Régularisation de construction : réalisme jurisprudentiel

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Un arrêt récent du Conseil d’Etat (CE, 1ère et 6ème sous-sect., 16 mars 2015, n°369553) clarifie le régime des constructions ayant subi des travaux non autorisés qui ont changé leur destination par rapport à ce qui avait initialement été autorisé. Les faits de l’espèce sont d’une grande banalité. Les époux B… ont acquis en 1997 un chalet sur le territoire de la commune de Saint-Gervais-les-Bains. Ce chalet a été édifié en vertu de permis de construire délivrés en 1988 et en 1989 en vue de la construction d’un restaurant d’altitude. Toutefois, il a fait l’objet avant son acquisition par les époux B…d’un changement de destination pour être utilisé pour l’habitation, sans que les travaux ayant permis ce changement ne soient autorisés. Les époux B…ont déposé le 22 août 2008 une demande de permis de construire portant sur une extension de leur chalet. Le 16 octobre 2008, le maire de Saint-Gervais-les-Bains leur a opposé une décision de refus. Ils ont alors saisi le tribunal administratif de Grenoble d’un recours en excès de pouvoir dirigé contre cette décision de refus. Le Tribunal a rejeté leur requête. Ils ont alors interjeté appel mais la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement de première instance. Ils se sont alors pourvus en cassation. Le Conseil d’Etat s’est prononcé par la décision du 16 mars 2015 (CE, 1ère et 6ème sous-sect., 16 mars 2015, n°369553),  présentement commentée. Deux moyens étaient invoqués devant le Conseil d’Etat dont un attire particulièrement notre attention : l’erreur de droit. Les requérants soutenaient que leur demande de permis de construire concernant les travaux d’extension n’avait pas à porter sur la régularisation des travaux ayant antérieurement changé la destination du chalet. La Cour aurait alors commis une erreur de droit en estimant le contraire. Afin de répondre à ce moyen, le Conseil d’Etat a adopté un raisonnement en trois temps. Dans un premier temps, il a indiqué que : « lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation». Ce principe avait déjà été posé par le Conseil d’Etat le 13 décembre 2013 dans des termes presque similaires (CE, 1ère et 6ème sous-sect.,13 décembre 2013, n°349081) : « Considérant que, lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ; qu’il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation ». Néanmoins, nous pouvons relever qu’aux termes de sa décision du 16 mars 2015, le Conseil d’Etat étend ce principe aux éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet « de changer sa destination ». Cette hypothèse n’était pas envisagée dans sa décision du 13 décembre 2013. Cet ajout permet d’adapter le considérant de principe posé en 2013 aux circonstances de l’espèce. Il est également utile pour préciser le régime des constructions ayant subi des travaux non autorisés qui ont changé leur destination par rapport à ce qui avait initialement été autorisé. Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat précise dans sa décision du 16 mars 2015 : « qu’il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une telle déclaration ou demande de permis, de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ; qu’elle doit tenir compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui prévoient la régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans à l’occasion de la construction primitive ou des modifications apportées à celle-ci, sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ». Une fois encore, cette formulation est très proche de celle qui avait été adoptée en 2013. Le Conseil d’Etat avait alors estimé : « qu’il appartient à l’administration de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier, en tenant compte, le cas échéant, de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme issues de la loi du 13 juillet 2006 emportant régularisation des travaux réalisés depuis plus de dix ans ». Notons cependant que la formulation n’est pas identique : – D’une part, dans sa dernière décision, le Conseil d’Etat précise qu’il appartient à l’autorité administrative de statuer au vu de l’ensemble des pièces du dossier « d’après les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision ». – D’autre part, le Conseil d’Etat indique dans sa nouvelle décision que la régularisation autorisée en vertu de l’application des dispositions de l’article L. 111-12 du code de l’urbanisme pour les travaux réalisés depuis plus de dix ans n’est autorisée que « sous réserve, notamment, que les travaux n’aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables ». La réserve apportée par le Conseil d’Etat dans sa décision du 16 mars 2015 ne figurait nullement dans sa décision du 13 décembre 2013. Relevons toutefois qu’il ne s’agit pas d’une création prétorienne. En effet, aux termes de l’article L. 111-12…

La « Danthonysation » des vices affectant l’ouverture d’une enquête publique

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le Conseil d’Etat, aux termes de sa décision Danthony, a dégagé un « principe » désormais bien connu : « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte » (Conseil d’Etat, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033, publié au recueil Lebon). Ainsi, une décision affectée d’un vice de procédure n’est illégale que s’il ressort des pièces du dossier que ce vice a été susceptible d’exercer, dans les circonstances de l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. En pratique, cette décision a impulsé un tournant quant à l’appréciation par le juge des vices de procédure, même si une partie de la doctrine considère encore que « le changement provoqué par l’arrêt Danthony est […] purement cosmétique » (Julien Bétaille, « Insuffisance de l’étude d’impact : Danthony ne change rien, ou presque », Droit de l’Environnement, n°231, Février 2015, p.65). Le praticien qui vit les applications par les juges du fond de la jurisprudence Danthony est sans doute moins enclin à cultiver ce paradoxe… la Danthonisation lui semble injuste pour le requérant, suscitant une frustration tout aussi comparable à celle des pétitionnaires victimes hier d’annulations reposant sur des motifs trop formalistes. Ainsi les positions de principe du Conseil d’Etat masquent les excès du juge du fond. Ainsi l’arrêt Danthony a incontestablement été compris par ces derniers comme un excellent moyen de neutraliser les illégalités formelles. Quoiqu’il en soit, le principe dégagé par la décision Danthony fut notamment appliqué en matière d’ouverture d’enquête publique lorsque cette enquête était prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique : « 2. Considérant que s’il appartient à l’autorité administrative de procéder à la publicité de l’ouverture de l’enquête publique dans les conditions fixées par les dispositions précitées, la méconnaissance de ces dispositions n’est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de l’enquête publique que si elle a pu avoir pour effet de nuire à l’information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative ; 3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’enquête publique relative à la création, sur le territoire de la commune de Noisy-le-Grand, d’une liaison piétonne et automobile entre la zone d’aménagement concerté dénommée ” du Clos Saint Vincent ” et la rue Pierre Brossolette a commencé le 7 juin 2005 ; que l’avis d’enquête publique a été publié le 21 mai 2005 dans l’un des deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département intéressé et que cette publication a été renouvelée dans l’édition du 10 juin 2005 du même journal ; que cet avis d’enquête publique a également fait l’objet d’une information résumée accompagnée de renseignements pratiques dans le magazine municipal gratuit ” Noisy-Mag ” le 4 juin 2005 ; que la cour administrative d’appel de Versailles a annulé l’arrêté du 21 octobre 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique l’acquisition des parcelles nécessaires à la création de la liaison piétonne et automobile projetée au motif de l’absence d’une publication dans un second journal régional ou local répondant aux exigences de l’article R. 11-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique sans rechercher, alors qu’une publication résumée de cet avis était intervenue dans un magazine municipal distribué dans l’ensemble de la commune, si ce manquement était, dans les circonstances de l’espèce, de nature à entacher d’irrégularité l’ensemble de la procédure d’enquête publique pour défaut d’information et de consultation du public ; qu’elle a ainsi commis une erreur de droit ; […] » (Conseil d’État, première et sixième sous-sections réunies, 3 juin 2013, n°345174, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Or désormais, le Conseil d’Etat l’applique également en ce qui concerne l’ouverture des enquêtes publiques régies par les dispositions du code de l’environnement. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’Etat, deuxième et septième sous-sections réunies, 27 février 2015, n° 382502, mentionné dans les tables du recueil Lebon).   En l’espèce, trois projets relevant de la maîtrise d’ouvrage de la communauté urbaine de Lyon ont été retenus pour permettre la desserte du projet du Grand Stade de Lyon, Ces trois projets ont été chacun soumis à une enquête publique distincte mais réalisée concomitamment. Par trois arrêtés du 23 janvier 2012, le préfet du Rhône a déclaré d’utilité publique ces trois projets puis par deux arrêtés du 30 mars et par un arrêté du 24 juillet 2012, a déclaré cessibles les parcelles de terrain nécessaires à la réalisation d’un des projets. Ces arrêtés firent l’objet de recours en excès de pouvoir. En première instance, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces recours pour excès de pouvoir par trois jugements du 10 avril 2013. En appel, après avoir relevé que les arrêtés du préfet du Rhône prescrivant l’ouverture des enquêtes publiques et les avis au public relatifs à ces enquêtes avaient omis de mentionner que les projets avaient fait l’objet d’une étude d’impact et que ce document faisait partie du dossier soumis à l’enquête, la cour administrative d’appel de Lyon a estimé que cette méconnaissance des dispositions des articles R. 123-13 et R. 123-14 du code de l’environnement avait été de nature…

ICPE autorisée : un dossier de permis de construire sans étude d’impact (CE, 25 février 2015)

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Dans un arrêt qui sera cité au Recueil, (CE, 25 février 2015, n° 367 335, « Communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines»), le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative de d’appel Versailles (6 décembre 2012, n° 11VE02847) commet une erreur de droit, en déduisant l’obligation de joindre une étude d’impact à la demande de permis de construire des bâtiments, de la seule circonstance que cette étude est exigée pour leur exploitation industrielle, en application du code de l’environnement et au titre de la législation ICPE (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement) : « l’obligation de joindre l’étude d’impact au dossier de demande de permis de construire prévue par l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne concerne que les cas où l’étude d’impact est exigée en vertu des dispositions du code de l’environnement pour des projets soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme ; que, par suite, en se fondant, pour annuler les permis attaqués, sur l’absence d’étude d’impact sans rechercher si celle-ci était exigée pour un projet soumis à autorisation en application du code de l’urbanisme, la cour a méconnu, au prix d’une erreur de droit, la portée des dispositions de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ». Cette solution n’allait pas de soi, surtout à s’en tenir à la lecture du texte régissant la question. En effet, l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme mentionne bien, au nombre des pièces à joindre à la demande de permis de construire, « l’étude d’impact, lorsqu’elle est prévue en application du code de l’environnement ». Ainsi Xavier De Lesquen concède dans ses conclusions sur cette affaire qu’« Il est vrai que le texte de l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme peut troubler, en ce qu’il renvoie sans autre précision et donc sans limitation à l’application du code de l’environnement pour définir les cas dans lesquels l’étude d’impact doit être jointe à la demande de permis de construire ». D’ailleurs tout particulièrement s’agissant de la construction des installations classées soumises à autorisation, la jurisprudence semblait jusqu’ici exiger la production d’impact dans le dossier de permis de construire, de l’étude requise au titre de la seule législation environnementale (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652, inédit au recueil Lebon et pour un ex. plus récent : CAA Nancy, 30 juin 2011, Assoc. Air Pur Environnement: req. n° 10NC01074, cité in code de l’environnement, Dalloz 2014). Mais à cela une autre raison essentielle : avant le Grenelle de l’environnement, le Conseil d’Etat lui-même juge encore que « les travaux de construction d’une installation classée relevant du régime de l’autorisation sont soumis à la procédure de l’étude d’impact », ceci en vertu des dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (Conseil d’Etat, 1 / 4 SSR, du 15 janvier 1999, n° 181652). Reste que dans notre espèce cette disposition ne jouait pas, dès lors qu’il s’agissait d’un permis de construire relatif à une installation classée déjà existante et pour laquelle était en débat la nécessité même d’exiger une nouvelle autorisation et donc une étude d’impact. Or non seulement la Cour d’appel de Versailles avait conclu à la nécessité de déposer une nouvelle étude au titre des installations classées mais elle avait exigé sa production dans le dossier de permis au visa du seul l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme. Fonder une telle production sur le seul article R. 431-16 du code de l’urbanisme revenait à poser une question en pratique très importante depuis la réforme de l’étude d’impact. On sait en effet que le nouveau champ de l’étude d’impact (cf. le tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement par le Décret n°2011-2019 du 29 décembre 2011) se substitue aux dispositions du B de l’article 3 du décret du 12 octobre 1977. Ainsi et en tout état de cause on ne peut plus en déduire, qu’en lui-même, le permis de l’installation classée autorisée doit être soumis à une étude d’impact.   On mesure alors tout l’enjeu pratique de la question de savoir si l’article R. 431-16 du code de l’urbanisme ne devait pas imposer a minima que l’étude d’impact ICPE accompagne le dossier de permis de construire l’installation soumise à autorisation d’exploiter. Sans doute peut-on se convaincre, à la lecture (qui s’impose) des conclusions de Xavier De Lesquen, qu’il convient de circonscrire la production dans le dossier de permis de construire d’un exemplaire de l’étude d’impact aux seuls cas où l’étude est exigée pour l’opération de construction en elle-même. Comme le démontre le rapporteur public cette solution trouve un ancrage solide dans le principe d’indépendance des législations : on a trop tendance à oublier que l’acte de construire n’est pas celui d’exploiter et qu’ainsi étudier les effets du second n’a pas grand intérêt pour celui qui instruit le premier. Mais cette solution relativise surtout les risques contentieux et une lecture trop tatillonne du droit pour rappeler à ceux qui l’appliquent qu’ils ne devraient jamais oublier de s’interroger sur ce qui fait le bien-fondé d’une formalité. Bref on l’aura compris, selon le Conseil d’Etat l’étude d’impact n’a plus à figurer dans les pièces du dossier de permis de construire d’une installation classée soumise à autorisation. C’est un pas jurisprudentiel vers le dossier unique. Et si en droit de l’environnement industriel, le véritable choc de simplification était en réalité initié au Palais Royal ? Les évolutions jurisprudentielles les plus récentes en la matière, dont celle-ci, nous incitent de plus en plus à le penser …  

Installation photovoltaïque / crédit affecté: le bon, la brute et le truand (Cass, 10 déc.2014)

  Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) Par un arrêt en date du 10 décembre 2014 (Cass. 1ère civ. 10 décembre 2014, pourvoi n°13-22679), la Cour de cassation confirme la résolution du contrat principal relativement à la pose de l’installation photovoltaïque et du contrat de crédit signé par les particuliers destiné à financer leur installation photovoltaïque, en dépit de la signature par ces derniers de la signature d’un certificat de livraison du bien. Cette décision renforce donc un courant jurisprudentiel dont nous nous étions fait l’écho dans un précédent article (Article du 14 avril 2014, C. d’appel de LIMOGES, 24 janvier 2014, RG n°12/01358), Rappelons que le contrat de crédit affecté (on parle aussi de crédit lié) est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Dans ce contrat, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-20 à L. 311-28 anciens du Code de la consommation. Le lien d’interdépendance est d’ailleurs une règle d’ordre public à laquelle le consommateur ne saurait renoncer d’une manière ou d’une autre (Cass 1ère civ., 17 mars 1993 : Bull. civ. 1993, I, n° 116). L’article L. 311-32 du Code de la consommation dans sa version actuellement en vigueur prévoit que le contrat de crédit est résolu de plein droit lorsque le contrat, en vue duquel le prêt avait été conclu, est lui-même résolu (Cass. 1re civ., 2 juill. 1991 : JCP G1991, IV, p. 345. – CA Riom, 25 sept. 2002 : JurisData n° 2002-194658). En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société spécialisée dans la fourniture et la pose d’un système solaire photovoltaïque. A la suite d’une non-exécution et/ou une mauvaise exécution de ce contrat, les particuliers ont assigné la société installatrice et la banque, avec laquelle ils avaient contracté un contrat de crédit affecté au financement des travaux, pour obtenir la résolution des contrats passés. La Cour d’appel avait confirmé le bien fondé de l’action des particuliers et avait notamment prononcé la résolution du contrat de crédit affecté au motif que si, une attestation de livraison avait bien été signée par les particuliers justifiant le déblocage des fonds par la banque, cette attestation n’était pas suffisamment précise. Saisi du litige, la Cour de cassation valide le raisonnement du juge d’appel en jugeant : « Attendu que la banque fait grief à l’arrêt, qui prononce la résolution des contrats litigieux, de rejeter sa demande en paiement, alors, selon le moyen : 1°/ qu’en imputant à faute à la banque le fait d’avoir débloqué les fonds au vu d’une attestation de livraison qui aurait manqué de précision et de crédibilité s’agissant d’un contrat « destiné à financer la fourniture et l’installation d’un toit photovoltaïque », cependant que l’objet du prêt, tel que précisé dans l’offre préalable de crédit, portait exclusivement sur le financement d’un toit photovoltaïque moyennant le prix de 17 300 euros correspondant au montant dudit prêt, la cour d’appel a dénaturé l’offre préalable en violation de l’article 1134 du code civil ; 2°/ que l’emprunteur qui détermine l’établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien n’est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré ou que la prestation accessoire n’a pas été exécutée, de sorte qu’en statuant comme elle a fait bien qu’elle eût constaté que le prêteur avait débloqué les fonds au vu de l’attestation de livraison signée par les emprunteurs, la cour d’appel a violé l’article L. 311-20 ancien du code de la consommation, ensemble l’article 1147 du code civil ; Mais attendu qu’ayant relevé que l’attestation de “livraison-demande de financement” signée par M. Y… le 26 février 2009 n’était pas suffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l’opération financée et ainsi permettre au prêteur de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal, la cour d’appel a pu en déduire, sans encourir le grief de dénaturation, qu’en libérant la totalité des fonds au seul vu de cette attestation, la banque avait commis une faute excluant le remboursement du capital emprunté ». Cet arrêt de la Cour de cassation décline ici une jurisprudence constante qui veut que l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt d’argent (dans le cadre d’un crédit affecté) ne commence qu’avec la livraison de la marchandise ou l’exécution de la prestation issue du contrat principal (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Contrats, conc. consom. 1997, comm. 86. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1995 : Contrats, conc. consom. 1995, comm. 166. – CA Douai, 8 sept. 1994 : Rev. huissiers 1995, p. 116). Surtout, la Haute juridiction semble décider d’aller plus loin face à des organismes de crédit peu scrupuleux qui tentent d’arguer de la signature d’une attestation de livraison pour s’opposer à la résolution du contrat de crédit affecté. En effet la signature d’une attestation ne suffit pas à empêcher la résolution du contrat de crédit affecté dès lors que cette attestation est insuffisamment précise ou rédigée en des termes trop généraux ne permettant pas, malgré lui, à l’organisme de crédit d’apprécier la consistance des prestations, objet du financement.

Vente d’immeuble sans réel raccordement au réseau public d’assainissement : un défaut de conformité, non un vice caché

Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat) A l’heure où le ministère de l’écologie envisage de mettre en place un système d’information systématique des SPANC (services publics d’assainissement non collectif) sur les transactions immobilières comprenant un assainissement non collectif (Réponse du ministère de l’écologie, publiée au JO Sénat du 19 mars 2015 page 609), l’arrêt de la Cour de cassation en date du 28 janvier 2015 retiendra toute notre attention. Dans cet arrêt publié au bulletin en date du 28 janvier 2015  (C.cass., 3ème civ, 28 janvier 2015 n°13-19945 et 13-27050) la Cour de cassation rappelle dans le cadre du litige qui lui est soumis relativement à la vente d’un immeuble, que l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement n’est pas un vice caché mais un défaut de conformité. En l’espèce, après qu’une vente fût signée, les acquéreurs ont sollicité avec succès, par la voie judiciaire, la réparation de leur préjudice résultant de l’absence de raccordement au réseau public d’assainissement sur le fondement de l’article 1604 du code civil et tenant au défaut de conformité de la chose vendue. Précisons que l’acte de vente en cause comportait cette stipulation : « Le Vendeur déclare sous sa seule responsabilité que l’immeuble vendu est raccordé à l’assainissement communal ». Les vendeurs avaient fait appel du jugement aux motifs que la non-conformité de la chose vendue obéit au régime de la garantie des vices cachées et non du défaut de sa conformité. La Cour d’appel avait confirmé la position des premiers juges. Rappelons que l’article 1603 du code civil dispose que le vendeur «a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ». Deux garanties distinctes découlent de cet article : L’obligation de délivrance conforme : elle est définie à l’article 1604 du Code civil: « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ». L’obligation de délivrer une chose conforme consiste pour le vendeur à livrer le bien voulu par l’acheteur, c’est-à-dire un bien répondant aux caractéristiques souhaitées et spécifiées, et sur lesquelles les parties s’étaient mises d’accord. Dès lors, à défaut de délivrer une chose conforme, le vendeur, est susceptible d’engager sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’acquéreur, lequel pourra à sa guise opter entre la résolution de la vente ou son exécution ; La garantie légale contre les vices cachés prévue à l’article 1641 du Code civil lequel dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage à laquelle on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix s’il les avait connus ». Cette garantie contre la théorie des vices cachés ne s’applique donc : – qu’en présence d’un vice ; – d’un vice qui était caché lors de la vente ; – et à condition qu’il soit invoqué dans le délai prévu à cet effet. Le vice s’apprécie par rapport à la destination normale de la chose. La formule jurisprudentielle habituelle au visa de l’article 1641 du code civil est celle d’un « défaut ou vice rendant la chose impropre à sa destination normale » (Cass. 3ème Civ., 14 fév. 1996 : Bull. Civ. 3, n° 47 ; Paris, 16 sept. 1997, TA 97, p. 1390). La garantie légale de conformité intègre donc aussi bien les défauts de conformité que les vices cachés. En dehors de cette garantie légale, un acheteur peut tout à fait agir sur le fondement de l’obligation de délivrance conforme issue du Code civil ou celui de la garantie des vices cachés lesquels sont fondamentalement distincts. Dès lors que la chose livrée est différente de celle convenue entre les parties et qu’elle ne présente pas les caractéristiques spécifiées, seul le non-respect de l’obligation de délivrance conforme peut être invoqué. Si la chose n’est pas conforme à sa destination normale et que son utilisation en est diminuée, voire impossible, l’acheteur n’aura alors d’autre choix que d’agir sur le fondement de la garantie des vices cachés En l’espèce, dans le cadre du litige qui lui était soumis, la Cour de cassation confirme l’appréciation portée par la Cour d’appel qui avait rejeté la demande des acquéreurs aux motifs : « Mais attendu qu’ayant relevé que l’immeuble avait été vendu comme étant raccordé au réseau public d’assainissement et constaté que le raccordement n’était pas conforme aux stipulations contractuelles, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que les vendeurs avaient manqué à leur obligation de délivrance». Cet arrêt de la Cour de cassation est intéressant en ce qu’il confirme le raisonnement de la Cour d’appel qui s’était contentée de vérifier l’existence d’un défaut de conformité sans avoir recherché l’existence d’un vice caché, nécessitant pour l’acquéreur lésé une démonstration juridique plus importante au stade de la première instance (démonstration de l’existence d’un vice, lequel doit être caché et ce dans un délai). Notons que les juridictions civiles ont déjà eu l’occasion de rappeler que l’absence de raccordement au réseau collectif ne constitue pas un vice caché dans le cadre de la cession d’une maison d’habitation, même située en plein cœur de la campagne. Dans de telles circonstances, il appartenait en effet à l’acquéreur de se renseigner sur ce point, et éventuellement, d’en faire une condition déterminante de son consentement (CA Rouen, 1ère ch., 16 juin 2004, n°RG 02/01932, Mme de Frémicourt c/ Mme Ducloux : Juris-Data n° 2004-246738). De la même manière, on notera que le non raccordement d’un immeuble au réseau d’assainissement collectif n’est pas constitutif d’un vice caché (Civ. 3e, 28 mars 2007, pourvoi n°06-12.461, Dalloz actualité 05 avril 2007). L’arrêt de la Cour de cassation, publié au bulletin, nous rappelle également l’importance de bien veiller à la rédaction et la lecture des actes de vente et/ou notariés qui peuvent prévoir des régimes exonératoires ou limitatives sur ces questions d’absence de…