Biogaz: aperçu de jurisprudences intéressantes (recevabilité opposants, étude d’impact, avis de l’AE)

L’année 2018 et le début d’année 2019 ont donné lieu à plusieurs jurisprudences relatives aux unités de méthanisation. Une sélection des décisions obtenues par le cabinet ces derniers mois permet de constater l’importance de la qualité des dossiers initiaux, des réponses techniques apportées par le demandeur et illustrent un pragmatisme de la juridiction administrative. La connaissance des moyens de régularisation d’éventuelles vices participe à favoriser les chances de succès pour les projets de plus en plus souvent contestés. Le Tribunal administratif de Rennes a ainsi porté plusieurs appréciations intéressantes: Selon ses caractéristiques, une installation de méthanisation peut constituer une « installation agricole » et un « équipement collectif compatible avec l’exercice d’une activité agricole » (TA Rennes, 8 juin 2018, n°1602011, 1700566 – jurisprudence cabinet) La seule référence aux critères du code rural (intrants majoritairement d’origine agricole et détention majoritaire de la structure par un exploitant agricole) ne peut suffire à fonder le caractère agricole d’une installation de méthanisation (CE, 14 fév. 2007, n°282398 ; CAA Douai, 30 nov. 2017, n°15DA01317), mais constitue certes un sérieux indice, quoique non déterminant. Une analyse au cas par cas des caractéristiques de l’installation s’impose, dans le respect de l’indépendance des législations. Pour en savoir plus, le cabinet en détaille la portée ici. Comme les éoliennes ou les centrales solaires (CE, 13 juillet 2012, n°343306), les installations de méthanisation, dès lors que l’électricité ou le gaz qu’elles produisent est renouvelable et destiné à alimenter le réseau public de distribution, sont susceptibles d’être qualifiées d’équipements collectifs. Là encore, selon la rédaction des documents d’urbanisme, il reste à procéder à une analyse au cas par cas des caractéristiques de l’installation pour justifier de la compatibilité de l’installation avec l’exercice de l’activité agricole. ****************************** D’autres décisions rendues par les juges du fond et le Conseil en matière de méthanisation, se sont prononcées sur : l’indépendance de l’autorité environnementale, après une analyse pragmatique du juge administratif. l’appréciation du risque hydraulique, en particulier des eaux pluviales chargées. la recevabilité de tiers riverains à 400 mètres, qui a été refusée au regard de la configuration des lieux et des dispositions prises en process; la recevabilité d’une entreprise exerçant une activité sur la parcelle voisine et alléguant de risques. Sa recevabilité a été rejetée par le Tribunal, les risques allégués n’étant pas constitués au regard de la nature des activités exercées et la configuration des lieux; L’absence de nécessité automatique de mener une analyse de la pollution atmosphérique sur les particules de taille 2.5PM pour les installations de cogénération. Le Conseil d’Etat a ainsi  rappelé la règle importante de proportionnalité de l’étude d’impact.

ENR: les 10 propositions du groupe de travail éolien

Par Me Sébastien Bécue (GREEN LAW AVOCATS) Le cabinet est auteur d’un manuel en droit de l’éolien publié par LE MONITEUR Nous l’évoquions en fin d’année dernière, « il est toujours autant nécessaire de simplifier le développement de l’éolien ! » si la France veut tenir ses objectifs de développement des énergies renouvelables. Le groupe de travail « éolien » présidé par Sébastien LECORNU, Secrétaire d’Etat rattaché au ministère de la Transition écologique et solidaire, a rendu ses conclusions le 18 janvier 2018. Il ressort de leur lecture que si la démarche ne répond évidemment pas à l’ensemble des attentes de la profession, elle va au-delà de la simple volonté d’affichage. On peut en espérer une amélioration des conditions de développement des projets de parc même si certaines de ces mesures mériteraient des commentaires plus détaillés. Voici les 10 propositions retenues : 1° Suppression du double degré de juridiction pour les éoliennes terrestres. 2° Cristallisation automatique des moyens invocables au bout de deux mois après introduction du recours 3° Rédaction d’une instruction ministérielle encadrant l’appréciation par le Préfet des conditions d’autorisation du « repowering » 4° Renforcement de la motivation des avis conformes de la DGAC et réexamen de certaines zones d’entraînement aérien propices à l’éolien 5° Suppression de l’autorisation d’approbation d’ouvrage (APO) pour les câbles inter-éoliens et les raccordements 6° Autorisation du balisage fixe des éoliennes 7° Accompagnement des collectivités dans la définition de leur démarche paysagère 8° Garantie que minimum 20 % des retombées fiscales des éoliennes reviennent aux communes d’implantation 9° Rédaction d’un guide des bonnes pratiques entre développeur éolien et collectivité et création d’un réseau national d’accompagnement des collectivités dans leur démarche de développement 10° Systématisation des bonus « financement participatif » dans les appels d’offres

Contentieux des autorisations d’urbanisme : le pétitionnaire tétanise les requérants !

Par David DEHARBE (Green Law avocat)   Le droit ne s’use que si l’on ne s’en sert part. Cet adage que le Blog de Green a longtemps affiché  nous rappelle que multiplier à outrance les obstacles à l’exercice du droit au recours pourrait bien tétaniser les requérants. Imaginez un peu : le riverain attaque le permis de son voisin et se retrouve condamné à lui payer 82. 700 euros de dommages-et-intérêts ! C’est exactement ce que vient de décider le Tribunal administratif de Lyon (Jugement du Tribunal administratif de Lyon, du 17 novembre 2015, n°1303301), son jugement ayant été pour le moins remarqué (cf. JLE 31.03.16 mais aussi le Moniteur.fr 21.03016). L’on sait qu’aux termes de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (…) ». Le Tribunal administratif de Lyon considère ces dispositions comme étant d’applicabilité directes : « ces dispositions, qui instituent des règles de procédure concernant les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont, en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours, quelle que soit la date à laquelle est intervenue la décision administrative contestée ». Cette solution rejette implicitement l’idée que les dispositions de l’article L600-7 du code de l’urbanisme « affecte[nt] la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative » (C.E., 11 juillet 2008, n°313386). Pourtant il a été jugé que les dispositions nouvelles des articles L. 600-1-2  du code de l’urbanisme et de l’article L. 600-1-3 du même code affectent la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision administrative. Elles sont dès lors, en l’absence de dispositions contraires expresses, applicables aux seuls recours formés contre les décisions intervenues après leur entrée en vigueur (CE , avis, 18 juin 2014, SCI Mounou et a., n° 376113: Lebon; AJDA 2014. 1292; D. 2014. 1378; JCP 2014. 950, note Eveillard; AJCT 2014. 564, obs. Mehl-Schouder –  CE 8 juill. 2015, SARL Pompes Funèbres Lexoviennes, no 385043: Lebon T.; AJDA 2015. 2355). Il est vrai qu’avec l’article L600-7 du code de l’urbanisme le requérant est seulement exposé à une action reconventionnelle, au demeurant déjà ouverte par un recours direct  du pétitionnaire devant le juge civil ; le REP pour être exposé à un risque n’est pas directement affecté dans sa substance même, comme il en va par exemple d’une restriction de l’intérêt à agir du requérant (sur ce point la jurisprudence demeure nuancée précitée) ; admettons. Le jugement est encore riche d’enseignements sur les conditions d’une réussite de l’action indemnitaire et reconventionnelle, répliquant au recours abusif contre le permis de construire. D’abord s’agissant d’un recours qui excède la défense des intérêts légitimes du requérant, le jugement relève que la requête prend fait et cause pour la défense d’un chalet séparé du projet par un terrain nu et ne peut se réclamer d’une perte d’intimité ni d’ailleurs de l’exposition à un quelconque risque ;  cela fait douter le Tribunal de l’intérêt à agir des deux seuls requérants recevables qui d’ailleurs n’en justifieront que tardivement pendant l’instance, ayant très tôt suscité une fin de non-recevoir à ce sujet. Mais surtout le Tribunal relève que la requête comporte des moyens inopérants ou non fondés et s’inscrit dans un « conflit politique » ayant suscité une publicité excessive du recours et la mise en cause des fonctions d’élu d’un des défendeurs. Quant au préjudice réparé, il est apprécié par le Tribunal comme étant essentiellement constitué par la perte de la somme de 60 000 euros au titre des pertes de revenus locatifs imputables au recours abusif. De même le portage financier du projet sur fond privé ouvre ici droit à 15 000€ de réparation. Remarquons que le préjudice moral ou d’angoisse n’est pas indemnisé dès lors que le Tribunal relève qu’il s’inscrit dans le contexte du conflit politique du recours. Gageons que ce jugement fera date en ne laissant aucune partie indifférente : il tétanise le requérant et stimule le pétitionnaire pour se défendre au moyen d’une demande indemnitaire reconventionnelle !

Urbanisme : l’absence d’impartialité des conseillers municipaux n’en fait pour autant pas des conseillers intéressés (CE, 22 février 2016, n°367901)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Le Conseil d’Etat, dans une décision très récente (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 22 février 2016, n°367901, mentionné au recueil Lebon), a rappelé que le fait que des conseillers municipaux ne soient pas impartiaux lors de la participation à une délibération ne permettait pas nécessairement de les qualifier de conseillers « intéressés ». Les faits de l’affaire étaient les suivants. Une société a été autorisée à exploiter une centrale d’enrobage à chaud et une installation de recyclage de déblais de terrassement au sein d’une zone d’activités d’une commune, et dans laquelle était autorisée, selon le plan local d’urbanisme alors en vigueur, l’implantation d’installations classées pour la protection de l’environnement. Cependant, que par une délibération du 25 mars 2009, le conseil municipal a approuvé une modification du plan local d’urbanisme interdisant, dans ce secteur, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation et toute installation connexe. Deux conseillers municipaux, anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités, avaient participé au vote et la délibération avait eu précisément pour objet de modifier le règlement du plan local d’urbanisme pour interdire, dans le secteur concerné, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation. La société exploitante et la société réalisant la zone d’activités ont demandé l’abrogation de cette délibération. Par une décision du 22 octobre 2009, le maire de la commune a refusé de donner suite à leur demande d’abrogation. Les deux sociétés ont alors introduit un recours en annulation devant le tribunal administratif de Toulouse qui, par un jugement du 28 juillet 2011, a rejeté leur requête. Ce jugement a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Bordeaux par un arrêt du 19 février 2013 contre lequel ces sociétés se pourvoient en cassation. Plusieurs moyens étaient invoqués pour contester le refus d’abrogation. En particulier, il était soutenu la délibération litigieuse du 25 mars 2009 avait été adoptée en méconnaissance de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT), dès lors que deux conseillers municipaux, anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités, avaient participé au vote et que la délibération avait eu précisément pour objet de modifier le règlement du plan local d’urbanisme pour interdire, dans le secteur concerné, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation.   Rappelons qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires » Il résulte de ces dispositions que « la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération, par une personne intéressée à l’affaire qui fait l’objet de cette disposition est de nature à entraîner l’illégalité de cette délibération ; que, de même, la participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération, par une personne intéressée à l’affaire qui fait l’objet de cette disposition, est susceptible de vicier la légalité de cette délibération, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation au vote de la délibération litigieuse, dès lors que la personne intéressée a été en mesure d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse » (Conseil d’État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21 novembre 2012, n°334726, mentionné aux tables du recueil Lebon). Lorsqu’un ou plusieurs membres du conseil municipal intéressés à l’affaire  ont pris part à une délibération, deux situations nous paraissent devoir être distinguées : –       Dans l’hypothèse où le conseiller municipal participe au vote de la délibération, il suffit qu’il ait un intérêt à l’affaire  pour que ladite délibération soit illégale : –       Dans l’hypothèse où le conseiller municipal ne participe  pas au vote de la délibération mais qu’il a participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption de cette délibération, il doit avoir été susceptible d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse pour qu’elle soit illégale.   Il convenait donc de déterminer si , en l’espèce, le fait que des conseillers municipaux soient des anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités devait conduire à les qualifier de conseillers « intéressés » à la délibération portant sur une modification du plan local d’urbanisme ayant pour objet de restreindre ce type d’activité sur la commune. La notion d’intérêt à l’affaire est difficile à appréhender. En principe, l’intérêt à l’affaire existe dès lors qu’il ne se confond pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune   (Conseil d’Etat, Section, 16 décembre 1994, n°145370, publié au recueil Lebon). En matière d’association, il a déjà été jugé à propos d’un maire ayant participé à une délibération en vue d’attribuer un local à l’association qu’il présidait devait être considéré comme ayant un intérêt à l’affaire car « l’association, bien que dépourvue de but lucratif, poursuivait des objectifs qui ne se confondaient pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune ». (Conseil d’Etat, Section, 16 décembre 1994, n°145370, publié au recueil Lebon ; voir également en ce sens Conseil d’Etat, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 9 juillet 2003, n°248344, mentionné aux tables du recueil Lebon). De même, lorsque plusieurs conseillers municipaux sont membres d’une association ayant obtenu, devant le tribunal administratif, l’annulation d’une délibération du conseil municipal de la commune adoptant le projet de révision du plan d’occupation des sols, ils ne peuvent participer au vote tendant à décider si le maire pouvait être autorisé à faire appel dudit jugement car leur intérêt, en l’espèce, n’était pas distinct de celui de l’association, et qu’ils devaient ainsi être regardés comme intéressés aux questions contentieuses pendantes entre la commune et l’association (CAA Paris, Plénière, 9 octobre 1997, n°97PA00998, publié au recueil Lebon) En revanche, lorsque l’association poursuit des objectifs communs avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune, il en va différemment. Ainsi, le Conseil d’Etat a pu juger que le fait…