ZDE/ potentiel éolien: le Conseil d’Etat précise les contours de la détermination du potentiel éolien de la zone

Alors que les Zones de Développement de l’Eolien vont peut être disparaitre (voir notre article qui y est consacré) le Conseil d’Etat vient apporter des précisions sur la caractérisation du potentiel éolien de telles zones par 2 décisions en date du 30 janvier 2013 (Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-section réunies, 30 janvier 2013, n°355370 et n°355870).  En effet, au sens de l’article 10-1 de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 aujourd’hui partiellement codifié à l’article L.314-9 du code de l’énergie, le préfet de département définit les ZDE en fonction notamment de leur potentiel éolien. Or, aucun texte juridiquement contraignant n’est venu préciser la manière dont le potentiel éolien devait être caractérisé pour justifier de la création d’une ZDE. Par conséquent, c’est au juge administratif qu’est revenue la lourde tâche de définir quels éléments sont suffisants pour permettre une bonne appréciation du potentiel éolien par le préfet, et le résultat obtenu était alors inquiétant.   Seules des campagnes de mesure de vent sur le futur site de la ZDE semblait pouvoir trouver grâce à ses yeux (CAA Bordeaux, 2 novembre 2011, n°10BX02747), bien qu’il ne fut jamais capable de le dire explicitement, préférant relever que « si le législateur n’impose pas au pétitionnaire de réaliser des mesures de vent, le projet doit néanmoins se fonder sur des évaluations et des informations météorologiques permettant une estimation réaliste du potentiel éolien au regard des caractéristiques propres de la zone étudiée » (CAA Marseille, 04 juillet 2011, n°09MA00457).  Dans la lignée de cette jurisprudence, la Cour administrative de Bordeaux avait annulé une ZDE dont le potentiel éolien avait « seulement » été évalué à partir des données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien et dont la fiabilité des résultats avait pourtant été vérifiée sur pas moins de 14 stations météorologiques de la région (CAA Bordeaux, 02 novembre 2011, n° 10BX02176). Il arrivait même au juge d’être encore plus sévère et de décider que malgré une campagne de vent réalisée sur le site du projet de ZDE et l’indication dans le dossier de demande de la vitesse moyenne mesurée de vent à 50 mètres de hauteur, l’absence de preuve que les résultats intégrales et la méthodologie de cette campagne aient été portés à la connaissance du préfet faisait encourir l’annulation de la ZDE, le préfet n’ayant pu selon le juge évaluer correctement le potentiel éolien… (CAA Bordeaux, 02 novembre 2011, n°10BX02175).  Ce sont précisément ces deux derniers arrêts de la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui viennent d’être annulés par le Conseil d’Etat, mettant ainsi fin à cette jurisprudence dont la sévérité ne semblait plus connaître de limite.   Le juge de cassation relève tout d’abord que : « ni le législateur ni le pouvoir réglementaire n’ont précisé les éléments au vu desquels doit être apprécié le potentiel éolien d’une zone ». Pour faire face à ce vide juridique, il pose alors le principe selon lequel « pour pouvoir se livrer à une telle appréciation, l’autorité préfectorale doit disposer de données recueillies selon une méthode scientifique de nature à établir le potentiel éolien de la zone à une échelle géographique et avec une précision suffisante ». De plus, il ajoute « qu’aux termes de l’article L. 553-4 du code de l’environnement dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté contesté, les régions peuvent mettre en place un schéma régional éolien qui ” indique les secteurs géographiques qui paraissent les mieux adaptés à l’implantation d’installations produisant de l’électricité en utilisant l’énergie mécanique du vent ” ».   De ce principe, pour la requête n°355370, il en tire la conclusion qu’: « en jugeant que les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien limousin, après avoir constaté, par une appréciation souveraine, qu’elles étaient fondées sur les résultats d’une modélisation réalisée par Météo France permettant de déterminer le vent moyen sur un an à une hauteur de 80 mètres, et dont la fiabilité avait été vérifiée sur quatorze stations météorologiques de la région Limousin, n’étaient par elles-mêmes pas suffisantes pour permettre d’apprécier la réalité du potentiel éolien d’une zone en application de l’article 10-1 de la loi de 2000 et devaient être complétées par d’autres données spécifiques à la zone en cause, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ». Autrement dit, les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du SRE, fondées sur les résultats d’une modélisation Météo France permettant de déterminer le vent moyen sur une année à une hauteur de 80 mètres est un élément suffisant pour déterminer le “potentiel éolien”. Pour la requête n°355870, la solution est à peu de mots près la même que celle précédemment exposée, le juge décidant « qu’en jugeant que les données fournies par l’atlas du potentiel éolien dressé dans le cadre du schéma régional éolien aquitain, après avoir constaté, par une appréciation souveraine, qu’elles étaient fondées sur les résultats d’une modélisation réalisée par Météo France et un partenaire permettant de déterminer le vent moyen sur un an à une hauteur de 50 mètres et dont la fiabilité avait été vérifiée en fonction des mesures réalisées sur plusieurs stations de la région, n’étaient par elles-mêmes pas suffisantes pour permettre d’apprécier la réalité du potentiel éolien d’une zone en application de l’article 10-1 de la loi de 2000 et devaient être complétées par d’autres données spécifiques à la zone en cause, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ».   Ainsi, par ces deux arrêts, le Conseil d’Etat indique que sont considérées comme suffisantes pour apprécier le potentiel éolien d’une zone les données fournies par un schéma régional éolien établies par des modélisations Météo France et dont la fiabilité des résultats a été vérifié sur plusieurs stations météorologiques.   Ces deux décisions doivent être assurément saluées. Même si les ZDE sont supprimées par le législateur – ce qui demeure encore incertain à ce stade- reste que la portée de ces deux jurisprudences leur survivra. En effet, rappelons que le schéma régional éolien (“SRE”) est…

Eoliennes/ suffisance de l’étude d’impact au regard des risques de dysfonctionnement

  Dans une décision récente (Conseil d’Etat, 7 novembre 2012, n° 351411, “Société E.”) le Conseil d’Etat se prononce sur deux éléments relatifs à la complétude des dossiers de demande de permis de construire éolien : – la suffisance de l’étude d’impact en ce qui concerne les risques de chute et de projection à proximité d’une route. – et la production d’un titre habilitant à construire, pour les dossiers déposés avant le 1er octobre 2007.       Tout d’abord, s’agissant de la suffisance de l’étude d’impact, le Conseil d’Etat maintient d’une part l’exigence de proportionnalité de l’étude d’impact avec les risques générés par la construction, respectant ainsi l’esprit de l’article R. 122-5 du code de l’environnement qui prescrit que « le contenu de l’étude d’impact doit être en relation avec l’importance de l’installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l’environnement », et d’autre part, l’exigence du caractère substantiel de l’éventuelle insuffisance censurée, caractérisée comme étant de nature à nuire à l’information de la population.  Le Conseil d’Etat censure pour erreur de droit un arrêt de Cour administrative d’appel de Marseille ayant annulé un arrêté délivrant un permis de construire éolien au motif de l’insuffisance de l’étude d’impact sur les risques de dysfonctionnement des éoliennes, dès lors que la Cour n’a pas précisé en quoi l’insuffisance de l’étude était en l’espèce de nature à nuire à l’information du public, et alors qu’elle avait relevé la faible occurrence de ces risques :  « 6. Considérant que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; qu’il ressort des énonciations de l’arrêt de la cour que celle-ci a estimé que l’étude d’impact, en se bornant à réaliser une présentation générale des risques de dysfonctionnement générés par les éoliennes et en ne procédant pas à une étude de ces risques au regard de la présence d’une route départementale à proximité de certaines éoliennes, était entachée d’illégalité justifiant l’annulation partielle du permis de construire ; qu’en jugeant ainsi, sans préciser en quoi une telle insuffisance était en l’espèce, et alors que la cour a relevé elle-même la faible occurrence de ces risques et la fréquentation limitée de la route départementale, de nature à avoir nui à l’information complète de la population ou à avoir exercé une influence sur la décision de l’autorité administrative, la cour a commis une erreur de droit ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens fondés sur l’insuffisance de l’étude d’impact, la société requérante est fondée à soutenir que c’est à tort que la cour a estimé que ce motif était de nature à entraîner l’annulation partielle du permis contesté ; » (Conseil d’Etat, 7 novembre 2012, n° 351411, “Société E.”)   Sur ces deux aspects, le Conseil d’Etat fait application d’une jurisprudence constante (proportionnalité de l’étude d’impact : Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 11 décembre 1996, 173212, publié au recueil Lebon ; caractère substantiel de l’insuffisance invoquée : Conseil d’État, 14 octobre 2011, N° 323257, “Société O”).   Dans cette lignée jurisprudentielle, la Cour administrative d’appel de Douai avait pu juger que présente un caractère suffisant, une étude d’impact d’un permis éolien qui ne développe pas d’éléments propres à la prévention du risque de la chute d’éolienne et de projection de pale à proximité du site dès lors que de tels risques sont négligeables eu égard aux données scientifiques connues et que le projet se situe dans un endroit peu fréquenté et à 750 mètres des habitations (Cour administrative d’appel de Douai 22 janvier 2009, N° 08DA00372).   Précisons enfin qu’au vu d’un arrêt récent, sur le fond, le risque d’effondrement et de projection de pâles engendré par les éoliennes pour les usagers d’une voie publique située à proximité est qualifié de minime, et en tant que tel, il ne peut justifier un refus de permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme:  « Considérant, d’une part, que l’arrêté de refus de permis de construire attaqué est justifié par le risque engendré pour les usagers des voies publiques par la proximité des éoliennes de deux routes départementales situées à moins de 200 mètres, en particulier, en cas de rupture de mât et de détachement de pâle ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment d’un rapport établi par le conseil général des mines en juillet 2004 sur la sécurité des éoliennes, que la probabilité d’un tel accident, ” tel que la ruine d’une machine ou l’éjection d’une partie d’une machine entraîne un accident de personne ou des dommages aux biens d’un tiers “, est extrêmement faible ; qu’en vertu de l’article R. 111-2 cité ci-dessus, un risque minime, qui n’est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, ne peut fonder ni un refus de permis de construire, ni l’observation de prescriptions spéciales accompagnant la délivrance du permis ; que, dès lors, le préfet de l’Oise, qui n’apporte aucun élément suffisant de nature à remettre en cause l’étude du conseil général des mines précitée, ne pouvait, sans commettre d’illégalité, prendre l’arrêté attaqué en se fondant sur la violation de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, à ce titre ; » (CAA Douai, 27 septembre 2012, n°11DA00546).   Par conséquent, en pratique, le contenu de l’étude des risques de dysfonctionnement des éoliennes (projection de pâles, effondrement) devra être d’autant plus approfondie que les risques peuvent se réaliser, du fait notamment de la fréquentation de la zone, de sa proximité et de son usage.     Par ailleurs, le Conseil d’Etat se prononce sur un autre aspect de la complétude des dossiers de permis relatif, cette fois, à la qualité du pétitionnaire.   Attention, il s’agit là de l’application d’une règle aux seuls permis de construire pour lesquels la demande a été effectuée…

Eoliennes/paysage: le Conseil d’Etat relativise l’impact paysager au regard des intérêts environnementaux des éoliennes

Dans une décision Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/07/2012, Association Engoulevent, n°345970, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Marseille selon lequel l’appréciation de l’impact paysager d’un parc éolien doit s’effectuer par rapport aux intérêts publics que la construction entend défendre, notamment la protection des espaces naturels (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 25/11/2010, 09MA00756, Inédit au recueil Lebon). Par une série d’arrêts, la Cour administrative d’appel de Marseille s’était en effet courageusement initiée à relativiser l’impact paysager généré par l’implantation d’éoliennes, et ce, au regard « de l’intérêt public que l’implantation assure en matière de préservation des espaces naturels et de concentration des équipements de production d’énergie » ou encore de « l’économie des territoires utilisés par la recherche d’une concentration des équipements de production d’énergie » (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 21/10/2010, 08MA03443 ; Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 10/02/2011, 09MA00923, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 14/04/2011, 09MA01877, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 16/06/2011, 09MA01017, Inédit au recueil Lebon ; Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 06/10/2011, 09MA03285, Inédit au recueil Lebon ;).   Nous avions déjà salué ces décisions qui tentaient de redonner toute sa portée à l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, dont la finalité est la protection de l’environnement, en mettant en avant les bénéfices environnementaux des éoliennes. Car c’est bien là tout le paradoxe des éoliennes, lequel repose sur l’apparente contradiction entre leur finalité et leur configuration exceptionnelle : la vocation environnementale de celles-ci – production d’énergie propre – peut se trouver niée et occultée au nom de la protection des paysages, autre branche de la protection de l’environnement ! Mais la mise en œuvre d’un bilan des intérêts environnementaux n’étant pas expressément prescrite par l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, qui prévoit uniquement la possibilité pour l’administration de refuser de délivrer un permis de construire ou de l’assortir de prescriptions spéciales si « les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentale », il existait un risque que le Conseil d’Etat censure ce raisonnement en cas de pourvoi.   Or, c’est avec surprise que le Conseil d’Etat accueille le raisonnement suivi par la Cour, et approuve l’application d’un bilan des intérêts environnementaux à l’appréciation de l’impact paysager causé par l’implantation d’éoliennes : « 8. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l’autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales ; que, pour rechercher l’existence d’une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site ; que les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus ; 9. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l’Hérault aurait entaché la décision par laquelle il a accordé les permis de construire litigieux d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme citées ci-dessus, la cour administrative d’appel de Marseille a procédé à l’examen du caractère du site dans lequel devait être réalisé le projet de parc éolien, en soulignant à la fois les éléments illustrant son caractère naturel et ceux de nature à atténuer l’intérêt de ce site, tenant, pour ces derniers, au faible intérêt des plantations couvrant de larges espaces et à la présence de différents équipements électriques de puissance tout autour du site ; qu’elle a ensuite apprécié, après avoir procédé à la caractérisation du site, l’impact du projet d’éoliennes sur le paysage ; qu’en déduisant des appréciations auxquelles elle avait procédé que l’atteinte portée au site par le projet, au demeurant limitée et ne conduisant ni à sa dénaturation ni à la transformation de ses caractéristiques essentielles, n’était pas disproportionnée par rapport à la défense des autres intérêts publics que cette implantation regroupée assure en matière de protection des espaces naturels, qui est au nombre des intérêts visés à l’article R. 111-21, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier ; que, si la cour a en outre relevé, pour qualifier l’ampleur de l’atteinte portée au site, que l’implantation du projet d’éoliennes assurait l’économie des territoires utilisés par la recherche d’une concentration des équipements de production d’énergie, elle s’est, ce faisant, bornée à prendre en compte la caractéristique de l’implantation du projet, sans méconnaître les règles rappelées au point 8 de la présente décision ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/07/2012, 345970) Précisons que le Conseil d’Etat a entendu limiter cette technique du bilan à l’appréciation des seuls intérêts visés à l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme, autrement dit aux seuls intérêts relatifs à la protection de l’environnement : « Que les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l’article R. 111-21 cité ci-dessus ; » Ainsi, des intérêts économiques ou financiers ne pourront être invoqués pour compenser l’impact…

Antenne relais: le Conseil d’Etat confirme la soumission à permis de construire selon la surface au sol créée

La Haute juridiction a confirmé dans un arrêt du 20 juin 2012 que les antennes relais, dont la hauteur est supérieure à douze mètres, et dont les installations techniques entrainent une SHOB de plus de 2m², relèvent du régime du permis de construire et non de la déclaration préalable de travaux. Cette décision rééquilibre le contentieux en la matière, qui a fait l’objet de plusieurs soubresauts des derniers mois. En l’espèce, le Conseil d’Etat était saisi d’un jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes avait rejeté le recours de riverains demandant l’annulation de la décision du 30 juin 2009 par laquelle un Maire ne s’était pas opposé aux travaux déclarés par un opérateur de téléphonie en vue de l’édification d’un pylône et d’armoires techniques (CE, 20 juin 2012, n°344646, publié aux Tables du recueil Lebon). L’antenne relais de téléphonie mobile était composée: – d’une part, d’un pylône de radiotéléphonie d’une hauteur de 18 mètres reposant sur une dalle enterrée d’une surface de 9 mètres carrés, – et d’autre part, d’installations techniques sur une dalle de béton clôturée de palissades en bois d’une surface de 10,5 mètres carrés ; Le Conseil d’Etat relève alors que les surfaces de plancher cumulées du pylône et du local technique sont créatrices d’une surface hors oeuvre brute supérieure à deux mètres carrés. Or, par la combinaison de plusieurs dispositions du Code de l’urbanisme qui organisent la soumission à permis de construire (qui demeure le principe), et les exceptions tenant à l’exemption de toute formalité ou à la soumission à simple déclaration préalable de travaux, le Conseil d’Etat estime que: “ […] qu’il résulte de la combinaison des dispositions qui précèdent que les antennes relais de téléphonie mobile dont la hauteur est supérieure à douze mètres et dont les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement entraînent la création d’une surface hors oeuvre brute de plus de deux mètres carrés n’entrent pas, dès lors qu’elles constituent entre elles un ensemble fonctionnel indissociable, dans le champ des exceptions prévues au a) et au c) de l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme et doivent faire l’objet d’un permis de construire en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-1 du même code;” La défense de l’opérateur de téléphonie reposait sur une dissociation de l’antenne proprement dite, et des ouvrages techniques annexes. Pris isolément, chaque élément pouvait alors, selon l’opérateur (et le Tribunal administratif de Nîmes avant qu’il ne soit censuré) relever du régime de la déclaration préalable. Or, ce raisonnement est rejeté par le Conseil d’Etat qui estime qu’il aurait fallu rechercher s’ “il existait un lien fonctionnel entre les deux ouvrages leur conférant le caractère d’une seule construction“. Et c’est effectivement le cas selon l’arrêt du 20 juin 2012, qui qualifie les antennes relais et les installations techniques nécessaires à leur fonctionnement d’”ensemble fonctionnel indissociable”. Il faut noter tout d’abord que la soumission des antennes relais à permis de construire ne se justifiera qu’en fonction des circonstances de chaque espèce, selon que la surface créée par les ouvrages annexes à l’antenne proprement dite est supérieure à 2m². Il faudra à cet égard être vigilant car les dispositions relatives au calcul des surfaces de plancher ont été modifiées au sein du Code de l’urbanisme par décret du 28 février 2012. Ainsi, l’article R421-9 du Code de l’urbanisme prévoit dorénavant que peuvent être soumis à déclaration préalable: “c) Les constructions répondant aux critères cumulatifs suivants : – une hauteur au-dessus du sol supérieure à douze mètres ; – une emprise au sol inférieure ou égale à deux mètres carrés ; – une surface de plancher inférieure ou égale à deux mètres carrés” Ainsi, la jurisprudence du Conseil d’Etat demeure encore valable malgré la réforme apportée en début d’année, lorsque les ouvrages annexes ont une emprise au sol ou une surface de plancher supérieure à 2m². Ensuite, cette décision de la Haute juridiction (qui a les honneurs d’une publication au Recueil) s’inscrit dans un contexte où certains juges du fond avaient suivi le même raisonnement. Ainsi, les praticiens connaissaient déjà le jugement du Tribunal administratif de Dijon (TA Dijon, 07 octobre 2010, « M. Martini », n°0802863, non frappé d’appel), qui avait considéré: «  Considérant qu’aux termes de l’article R 421-1 du Code de l’urbanisme : ‘Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire, à l’exception : […] b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l’objet d’une déclaration préalable.’ ; qu’en application de l’article R 421-9 du Code de l’urbanisme : ‘En dehors des secteurs sauvegardés dont le périmètre a été délimité et des sites classés, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d’une déclaration préalable, à l’exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : a) Les constructions ayant pour effet de créer une surface hors œuvre brute supérieure à deux mètres carrés et inférieure ou égale à vingt mètres carrés ; […] c) Les constructions dont la hauteur au-dessus du sol est supérieure à douze mètres et qui n’ont pas pour effet de créer de surface hors œuvre brute ou qui ont pour effet de créer une surface hors œuvre brute inférieure ou égale à deux mètres carrés ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables ni aux éoliennes ni aux ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire installés sur le sol ;’ Qu’il résulte de la combinaison de ces articles que la demande d’autorisation tendant à la construction d’un pylône d’une hauteur de douze mètres et dont la surface hors œuvre brute excède deux mètres carrés doit donner lieu à délivrance de permis de construire ». Mais surtout, la soumission des antennes relais à permis de construire s’inscrit dans un contexte jurisprudentiel mouvementé, restreignant la compétence du juge judiciaire et le pouvoir des Maires. En effet, plusieurs décisions capitales sont récemment intervenues, redistribuant les cartes contentieuses des opposants aux antennes relais. Chacun se souviendra des trois décisions du Conseil d’Etat du 26 octobre 2011, qui avaient jugé que seules les autorités de l’Etat désignées par…

Permis de construire: attention aux irrégularités d’affichage!

Le Conseil d’État vient de rendre une décision illustrant la vigilance dont doivent impérativement faire preuve les bénéficiaires de permis de construire quant à l’affichage de leur permis sur le site (CE, 6ème ss, 6 juillet 2012, N°339883). Publiée aux Tables du Recueil Lebon, cette décision mérite attention.    En l’espèce, le panneau d’affichage du permis de construire comportait une erreur sur la hauteur de la construction autorisée. Les premiers juges, saisis d’une demande d’annulation du permis de construire, avaient estimé la requête tardive. Le requérant soutenait pour sa part que le délai de recours n’avait pu commencer à courir car l’affichage était irrégulier. Le Conseil d’Etat lui donne raison et considère le délai de recours comme n’ayant pas commencé à courir.   En principe, le délai de recours de deux mois contre une décision de permis de construire court à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage régulier sur le site (article R600-2 du Code de l’urbanisme). Cet affichage est régi par les articles A424-16 et suivants du Code de l’urbanisme sur les mentions qu’il doit comporter, ainsi que par l’article R424-15 s’agissant de la mention de l’obligation de notifier le recours à son bénéficiaire et à l’auteur de l’acte. Une jurisprudence abondante existe sur la régularité de l’affichage, tant les enjeux sont importants. La plupart du temps, les requérants tentent d’invoquer la non visibilité à partir de la voie publique, les dimensions du panneau, la non continuité de l’affichage durant deux mois… Était ici en cause la question de savoir si une erreur sur l’une des mentions devant figurer sur le panneau pouvait rendre l’affichage irrégulier, et donc empêcher le délai de recours de courir.   Par sa décision du 6 juillet 2012, la Haute juridiction censure les juges d’appel en considérant que: – l’article A424-16 du Code de l’urbanisme prévoit l’affichage de certaines mentions (notamment la hauteur de la construction); – que cet article a pour “objet de permettre aux tiers, à la seule lecture du panneau, d’apprécier l’importance et la consistance du projet”. Il rejette ici l’argument retenu par la CAA consistant à dire que le tiers pouvait prendre connaissance des détails de la construction en consultant le dossier en Mairie, comme cela était indiqué sur le panneau d’affichage. – et que par suite, si une telle mention fait défaut ou si elle est affectée d’une erreur substantielle, elle peut rendre l’affichage irrégulier.   Dès lors, l’affichage étant irrégulier, le délai de recours contre le permis n’a pu courir. Le requérant est donc toujours recevable à en demander l’annulation. Cette décision doit renforcer l’attention des bénéficiaires de permis quant à l’affichage qu’ils réalisent sur le terrain, dans un souci de sécurité juridique.   —————————— Conseil d’État N° 339883    Mentionné dans les tables du recueil Lebon 6ème sous-section jugeant seule   Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 mai et 25 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Dany A, demeurant … ; M. A demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’arrêt n° 09BX00342 du 18 février 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 0800671 du 27 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de S. a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 22 mai 2007 par lequel le maire de la commune de S. a délivré à la S.A.R.L Groupe B. un permis de construire six villas correspondant à huit logements sur une parcelle cadastrée XXXXX sise 185, allée des T. et, d’autre part, à l’annulation de cet arrêté ; 2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de la S.A.R.L Groupe B. et de la commune de S. le versement de la somme de 3 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; […] Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ; Considérant que, pour confirmer la tardiveté opposée par le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion à la demande de M. A tendant à l’annulation du permis litigieux, la cour administrative d’appel de Bordeaux a notamment relevé qu’une erreur dans les mentions du panneau d’affichage concernant la hauteur de la construction projetée était sans conséquence sur la régularité de l’affichage, dès lors qu’il comportait les mentions permettant aux tiers d’identifier le permis de construire et d’en consulter le dossier en mairie ; Considérant qu’aux termes de l’article R. 490-7 du code de l’urbanisme, en vigueur à la date de l’arrêté litigieux : ” Le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire court à l’égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : / a) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l’article R. 421-39 ; / b) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l’article R. 421-39 ” ; que l’article R. 421-39 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : ” Mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d’octroi et pendant toute la durée du chantier (… ). ” ; qu’aux termes de l’article A. 421-7, alors en vigueur, pris pour l’application de l’article R. 421-39 et dont les dispositions ont été reprises aux articles A. 424-15 et suivants: ” L’affichage du permis de construire sur le terrain est assuré par les soins du bénéficiaire du permis de construire sur un panneau rectangulaire dont les dimensions sont supérieures à 80 centimètres. / Ce panneau indique le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale dudit bénéficiaire, la date et le numéro du permis, la nature des…