Urbanisme/ opposition au droit de visite de l’administration: les dispositions pénales sont conformes à la Constitution (CC, 9 avr.2015)

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) L’administration souhaite parfois s’assurer de la conformité des travaux avec les règles d’urbanisme applicables. Pour ce faire, l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme institue un droit de visite permettant à certaines personnes dûment autorisées de visiter les constructions en cours, de procéder aux vérifications qu’ils jugent utiles et de se faire communiquer tous documents techniques se rapportant à la réalisation des bâtiments. Ce droit de visite peut être exercé pendant la construction mais aussi dans un délai de trois ans à compter de son achèvement. Il concerne tout type de constructions. Faire obstacle à ce droit de visite constitue un délit réprimé par les dispositions de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme.  Aux termes de cet article : « Sans préjudice de l’application, le cas échéant, des peines plus fortes prévues aux articles 433-7 et 433-8 du code pénal, quiconque aura mis obstacle à l’exercice du droit de visite prévu à l’article L. 461-1 sera puni d’une amende de 3 750 euros. En outre un emprisonnement de un mois pourra être prononcé. » Rappelons que les articles 433-7 et 433-8 concernent l’infraction de rébellion, qui consiste à « opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant, dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exécution des lois, des ordres de l’autorité publique, des décisions ou mandats de justice. » En application de ces dispositions, un individu a été condamné à 3000€  d’amende par une cour d’appel. Il a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation. Son pourvoi était assorti de la question prioritaire de constitutionnalité suivante :  « L’article L. 480-12 du code de l’urbanisme, en tant qu’il réprime le fait de mettre obstacle à l’exercice du droit de visite prévu à l’article L. 461-1 et interdit du même coup de s’opposer à telle visite dans un domicile privé, porte-t-il atteinte au droit au respect de l’inviolabilité du domicile garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 et méconnaît-il l’article 66 de la Constitution selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle ? » Après avoir estimé que l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme était applicable à la procédure et n’avait pas été déjà déclaré à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a considéré que :  «  la question posée [présentait] un caractère sérieux au regard des principes de respect de l’inviolabilité du domicile et de la liberté individuelle, en ce que l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme sanctionne quiconque aura mis obstacle au droit de visite prévu par l’article L.461-1 dudit code, alors que ce dernier texte n’assortit pas le contrôle qu’il prévoit de garanties particulières, notamment lorsque la visite s’effectue dans un domicile ». Elle a donc renvoyé la question au Conseil constitutionnel (Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 février 2015, n°14-84.940). Aux termes d’une décision du 9 avril 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme conformes à la Constitution en : « 3. Considérant, d’une part, que la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile ;  Considérant que l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme réprime le fait de faire obstacle au droit de visite prévu par l’article L. 461-1 du même code ; qu’eu égard au caractère spécifique et limité du droit de visite, cette incrimination n’est pas de nature à porter atteinte à l’inviolabilité du domicile ; que le grief tiré d’une atteinte à l’inviolabilité du domicile doit être écarté ; Considérant, d’autre part, que le grief tiré de l’atteinte à la liberté individuelle est inopérant ; Considérant que les dispositions de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution» (Conseil constitutionnel, 9 avril 2015, n° 2015-464 QPC)   Il ressort de cette analyse que le Conseil constitutionnel raisonne par rapport au caractère « spécifique et limité » du droit de visite prévu à l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme afin de réfuter une atteinte à l’inviolabilité du domicile. Cette position peut surprendre dans la mesure où le Conseil constitutionnel raisonne « à l’envers » par rapport à la question du requérant. Le requérant envisageait l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme par rapport au fait qu’il était contraint d’accepter une visite domiciliaire sous peine d’être sanctionné pénalement. Or, le Conseil constitutionnel estime à l’inverse que c’est parce que le droit de visite est limité que sa méconnaissance peut être sanctionnée pénalement. Il ne raisonne pas du tout par rapport à la « contrainte » invoquée par le requérant mais plutôt au regard de la finalité de l’infraction : lutter contre la méconnaissance des règles d’urbanisme lors de la construction des bâtiments. Notons toutefois que la décision du Conseil constitutionnel est parfaitement compréhensible et qu’il ne pouvait, à notre sens, juger autrement. En effet, il est constant le droit de visite est encadré par l’article 432-8 du code pénal qui punit « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi […]». Ainsi, sans accord préalable de l’occupant, les agents commissionnés ne peuvent exercer leur droit de visite et effectuer des constatations à l’intérieur d’une propriété (Rép. min. n° 74381: JOAN, 31 janvier 2006, p. 1094 et Rép. Min. n° 56467 : JOAN, 10 août 2010, p. 8768). La position du Conseil constitutionnel nous parait donc, d’un point de vue strictement juridique, parfaitement justifiée. Relevons également qu’outre les conséquences de cette décision en droit de l’urbanisme, cette décision aura également des incidences en droit de l’environnement. En…

Pénal de l’urbanisme: la liquidation de l’astreinte relève bien du juge répressif ayant prononcé la condamnation (Cass, 24 mars 2015)

Par Aurélien Boudeweel Green Law Avocat Par un arrêt en date du 24 mars 2015 (C.cass, 24 mars 2015, n° 14-84300), la Cour de cassation confirme la compétence du juge répressif pour connaître de la liquidation d’une astreinte prononcée à l’occasion d’une condamnation pénale en urbanisme. En l’espèce, des particuliers et une société civile immobilière avaient été condamnés pour avoir édifié des immeubles en violation des règles d’urbanisme au paiement d’une amende en sus de l’obligation de démolition des constructions irrégulières. Une astreinte avait par ailleurs été prononcée au bénéfice de la commune. L’astreinte est une peine complémentaire permettant d’inciter financièrement l’exécution dans un certain délai de la condamnation à la démolition ou à la remise en état des lieux. La commune avait alors saisi la Cour d’appel d’Amiens dans sa formation correctionnelle afin d’en obtenir la liquidation. Saisie de l’affaire, la Cour d’appel s’est cependant déclarée incompétente au profit du juge de l’exécution. La Cour de cassation dans son arrêt du 24 mars 2015 casse l’arrêt de la Cour d’appel et rappelle que : « tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence et du second que la juridiction qui impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation, peut assortir son injonction d’une astreinte ; Attendu que, pour décliner la compétence de la juridiction répressive pour liquider une astreinte prononcée par elle au titre de l’action civile, l’arrêt attaqué relève que l’article 710 du code de procédure pénale figure dans le titre premier du livre cinquième dudit code, intitulé ” De l’exécution des peines”, (…) Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la créance d’une commune en liquidation du produit d’une astreinte assortissant l’arrêt de la chambre correctionnelle d’une cour d’appel condamnant un prévenu à une amende pour infraction aux règles de l’urbanisme et lui ordonnant la démolition des ouvrages édifiés irrégulièrement, trouve son fondement dans la condamnation, pénale et civile, prononcée par la juridiction répressive, le contentieux du recouvrement de l’astreinte prononcée ressortissant ainsi aux juridictions répressives, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ». Autrement dit : puisque c’est la Cour d’appel dans sa chambre correctionnelle qui a prononcé la condamnation pénale de démolition des ouvrages sous astreinte, c’est à cette même Cour que revient le soin de juger de la liquidation de l’astreinte. La commune avait donc eu raison de saisir cette formation, et non de saisir le juge de l’exécution. Cet arrêt de la Cour de cassation, publié au Bulletin a le mérite de rappeler la compétence du juge répressif pour connaître de la liquidation de l’astreinte, ce qui présente un intérêt certain pour l’efficacité des décisions de condamnations pénales en urbanisme. Rappelons que la liquidation de l’astreinte consécutivement à un jugement rendu en matière pénale obéit à un régime juridique particulier. En effet, l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme dispose le Tribunal peut condamner le prévenu ayant réalisé des travaux non conformes ou sans autorisation à la démolition ou à la remise en état et qu’une astreinte journalière peut assortir la peine : « Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation; il peut assortir sa décision d’une astreinte de 7,5 à 75 euros par jour de retard Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté. »   Par ailleurs, le texte prévoit aujourd’hui que : « Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus. Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter ». Concrètement, si la personne condamnée ne démolit pas ou ne remet pas en état par rapport à l’état initial dans le délai octroyé par la juridiction pénale, l’astreinte éventuellement prévue va courir. Juridiquement, c’est la procédure de contestation à état exécutoire qui permet de contester le titre administratif procédant au recouvrement d’une astreinte prononcée sur le fondement de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme. La pratique veut qu’une phase de recouvrement amiable précède une phase de recouvrement contentieux. Ainsi, un titre de perception est tout d’abord adressé par pli simple au débiteur (D. n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 115) auquel est jointe une lettre invitant le débiteur à régler sa dette dans un certain délai (généralement un mois). Si passé ce délai, le débiteur ne réagit pas, une lettre de rappel peut lui être adressée, suivie, si celle-ci ne produit toujours pas d’effet, d’un commandement de payer. Cependant, il n’est pas rare que l’administration envoie directement un commandement de payer au débiteur. Ce commandement de payer va constituer le premier acte de poursuite qui procède du titre de perception. S’agissant de la forme de la contestation, l’« opposition à état exécutoire » devra contester le bien fondé du titre exécutoire, à savoir : L’existence de la créance ; L’exigibilité de la créance ou ; Le montant de la créance. Cependant, avant de saisir la juridiction compétente, le débiteur devra absolument adresser dans les deux mois qui suivent la notification du titre de perception ou du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause, une réclamation appuyée de toutes justifications utiles au comptable chargé du recouvrement de l’ordre de recouvrer (D. n°2012-1246 du 07 nov. 2012, art. 118 ; C. urb., art. R. 480-5). Au sens de l’article 116 du décret n°2012-1246 du 07 novembre 2012, le comptable chargé de la mise en œuvre de l’action en recouvrement « est le comptable public…

Illégalité pour vice de procédure d’une délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU) : précisions sur l’application de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme (CE, 23 déc.2014)

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)  En novembre 2014, le Conseil d’Etat avait admis que l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme ne faisait pas obstacle à ce que l’irrégularité d’un document d’urbanisme soit invoquée au-delà d’un délai de six mois après son adoption lorsqu’il n’est pas encore devenu définitif (voir notre analyse ici). Aux termes d’une décision du 23 décembre 2014, le Conseil d’Etat affine son interprétation des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme en examinant une nouvelle situation et en adoptant alors une lecture assez restrictive de cet article (Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 23 décembre 2014, n°368098, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Il s’agit de la décision présentement commentée. En l’espèce, les requérants ont demandé l’annulation d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme. Le Tribunal administratif de Grenoble a fait droit à leur demande par un jugement du 21 juin 2012. Par un arrêt du 5 mars 2013, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé ce jugement en estimant que le contenu de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal du 21 octobre 2005, au cours de laquelle avait été adoptée la délibération prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme, ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales. La commune s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Le Conseil d’Etat a alors censuré l’arrêt de la cour administrative d’appel. Tout d’abord, il a rappelé les dispositions des deux premiers aliénas de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme aux termes desquelles : « L’illégalité pour vice de forme ou de procédure (…) d’un plan local d’urbanisme (…) ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de la prise d’effet du document en cause. / Les dispositions de l’alinéa précédent sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une zone d’aménagement concerté ». Il a ensuite déduit de ces dispositions « qu’un vice de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération ». Il a considéré qu’il était constant qu’en l’espèce, « la délibération du 21 octobre 2005 prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme était entrée en vigueur depuis plus de six mois à la date à laquelle les requérants ont invoqué, à l’appui de leur demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, l’irrégularité de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal au cours de laquelle cette délibération avait été adoptée ». Il en a donc conclu « qu’il appartenait à la cour de relever d’office l’irrecevabilité de ce moyen ; qu’en s’abstenant de le faire, elle a commis une erreur de droit ». Cette décision est intéressante en ce qu’elle considère qu’en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, un vice de forme ou de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un PLU ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération et que cette règle vaut y compris à l’appui d’un recours dirigé directement contre la délibération approuvant ce plan local d’urbanisme. Elle contribue à sécuriser encore plus la procédure d’élaboration des plans locaux d’urbanisme. En effet, le Conseil d’Etat affirme ainsi que l’irrégularité de la délibération initiale de la procédure d’élaboration d’un PLU ne peut être invoquée plus de six mois plus tard lors de la contestation de la délibération finale approuvant le PLU lorsqu’elle a été correctement publiée (date de prise d’effet). Plus encore, le Conseil d’Etat souligne l’erreur de droit commise par la Cour et prétend qu’elle aurait dû relever d’office l’irrecevabilité du moyen. Notons que cette position du Conseil d’Etat était prévisible au regard des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme et ce d’autant plus qu’elle se situe dans la tendance actuelle de limiter le contentieux de l’urbanisme en apportant plus de sécurité juridique aux auteurs des documents d’urbanisme (et, par suite, aux bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme). Au regard de cette décision, nul doute qu’un certain nombre de juridictions vont mettre un terme à plusieurs contentieux en cours sur ce sujet en relevant d’office ce moyen…  

Régularisation de construction : réalisme jurisprudentiel

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Un arrêt récent du Conseil d’Etat (CE, 1ère et 6ème sous-sect., 16 mars 2015, n°369553) clarifie le régime des constructions ayant subi des travaux non autorisés qui ont changé leur destination par rapport à ce qui avait initialement été autorisé. Les faits de l’espèce sont d’une grande banalité. Les époux B… ont acquis en 1997 un chalet sur le territoire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains. Ce chalet a été édifié en vertu de permis de construire délivrés en 1988 et en 1989 en vue de la construction d’un restaurant d’altitude. Toutefois, il a fait l’objet avant son acquisition par les époux B…d’un changement de destination pour être utilisé pour l’habitation, sans que les travaux ayant permis ce changement ne soient autorisés. Les époux B…ont déposé le 22 août 2008 une demande de permis de construire portant sur une extension de leur chalet. Le 16 octobre 2008, le maire de Saint-Gervais-les-Bains leur a opposé une décision de refus. Ils ont alors saisi le tribunal administratif de Grenoble d’un recours en excès de pouvoir dirigé contre cette décision de refus. Le Tribunal a rejeté leur requête. Ils ont alors interjeté appel mais la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement de première instance. Ils se sont alors pourvus en cassation. Le Conseil d’Etat s’est prononcé par la décision du 16 mars 2015 (CE, 1ère et 6ème sous-sect., 16 mars 2015, n°369553),  présentement commentée. Deux moyens étaient invoqués devant le Conseil d’Etat dont un attire particulièrement notre attention : l’erreur de droit. Les requérants soutenaient que leur demande de permis de construire concernant les travaux d’extension n’avait pas à porter sur la régularisation des travaux ayant antérieurement changé la destination du chalet. La Cour aurait alors commis une erreur de droit en estimant le contraire. Afin de répondre à ce moyen, le Conseil d’Etat a adopté un raisonnement en trois temps. Dans un premier temps, il a indiqué que : « lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation». Ce principe avait déjà été posé par le Conseil d’Etat le 13 décembre 2013 dans des termes presque similaires (CE, 1ère et 6ème sous-sect.,13 décembre 2013, n°349081) : « Considérant que, lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ». Néanmoins, nous pouvons relever qu’aux termes de sa décision du 16 mars 2015, le Conseil d’Etat étend ce principe aux éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet « de changer sa destination ». Cette hypothèse n’était pas envisagée dans sa décision du 13 décembre 2013. Cet ajout permet d’adapter le considérant de principe posé en 2013 aux circonstances de l’espèce. Il est également utile pour préciser le régime des constructions ayant subi des travaux non autorisés qui ont changé leur destination par rapport à ce qui avait initialement été autorisé. Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat précise dans sa décision du 16 mars 2015 : « qu’il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ; qu’elle doit tenir compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui prévoient la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l’occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ». Une fois encore, cette formulation est très proche de celle qui avait été adoptée en 2013. Le Conseil d’Etat avait alors estimé : « qu’il appartient à l’administration de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier, en tenant compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 emportant régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans ». Notons cependant que la formulation n’est pas identique : – D’une part, dans sa dernière décision, le Conseil d’Etat précise qu’il appartient à l’autorité administrative de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier « d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ». – D’autre part, le Conseil d’Etat indique dans sa nouvelle décision que la régularisation autorisée en vertu de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme pour les travaux réalisés depuis plus de dix ans n’est autorisée que « sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ». La réserve apportée par le Conseil d’Etat dans sa décision du 16 mars 2015 ne figurait nullement dans sa décision du 13 décembre 2013. Relevons toutefois qu’il ne s’agit pas d’une création prétorienne. En effet, aux termes de l’article L. 111-12…

La « Danthonysation » des vices affectant l’ouverture d’une enquête publique

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le Conseil d’Etat, aux termes de sa décision Danthony, a dégagé un « principe » désormais bien connu : « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte » (Conseil d’Etat, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033, publié au recueil Lebon). Ainsi, une décision affectée d’un vice de procédure n’est illégale que s’il ressort des pièces du dossier que ce vice a été susceptible d’exercer, dans les circonstances de l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. En pratique, cette décision a impulsé un tournant quant à l’appréciation par le juge des vices de procédure, même si une partie de la doctrine considère encore que « le changement provoqué par l’arrêt Danthony est […] purement cosmétique » (Julien Bétaille, « Insuffisance de l’étude d’impact : Danthony ne change rien, ou presque », Droit de l’Environnement, n°231, Février 2015, p.65). Le praticien qui vit les applications par les juges du fond de la jurisprudence Danthony est sans doute moins enclin à cultiver ce paradoxe… la Danthonisation lui semble injuste pour le requérant, suscitant une frustration tout aussi comparable à celle des pétitionnaires victimes hier d’annulations reposant sur des motifs trop formalistes. Ainsi les positions de principe du Conseil d’Etat masquent les excès du juge du fond. Ainsi l’arrêt Danthony a incontestablement été compris par ces derniers comme un excellent moyen de neutraliser les illégalités formelles. Quoiqu’il en soit, le principe dégagé par la décision Danthony fut notamment appliqué en matière d’ouverture d’enquête publique lorsque cette enquête était prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « 2. Considérant que s’il appartient à l’autorité administrative de procéder à la publicité de l’ouverture de l’enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n’est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de l’enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l’information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative ; 3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’enquête publique relative à la création, sur le territoire de la commune de Noisy-le-Grand, d’une liaison piétonne et automobile entre la zone d’aménagement concerté dénommée ” du Clos Saint Vincent ” et la rue Pierre Brossolette a commencé le 7 juin 2005 ; que l’avis d’enquête publique a été publié le 21 mai 2005 dans l’un des deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département intéressé et que cette publication a été renouvelée dans l’édition du 10 juin 2005 du même journal ; que cet avis d’enquête publique a également fait l’objet d’une information résumée accompagnée de renseignements pratiques dans le magazine municipal gratuit ” Noisy-Mag ” le 4 juin 2005 ; que la cour administrative d’appel de Versailles a annulé l’arrêté du 21 octobre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique l’acquisition des parcelles nécessaires à la création de la liaison piétonne et automobile projetée au motif de l’absence d’une publication dans un second journal régional ou local répondant aux exigences de l’article R. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique sans rechercher, alors qu’une publication résumée de cet avis était intervenue dans un magazine municipal distribué dans l’ensemble de la commune, si ce manquement était, dans les circonstances de l’espèce, de nature à entacher d’irrégularité l’ensemble de la procédure d’enquête publique pour défaut d’information et de consultation du public ; qu’elle a ainsi commis une erreur de droit ; […] » (Conseil d’État, première et sixième sous-sections réunies, 3 juin 2013, n°345174, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Or désormais, le Conseil d’Etat l’applique également en ce qui concerne l’ouverture des enquêtes publiques régies par les dispositions du code de l’environnement. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’Etat, deuxième et septième sous-sections réunies, 27 février 2015, n° 382502, mentionné dans les tables du recueil Lebon).   En l’espèce, trois projets relevant de la maîtrise d’ouvrage de la communauté urbaine de Lyon ont été retenus pour permettre la desserte du projet du Grand Stade de Lyon, Ces trois projets ont été chacun soumis à une enquête publique distincte mais réalisée concomitamment. Par trois arrêtés du 23 janvier 2012, le préfet du Rhône a déclaré d’utilité publique ces trois projets puis par deux arrêtés du 30 mars et par un arrêté du 24 juillet 2012, a déclaré cessibles les parcelles de terrain nécessaires à la réalisation d’un des projets. Ces arrêtés firent l’objet de recours en excès de pouvoir. En première instance, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces recours pour excès de pouvoir par trois jugements du 10 avril 2013. En appel, après avoir relevé que les arrêtés du préfet du Rhône prescrivant l’ouverture des enquêtes publiques et les avis au public relatifs à ces enquêtes avaient omis de mentionner que les projets avaient fait l’objet d’une étude d’impact et que ce document faisait partie du dossier soumis à l’enquête, la cour administrative d’appel de Lyon a estimé que cette méconnaissance des dispositions des articles R. 123-13 et R. 123-14 du code de l’environnement avait été de nature…