Illégalité pour vice de procédure d’une délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme (PLU) : précisions sur l’application de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme (CE, 23 déc.2014)

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)  En novembre 2014, le Conseil d’Etat avait admis que l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme ne faisait pas obstacle à ce que l’irrégularité d’un document d’urbanisme soit invoquée au-delà d’un délai de six mois après son adoption lorsqu’il n’est pas encore devenu définitif (voir notre analyse ici). Aux termes d’une décision du 23 décembre 2014, le Conseil d’Etat affine son interprétation des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme en examinant une nouvelle situation et en adoptant alors une lecture assez restrictive de cet article (Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 23 décembre 2014, n°368098, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Il s’agit de la décision présentement commentée. En l’espèce, les requérants ont demandé l’annulation d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme. Le Tribunal administratif de Grenoble a fait droit à leur demande par un jugement du 21 juin 2012. Par un arrêt du 5 mars 2013, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé ce jugement en estimant que le contenu de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal du 21 octobre 2005, au cours de laquelle avait été adoptée la délibération prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme, ne satisfaisait pas aux exigences de l’article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales. La commune s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. Le Conseil d’Etat a alors censuré l’arrêt de la cour administrative d’appel. Tout d’abord, il a rappelé les dispositions des deux premiers aliénas de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme aux termes desquelles : « L’illégalité pour vice de forme ou de procédure (…) d’un plan local d’urbanisme (…) ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de la prise d’effet du document en cause. / Les dispositions de l’alinéa précédent sont également applicables à l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une zone d’aménagement concerté ». Il a ensuite déduit de ces dispositions « qu’un vice de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération ». Il a considéré qu’il était constant qu’en l’espèce, « la délibération du 21 octobre 2005 prescrivant l’élaboration du plan local d’urbanisme était entrée en vigueur depuis plus de six mois à la date à laquelle les requérants ont invoqué, à l’appui de leur demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble, l’irrégularité de la convocation des conseillers municipaux à la séance du conseil municipal au cours de laquelle cette délibération avait été adoptée ». Il en a donc conclu « qu’il appartenait à la cour de relever d’office l’irrecevabilité de ce moyen ; qu’en s’abstenant de le faire, elle a commis une erreur de droit ». Cette décision est intéressante en ce qu’elle considère qu’en vertu de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, un vice de forme ou de procédure entachant la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision d’un PLU ne peut être invoqué par voie d’exception que dans un délai de six mois suivant la date de prise d’effet de cette délibération et que cette règle vaut y compris à l’appui d’un recours dirigé directement contre la délibération approuvant ce plan local d’urbanisme. Elle contribue à sécuriser encore plus la procédure d’élaboration des plans locaux d’urbanisme. En effet, le Conseil d’Etat affirme ainsi que l’irrégularité de la délibération initiale de la procédure d’élaboration d’un PLU ne peut être invoquée plus de six mois plus tard lors de la contestation de la délibération finale approuvant le PLU lorsqu’elle a été correctement publiée (date de prise d’effet). Plus encore, le Conseil d’Etat souligne l’erreur de droit commise par la Cour et prétend qu’elle aurait dû relever d’office l’irrecevabilité du moyen. Notons que cette position du Conseil d’Etat était prévisible au regard des dispositions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme et ce d’autant plus qu’elle se situe dans la tendance actuelle de limiter le contentieux de l’urbanisme en apportant plus de sécurité juridique aux auteurs des documents d’urbanisme (et, par suite, aux bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme). Au regard de cette décision, nul doute qu’un certain nombre de juridictions vont mettre un terme à plusieurs contentieux en cours sur ce sujet en relevant d’office ce moyen…  

Régularisation de construction : réalisme jurisprudentiel

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Un arrêt récent du Conseil d’Etat (CE, 1ère et 6ème sous-sect., 16 mars 2015, n°369553) clarifie le régime des constructions ayant subi des travaux non autorisés qui ont changé leur destination par rapport à ce qui avait initialement été autorisé. Les faits de l’espèce sont d’une grande banalité. Les époux B… ont acquis en 1997 un chalet sur le territoire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains. Ce chalet a été édifié en vertu de permis de construire délivrés en 1988 et en 1989 en vue de la construction d’un restaurant d’altitude. Toutefois, il a fait l’objet avant son acquisition par les époux B…d’un changement de destination pour être utilisé pour l’habitation, sans que les travaux ayant permis ce changement ne soient autorisés. Les époux B…ont déposé le 22 août 2008 une demande de permis de construire portant sur une extension de leur chalet. Le 16 octobre 2008, le maire de Saint-Gervais-les-Bains leur a opposé une décision de refus. Ils ont alors saisi le tribunal administratif de Grenoble d’un recours en excès de pouvoir dirigé contre cette décision de refus. Le Tribunal a rejeté leur requête. Ils ont alors interjeté appel mais la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement de première instance. Ils se sont alors pourvus en cassation. Le Conseil d’Etat s’est prononcé par la décision du 16 mars 2015 (CE, 1ère et 6ème sous-sect., 16 mars 2015, n°369553),  présentement commentée. Deux moyens étaient invoqués devant le Conseil d’Etat dont un attire particulièrement notre attention : l’erreur de droit. Les requérants soutenaient que leur demande de permis de construire concernant les travaux d’extension n’avait pas à porter sur la régularisation des travaux ayant antérieurement changé la destination du chalet. La Cour aurait alors commis une erreur de droit en estimant le contraire. Afin de répondre à ce moyen, le Conseil d’Etat a adopté un raisonnement en trois temps. Dans un premier temps, il a indiqué que : « lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation». Ce principe avait déjà été posé par le Conseil d’Etat le 13 décembre 2013 dans des termes presque similaires (CE, 1ère et 6ème sous-sect.,13 décembre 2013, n°349081) : « Considérant que, lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ». Néanmoins, nous pouvons relever qu’aux termes de sa décision du 16 mars 2015, le Conseil d’Etat étend ce principe aux éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet « de changer sa destination ». Cette hypothèse n’était pas envisagée dans sa décision du 13 décembre 2013. Cet ajout permet d’adapter le considérant de principe posé en 2013 aux circonstances de l’espèce. Il est également utile pour préciser le régime des constructions ayant subi des travaux non autorisés qui ont changé leur destination par rapport à ce qui avait initialement été autorisé. Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat précise dans sa décision du 16 mars 2015 : « qu’il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ; qu’elle doit tenir compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui prévoient la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l’occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ». Une fois encore, cette formulation est très proche de celle qui avait été adoptée en 2013. Le Conseil d’Etat avait alors estimé : « qu’il appartient à l’administration de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier, en tenant compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 emportant régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans ». Notons cependant que la formulation n’est pas identique : – D’une part, dans sa dernière décision, le Conseil d’Etat précise qu’il appartient à l’autorité administrative de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier « d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ». – D’autre part, le Conseil d’Etat indique dans sa nouvelle décision que la régularisation autorisée en vertu de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme pour les travaux réalisés depuis plus de dix ans n’est autorisée que « sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ». La réserve apportée par le Conseil d’Etat dans sa décision du 16 mars 2015 ne figurait nullement dans sa décision du 13 décembre 2013. Relevons toutefois qu’il ne s’agit pas d’une création prétorienne. En effet, aux termes de l’article L. 111-12…

La « Danthonysation » des vices affectant l’ouverture d’une enquête publique

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le Conseil d’Etat, aux termes de sa décision Danthony, a dégagé un « principe » désormais bien connu : « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte » (Conseil d’Etat, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033, publié au recueil Lebon). Ainsi, une décision affectée d’un vice de procédure n’est illégale que s’il ressort des pièces du dossier que ce vice a été susceptible d’exercer, dans les circonstances de l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. En pratique, cette décision a impulsé un tournant quant à l’appréciation par le juge des vices de procédure, même si une partie de la doctrine considère encore que « le changement provoqué par l’arrêt Danthony est […] purement cosmétique » (Julien Bétaille, « Insuffisance de l’étude d’impact : Danthony ne change rien, ou presque », Droit de l’Environnement, n°231, Février 2015, p.65). Le praticien qui vit les applications par les juges du fond de la jurisprudence Danthony est sans doute moins enclin à cultiver ce paradoxe… la Danthonisation lui semble injuste pour le requérant, suscitant une frustration tout aussi comparable à celle des pétitionnaires victimes hier d’annulations reposant sur des motifs trop formalistes. Ainsi les positions de principe du Conseil d’Etat masquent les excès du juge du fond. Ainsi l’arrêt Danthony a incontestablement été compris par ces derniers comme un excellent moyen de neutraliser les illégalités formelles. Quoiqu’il en soit, le principe dégagé par la décision Danthony fut notamment appliqué en matière d’ouverture d’enquête publique lorsque cette enquête était prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « 2. Considérant que s’il appartient à l’autorité administrative de procéder à la publicité de l’ouverture de l’enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n’est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de l’enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l’information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative ; 3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’enquête publique relative à la création, sur le territoire de la commune de Noisy-le-Grand, d’une liaison piétonne et automobile entre la zone d’aménagement concerté dénommée ” du Clos Saint Vincent ” et la rue Pierre Brossolette a commencé le 7 juin 2005 ; que l’avis d’enquête publique a été publié le 21 mai 2005 dans l’un des deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département intéressé et que cette publication a été renouvelée dans l’édition du 10 juin 2005 du même journal ; que cet avis d’enquête publique a également fait l’objet d’une information résumée accompagnée de renseignements pratiques dans le magazine municipal gratuit ” Noisy-Mag ” le 4 juin 2005 ; que la cour administrative d’appel de Versailles a annulé l’arrêté du 21 octobre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique l’acquisition des parcelles nécessaires à la création de la liaison piétonne et automobile projetée au motif de l’absence d’une publication dans un second journal régional ou local répondant aux exigences de l’article R. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique sans rechercher, alors qu’une publication résumée de cet avis était intervenue dans un magazine municipal distribué dans l’ensemble de la commune, si ce manquement était, dans les circonstances de l’espèce, de nature à entacher d’irrégularité l’ensemble de la procédure d’enquête publique pour défaut d’information et de consultation du public ; qu’elle a ainsi commis une erreur de droit ; […] » (Conseil d’État, première et sixième sous-sections réunies, 3 juin 2013, n°345174, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Or désormais, le Conseil d’Etat l’applique également en ce qui concerne l’ouverture des enquêtes publiques régies par les dispositions du code de l’environnement. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’Etat, deuxième et septième sous-sections réunies, 27 février 2015, n° 382502, mentionné dans les tables du recueil Lebon).   En l’espèce, trois projets relevant de la maîtrise d’ouvrage de la communauté urbaine de Lyon ont été retenus pour permettre la desserte du projet du Grand Stade de Lyon, Ces trois projets ont été chacun soumis à une enquête publique distincte mais réalisée concomitamment. Par trois arrêtés du 23 janvier 2012, le préfet du Rhône a déclaré d’utilité publique ces trois projets puis par deux arrêtés du 30 mars et par un arrêté du 24 juillet 2012, a déclaré cessibles les parcelles de terrain nécessaires à la réalisation d’un des projets. Ces arrêtés firent l’objet de recours en excès de pouvoir. En première instance, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces recours pour excès de pouvoir par trois jugements du 10 avril 2013. En appel, après avoir relevé que les arrêtés du préfet du Rhône prescrivant l’ouverture des enquêtes publiques et les avis au public relatifs à ces enquêtes avaient omis de mentionner que les projets avaient fait l’objet d’une étude d’impact et que ce document faisait partie du dossier soumis à l’enquête, la cour administrative d’appel de Lyon a estimé que cette méconnaissance des dispositions des articles R. 123-13 et R. 123-14 du code de l’environnement avait été de nature…

ICPE autorisée : un dossier de permis de construire sans étude d’impact (CE, 25 février 2015)

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Dans un arrêt qui sera cité au Recueil, (CE, 25 février 2015, n° 367 335, « Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines»), le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative de d’appel Versailles (6 décembre 2012, n° 11VE02847) commet une erreur de droit, en déduisant l’obligation de joindre une étude d’impact à la demande de permis de construire des bâtiments, de la seule circonstance que cette étude est exigée pour leur exploitation industrielle, en application du code de l’environnement et au titre de la législation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) : « l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne concerne que les cas où l’étude d’impact est exigée en vertu des dispositions du code de l’environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme ; que, par suite, en se fondant, pour annuler les permis attaqués, sur l’absence d’étude d’impact sans rechercher si celle-ci était exigée pour un projet soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme, la cour a méconnu, au prix d’une erreur de droit, la portée des dispositions de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ». Cette solution n’allait pas de soi, surtout à s’en tenir à la lecture du texte régissant la question. En effet, l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme mentionne bien, au nombre des pièces à joindre à la demande de permis de construire, « l’étude d’impact, lorsqu’elle est prévue en application du code de l’environnement ». Ainsi Xavier De Lesquen concède dans ses conclusions sur cette affaire qu’« Il est vrai que le texte de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme peut troubler, en ce qu’il renvoie sans autre précision et donc sans limitation à l’application du code de l’environnement pour définir les cas dans lesquels l’étude d’impact doit être jointe à la demande de permis de construire ». D’ailleurs tout particulièrement s’agissant de la construction des installations classées soumises à autorisation, la jurisprudence semblait jusqu’ici exiger la production d’impact dans le dossier de permis de construire, de l’étude requise au titre de la seule législation environnementale (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652, inédit au recueil Lebon et pour un ex. plus récent : CAA Nancy, 30 juin 2011, Assoc. Air Pur Environnement: req. n° 10NC01074, cité in code de l’environnement, Dalloz 2014). Mais à cela une autre raison essentielle : avant le Grenelle de l’environnement, le Conseil d’Etat lui-même juge encore que « les travaux de construction d’une installation classée relevant du régime de l’autorisation sont soumis à la procédure de l’étude d’impact », ceci en vertu des dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652). Reste que dans notre espèce cette disposition ne jouait pas, dès lors qu’il s’agissait d’un permis de construire relatif à une installation classée déjà existante et pour laquelle était en débat la nécessité même d’exiger une nouvelle autorisation et donc une étude d’impact. Or non seulement la Cour d’appel de Versailles avait conclu à la nécessité de déposer une nouvelle étude au titre des installations classées mais elle avait exigé sa production dans le dossier de permis au visa du seul l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme. Fonder une telle production sur le seul article R. 431-16 du code de l’urbanisme revenait à poser une question en pratique très importante depuis la réforme de l’étude d’impact. On sait en effet que le nouveau champ de l’étude d’impact (cf. le tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement par le Décret n°2011-2019 du 29 décembre 2011) se substitue aux dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977. Ainsi et en tout état de cause on ne peut plus en déduire, qu’en lui-même, le permis de l’installation classée autorisée doit être soumis à une étude d’impact.   On mesure alors tout l’enjeu pratique de la question de savoir si l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne devait pas imposer a minima que l’étude d’impact ICPE accompagne le dossier de permis de construire l’installation soumise à autorisation d’exploiter. Sans doute peut-on se convaincre, à la lecture (qui s’impose) des conclusions de Xavier De Lesquen, qu’il convient de circonscrire la production dans le dossier de permis de construire d’un exemplaire de l’étude d’impact aux seuls cas où l’étude est exigée pour l’opération de construction en elle-même. Comme le démontre le rapporteur public cette solution trouve un ancrage solide dans le principe d’indépendance des législations : on a trop tendance à oublier que l’acte de construire n’est pas celui d’exploiter et qu’ainsi étudier les effets du second n’a pas grand intérêt pour celui qui instruit le premier. Mais cette solution relativise surtout les risques contentieux et une lecture trop tatillonne du droit pour rappeler à ceux qui l’appliquent qu’ils ne devraient jamais oublier de s’interroger sur ce qui fait le bien-fondé d’une formalité. Bref on l’aura compris, selon le Conseil d’Etat l’étude d’impact n’a plus à figurer dans les pièces du dossier de permis de construire d’une installation classée soumise à autorisation. C’est un pas jurisprudentiel vers le dossier unique. Et si en droit de l’environnement industriel, le véritable choc de simplification était en réalité initié au Palais Royal ? Les évolutions jurisprudentielles les plus récentes en la matière, dont celle-ci, nous incitent de plus en plus à le penser …  

Reconstruction à l’identique après sinistre : précisions du Conseil d’Etat sur la prescription

Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) Par un arrêt en date du 21 janvier 2015 (CE, 1ère, 21 janvier 2015 n°382902) le Conseil d‘Etat rappelle que la prescription de dix ans relativement au droit de reconstruction d’un bâtiment détruit par un sinistre ne court qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 lorsque le sinistre est antérieur à celle-ci. Rappelons que l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme prévoit aujourd’hui (dans sa version en vigueur depuis la loi du 12 mai 2009) les conditions d’obtention d’une autorisation pour une reconstruction à l’identique : « La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié. Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d’urbanisme et sous réserve des dispositions de l’article L. 421-5, la restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. » S’agissant d’une autorisation de reconstruction à l’identique, l’autorité d’urbanisme se doit néanmoins de vérifier au sens de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme : – Que le bâtiment détruit pour lequel est sollicité une reconstruction était régulièrement édifié (Cour administrative d’appel de Nantes, 15 février 2013, n°11NT01834) ; – Que la démolition du bâtiment pour lequel est sollicité une reconstruction soit intervenue il y a moins de 10 ans (Conseil d’Etat, 9 mai 2012, n°341259 ; Cour administrative d’appel de Lyon, 31 juil. 2012, n°12LY00839) ; – Que le projet de reconstruction est identique au bâtiment démoli (Cour administrative d’appel de Marseille, 7 févr. 2008, n° 05MA00811 ; CAA Douai, 5 juill. 2007, n° 06DA01662 ; Cour administrative d’appel de Lyon 2 févr. 2006, n° 02LY02286) ; – Que les dispositions de la carte communale ou du plan local d’urbanisme applicables ne s’y opposent pas. – Le cas échéant, un dernier considérant mentionne si le projet de reconstruction à l’identique est soumis ou pas à un risque certain et prévisible de nature à mettre en danger la sécurité des occupants. Précisons que même dans le cas d’une reconstruction à l’identique, le pétitionnaire est tenu de respecter les formalités requises pour la présentation d’un dossier de demande de permis : « [l’article L. 111-3, alinéa 1] n’a ni pour objet ni pour effet de dispenser le pétitionnaire et l’autorité d’urbanisme du respect des formalités prévues par les textes en ce qui concerne la présentation et l’instruction des demandes de permis de construire, quand bien même elles avaient été accomplies lors de la délivrance du permis initial et ce dernier fût-il récent » (Cour administrative d’appel de Lyon, 19 mars 2013, n°12LY01618). De fait, la demande de permis de construire doit respecter les prescriptions prévues par les articles R431-5 à R431-12 du Code de l’urbanisme. En l’espèce, une société avait saisie la juridiction administrative aux fins d’obtenir l’annulation de la décision du maire d’une commune lui refusant un permis de construire en vue d’une reconstruction à l’identique. Sa demande avait été rejetée successivement par le tribunal administratif et la Cour administrative d’appel. La particularité du litige tenait au fait que le sinistre avait été causé antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Saisi du litige le Conseil d’Etat censure l’arrêt d’appel aux motifs qu’une erreur de droit a été commise relativement à l’interprétation de l’article L111-3 du code de l’urbanisme et rappelle: « Considérant que l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, disposait que : « La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d’urbanisme en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié »; que la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a modifié ces dispositions pour prévoir que : ” La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d’urbanisme en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié. (…) Considérant que lorsqu’une loi nouvelle institue, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d’un droit précédemment ouvert sans condition de délai, ce délai est immédiatement applicable mais ne peut, à peine de rétroactivité, courir qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle ; que si, en adoptant les dispositions de la loi du 13 décembre 2000 insérées à l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme, le législateur n’a pas entendu permettre aux propriétaires d’un bâtiment détruit de le reconstruire au-delà d’un délai raisonnable afin d’échapper à l’application des règles d’urbanisme devenues contraignantes, les modifications apportées à cet article par la loi du 12 mai 2009 ont notamment eu pour objet de créer expressément un délai ayant pour effet d’instituer une prescription extinctive du droit, initialement conféré par la loi du 13 décembre 2000 aux propriétaires d’un bâtiment détruit par un sinistre, de le reconstruire à l’identique ; qu’il résulte de ce qui précède que le délai qu’elle instaure n’a commencé à courir, dans tous les autres cas de destruction d’un bâtiment par un sinistre, qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009 ; que, dès lors, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme issues de cette loi, qui n’ont pas d’effet rétroactif, méconnaîtraient le principe de sécurité juridique ainsi que celui d’égalité devant la loi garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du…