Contrat de vente d’installation solaire et crédit affecté: une interdépendance dont les banques doivent répondre

Par Aurélien Boudeweel Green Law Avocat Par un jugement en date du 10 juin 2015 (TC EVRY, 10 juin 2015,n° de rôle 2014F00214- jurisprudence cabinet), le tribunal de commerce d’EVRY a fait droit, selon une jurisprudence établie, aux demandes d’un particulier s’étant vu installer une centrale solaire,  en prononçant la résolution d’un contrat de vente de l’installation de production photovoltaïque et du contrat de crédit affecté. En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société se revendiquant spécialisée dans la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque. Comme souvent en la matière au regard du coût de l’installation, l’acquisition s’est opérée au moyen d’un contrat de crédit affecté. Sur le plan juridique, les particuliers ont fait valoir l’irrégularité entourant la conclusion du contrat de vente au regard des dispositions du Code de la consommation. Surtout, les particuliers ont contesté devant la juridiction commerciale la signature de l’attestation de fin de travaux sur laquelle s’appuyait la banque pour justifier du déblocage des fonds directement auprès de la société installatrice de la centrale. Rappelons que dans le cadre d’un contrat de crédit affecté, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-19 à L. 311-28 du code de la consommation. Il est acquis par la jurisprudence que pour que se manifestent les conséquences du lien d’interdépendance, le contrat principal doit d’abord être valide (Cass. 1re civ., 20 déc. 1988 : D. 1989, somm. p. 341, obs. J.L. Aubert). Plus encore, l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt d’argent ne commence qu’avec la livraison de la marchandise ou l’exécution de la prestation (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Contrats, conc. consom. 1997, comm. 86. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1995 : Contrats, conc. consom. 1995, comm. 166. – CA Douai, 8 sept. 1994 : Rev. huissiers 1995, p. 116). L’exécution de la prestation était justement l’argument de la banque dans le cadre du présent litige pour justifier le déblocage des fonds. La tribunal de commerce d’EVRY analyse le contrat principal de vente pour en tirer les conséquences directes sur le contrat de crédit affecté: « Attendu que, selon le contrat de prêt, les premières échéances débutaient après un délai d’un an ; qu’ainsi, la première échéance présentée s’est située au mois de décembre 2013 ; que ce n’est qu’alors que Monsieur Z et Madame Z ont eu connaissance ou conscience de la situation réelle dans laquelle ils se trouvaient; Attendu que la signature apposée sur l’attestation de fin de travaux en date du 05/12/12 est contestée par les demandeurs ; que selon eux, il s’agit d’un faux adressé à leur insu à la banque X; Attendu que ce n’est qu’en date du 14/02/13 que Monsieur Z a sollicité l’intervention d’ERDF afin d’effectuer les travaux de raccordement au réseau de production ; que dès lors, l’installation ne pouvait être en état de fonctionnement ; que le devis, s’il ne comprenait pas le raccordement au réseau, comprenait la mise en service ; que l’attestation de fin de travaux n’aurait pu être produite que postérieurement à cette date, la mise en service ne pouvant intervenir qu’après le raccordement ; Attendu que la SARL Y a manqué à ses obligations contractuelles en effectuant pas la mise en service du matériel livré dans les trois mois de la date de la commande ; Attendu qu’au vu de l’attestation de fin de travaux contestée, la banque X a émis un paiement de la somme de 21.500 € directement au profit de la SARL Y; En conséquence et sans qu’il soit besoin de statuer sur le respect des différents articles du Code de la Consommation, les actes ultérieurs les ayant couverts les irrégularités liées au non respect dan s la forme, du bordereau de rétractation, le Tribunal prononcera la résolution de la vente  Qu’il condamnera la SARL Y à reprendre le matériel installé chez Monsieur et Madame Z et à remettre les lieux en l’état où ils se trouvaient avant son intervention ; Qu’il condamnera la SARL Y à rembourser à la banque X, la somme de 21.500€ relative au financement de l’installation effectuée chez Monsieur et Madame Z ; Qu’il prononcera conséquemment la résolution du contrat de prêt affecté conclu entre Monsieur et Madame Z auprès de la banque X sur le fondement de l’article L311-9 du Code de la consommation et ordonnera à cette dernière de procéder au remboursement des sommes déjà perçues au titre des échéances dudit prêt.» Ce jugement rappelle l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit affecté et la résolution automatique du contrat de crédit lorsque la résolution du contrat principal est prononcée. Surtout le juridiction censure la banque qui faisait valoir la signature de l’attestation de fin de travaux pour justifier du déblocage des fonds. En l’occurrence, le tribunal relève que la date figurant sur l’attestation de fin de travaux, dont la signature est d’ailleurs contestée par les requérants, est bien antérieure à la date à laquelle il a été sollicité une demande auprès de la société ERDF des travaux de raccordement. Selon la juridiction, cela démontre de toute évidence que la société installatrice n’avait pas rempli ses obligations contractuelles et surtout que l’attestation de fin de travaux était sérieusement contestable. Le jugement du tribunal de commerce d’EVRY confirme une jurisprudence de plus en plus croissante tendant à sanctionner les organismes de crédit (professionnels) peu scrupuleux dans la vérification, pourtant obligatoire, de la régularité et conformité du contrat principal (contrat de vente) duquel il dépend. Surtout la juridiction commerciale confirme que la signature figurant sur une attestation de fin de travaux n’est pas le gage absolu pour une banque pour se dégager de toute responsabilité. Cela rappelle enfin que les consommateurs ne sont pas sans recours en cas de mise en liquidation ou redressement judiciaire des sociétés…

Elevages: le délai de recours réduit à 4 mois va t-il survivre aux discussions parlementaires relatives au projet de loi Macron?

Les délais de recours contre les autorisations ICPE ont régulièrement fait l’objet de tentatives d’allégement, parfois réussies, dans un double souci de préserver bien entendu le droit au recours tout en réduisant l’insécurité juridique de l’exploitant de l’installation. Les discussions parlementaires en cours au sujet de la Loi “CROISSANCE, ACTIVITÉ ET ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES” (dite Loi Macron) vont peut être modifier l’état du droit dans le sens d’un raccourcissement des délais. Rappelons que l’état actuel du droit témoigne déjà l’existence de délais “spéciaux”. La règle pour les tiers demeure aujourd’hui celle d’un délai de droit commun d’une année à compter de la publication ou de l’affichage de la décision (avec un tempérament si la mise en service de l’installation n’est pas intervenue six mois après la publication ou l’affichage de ces décisions, le délai de recours continuant alors à courir jusqu’à l’expiration d’une période de six mois après cette mise en service). Ce délai a très longtemps été de 4 ans, sans prorogation. Plusieurs exceptions ont existé et existent encore : pour les élevages : le délai de recours des tiers était raccourci déjà à une année, pour s’aligner aujourd’hui sur le délai de droit commun, avec une prorogation de 6 mois le cas échéant (article L515-27 du code de l’environnement); pour les éoliennes: le délai de recours des tiers est de six mois à compter de la publication ou de l’affichage des décisions, sans prorogation (article L 553-4 du code de l’environnement).   A l’occasion de la Loi Macron actuellement en débat au Parlement, un amendement n°SPE534 relatif à l’article 26bis du projet de loi a été adopté en Commission. Il vise à porter le délai de recours contre les décisions administratives relatives aux élevages d’une année à 4 mois (le Sénat l’ayant auparavant réduit à 2 mois). L’exposé de l’amendement indique: “La réduction du délai de recours contre les arrêtés d’autorisation d’exploitation d’installations d’élevage classées pour la protection de l’environnement, aujourd’hui fixé à un an, est nécessaire. La durée de deux mois semble toutefois trop courte et il est donc proposé de fixer une durée de quatre mois, conformément aux recommandations des groupes de travail sur la simplification du droit de l’environnement, auxquels ont participé les représentants du monde agricole. Cela laissera le temps aux recours de s’exprimer, sans pour autant exposer les exploitants à une trop forte insécurité juridique, puisque le délai de recours actuel est divisé par trois“. On remarquera également qu’à ce stade, le délai de recours raccourci de deux mois pour toutes les installations classées (en supprimant au passage le délai spécial pour les éoliennes) n’a pas passé le filtre de la Commission Mixte Paritaire. Il peut paraître regrettable que les délais soient sujets à de telles variables d’ajustement, moins guidées par des logiques juridiques que par des pressions politiques. Ces dernières peuvent se comprendre, surtout dans un contexte dans lequel les élevages ont besoin de visibilité, de davantage de latitude et d’allégement, si possible selon les circonstances locales, des prescriptions. Mais en ce cas, la cohérence voudrait un raccourcissement général des recours pour l’ensemble des installations classées, élevages et éoliennes comprises car l’ancienne justification des délais “longs” (laisser le temps au voisinage d’apprécier les inconvénients de l’installation) ne peut guère, à notre sens, apparaître comme fondée. Affaire à suivre…

Défrichement et PC tacite: précisions sur le déféré préfectoral et contrôle du juge sur les autorisations (CE, 6 mai 2015)

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Aux termes d’un arrêt du 6 mai dernier, le Conseil d’Etat a précisé les conditions du déféré préfectoral en présence d’un permis de construire tacite. Il a également éclairci le degré de contrôle du juge concernant la qualification de terrains pouvant faire l’objet d’une autorisation de défrichement. Enfin, il a rappelé à plusieurs reprises que les juges de fond étaient souverains dans leur appréciation des faits et que son propre rôle se limitait à vérifier qu’ils ne les avaient pas dénaturés. (CE, 9e et 10e sous-sect., 6 mai 2015, n°366004, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Les faits étaient les suivants. La propriétaire de plusieurs parcelles a déposé une demande de permis de construire en vue de l’édification d’une villa. En l’absence de réponse de la mairie, la pétitionnaire a demandé au maire de lui délivrer un certificat attestant qu’elle était bénéficiaire d’un permis de construire tacite. Ce certificat, prévu à l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme, lui a été délivré le 22 décembre 2009 et a été transmis au préfet des Alpes-Maritimes le 6 janvier 2010. Par un courrier du 23 février 2010, ce dernier a demandé au maire de “prendre une décision refusant ce permis de construire ” au motif que la demande de la pétitionnaire aurait dû être précédée d’une demande d’autorisation de défrichement en application de l’article R. 431-19 du code de l’urbanisme. Le maire a rejeté cette demande par une décision du 22 mars 2010. Le préfet a alors déféré la décision de permis de construire tacite au tribunal administratif. Le tribunal a annulé le permis de construire litigieux et ce jugement a été confirmé en appel. La pétitionnaire a alors formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a examiné la régularité du jugement attaqué. En l’espèce, la requérante critiquait l’absence de réouverture de l’instruction après la clôture malgré la production d’un mémoire du Préfet. Après avoir rappelé les conditions dans lesquelles des mémoires produits après la clôture de l’instruction rouvrent ou non l’instruction, le Conseil d’Etat a estimé qu’en l’espèce le mémoire produit par le préfet après la clôture de l’instruction ne contenait aucun élément susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire. Il en déduit que la cour n’a pas entaché la procédure d’irrégularité en ne rouvrant pas l’instruction. Le Conseil d’Etat rappelle ici sa position classique concernant la réouverture de l’instruction et sa position ne comporte aucune nouveauté. Dans un second temps, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le bien-fondé du jugement. Sa décision est alors particulièrement intéressante. En premier lieu, le Conseil d’Etat se prononce sur la portée du recours gracieux du préfet. Il estime que ce courrier valait demande de retrait et que, par suite, les conclusions présentées par le Préfet devant le tribunal administratif tendant à l’annulation de ce permis de construire tacite n’étaient pas irrecevables dans la mesure où elles étaient en rapport avec l’objet du recours gracieux. Le Conseil d’Etat vérifie ici que la Cour n’a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis. Il se livre donc à un contrôle de la dénaturation, laissant aux juges du fond le pouvoir d’apprécier souverainement les faits qui leur ont été soumis. Il s’agit d’un contrôle du juge de cassation habituel. En deuxième lieu, le Conseil d’Etat estime que bien qu’il résulte de l’article L. 424-8 du code de l’urbanisme qu’un permis de construire tacite est exécutoire dès qu’il est acquis, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le Préfet défère un permis de construire tacite au tribunal dans les deux mois de sa transmission par la commune. En matière de permis de construire tacite, l’obligation de transmission est satisfaite lorsque la commune a transmis au préfet l’entier dossier de demande, en application de l’article R. 423-7 du code de l’urbanisme. Par suite, le délai du déféré préfectoral court alors à compter de la date à laquelle le permis est acquis ou, dans l’hypothèse où la commune ne satisfait à l’obligation de transmission que postérieurement à cette date, à compter de la date de cette transmission. En l’espèce, le Conseil d’Etat relève qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que la commune aurait transmis la demande de permis au Préfet. Par suite, le délai ouvert au Préfet contre le permis de construire tacite en litige a débuté à compter de la date à laquelle le certificat prévu à l’article R. 424-13 du code de l’urbanisme lui avait été transmis. En troisième lieu, le Conseil d’Etat considère que c’est à bon droit que la Cour a jugé que les dispositions de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, qui limitent le délai pendant lequel une autorisation de construire peut être retirée, spontanément ou à la demande d’un tiers, par l’autorité qui l’a délivrée, n’ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que le représentant de l’Etat forme un recours gracieux jusqu’à l’expiration du délai dont il dispose pour déférer un tel acte au tribunal administratif, ni à ce que ce dernier délai soit interrompu par le recours gracieux. Il en résulte qu’un recours gracieux du Préfet peut être recevable alors même que le permis de construire tacite ne peut plus être retiré. Le Conseil d’Etat réitère une solution qu’il avait déjà adoptée en 2011 sur la recevabilité du recours gracieux du préfet (CE, 9e et 10e  sous-sections réunies, 5 mai 2011, n°336893, Publié au recueil Lebon). En quatrième lieu, la requérante faisait état de l’inconstitutionnalité de dispositions législatives alors que le Conseil d’Etat statuant au contentieux n’avait pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée à cet effet par la requérante. Le moyen a donc été écarté. En cinquième lieu, le Conseil d’Etat précise que les juges du font se livrent à une appréciation souveraine des faits pour déterminer si les parcelles dont la requérante est propriétaire doivent être regardées comme étant en état boisé ou à destination forestière au sens…

Immobilier: Contrat de vente immobilière / contrat de crédit affecté : une interdépendance parfois bien utile ! (Cass, 18 déc.2014)

Par Aurélien BOUDEWEEL – Green Law Avocat   Par un arrêt en date du 18 décembre 2014 (C.cass, 18 décembre 2014, 1ère chambre civile, n° de pourvoi 13-24385), la Cour de cassation confirme donc un courant jurisprudentiel dont nous nous étions fait l’écho dans un précédent article (Article du 14 avril 2014, C. d’appel de LIMOGES, 24 janvier 2014, RG n°12/01358), sur l’interdépendance d’un contrat de crédit affecté et du contrat de vente principal. En l’espèce, un immeuble a été acheté par des particuliers. Pour financer cette acquisition, un contrat de prêt a été contracté (on parle de « contrat de crédit affecté »). Un litige est intervenu entre les parties sur la livraison du bien immobilier. Dans ce contexte, les acheteurs ont porté l’affaire devant la juridiction civile et ont sollicité la suspension du contrat de prêt. Saisie du litige, la Cour d’appel a débouté les particuliers de leurs demandes de suspension du contrat de prêt au motif qu’aucun élément de contestation du contrat de prêt ne justifiait sa suspension. La Cour de cassation censure cette appréciation en jugeant :  « Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte notarié du 26 octobre 2006, la société civile de construction Y (la société) a vendu en l’état futur d’achèvement à M. X… un immeuble financé à l’aide d’un prêt souscrit auprès de la banque Z (…), que M. X… a assigné la société Y et la banque Z aux fins de voir ordonner la suspension de l’exécution du contrat de prêt immobilier jusqu’à la solution du litige l’opposant à la société relativement à la livraison du bien vendu ; Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que le seul fait d’avoir à rembourser les échéances du contrat de prêt ne caractérise pas un accident affectant son exécution alors, d’une part, que M. X… a obtenu un différé d’amortissement du prêt et que, d’autre part, il ne fournit aucun élément d’ordre économique relativement à sa situation de nature à fonder la suspension du contrat de prêt ; Qu’en statuant ainsi, alors que seuls les accidents ou la contestation affectant l’exécution du contrat principal déterminent la suspension du contrat de prêt destiné à le financer, la cour d’appel a violé, par fausse application, le texte susvisé».   Rappelons que le crédit affecté est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Dans ce contrat, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-20 à L. 311-28 du Code de la consommation. Il est utile de préciser que le lien d’interdépendance est une règle d’ordre public à laquelle le consommateur ne saurait renoncer d’une manière ou d’une autre (Cass, 1ère civ., 17 mars 1993 : Bull. civ. 1993, I, n° 116 ; D. 1993). Plus encore, l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt d’argent ne commence qu’avec la livraison de la marchandise ou l’exécution de la prestation (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Contrats, conc. consom. 1997, comm. 86. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1995 : Contrats, conc. consom. 1995, comm. 166. – CA Douai, 8 sept. 1994 : Rev. huissiers 1995, p. 116). De fait, en cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit (C. consom., art. L. 312-19). L’arrêt de la Cour de cassation en date du 18 décembre 2014 met en pratique la disposition du Code de la consommation susvisée et sanctionne la Cour d’appel qui avait méconnu ces dispositions. Cet arrêt est intéressant puisqu’il permet de rappeler aux particuliers qu’en cas de conclusion de contrat de crédit (contrat de crédit affecté) destiné à financer un achat immobilier, ces derniers ont la possibilité de solliciter la suspension des échéances de leur contrat de crédit dès lors que des contestations s’élèvent autour du contrat principal d’achat. Si l’arrêt ici commenté concerne un bien immobilier, rappelons que la solution dégagée tendant à obtenir la suspension du contrat de crédit est identique lorsque des particuliers contestent des contrats de vente d’installation photovoltaïque ou toutes autres installations de production d’énergie. C’est d’ailleurs parfois le seul moyen pour bon nombre de particulier de limiter leurs préjudices au regard des entreprises placées en procédure collective dans ce secteur et contre qui les actions judiciaires sont limitées.    

ICPE et Information du public : quand la jurisprudence Danthony vient au secours des exploitants viticoles au détriment des exploitants de carrières (CAA Marseille 19 mai 2015)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le Conseil d’Etat, aux termes de sa décision Danthony, a dégagé le « principe » selon lequel : « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte » (Conseil d’Etat, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033, publié au recueil Lebon). Ainsi, une décision affectée d’un vice de procédure n’est illégale que s’il ressort des pièces du dossier que ce vice a été susceptible d’exercer, dans les circonstances de l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. Ce principe a ensuite été adapté aux vices pouvant entacher une étude d’impact : «  les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » (Conseil d’Etat, 14 octobre 2011, n°323257, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Il a également été adapté aux vices affectant un dossier soumis à enquête publique : « les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » (Conseil d’Etat, 15 mai 2013, n°353010, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le droit de l’environnement met fréquemment ce principe en œuvre. La Cour administrative de Marseille nous en donne encore une illustration supplémentaire (CAA Marseille, 19 mai 2015, n°13MA03284). Il s’agit de la décision présentement commentée. Le 1er mars 2011, le Préfet de l’Aude a autorisé la SARL Les Carrières de Pompignan à exploiter une carrière à ciel ouvert au lieu dit ” Plo dal Tablié ” sur le territoire de la commune de Caunes-Minervois. Cette commune comporte un vignoble protégé par une appellation d’origine contrôlée. Le syndicat viticole du Cru minervois et le GAEC du Château de Villerembert-Moureau ont demandé l’annulation de cet arrêté. Il était notamment soutenu que l’arrêté du 1er mars 2011 serait illégal dès lors les avis de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) et de la commune de Caunes-Minervois n’auraient pas été annexés au dossier d’enquête publique. Par un jugement du 2 juillet 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d’annulation. Saisie d’un appel contre cette décision, la Cour administrative d’appel de Marseille a censuré son analyse. D’une part, elle précise qu’aux termes de l’article R. 123-6 du code de l’environnement dans sa rédaction alors applicable : « Le dossier soumis à l’enquête publique comprend les pièces suivantes : / (…)8° Lorsqu’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire, les avis émis par une autorité administrative sur le projet d’opération (…) » En particulier, aux termes de l’article L. 512-6 du même code : « Dans les communes comportant une aire de production de vins d’appellation d’origine, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation consulte l’Institut national de l’origine et de la qualité (…) ». D’autre part, elle rappelle le principe selon lequel « les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. » Après avoir relevé qu’en l’espèce, le préfet de l’Aude devait, avant d’autoriser l’exploitation de la SARL Les Carrières de Pompignan, consulter l’INAO, elle a constaté que l’INAO avait émis un avis défavorable antérieurement au début de l’enquête publique « motivé par la circonstance que l’exploitation de la carrière de marbre se situait au coeur d’un important vignoble classé en appellation d’origine contrôlée ” Minervois “, que l’activité située dans un secteur particulièrement venté, provoquerait de graves nuisances à l’activité viticole, que la production de poussières générées par l’exploitation aurait un impact néfaste sur le vignoble des domaines alentours et sur la qualité des vins et que cette exploitation industrielle était incompatible avec l’image et la notoriété recherchées par les vignerons pour les vins du secteur ; ». Après avoir fait état de la faible participation du public et du fait que les rares observations contenues dans les registres d’enquête publiques avaient été formulées par des exploitants viticoles, la Cour a estimé « qu’eu égard au public concerné par le projet, notamment constitué d’exploitants viticoles, l’absence dans le dossier d’enquête publique de l’avis, défavorable, de l’INAO a nécessairement eu pour effet de nuire à l’information complète de la population au sujet de l’opération projetée ; que, dans ces conditions, le défaut de production de l’avis de l’INAO au dossier d’enquête publique constitue un vice de nature à entacher d’illégalité l’arrêté litigieux ». La Cour annule donc le jugement attaqué et l’arrêté du préfet de l’Aude du 1er mars 2011.   Cet arrêt est intéressant au regard de l’appréciation très circonstanciée de la Cour. Celle-ci considère que le vice de procédure était ici substantiel au regard, d’une part, de l’existence d’un avis défavorable de l’INAO et, d’autre part, au regard de la population la plus concernée par le projet. Elle en a déduit que le vice de procédure a nui à l’information complète…