par elle-même, de caractère ou d’intérêt particulier et dépourvue aussi de monuments historiques ou encore de sites protégés. Par ailleurs, l’installation doit fonctionner parmi un ensemble de bâtiments agricoles déjà existants. Dans ces conditions, le préfet ne saurait être regardé comme ayant méconnu les intérêts protégés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement en délivrant le récépissé en litige ». Effectivement le moyen des requérants sollicitait bien du juge qu’il contrôle le respect de prescriptions techniques par la délivrance dès lors que les appelantes soutenaient que : « l’installation d’une…

Publication d’un ouvrage sur la responsabilité environnementale et son assurance

Maîtres David Deharbe et Sébastien Bécue ont le plaisir de vous annoncer la publication, aux éditions de l’Argus de l’assurance, de leur ouvrage intitulé « Assurer le risque environnemental des entreprises », dont vous trouverez ci-dessous la (belle) couverture et la table des matières détaillée :   L’originalité de l’ouvrage, outre le fait qu’il soit le premier aussi détaillé sur le sujet, réside dans son approche à la fois théorique et pratique.   Des sources de l’action en responsabilité environnementale Le rappel exhaustif des sources juridiques mobilisables dans le cadre d’une action en responsabilité environnementale (la police administrative des installations classées, les troubles anormaux du voisinage, les régimes de responsabilité civile pour faute et du fait des choses, les régimes spéciaux, la loi sur la responsabilité environnementale et le préjudice écologique)     La pratique de l’action en responsabilité environnementale Les spécificités procédurales liées à certaines actions (procédure civile, action en préjudice écologique, action de groupe environnementale, articulation avec l’action pénale, les questions liées à la réparation du préjudice écologique)     Une présentation pratique des possibilités d’assurance des risques environnementaux Un historique du développement de l’assurance des risques environnementaux ainsi qu’une présentation et analyse avec exemples des principaux contrats d’assurance disponibles sur le marché L’ouvrage est à jour de l’inscription du préjudice écologique dans le code civil.                                                                                                  

Le risque d’émission de particules fines n’a pas systématiquement à être analysé par l’étude d’impact d’une installation de méthanisation (CE, 13 mars 2019, n°418949)

Un arrêt récent du Conseil d’Etat précise l’absence de nécessité d’analyser par principe le risque d’émission de particules fines dans l’étude d’impact d’une installation de méthanisation (CE, 13 mars 2019, n°418949) Aux termes d’un premier arrêt en date du 11 janvier 2018 (n°16LY00015), la Cour administrative d’appel de Lyon avait décidé d’annuler une autorisation d’exploiter une installation de méthanisation projetée en Isère au motif que l’étude d’impact n’analysait pas le risque d’émission potentielle de particules fines PM 2,5. Les termes de l’arrêt étaient particulièrement généralistes. Cet arrêt avait surpris les porteurs de projet comme les juristes environnementalistes : si l’article R. 122-5 du code de l’environnement, qui détermine le contenu de l’étude d’impact, indique que l’étude doit comporter « une estimation des types et des quantités de résidus et d’émissions attendus, tels que la pollution de (…) l’air », il ne précise pas que les particules PM 2,5, en particulier, aient obligatoirement à faire l’objet d’une analyse spécifique. Pour savoir quels types et quantités de résidus doivent être analysés, il convient de se référer au principe de proportionnalité qui gouverne l’interprétation du contenu de l’étude d’impact, prévue au I du même article R. 122-5, et qui indique en substance que ce contenu varie d’une part selon la sensibilité environnementale de la zone et d’autre part selon l’importance et la nature du projet ainsi que ses incidences prévisibles. Or sans faire référence à ce principe de proportionnalité, la Cour avait estimé de manière générale que « l’étude d’impact jointe à la demande d’autorisation d’une installation entraînant des rejets dans l’air doit notamment présenter une analyse précisant la quantité de particules “PM 2,5” émises par l’installation et la contribution de ces émissions à la pollution de l’air ». Ainsi rédigé, ce considérant portait en germe le danger de faire croire qu’il allait pouvoir s’appliquer à tout type d’installation susceptible de provoquer des émissions atmosphériques. La Cour fondait cette obligation sur les dispositions du code de l’environnement relatives à la surveillance de la qualité de l’air, qui ne prévoient pourtant aucune obligation pour les porteurs de projet : ces dispositions imposent à l’Etat de fixer un objectif national de réduction de l’exposition notamment aux particules fines. Juridiquement, la Cour a donc commis une erreur de droit qui a été sanctionnée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 13 mars 2019. Le Conseil d’Etat rappelle le principe de proportionnalité du contenu de l’impact et conclut que : « en jugeant que le défaut, dans l’étude d’impact, d’analyse spécifique relative aux particules PM 2,5 susceptibles d’être émises par l’installation projetée avait nui à l’information de la population et, par suite, entaché d’irrégularité la procédure d’adoption de l’arrêté attaqué, sans rechercher si les incidences prévisibles de ces émissions justifiaient une telle analyse, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit ». La nécessité d’étudier ce risque dépend donc du contexte : sensibilité de la zone, nature du projet ainsi que de ses incidences prévisibles. La décision de la Cour sera donc intéressante à étudier, car elle devra se justifier conformément à la décision du Conseil d’Etat, c’est-à-dire en recherchant si les incidences prévisibles des émissions de particules fines de l’installation justifiaient en l’espèce qu’il ait été procédé à une telle analyse sur les particules 2,5PM.