Photovoltaïques/ contrat de crédit affecté : la banque ne peut se défaire de ses obligations !

Par Maître Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocats) Par un arrêt en date du 9 juillet 2015 (Cour d’appel de LIMOGES, 9 juillet 2015, RG n°15/00020), la Cour d’appel de LIMOGES confirme le jugement de première instance qui prononce la nullité du contrat de fourniture et d’installation photovoltaïques et du contrat de crédit signé par les particuliers pour financer leur installation photovoltaïque. Rappelons que le crédit affecté est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Le contrat dit principal (de vente et fournitures de panneaux photovoltaïques en l’espèce) et le contrat de crédit dit affecté sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-20 à L. 311-28 du code de la consommation En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société la livraison et la pose d’un système solaire photovoltaïque. L’acquisition s’est opérée au moyen d’un contrat de crédit affecté. Sur le plan juridique, les particuliers avaient assigné la société, installatrice de panneaux photovoltaïques et la banque en vue de faire reconnaître la nullité du contrat de vente de panneaux photovoltaïques et du contrat de crédit y afférent. Saisi du litige, la juridiction de premier degré avait prononcé la nullité du contrat de vente et consécutivement du contrat de financement au regard de l’interdépendance des deux contrats. L’exécution provisoire avait été ordonnée par la juridiction. La banque avait relevé appel du jugement rendu et avait saisi le Premier Président de la Cour d’appel d’une demande de suspension de l’exécution provisoire ordonnée au titre de l’article 524 du Code de procédure civile, soit la condamnation de la banque à rembourser les sommes versées par les particuliers au titre du contrat de crédit affecté. La Cour d’appel de LIMOGES confirme cette appréciation en jugeant : « Un jugement du tribunal d’instance de Tulle du 13 avril 2015 a, notamment, condamné la société X Banque à restituer aux époux Y… l’intégralité des sommes versées au titre du contrat de crédit affecté au contrat de fourniture et d’installation de panneaux photovoltaïques déclaré nul, avec exécution provisoire de la décision et au paiement d’une indemnité de 1. 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. La société X Banque, qui a relevé appel le 19 mai 2015, a saisi le premier président d’une demande de suspension de l’exécution provisoire par assignation délivrée le 5 juin 2015 à Monsieur et Madame Y… et à titre subsidiaire d’un aménagement de l’exécution provisoire par la désignation d’un séquestre des sommes allouées au titre de l’exécution provisoire. A l’appui de sa demande, elle expose que l’exécution de la décision rendue présente un risque de conséquences manifestement excessives (…) Attendu que l’article 524 du Code de procédure civile édicte que le premier président, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire, en cas d’appel que si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. Attendu, au cas d’espèce, que la société X Banque n’établit pas l’existence et l’étendue des difficultés auxquelles se heurteraient les époux Y… au cas où ils devraient rembourser le montant de la condamnation ; qu’elle n’évoque pas de conséquences manifestement excessives que l’exécution de la condamnation à payer la somme d’environ 12. 000 euros risquent d’entraîner pour elle, notamment au regard de ses facultés de paiement. Attendu qu’ainsi, le risque de conséquences manifestement excessives, nécessaire à l’arrêt de l’exécution provisoire, n’est pas démontré. Attendu par ailleurs que la crainte par la société X Banque de la non restitution des sommes versées en exécution de la condamnation ne suffit pas à fonder une demande d’aménagement de l’exécution provisoire par la désignation d’un séquestre, alors qu’aucun élément ne vient corroborer son inquiétude ». Cet arrêt de la Cour d’appel de LIMOGES rappelle que la décision de suspension de l’exécution provisoire d’un jugement au titre de l’article 524 du Code de procédure civile n’est pas acquise au visa du seul risque allégé d’impossibilité de récupérer les sommes versées en cas de réformation de la décision judiciaire. Rappelons que la demande de suspension de l’exécution provisoire est prévue par l’article 524 du code de procédure civile qui dispose : « Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président statuant en référé et dans les cas suivants : 1° Si elle est interdite par la loi ; 2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522 (…)». La juridiction apprécie souverainement l’existence de ce risque (Cass. soc., 8 déc. 2009, n°08-19.523). La jurisprudence admet que la preuve du risque des conséquences excessives de l’exécution provisoire peut résulter des documents comptables et/ou de tous autres éléments permettant de démontrer l’impossibilité pour le bénéficiaire de l’exécution provisoire de rembourser les sommes qui lui ont été versées L’arrêt de la Cour d’appel de LIMOGES confirme une jurisprudence de plus en plus etnette  tendant à sanctionner les organismes de crédit (professionnels) associés à des entreprises lors de la conclusion de contrat de vente hasardeux et contraires à la réglementation du Code de la consommation. Surtout, l’arrêt rappelle que les banques ne peuvent se dégager de leur responsabilité en cas de condamnation prononcée. On ne peut que se féliciter de cet arrêt rendu puisqu’il permet à des particuliers de pouvoir récupérer les sommes versées au titre du contrat de crédit affecté à la suite de la constatation de la nullité du contrat de vente principal. Les banques doivent donc répondre de leurs actes et ne sauraient se dégager de leurs obligations, même en cas d’appel formé contre un jugement qui leur est défavorable.    

Eolien en mer : projet de décret en préparation

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat). L’éolien en mer répond à des règles très différentes de l’éolien terrestre, notamment au regard des autorisations exigées. Alors que l’éolien terrestre est soumis notamment à des autorisations au titre de l’urbanisme et de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), l’éolien en mer nécessite d’obtenir des autorisations telles que des autorisations d’occupation du domaine public maritime et des autorisations au titre de la législation sur les installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques et marins (IOTA). Pour compléter la réglementation applicable à l’éolien en mer, un projet de décret relatif aux ouvrages énergétiques en mer est actuellement en préparation. Ce projet de décret (consultable ici) a été soumis à consultation publique en application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement. Cet article « définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. » La consultation publique s’est déroulée du 8 juillet au 30 juillet 2015. A son terme, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie comptabilisait une dizaine de commentaires déposés sur son site (cf. présentation de la consultation publique disponible ici). Ainsi que l’indique le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « Ce projet de décret vise à consolider le cadre juridique applicable aux projets d’énergies renouvelables en mer lauréats d’appels d’offres, d’appels à projets nationaux ou européens et aux ouvrages des gestionnaires de réseaux en mer et simplifier les procédures et le traitement des recours sans diminuer le niveau de protection environnementale et de consultation du public. » (cf. présentation de la consultation publique disponible ici). Le projet de décret comporte sept articles dont six seulement présentent un véritable intérêt : – L’article 1er du projet de décret prévoit la désignation d’une cour administrative d’appel qui serait compétente en premier et dernier ressort pour les contentieux relatifs aux autorisations administratives nécessaires à la construction et l’exploitation des projets éoliens en mer ; – L’article 2 du projet de décret allonge la durée des concessions d’utilisation du domaine public maritime pour les ouvrages de production d’énergie renouvelable en mer, leurs ouvrages connexes et les ouvrages des gestionnaires des réseaux public de trente à quarante ans ; – L’article 3 du projet de décret précise, en cas de résiliation pour un motif d’intérêt général de la convention d’occupation domaniale avant son terme, que le titulaire est en droit d’obtenir réparation de son préjudice direct et certain ; – L’article 4 du projet de décret précise les délais de recours contre les décisions prises au titre de la loi sur l’eau en matière d’éolien en mer. Un délai de deux mois pour les recours des tiers est notamment envisagé. Cet article précise également expressément que le préfet peut être saisi à compter de la mise en service de l’installation ou de l’ouvrage ou du début des travaux ou de l’activité, aux seules fins de contester l’insuffisance ou l’inadaptation des prescriptions définies dans la décision. La décision du Préfet pourra ensuite faire l’objet d’un recours contentieux dans un délai de deux mois ; – L’article 5 du projet de décret prévoit une notification obligatoire à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation ou de la déclaration des recours administratifs et contentieux dirigés contre les autorisations administratives nécessaires à la construction et l’exploitation des projets éoliens en mer. Il prévoit également la possibilité d’adresser une requête au juge afin de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués, qui doit intervenir au plus tard sept mois à compter du dépôt du recours. L’article exige également que le recours soit jugé dans un délai de douze mois. A défaut, il sera transmis au Conseil d’Etat ; – L’article 6 du projet de décret permet d’allonger au-delà de dix ans la durée maximale des autorisations de production d’électricité octroyées aux lauréats des appels d’offres au titre du code de l’énergie. Ce projet de décret a fait l’objet d’un avis favorable du Conseil supérieur de l’énergie en date du 22 juillet 2015 (consultable ici). Le projet de décret est donc déjà bien avancé. Nous n’avons, à ce jour, reçu aucune indication quant à son éventuelle date de publication. Néanmoins, il convient de rester vigilant sur ce sujet dans la mesure où la publication d’un tel décret devrait modifier grandement le cadre juridique applicable aux projets éoliens en mer.

Conclusions indemnitaires pour recours abusif : deux ans de pratique …

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) L’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 a contribué à réformer le contentieux de l’urbanisme. Elle a notamment créé un article L. 600-7 dans le code de l’urbanisme aux termes duquel : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du code de l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes. » En vertu de cet article, il est donc possible pour le bénéficiaire d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, faisant l’objet d’un recours pour excès de pouvoir de présenter des conclusions indemnitaires par un mémoire distinct en cas de recours abusif. L’article précise que cette demande peut être présentée pour la première fois en appel. Deux ans après la création de cet article, il est intéressant d’examiner comment ces dispositions ont été accueillies par les juridictions en examinant la jurisprudence rendue sur son fondement. Une question prioritaire de constitutionnalité sur la conformité à la Constitution de cet article a été déposée mais elle a été rapidement écartée (CAA Marseille, 20 mars 2014, n°13MA02236). Cet article a donc institué une nouvelle règle de procédure concernant les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme. Aux termes d’un avis rendu le 18 juin 2014, le Conseil d’Etat a, en l’absence de disposition expresse contraire, considéré que cet article était d’application immédiate aux instances en cours, quelle que soit la date à laquelle est intervenue la décision administrative contestée. Conformément à la lettre de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, il a ajouté que ces dispositions pouvaient être invoquées pour la première fois en appel (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 18 juin 2014, n°376113, Publié au recueil Lebon ; en ce sens également voir CAA Nantes, 14 novembre 2014, n°13NT00180 ; CAA Versailles, 5 mars 2015, n°13VE03236 ; CAA Versailles, 11 mai 2015, n°13VE02888). Notons que les dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme ont des conditions d’application très strictes. En premier lieu, cet article ne concerne que les recours pour excès de pouvoir visant des permis de construire, de démolir ou d’aménager. Ainsi, les recours fondées sur une mauvaise exécution ou une inexécution d’un permis de construire ne sont pas au nombre de ceux visés par ces dispositions qui doivent s’entendre restrictivement compte tenu de leur portée (CAA Marseille, 25 juillet 2014, n°12MA03175). De même, les conclusions pour « résistance abusive » sont irrecevables (CAA Marseille, 2 juillet 2015, n°14MA01665). En deuxième lieu, le juge administratif vérifie que les conclusions indemnitaires sont bien présentées dans un mémoire distinct, à peine d’irrecevabilité (CAA Marseille, 20 mars 2014, n°12MA00380 ou encore CAA Marseille, 6 juin 2014, n°12MA03608). En troisième lieu, le juge administratif s’assure que le droit au recours soit exercé dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant. Cette condition est celle qui est la plus strictement appréciée par le juge (CAA Marseille, 24 mars 2014, n°12MA01160 ; CAA Nancy, 6 novembre 2014 n°14NC00611 ; CAA Nantes, 14 novembre 2014, n°13NT00180 ; CAA Nantes, 30 décembre 2014, n°13NT01278 ; CAA Marseille, 9 février 2015, n°13MA00160 ; CAA Versailles, 5 mars 2015, n°13VE03236 ; CAA Bordeaux, 5 mars 2015, n°13BX01443 ; CAA Nantes, 17 avril 2015, n°14NT00537, CAA Nancy, 30 avril 2015, n°14NC01651 ; CAA Versailles, 11 mai 2015, n°13VE02888 ; CAA Marseille, 21 mai 2015, n°13MA02240 ; CAA Marseille, 27 juillet 2015, n°13MA00683). Ainsi, « la seule circonstance que l’association, regroupant près d’une cinquantaine de personnes physiques, ait déposé ses statuts en préfecture postérieurement à l’affichage en mairie de la demande du permis de construire ne peut suffire à faire regarder son action comme excédant la défense de ses intérêts légitimes » (CAA Marseille, 20 mars 2014, n°13MA03143) De même, l’exercice du droit d’appel ne peut justifier l’allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme (CAA Bordeaux, 16 décembre 2014, n°13BX02549). En quatrième lieu, les juridictions exigent qu’il soit démontré que la personne qui dépose une requête indemnitaire justifie « du caractère excessif de ce préjudice au regard de celui qu’aurait pu causer un recours exercé dans des conditions n’excédant pas la défense des intérêts légitimes d’un quelconque requérant » (CAA Marseille, 20 mars 2014, n°13MA02161 ; Voir également sur la nécessité de démontrer un préjudice excessif : CAA Marseille 24 mars 2014, n°12MA01160 ; CAA Nancy, 6 novembre 2014, n°14NC00611 ; CAA Bordeaux 5 mars 2015, n°13BX01443 ; CAA Nancy, 30 avril 2015, n°14NC01651 ou encore CAA Marseille, 23 juillet 2015, n°13MA00683). Il est intéressant de remarquer qu’hormis dans son avis sur l’application dans le temps de cet article, le Conseil d’Etat ne s’était pas encore prononcé sur ses conditions d’application. C’est désormais chose faite dans une décision du 3 juillet 2015 où le Conseil d’Etat a estimé qu’il « résulte des termes mêmes de cet article que des conclusions formées par une partie tendant à ce que le juge de l’excès de pouvoir condamne une autre partie à lui verser des dommages et intérêts, lorsque les conditions exigées par ces dispositions législatives sont réunies, peuvent être présentées au juge administratif saisi du recours contre un permis de construire, y compris pour la première fois en appel, mais non devant le juge de cassation » (Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 3 juillet 2015, n°371433, Mentionné dans les tables du recueil Lebon). Cette lecture de…

Photovoltaïque/ contrat de crédit affecté : l’obligation de vigilance de la banque avant le déblocage des fonds

Par Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat Par un arrêt en date du 26 mars 2015 (Cour d’appel de NIMES, 26 mars 2015, RG n°13/000986), la Cour d’appel de Nimes confirme le jugement de première instance qui prononce la nullité du contrat de crédit signé par les particuliers pour financer leur installation photovoltaïque dès lors que la résiliation amiable du contrat principal est constatée. Rappelons que le crédit affecté est celui qui est consenti par un organisme de crédit à un consommateur lors de la conclusion d’un contrat de vente ou prestation de services afin de financer cette opération commerciale. Dans ce contrat, une double relation contractuelle se noue entre le professionnel, l’établissement de crédit et le consommateur : – Un premier contrat, dit contrat principal, est conclu entre le professionnel et le consommateur, – Une autre relation contractuelle se noue entre le consommateur et l’établissement de crédit. Ces deux relations contractuelles sont interdépendantes aux termes des articles L. 311-20 à L. 311-28 du code de la consommation. En l’espèce, des particuliers avaient contracté auprès d’une société la livraison et la pose d’un système solaire photovoltaïque. L’acquisition s’est opérée au moyen d’un contrat de crédit affecté. Sur le plan juridique, les particuliers avaient assigné la société, installatrice de panneaux photovoltaïques et la banque en vue d’obtenir l’annulation ou la résolution du contrat de crédit. Saisi du litige, la juridiction de premier degré avait prononcé la nullité du contrat de financement. La Cour d’appel confirme cette appréciation en jugeant : « Les fonds ont été versés pour le compte des époux X… le 17 mars 2009 par la société Groupe Sofemo à la société BSP Groupe VPF qui lui en a donné quitus, au vu de l’attestation de « livraison-demande de financement » signée le 12 mars 2009 par l’un des époux X… mentionnant une formule pré-imprimée selon laquelle ” le bien ou la prestation, objet de de l’offre préalable de. référencée ci-dessus a été livré ou exécuté, conformément aux références portées sur l’offre préalable, sur le bon de commande et/ ou la facture “. Cette attestation signée par l’un des emprunteurs le 12 mars 2009- soit moins de quinze jours après la signature de l’offre et 5 jours après l’expiration du délai de réflexion n’était pas suffisamment précise, ne comportant pas toutes les informations nécessaires, pour rendre compte de la complexité de l’opération financée et ainsi lui permettre de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal. En se libérant totalement des fonds au seul vu de cette attestation et d’une facture BSP Groupe VPF, sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires, auprès des époux X…, ce qui lui aurait permis de constater que si les panneaux photovoltaïques avaient été livrés le 12 mars 2009, expliquant la signature de M. X… au bas de l’attestation, ils n’étaient pas posés dans l’attente de la suite à donner à leur déclaration de travaux déposée en mairie de Mérindol, la société Groupe Sofemo a commis une faute la privant du remboursement du capital emprunté. Enfin, aucun grief ne peut être retenu à l’encontre de M. Mustapha X… et Mme Karima Y… , dès lors que -l’attestation de « livraison-demande de financement » n’est pas assez explicite quant à l’exécution effective des travaux commandés, l’emprunteur pouvant de bonne foi signer l’attestation à la livraison des différents matériels ; – le courrier du 16 mars 2009 qui leur a été adressé par Sofemo évoque l’enregistrement de leur demande de financement et la mise en place du dossier mais non de manière précise et claire, le versement effectif à la société BSP Groupe VPF de la somme de 28 000 €, – la société BSP Groupe VPF a récupéré les dix modules livrés à leur domicile, leur a indiqué qu’elle procédait à l’annulation de leur dossier tant auprès de ses partenaires que des services fiscaux et n’a jamais prétendu-et pour cause, les attestations produites par les intimés confirmant que les panneaux photovoltaïques n’ont jamais été posés sur le toit de leur habitation-comme elle s’y emploiera avec Sofemo que les panneaux photovoltaïques avaient été installés le 12 mars 2009 et retirés avec remise en état du toit le 24 septembre 2010 ». Cet arrêt de la Cour d’appel de NIMES rappelle l’interdépendance du contrat principal et du contrat de crédit affecté. Surtout, il confirme un courant jurisprudentiel constant en la matière qui souligne que l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt d’argent ne commence qu’avec la livraison de la marchandise ou l’exécution de la prestation (Cass. 1re civ., 7 janv. 1997 : Contrats, conc. consom. 1997, comm. 86. – Cass. 1re civ., 7 févr. 1995 : Contrats, conc. consom. 1995, comm. 166. – CA Douai, 8 sept. 1994 : Rev. huissiers 1995, p. 116). La Cour d’appel de NIMES confirme une jurisprudence, tendant à sanctionner les organismes de crédit (professionnels) peu scrupuleux dans la vérification, pourtant obligatoire, de la régularité et conformité du contrat principal (contrat de vente) duquel il dépend. Surtout, l’arrêt rappelle que ces derniers ne doivent pas se libérer de toute responsabilité par la simple production d’une attestation de fin de travaux pré-remplie et/ou peu explicite. Au-delà de la confirmation du régime protecteur dont bénéficie ainsi le consommateur dans le cadre de la conclusion du contrat de crédit affecté, il est impératif que les particuliers restent vigilants face à des professionnels lors de la signature de contrats ou autres attestations.

Eolien: un élu participant à une délibération approuvant un périmètre ZDE n’est pas forcément coupable de prise illégale d’intérêt (TGI Laval, 18 juin 2015)

Par Aurélien BOUDEWEEL (Green Law Avocat)     Par un jugement du 18 juin 2015, le Tribunal correctionnel de LAVAL (Trib correct LAVAL , 18 juin 2015, n° parquet 12303000006: jugement correctionnel LAVAL) a relaxé un élu poursuivi pour prise illégal d’intérêt alors que ce dernier, propriétaire de parcelles dans le périmètre d’une ZDE avait participé à une délibération du Conseil municipal de sa commune, après que le Conseil général de . avait défini le périmètre de la ZDE. Il est à noter que l’élu était conseiller municipal en charge de l’urbanisme. Créées par la loi n°2000-108 du 10 février 2000, les zones de développement éolien (ZDE) permettaient aux opérateurs exploitant des éoliennes dans la zone de bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité produite prévue à l’article L314-1 du Code de l’énergie. C’est au Préfet de département qu’il incombait de définir ces zones. Notons que les ZDE qui ont fait l’objet d’un contentieux encore résiduel abondant ont été supprimées par la loi dites Brottes (Loi n°2013-312 du 15 avril 2013), pour être remplacées notamment par les Schémas Régionaux de l’Eolien (SRE). En l’espèce, un Conseil général avait coordonné en 2006 une mission de définition des zones de développements éoliens (ZDE) dans son département. Une ZDE était envisagée sur le territoire d’une commune avec l’implantation de 5 éoliennes. Le conseil municipal de ladite commune avait validé en 2008 par 22 voix contre 23, le principe de la création d’une ZDE et son périmètre préalablement défini par le conseil général. En l’occurrence, un conseiller municipal, également agriculteur et propriétaire de parcelles situées dans le périmètre retenu par le Conseil général, avait participé à la délibération du Conseil municipal validant le périmètre de la ZDE comprenant l’une de ses parcelles. Il lui était également reproché d’avoir participé à une délibération qui avait exprimé la position de la commune « en faveur » d’un opérateur éolien (bien que ce genre de délibération est purement facultative et est dépourvue de valeur légale). Rappelons que le délit de prise illégale d’intérêts, défini à l’article 432-12, alinéa 1er du Code pénal, consiste dans « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ». Le libellé de l’article 432-12 du Code pénal est très général. Il couvre non seulement les dépositaires d’une autorité publique, comme les détenteurs de l’exécutif des collectivités locales ou des établissements publics (présidents des conseils régionaux et généraux, maires, présidents d’établissements publics intercommunaux, ou les personnes auxquelles ceux-ci ont délégué une partie de leurs pouvoirs, adjoints, vice-présidents, simples élus locaux), mais aussi plus généralement toute personne investie d’un mandat électif dès lors qu’elle a une certaine mission à l’égard de l’entreprise ou de l’opération en cause, ne serait-ce que de surveillance (conseiller municipal notamment). Il est à noter que cette disposition pénale doit être mise en rapport avec l’article L. 2131-11 du Code général des collectivités territoriales qui déclare « illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire ». Rappelons que juridiquement deux éléments doivent être réunis pour justifier l’incrimination de délit de prise illégale d’intérêts : Premier élément: avoir eu au temps de l’acte, l’administration, la surveillance, la liquidation ou le paiement de l’affaire dans laquelle l’intérêt a été pris. C’est donc davantage la fonction de l’élu que son comportement, sa motivation ou la nature de son implication dans l’affaire qui est déterminante. Il importe peu que l’acteur public n’ait pas lui-même pris de décision l’avantageant ou que ses fonctions n’impliquent pas de pouvoir décisionnel. Son intervention peut se réduire à une simple association au processus de décision, tels des pouvoirs de préparation ou de propositions de décisions prises par d’autres. Deuxième élément: avoir pris ou reçu un intérêt quelconque. La prise illégale d’intérêts suppose que l’élu ait pris, ou reçu, ou conservé quelque intérêt que ce soit dans l’opération ou l’entreprise. Là aussi, la portée exacte de la notion en cause, celle d’intérêt, n’est pas toujours facile à cerner, d’autant qu’elle doit être définie moins par référence à un certain type d’actes que par rapport à son résultat : le délit est constitué dès que le prévenu a eu un comportement inconciliable avec l’exercice de sa mission. Il y a bien sûr prise d’intérêt dès lors qu’il y a perception directe ou indirecte de bénéfices ou d’avantages matériels. En l’espèce, le Tribunal correctionnel de LAVAL refuse de reconnaître la prise illégale d’intérêt du conseiller municipal aux motifs : « Il ressort de la procédure et des débats d’audience que si Monsieur … était bien propriétaire de parcelles situées dans le périmètre de la ZDE, son intérêt personnel ne pouvait être caractérisé lors de la délibération du 3 juillet 2008, qui se limitait à entériner le périmètre de la ZDE proposée par le conseil général de … sans que l’implantation des éoliennes ne soit définie à ce stade du projet. II apparaît aussi qu’au moment de la délibération du 2 juillet 2009, rendant un avis consultatif optant pour l’opérateur E…, à laquelle Monsieur … a participé, les parcelles d’implantation des éoliennes n’étaient pas davantage définies et que ces 2 délibérations, auxquelles il lui est reproché d’avoir participé, avaient pour seul objet de valider une ZDE sur laquelle des terrains lui appartenant, parmi d’autres terrains, étaient susceptibles de recevoir des éoliennes, ce choix relevant de l’enquête publique et de l’autorité préfectorale, seule compétente pour délivrer les permis de construire. Au stade des deux premières délibérations visées par la prévention, l’intérêt personnel du prévenu, tel que défini par l’article 432-12 du Code pénal n’apparaît pas suffisamment établi pour que sa responsabilité pénale soit engagée (…) ». Le jugement du Tribunal correctionnel est intéressant puisqu’il permet de constater que l’appréciation du délit de prise illégale d’intérêt…