Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) : le Gouvernement est prié de revoir sa copie

Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) : le Gouvernement est prié de revoir sa copie

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Par Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats) 

Le 10 mars 2025, afin de préparer la France à une température de 4° C à l’horizon 2100, le Gouvernement a lancé son troisième Plan national d’adaptation au changement climatique : ce nouveau Plan comportait 52 mesures dont l’objectif est de traiter les impacts du changement climatique et donc de faire face à l’urgence climatique, avec 310 actions concrètes à court, moyen et long terme. Tous les secteurs d’activité, ainsi que tous les territoires, étaient concernés. Par exemple, dans chaque Préfecture doit être nommé un référent adaptation.

Manifestement, ce troisième Plan est perfectible, puisque quatorze demandeurs, parmi lesquels figuraient des sinistrés climatiques, ont demandé au Gouvernement de réviser ledit Plan, demande adressée le 8 avril 2025 aux ministres compétents, à commencer par les ministres de la Transition écologique, des Outre-mer, de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Précisons que les sinistrés climatiques sont des victimes d’inondations, de sécheresses, de retrait-gonflement des argiles, de pertes agricoles, bref des personnes concernées au premier chef par le changement climatique et l’inaptitude de l’État à prendre des mesures adaptées contre ces risques.

À l’origine de cette demande, on trouve les associations Urgences maisons fissurées Sarthe, Mayotte a soif, Justice Ensemble, Ghett’up, l’Association nationale des gens du voyage citoyens, les trois associations qui constituent le noyau de l’Affaire du siècle – Oxfam, Greenpeace et Notre Affaire à tous – le Mouvement inter-régional des Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne, ainsi que cinq individus.

À titre de rappel, dans sa décision du 1er juillet 2021, Commune de Grande-Synthe et autre (n° 427301), le Conseil d’État avait donné satisfaction à la commune requérante et enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires avant mars 2022 pour respecter la trajectoire de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 (voir notre commentaire sur le blog). D’après le bilan environnemental de la France de 2024, des ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique, 62 % de la population est fortement exposée aux risques climatiques.

La demande du 8 avril 2025, forte de 161 pages, a donc demandé le renforcement de ce troisième Plan ainsi que l’adoption de toute mesure utile susceptible d’assurer ou de renforcer l’adaptation de la France aux conséquences du changement climatique. Les bases légales sur lesquelles s’appuie cette demande sont nombreuses : la Charte de l’environnement de 2005 bien entendu, mais aussi la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, l’Accord de Paris de 2015, le Protocole de Kyoto de 1997, les Accords de Cancun de 2010, et le règlement européen du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique.

Dans la mesure où la France a été soumise ou partie à ces textes, il en a résulté une obligation générale d’adaptation au changement climatique à la charge de l’État. L’action des demandeurs est aussi basée sur trois arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme du 9 avril 2024 : Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres contre Suisse (n° 53600/20), Carême contre France (n° 7189/21) et Duarte Agostinho et autres contre Portugal et 32 autres États (n° 39371/20) : par ces trois arrêts, la Cour a reconnu l’obligation pour les États membres du Conseil de l’Europe de protéger les individus contre les effets néfastes du changement climatique sur la santé et sur la vie humaine (voir notre commentaire sur le blog).

Notamment, elle a déduit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que les mesures d’adaptation qui visent à amoindrir les conséquences les plus sévères ou immédiates du changement climatique devaient être mises en place et être appliquées de façon effective, sur la base des meilleures données possibles.

Autre argument juridique de la demande, l’Avis du Haut Conseil sur le Climat du 13 mars 2025 sur le Plan national d’adaptation au changement climatique : dans cet Avis, le HCC a indiqué que le Plan ne permet pas à la France d’être prête à faire face aux changements climatiques, et qu’il est crucial de s’appuyer sur les connaissances scientifiques comme fondement de l’action publique climatique afin, notamment, de renforcer les politiques d’adaptation.

Sur cette thématique, on peut citer un extrait de la demande :

« En s’appuyant sur une trajectoire unique, le Pnacc 3 ne repose pas sur une analyse exhaustive des incidences du changement climatique, et ne tient pas compte de l’ensemble des données scientifiques disponibles sur le sujet. »

Pour les demandeurs, d’une part, la base de connaissances à l’origine du Plan est purement et simplement très insuffisante.

D’autre part, dans la mesure où elle a retenu une approche unique basée sur le niveau de réchauffement attendu à la lumière des contributions nationales annoncées par les États dans le cadre de l’Accord de Paris, la trajectoire de référence de l’adaptation au changement climatique n’apparaît pas fiable.

Comme cela a été mentionné plus haut, 310 actions concrètes ont été mises en exergue dans le Plan national d’adaptation au changement climatique. Mais force est de constater – et les demandeurs n’ont pas manqué de le relever – que seules 48 ont fait l’objet d’un chiffrage ou d’une évaluation budgétaire. De plus, ces actions sont basées sur des fonds dont les budgets sont insuffisants pour les financer : sur ce sujet, les demandeurs font référence au Fonds Vert et au Fonds Barnier.

Parmi les critiques formulées par ces mêmes demandeurs, a été mise en exergue l’idée que les politiques d’adaptation au changement climatique devaient notamment anticiper les impacts à attendre du changement climatique, et limiter les dégâts éventuels, en intervenant sur les facteurs qui contrôlent leur ampleur.

Cela étant, les auteurs de la demande ont constaté que le Plan national d’adaptation au changement climatique n’a prévu aucune action destinée à favoriser la prise en compte des risques climatiques dans les plans de prévention des risques naturels prévisibles, et ce aussi bien en métropole qu’en outre-mer.

À ce stade, on ne peut que lire attentivement cette demande de 161 pages et se demander si elle mènera à de nouveaux contentieux aboutissant à la condamnation de l’État.

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