Par un arrêt en date du 6 mai 2014 (C.cass, viv. 3ème, 6 mai 2014 n° 13-12619), la Cour de cassation précise que les vendeurs qui ont remis en vente un immeuble ayant fait l’objet d’une promesse de vente sous condition suspensive ne peuvent demander le bénéfice de la clause pénale en cas de refus de l’acquéreur de réitérer la vente.
En l’espèce, des particuliers avaient conclu une promesse de vente concernant un terrain avec la condition suspensive que l’acquéreur obtienne un permis de construire. Le permis de construire fut obtenu et les vendeurs sollicitaient la régularisation de la vente.
Tel ne fut pas le cas puisque l’acquéreur resta silencieux.
Les acquéreurs ont alors sollicité l’application de la clause pénale à leur profit étant précisé qu’ils avaient entre-temps publié une annonce de remise en vente de l’immeuble.
Saisie du litige, la Haute juridiction analyse dans un premier temps la condition suspensive dont était assortie la promesse de vente en jugeant :
« Qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la promesse de vente du 24 janvier 2008 était notamment consentie à l’acquéreur sous condition suspensive du dépôt d’une demande de permis de construire dans les 10 jours de la signature de la promesse et que si l’acquéreur ne recevait pas de réponse de l’administration avant le 15 avril 2008, la condition serait réputée défaillante, la régularisation de la vente étant prévue au plus tard au 30 avril 2008 ; que la cour d’appel a également constaté que l’acquéreur n’avait déposé sa demande de permis de construire que le 18 février 2008 et que, sur demande de l’administration, il avait complété son dossier le 29 avril 2008, démontrant sa volonté de poursuivre la vente, de sorte qu’à la date du 29 avril 2008, le délai de réalisation de la condition suspensive avait été tacitement prorogé par les deux parties (…) »
Puis la Cour de cassation censure partiellement la Cour d’appel quant aux conséquences découlant de la publication par les acquéreurs d’une annonce de vente :
« Qu’il résulte en l’espèce des constatations de la cour d’appel, qu’à aucun moment les consorts X… n’ont signifié à Monsieur Y… qu’ils publiaient le 7 juin 2008 une annonce pour proposer le bien à la vente, ou encore, au moment de passer cette annonce, qu’ils ne souhaitaient plus le lui proposer, pas plus qu’ils ne lui ont adressé la moindre mise en demeure visant le dépassement des délais, les consorts X… faisant en effet à cet égard valoir dans leurs conclusions d’appel (p. 7) qu’ils entendaient exclusivement, au moyen, de cette annonce, s’octroyer une sorte de garantie en recherchant un éventuel nouvel acquéreur, pour le cas où il s’avèrerait finalement impossible de conclure une quelconque transaction avec Monsieur Y…, de sorte qu’au regard des constatations de la cour d’appel selon lesquelles les parties étaient convenues, au 29 avril 2008, de proroger les délais de réalisation de la condition d’obtention du permis de construire, en l’absence de toute manifestation inverse de la volonté des consorts X…, Monsieur Y… était fondé, une fois le permis de construire obtenu, à demander la réitération de la vente, que l’annonce ait, ou non, été passée, et que de ce fait, en pratique, dans les relations entre les consorts X… et Monsieur Y…, le bien objet de la vente était toujours « immobilisé » ; que dès lors en affirmant qu’en mettant le bien en vente, sans en aviser antérieurement Monsieur Y…, ni l’avoir mis en demeure d’une quelconque façon, les consorts X… lui avaient signifié sans équivoque que leur bien n’était plus immobilisé et qu’ils s’estimaient déliés de leur engagement, la cour d’appel n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales, et a derechef violé l’article 1134 du code civil.
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi »
Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle qu’en principe la promesse de vente sous condition suspensive produit ses effets selon la volonté des parties lorsque les conditions suspensives se réalisent et que les termes arrivent à échéance; a contrario, si la volonté affichée des parties n’est pas de mener la vente à son terme, l’application de la clause pénale peut être neutralisée par le juge.
Concrètement, en cas de violation de la promesse, les sanctions sont celles du droit commun. La victime de l’inexécution peut :
- Demander la résolution et/ou des dommages et intérêts (Cass. civ., 26 mars 1884 : DP 1884, 1, p. 403 ; S. 1886, 1, p. 341 : vendeur demandant la résolution. – Cass. 3e civ., 28 avr. 1981, n° 80-10.002, préc. n° 88 : idem. – P.-H. Antonmattei et J. Raynard, op. cit., n° 67. – J. Huet, op. cit., n° 11520. – Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, op. cit., n° 137).
- Demander le paiement de l’indemnité prévue par la clause pénale (CA Poitiers, 1re ch., 26 nov. 2008 : JurisData n° 2008-379706. – CA Bourges, ch. civ., 16 nov. 2004, n° 03/01740 : JurisData n° 2004-261859).
En l’espèce il s’agissait de cette seconde hypothèse dans le litige soumis à la Cour de cassation.
Toutefois, la Cour de cassation de manière assez logique en l’espèce refuse de faire droit à l’application automatique de la clause pénale au regard du comportement des vendeurs lesquels ont publié une annonce de vente de l’immeuble démontrant qu’ils considéraient ne plus être liés par la promesse de vente litigieuse.
C’est donc une recherche de la volonté des parties au sens de l’article 1134 du code civil qui est menée par la juridiction d’appel reprise par la Cour de cassation.
Ce refus de la Cour de cassation d’appliquer automatiquement le jeu de la clause pénale prévue dans une promesse de vente doit conduire les bénéficiaires de promesse à demeurer vigilants et à émettre expressément leur volonté de réitérer la vente… car s’ils sont trop prudents (notamment en remettant le bien en vente… ce qui somme toute n’apparaît pas déraisonnable au vu du silence de l’acquéreur), leur comportement risque d’être interprété contre eux.
Aurélien BOUDEWEEL
Green Law Avocat