Loi ELAN et décret du 10 décembre 2018 : un nouvel assouplissement des contraintes applicables aux antennes relais

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Par Thomas RICHET (Green Law Avocats)

Soucieux de lutter contre les « zones blanches » du réseau téléphonique et l’accélération du déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire national, le gouvernement et le législateur ont intégré dans la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ou loi « ELAN ») de nombreuses dispositions permettant de faciliter l’implantation des antennes relais.

Ce texte a ensuite été complété par le décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 relatif à l’extension du régime de la déclaration préalable aux projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l’urbanisme.

  • Assouplissement des exigences en matière d’information des Maires et Présidents d’Intercommunalités (Articles 219 et 220 de la loi ELAN):

La loi ELAN a tout d’abord assoupli l’obligation d’information due aux Maires et Présidents d’EPCI au titre de l’article L. 34-9-1 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE).

Cet article prévoit en effet que toute personne souhaitant exploiter une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à l’accord ou l’avis de l’Agence Nationale des Fréquences (ANFR) est tenue de transmettre un dossier d’information au Maire ou au Président de l’EPCI.

Avant la loi ELAN, ce dossier devait être transmis deux mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme : il doit aujourd’hui l’être un mois avant (article 219 de la loi EALN).

Cette modification du CPCE est applicable aux dossiers d’information transmis à compter du 24 novembre 2018.

Par ailleurs, jusqu’au 31 décembre 2022, une dérogation au régime d’information précité est prévue pour « les travaux ayant pour objectif l’installation de la quatrième génération du réseau de téléphonie mobile sur un équipement existant » (article 220 de la loi ELAN). Pour ces travaux, une simple information préalable du maire est prévue si le support ne fait pas l’objet d’une « extension ou d’une rehausse substantielle ».

  • Suppression de la possibilité de retirer des décisions d’urbanisme autorisant une antenne relais (article 222 de la loi ELAN):

A titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2022, la loi ELAN prévoit que les décisions qui autorisent ou ne s’opposent pas à l’implantation d’antennes de radiotéléphonie mobile ne peuvent plus être retirées, par dérogation à L. 424-5 du Code de l’urbanisme.

Concrètement, cela signifie qu’il ne sera plus possible de demander le retrait de l’autorisation dans le cadre d’un recours gracieux : tout recours devra nécessairement être contentieux.

Ces dispositions sont applicables aux décisions d’urbanisme prises à compter du 24 décembre 2018, et le Gouvernement devra établir un bilan de cette expérimentation au plus tard le 30 juin 2022.

  • Passage d’un accord à un avis de l’Architecte des Bâtiment de France (ABF) (article 56 de la loi ELAN):

Lorsque des travaux sont entrepris dans le périmètre d’un site remarquable, ils sont normalement soumis à l’accord de l’ABF (Art. 632-1 et L. 632-2 du Code du Patrimoine).

L’article L. 632-2-1 du Code du patrimoine prévoit toutefois un certain nombre d’hypothèses dans lesquels cet accord est remplacé par un simple avis.

La loi ELAN intègre les projets d’antennes relais à cette liste. Précisons que cette nouvelle exception s’applique aux demandes déposées à compter 25 novembre 2018.

  • Exception aux règles de sélection préalable du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques (CG3P) (article 221 de la loi ELAN) :

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, les personnes publiques sont tenues d’organiser une procédure de sélection préalable des candidats à l’obtention d’un titre visant à occuper ou utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique (cf. Art. L. 2122-1-1 du CG3P).

La loi ELAN élargit le champ des exceptions à cette règle (cf. Art. L. 2122-1-2 et L. 2122-1-3 du CG3P) en créant un article L. 2122-1-3-1 qui prévoit que la procédure de sélection préalable ne sera pas applicable lorsque le titre vise à permettre l’implantation et l’exploitation « d’un réseau de communications électroniques ouvert au public ».

  • Assouplissement des règles relatives à la construction en zones Montagne et Littoral (articles 223 et 224 de la loi ELAN):

L’article L. 122-3 du Code de l’urbanisme fixe une liste des installations et des ouvrages qui ne sont pas soumises à la loi montagne.

La loi ELAN y ajoute l’hypothèse de « l’établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public » si ce type d’installation s’avère nécessaire pour améliorer la couverture du territoire.

Les règles de construction en zone littoral sont elles aussi assouplies en faveur des antennes relais. En effet, alors que l’article L. 121-16 du Code de l’urbanisme fixe le principe de l’interdiction des constructions et installations dans la bande littorale des « 100 mètres », l’article L. 121-17 prévoit des exceptions à cette règles lorsque les constructions et installations projetées qui sont nécessaires au service public nécessitent la proximité de l’eau. Plus précisément, cette exception joue pour « l’atterrage des canalisations et à leurs jonctions lorsque ces canalisations et jonctions sont nécessaires à l’exercice des missions de service public définie à l’article L. 121-4 du Code de l’énergie ».

L’article 224 de la loi ELAN prévoit que cette exception jouera désormais également pour « l’établissement des réseaux ouverts au public de communication électroniques ».

  • Entrée en vigueur du décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 relatif à l’extension du régime de la déclaration préalable aux projets d’installation d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et à leurs locaux ou installations techniques au titre du code de l’urbanisme:

Le décret n° 2018-1123 du 10 décembre 2018 (qui s’applique aux déclarations préalables déposées à compter du 13 décembre 2018) a modifié l’article R. 421-9 du Code de l’urbanisme de manière à soumettre les projets d’installation d’antenne relais de radiotéléphonie mobile à déclaration préalable dans l’hypothèse où l’antenne et les annexes nécessaires à son fonctionnement présentent une surface de plancher et une emprise au sol comprises entre 5 m² et 20 m², et ce, quelle que soit la hauteur de l’antenne.

Jusque-là, de telles constructions étaient soumise à permis de construire, et lorsque l’opérateur avait malgré tout bénéficié d’une déclaration préalable, le moyen pouvait être soulevé dans le cadre d’un recours (CE, 20 juin 2012, n° 344646 ; voir aussi notre analyse ici).

Dans un contexte de rejet global des antennes de radiotéléphonie par la population du fait des incertitudes quant aux potentiels risques sanitaires des radiofréquences (voir par exemple rapport ANSES) et à la reconnaissance par le juge administratif des pathologies liées à l’hypersensibilité électromagnétique (voir en ce sens TA de Cergy-pontoise, 17 janvier 2019, n° 1608265), nous ne pouvons que déplorer ces mesures qui, au lieu d’aller dans le sens d’un renforcement de l’information et du dialogue entre opérateurs et population, visent à supprimer les derniers garde-fous pouvant s’opposer à l’implantation ces installations.