La possible indemnisation du propriétaire d’une parcelle déclassée en raison de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau

Dans un arrêt en date du 09 octobre 2013 (Civ. 3e, 9 oct. 2013, FS-P+B, n° 12-13.694), la Cour de cassation souligne le droit à indemnisation d’un propriétaire de parcelles déclassées à la suite de la modification du zonage d’un plan d’occupation des sols (POS), conséquence de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un prélèvement d’eau. En l’espèce les faits soumis à la Cour de cassation étaient classiques en la matière : Le préfet avait déclaré d’utilité publique la dérivation des eaux d’une rivière et avait instauré, en application de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, un périmètre de protection rapprochée d’une prise d’eau située sur la commune d’Itteville. L’arrêté qui avait été pris précisé que les zones de ce périmètre devaient être classées en zones agricoles. Il s’en était suivi une modification par la commune de son plan d’occupation des sols. Le propriétaire de plusieurs parcelles avait été indemnisé par le juge de l’expropriation au titre de l’article L 1321-3 du Code de santé publique. Le syndicat intercommunal au profit duquel le prélèvement d’eau avait été déclaré d’utilité publique contestait la décision des juges du fonds d’accorder au propriétaire une indemnisation liée au déclassement des parcelles. Confirmant la décision de Cour d’appel, la Cour de cassation rejette les arguments du syndicat intercommunal et rappelle le bien fondé des éléments de fait appréciés par les juges du fond qui ont permis de conclure à l’indemnisation du propriétaire terrien: « Mais attendu qu’ayant exactement retenu que le classement en zone NC ou ND de parcelles classées à la date de l’arrêté préfectoral du 21 février 2003 en zone d’urbanisme NAUI et NAUL ainsi que l’interdiction de certaines activités et les restrictions apportées à d’autres, caractérisaient une restriction au droit de jouissance du bien et que la diminution importante de leur usage subie par les parcelles était consécutive non pas à leur classement en zone non constructible mais à leur inclusion dans un périmètre de protection, leur classement n’étant que la technique utilisée par l’administration pour faire respecter le périmètre de protection, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui a déduit à bon droit de ces seuls motifs, sans excéder ses pouvoirs, que cette diminution d’usage devait être indemnisée, a légalement justifié sa décision » ; Cette décision de la Cour de cassation a le mérite de mettre en lumière l’indemnisation de propriétaires terriens qui subissent un déclassement de leur parcelles dans le cadre de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau prise au titre de l’article L 1321-2 du Code de santé publique. Surtout, on ne pourra que constater qu’en se plaçant sur le terrain de la restriction d’usage  pour justifier l’indemnisation du propriétaire, la Cour de cassation répond par ailleurs à l’argumentation du syndicat qui contestait l’appréciation qui avait été faite de l’indemnisation allouée, puisqu’elle précise que les juges du fond n’était tenu, ni de fixer une date de référence, ni de rechercher l’usage effectif des parcelles à cette date ni de préciser à quelle date il se plaçait pour évaluer cette dépréciation. Une telle liberté d’appréciation est pour le moins détonante eu égard aux règles très strictes édictées notamment en matière d’expropriation. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Gaz de schiste: la loi interdisant la technique de fracturation est jugée conforme à la Constitution

Le Conseil constitutionnel a rejeté l’ensemble des griefs d’une société spécialisée dans l’exploration de gaz de schiste à l’encontre des articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 (Décision n°2013-346 du 11 octobre 2013) Rappelons que cette loi vise à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. La société avait soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’encontre de cette loi, et le Conseil d’Etat avait transmis le 12 juillet dernier la QPC au Conseil constitutionnel. Différents arguments étaient soulevés: la violation du principe d’égalité devant la loi (la technique de fracturation n’était pas interdite pour la géothermie); la violation du principe de la liberté d’entreprendre la violation du principe de précaution consacré par l’article 5 de la Charte de l’environnement ; la violation du droit de propriété ; la violation du principe de conciliation des politiques publiques avec la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social consacré par l’article 6 de la Charte de l’environnement. Dans sa décision du 11 octobre 2013, le Conseil constitutionnel rejette la question prioritaire en considérant que Premièrement, “que la différence de traitement entre les deux procédés de fracturation hydraulique de la roche qui résulte de l’article 1er est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;”, et que par conséquent, le principe d’égalité n’était pas méconnu. Deuxièmement, s’agissant de la liberté d’entreprise, le Conseil considère “que l’interdiction de recourir à des forages suivis de la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national est générale et absolue ; qu’elle a pour effet de faire obstacle non seulement au développement de la recherche d’hydrocarbures « non conventionnels » mais également à la poursuite de l’exploitation d’hydrocarbures « conventionnels » au moyen de ce procédé ; qu’en interdisant le recours à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche pour l’ensemble des recherches et exploitations d’hydrocarbures, lesquelles sont soumises à un régime d’autorisation administrative, le législateur a poursuivi un but d’intérêt général de protection de l’environnement ; que la restriction ainsi apportée tant à la recherche qu’à l’exploitation des hydrocarbures, qui résulte de l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011, ne revêt pas, en l’état des connaissances et des techniques, un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi.” Troisièmement, s’agissant du droit de propriété, il est jugé que l’article 3 de la loi ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise et que “les autorisations de recherche minière accordées dans des périmètres définis et pour une durée limitée par l’autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d’un droit de propriété ; que, par suite, les dispositions contestées n’entraînent ni une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ni une atteinte contraire à l’article 2 de la Déclaration de 1789.” Quatrièmement, au sujet de l’article 6 de la Charte de l’environnement qui prévoit que « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social », le Conseil considère que “cette disposition n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ;” Enfin, que le grief tiré de la violation du principe de précaution est “en tout état de cause inopérant” car le législateur s’est fondé sur le principe de prévention.

Remblaiement de plan d’eau: le propriétaire n’est pas totalement libre d’y procéder (rép. Min. 3 septembre 2013)

Une réponse ministérielle en date du 03 septembre 2013 (réponse ministérielle publiée au JO le 03/09/13 page 9236 suite à la question n°21044 de M. Yves Nicolin) apporte des précisions sur la réglementation encadrant le remblayage des plans d’eau présents sur des terrains privés. Le ministre de l’écologie était interrogé sur le fait de savoir sous quelles conditions un propriétaire de terrain sur lequel se trouve un étang, non relié à un cours d’eau et servant de réserve d’eau pour un hameau, pouvait, de sa propre initiative et sans autorisation préalable, assécher et remblayer le dit plan d’eau. Le ministre de l’écologie dans sa réponse raisonne en plusieurs temps : Il rappelle tout d’abord que les plans d’eaux seulement alimentés par des eaux pluviales et de ruissellement ou des eaux de sources, ne donnant pas naissance à un cours d’eau au-delà des limites d’une propriété, constituent un mode spécial d’aménagement des eaux privées. Il souligne ensuite que le propriétaire du fonds sur lequel reposent ces eaux en a la libre disposition conformément aux articles 641 et 642 du code civil. Toutefois, il apporte un bémol puisque la vidange d’un plan d’eau, tout comme sa création sont, selon les seuils fixés par la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement, peuvent être soumises au régime d’autorisation ou de déclaration institués par l’article L. 214-3 du même code. En effet, ces eaux constituent une interface entre les eaux souterraines et les cours d’eau et ne peuvent qu’être soumises à la police administrative spéciale de l’eau et des milieux aquatiques en raison du principe de gestion équilibrée, énoncé par l’article L. 211-1 du code de l’environnement. Afin de répondre à la question posée par le député, le ministre de l’écologie rappelle au visa de ce qui vient d’être susmentionné que, conformément à l’alinéa 3 de l’article 642 du code civil et à la jurisprudence afférente, le propriétaire d’une source ne peut enlever aux habitants agglomérés d’une commune, d’un village ou d’un hameau, les eaux qui leur sont nécessaires (Cf. Cass. civ. 3e , 2 juillet 1997, pourvoi n° 95-13.457, Epoux Brulé c/ Gavet et autres). De fait, le ministre rappelle que « la vidange de plans d’eau privés et a fortiori le remblayage de ces plans d’eau ne sauraient donc être autorisés dans la mesure où cela affecterait la fourniture en eau potable d’un hameau ». La réponse ministérielle apporte donc des précisions intéressantes sur la liberté de principe dont dispose le propriétaire d’un terrain sur lequel se trouve un plan d’eau (non relié à un cours d’eau) tout en rappelant les contraintes imposées par le Code de l’environnement qui oblige ledit propriétaire à veiller au respect desdites dispositions spéciales. Les particularités de la législation sur l’eau associées aux règles de droit privé (énonçant une liberté certaine) démontrent l’insécurité juridique pouvant exister pour les propriétaires de plans d’eau, profanes du droit. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Urbanisme: suppression de l’appel contre certaines autorisations, et nouvelles limitations procédurales

Après l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, le Gouvernement poursuit la réforme du contentieux de l’urbanisme avec la publication hier au JORF du décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013, qui vient supprimer l’appel pour certains litiges et introduit des limitations procédurales pour une grande majorité de contentieux. Le juge pourra refuser de nouveaux moyens d’annulation après une date fixée par ses soins Dans le but de réduire le délai de traitement des recours contentieux qui peuvent retarder la réalisation d’opérations de construction de logements, le nouveau décret introduit dans le code de l’urbanisme un article R* 600-4 selon lequel, à compter de son entrée en vigueur « le juge devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués » lorsque ce dernier est saisi d’une demande motivée en ce sens par une des parties. On remarquera que cet outil ne pourra être utilisé que dans des cas bien précis – seulement des recours contre des permis de construire, d’aménager ou de démolir: cela ne concerne pas les recours contre les arrêtés de non opposition à DP, ni les autres autorisations qui peuvent être délivrées (à notre sens: permis de construire modificatif, arrêté de transfert de permis, arrêté de prorogation etc…). – cela ne concerne pas les recours contre des refus de telles autorisations. C’est dire que le pétitionnaire qui s’est vu refuser une autorisation ne pourra pas, de surcroit, se voir limiter la possibilité de produire des moyens devant le juge. Désormais lorsqu’une partie en fait la demande, lors de la phase d’instruction du recours contentieux, le juge peut fixer une date butoir au-delà de laquelle aucun nouveau moyen (c’est à dire un argument juridique) ne pourra être soulevé par une partie. Cette nouvelle règle de procédure qui est censée réduire les délais de traitement des recours contentieux est incitative pour les parties – surtout la partie défenderesse – puisque ce sont elles qui sont en mesure d’abréger la durée de l’instruction. En pratique, les requérants devront donc veiller à analyse en profondeur l’autorisation attaquée, et gageons que cela évitera des situations très fréquentes où les requérants produisent au dernier moment (parfois 4 jours avant l’audience) un mémoire contenant un nouveau moyen pouvant tout faire basculer. La deuxième nouveauté procédurale concerne, quant à elle, l’impossibilité de faire appel d’un jugement rendu par un tribunal administratif sous certaines conditions posées par le décret. La suppression expérimentale de l’appel pour certains contentieux contre des PC en zone assujettie à la TLV La limitation de la possibilité de faire appel existe déjà dans certains contentieux mais l’urbanisme était jusqu’ici épargné. Le décret n° 2013-879 crée au sein du code de justice administrative un article R. 811-1-1 selon lequel l’appel n’est plus ouvert  pour “les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application ». L’article 232 du code général des impôts concerne les communes où les bâtiments sont assujettis à la taxe sur les logements vacants en raison d’ « un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant ». Cette règle s’inscrit dans la même logique que celle de l’article R* 600-4 du code de l’urbanisme. Il s’agit (dans l’hypothèse restreinte prévue par l’article R 811-1 CJA), d’empêcher de faire appel d’un jugement qui maintient la légalité d’un permis de construire ou d’un permis d’aménager, dans le but avoué de favoriser la création de nouveaux logements. Notons enfin que l’article R. 811-1-1 n’a, pour l’instant, qu’une portée expérimentale c’est-à-dire qu’il ne s’applique qu’aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018. Valentin Guner Green Law Avocat

Gaz de schiste: le Conseil constitutionnel se prononcera le 18 octobre

Une question prioritaire de constitutionnalité avait été transmise par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel au sujet de la conformité à la Constitution des articles 1 et 3 de la loi n°2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. L’audience au Conseil constitutionnel a eu lieu la semaine dernière, et le débat s’est cristallisé autour du respect du principe d’égalité et du principe de précaution constitutionnalisé à l’article 5 de la Charte de l’environnement. Le Conseil constitutionnel se prononcera aux alentours du 18 octobre sur la conformité des dispositions législatives à la Constitution.