L’autorité environnementale est morte, vive l’autorité environnementale !

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Par un arrêt France Nature Environnement en date du 6 décembre 2017 qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon (CE 6 déc. 2017, n° n° 400559, FNE), le Conseil d’Etat a annulé une disposition du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale. Cette disposition avait désigné le préfet de région en qualité « d’autorité environnementale » pour tout projet situé dans la région concernée et pour lequel l’article R 122-6 du code de l’environnement n’avait désigné, en cette qualité, ni le ministre de l’environnement, ni la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (C.G.E.D.D), ni la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du C.G.E.D.D. La Haute Juridiction a jugé, en application de la théorie de l’acte clair, que cette disposition méconnaît les exigences découlant de l’article 6, paragraphe 1 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Selon le Conseil d’Etat, il résulte clairement de ces dispositions que « si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné » (cf. considérant n° 5). Or selon le Conseil d’Etat, ni le décret n° 2016-519 du 28 avril 2016, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’avait prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est en charge de l’élaboration ou de la conduite d’un projet au niveau local ou encore, dans les cas où l’autorité préfectorale est compétente pour autoriser un projet, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard (cf. considérant n° 7). En d’autres termes, dans les cas où le préfet de région assure la maîtrise d’ouvrage d’un projet et dans les cas où il est compétent pour autoriser un projet, « notamment lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région », les textes ne garantissent pas que la compétence d’autorité environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard. Cette solution découle de l’application par le Conseil d’Etat de l’arrêt que la Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 20 octobre 2011 (cf. C-474/10) à propos des garanties d’indépendance des autorités qu’il faut consulter dans le cadre de l’adoption d’un plan ou d’un programme susceptible d’avoir des incidences environnementales, en application de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001. A cet égard, le Conseil d’Etat a jugé qu’il pouvait statuer sans qu’il soit tenu de saisir préalablement la Cour d’une demande de décision préjudicielle aux fins d’interprétation de la directive du 13 décembre 2011. Il a raisonné en considérant que l’application de l’arrêt de la Cour à la disposition en cause s’imposait avec une telle évidence qu’elle ne laissait place à aucun doute raisonnable et ce, alors même que cette disposition concerne la désignation de l’autorité environnementale d’un « projet » et non, d’un « plan ou programme ». Le Conseil d’Etat a ainsi considéré que « la directive du 27 juin 2001 comme celle du 13 décembre 2011 ont pour finalité commune de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l’étude d’impact des projets, publics ou privés, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences ». Il également insisté sur la « finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raisons de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement » (cf. considérant n° 5). Suivant ce raisonnement, il n’était pas tenu de déférer à son obligation de saisine de la Cour (cf. CJCE 6 octobre 1982, aff. 283/81, Srl CILFIT et a. : Rec. CJCE, p.  3415). Reste que cette solution ne va pas de soi, tout particulièrement en ce qu’elle vise les cas dans lesquels le préfet de région est compétent pour autoriser un projet. En effet, plusieurs juridictions de première instance comme d’appel ont considéré que lorsqu’un projet est porté par une personne privée, rien ne s’oppose à ce qu’une administration d’Etat soit chargée d’évaluer l’impact du projet en cause sur l’environnement (cf. notamment : CAA Nantes,  20 mars 2017, n°16NT03962 ; CAA Nantes 14 novembre 2016, req. n° 17NT02860, 15NT02487 et 15NT02851 ; TA Limoges, 11 avril 2017, n°1401846 et 1401848 ; TA Paris 2 février 2017, req. n° 1518822 ; TA Dijon 1er juillet 2016, req. n° 1403275). Surtout il convient désormais à apprécier la portée du motif de l’annulation prononcée par l’arrêt. Les requérants frappés du syndrome NIMBY seront évidemment tentés de soutenir que la jurisprudence FNE emporte automatiquement annulation des procédures d’autorisation délivrées sur la base d’un avis de l’autorité environnementale signé par le préfet de région qui serait encore signataire de l’arrêté ICPE, d’une autorisation ou d’une autorisation environnementale. Mais se serait se méprendre sur la portée de l’arrêt du Conseil d’Etat : les magistrats du Palais Royal se sont bornés à juger que le préfet de région ne peut être tout à la fois l’autorité décisionnaire d’un projet et l’autorité compétente pour procéder à l’évaluation environnementale de ce projet. En revanche, il serait erroné de déduire de cet arrêt qu’un service du préfet de région ne pourrait pas exercer la mission de consultation environnementale, dès lors que ce service dispose de moyens administratifs et humains qui lui soient propres pour exercer cette mission et qu’il soit ainsi en mesure de remplir la mission et de donner un avis objectif…

Risques naturels: Force majeure et exclusion de la responsabilité du fait de l’ouvrage public en raison d’une conjonction exceptionnelle d’évènements (CE, 15 nov.2017)

Par Me Fanny Angevin- Green Law Avocats Par une décision en date du 15 novembre 2017 n°403367, le Conseil d’Etat a adopté une interprétation extensive du cas de la force majeure. Cette décision revient sur les fortes pluies ayant eu lieu du 30 novembre au 3 décembre 2003 dans la vallée du Rhône et qui ont entraîné des crues du Rhône de grande ampleur, tout particulièrement dans le secteur de la Commune d’Arles. La théorie de la force majeure découle du code civil et notamment des articles 1231-1 et 1351 du code civil (anciens articles 1147 et 1148 du code civil). Cette théorie est exonératoire de responsabilité, tant dans le système de responsabilité civile qu’administrative. Elle a pour effet de rompre le lien de causalité entre une faute commise et un préjudice subi. Trois éléments doivent être réunis afin qu’un cas de force majeure soit retenu : l’extériorité, l’irrésistibilité et l’imprévisibilité du ou des évènements. Dans l’affaire présentée devant le Conseil d’Etat, le remblai de la voie ferrée historique Paris-Lyon-Marseille avait un rôle de protection contre les inondations. En 1980, la SNCF a modifié l’ouvrage en y creusant trois trémies afin de permettre le passage de la circulation automobile sous des ponts-rails. Les trois trémies percées par la SNCF ont cédé le 3 décembre 2003 à la suite des fortes précipitations ayant affecté les eaux du Rhône. La crue a ainsi inondé des quartiers des communes de Tarascon et d’Arles pendant plusieurs semaines. A la suite de ces inondations, des requérants ont souhaité engager la responsabilité de l’Etat, de la SNCF Réseau et SNCF Mobilités au titre de vices de conception et du défaut d’entretien des ouvrages ferroviaires. Ces demandes avaient été rejetées par le Tribunal administratif de Marseille par un jugement du 23 juin 2014, puis par la Cour administrative d’appel de Marseille dans une décision en date du 7 juillet 2016 (n°14MA03622). Les requérants se sont ensuite pourvus en cassation et demandaient au Conseil d’Etat d’effectuer un contrôle de la qualification juridique retenue, à savoir si les faits de l’espèce présentaient bien un cas de force majeure, exonérant les défendeurs de responsabilité. Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative et rejette par conséquent le pourvoi des requérants : « […] eu égard à l’ensemble des éléments qu’elle a ainsi relevés, la cour, dont l’arrêt est suffisamment motivé, n’a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique en jugeant qu’une conjonction exceptionnelle de phénomènes de grande intensité s’était produite qui présentait un caractère imprévisible et irrésistible et qui caractérisait un cas de force majeure ; » (CE, 15 novembre 2017, n°403367). Néanmoins, à l’analyse, la qualification d’un cas de force majeure ne paraît pas si évidente, comme l’avait pertinemment souligné le Rapporteur public dans cette affaire (Conclusions de Monsieur le Rapporteur Public Olivier Henrard, CE, 15 novembre 2017, n°403367). Il convient, tout d’abord, de revenir sur la condition d’imprévisibilité de l’évènement. Ce critère du cas de force majeure en matière d’inondations n’est retenu que lorsqu’un retour de l’évènement ou son occurrence première n’est pas prévisible. Ainsi, une crue sur un cours d’eau atteignant un niveau déjà connu n’est pas imprévisible (CE, 4 avril 1962, Min. des Travaux publics c/ Sté des d’Armagnac, n°49258). Il en est de même pour une inondation, quelle qu’ait été la violence de la crue qui l’a provoquée, dès lors que plusieurs crues avaient entrainé l’inondation de terrains dans un même secteur (CAA Lyon, 13 mai 1997, n°94LY00923, 94LY01204, voir également en ce sens CE, 12 mars 2014, n°350065 et CE, 13 novembre 2009, n°306992). Cependant, la survenance de plusieurs facteurs qui n’étaient pas imprévisibles isolément, mais dont la conjonction a provoqué le dommage, peut être assimilée à un cas de force majeure (CE, 27 mars 1987, n°590939). Ainsi, ont pu être considérés comme constituant un cas de force majeure, des pluies diluviennes et d’une crue de deux torrents, évènements isolements non imprévisibles, mais dont la conjonction, en raison de l’intensité, peut être assimilée à un cas de force majeure (CE, 6 juillet 2015, n°373267). Dans le cas présent, en l’espace d’un siècle et demi, trois crues comparables avaient eu lieu sur la même zone et durant la décennie précédant la crue de 2003, six crues avaient dépassé le niveau de la crue décennale théorique. La SNCF ne contestait d’ailleurs pas avoir pour projet de conforter ses merlons afin de les rendre plus résistants aux crues. Par conséquent, le caractère imprévisible de la crue était très discutable. Mais c’est en réalité sur le caractère exceptionnel de la conjonction de plusieurs évènements que le Conseil d’Etat a fondé sa décision. En effet, la Haute juridiction relève qu’il convient de caractériser la réunion d’évènements de cas de force majeure en raison de la conjonction de précipitations d’une ampleur exceptionnelle, d’une tempête marine qui a freiné le déversement des eaux du Rhône et enfin d’un débit (bien qu’il soit inférieur à une crue de 1840) ainsi que d’un niveau d’eau provoqués par la crue particulièrement importants. Le Rapporteur public dans ses conclusions sur cette affaire, différait quant à cette interprétation de la Cour administrative d’appel que le Conseil d’Etat a confirmé. En effet, le Rapporteur public soulignait qu’ « il n’est pas contesté que les merlons ont cédé dès le début de la soirée du 3 décembre et que les eaux du Rhône se sont engouffrées dans les brèches du remblai ferroviaire à l’aube du 4 décembre » (Conclusions de Monsieur le Rapporteur public Olivier Henrard, CE, 15 novembre 2017, n°403367). Le Rapporteur public indiquait tout particulièrement que « La tempête, en revanche, ne s’est levée qu’au cours de la nuit pour atteindre son paroxysme à 7 heures du matin, alors que les quartiers Nord de la ville d’Arles étaient déjà inondés. Le rapport rendu par le collège d’experts ne retenait aucune contribution du phénomène marin à l’ampleur des inondations. » (Conclusions de Monsieur le Rapporteur public Olivier Henrard, CE, 15 novembre 2017, n°403367). Ainsi, le Rapporteur public rappelait que la qualification de force majeure est en principe d’interprétation restrictive et que dès lors qu’il…

Il est toujours autant nécessaire de simplifier le développement de l’éolien !

Par Me Sébastien Bécue (GREEN LAW AVOCATS) Le cabinet est auteur d’un Manuel en droit de l’éolien publié par LE MONITEUR Sébastien LECORNU, secrétaire d’Etat rattaché au ministère de la Transition écologique et solidaire, a présidé fin octobre 2017 la première réunion du nouveau groupe de travail national chargé de simplifier et consolider le cadre administratif de l’éolien terrestre et son financement. Une seconde réunion s’est tenu le 30 novembre durant laquelle les membres du groupe ont présenté une liste de mesures au gouvernement. C’est l’opportunité pour le cabinet de rappeler les enjeux immédiats de la filière. Le poids des contraintes d’implantation Comme l’exposent Yves GRANDIDIER et Gilles LUNEAU dans leur ouvrage paru le 19 octobre dernier « Le Vent nous portera », les contraintes d’implantation des éoliennes terrestres sont actuellement le principal frein de leur développement : au total, et à supposer qu’un récent projet de décret étendant les zones tampons autour des radars militaires soit pris en l’état, cet ensemble de contraintes pourrait fermer à l’éolien près de 86% du territoire ! Le cas des contraintes militaires est particulièrement révélateur. L’armée a un réel droit de veto sur l’implantation des éoliennes près des radars militaires, et prend des décisions non motivées par des considérations d’espèce, notamment car elle ne dispose toujours pas des moyens techniques de démontrer l’impact des éoliennes. Le logiciel « DEMETER », toujours en développement, devrait lui permettre de le faire dans un avenir proche. Reste à savoir si la « Grande muette » acceptera de se montrer plus transparente… Le cas des zones faisant l’objet d’une candidature à l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO l’est tout autant, notamment dans les régions des Hauts-de-France et du Grand Est (109 biens sont concernés par la candidature « Sites funéraires et mémoriels de la première guerre mondiale). De plus en plus de décisions préfectorales justifient leur refus d’autorisation d’implantation par la proximité avec ces sites, dans une démarche qui risque de figer dans le passé des territoires souvent économiquement sinistrés. La lenteur du traitement des recours contentieux Avant de mettre à disposition les fonds, les financeurs exigent logiquement la purge des autorisations. Or, avec le double degré de juridiction, et les délais de traitement des recours (deux années en moyenne pour la première instance puis deux autres pour l’appel), la durée moyenne de réalisation des projets est aujourd’hui de 6 à 7 ans ! Le groupe de travail a évoqué l’idée de confier une compétence directe aux cours administratives d’appel pour le traitement des contentieux éoliens terrestres, sur le modèle du contentieux de l’éolien offshore. Une solution plus durable – et qui vaut pour l’ensemble de la justice française – serait que le gouvernement renforce les moyens humains et financiers des juridictions, afin qu’elles soient mieux à même de traiter efficacement les dossiers pour que les contentieux cessent de peser autant sur le développement économique. Le flou sur le cadre applicable au repowering Le repowering désigne la technique consistant à remplacer les modèles d’éoliennes devenus obsolètes par des éoliennes plus performantes. Pour l’heure, le cadre juridique est flou : le Préfet, puis le juge administratif en cas de recours, doivent évaluer si ce remplacement constitue ou non une « modification substantielle » du projet, auquel cas une nouvelle procédure doit être réalisée avec nouvelle étude d’impact et nouvelle enquête publique. Le problème est qu’il n’existe aucune directive claire sur ce que constitue une modification substantielle en matière éolienne, alors même qu’il apparaît évident que le remplacement d’une éolienne dans un paysage et un écosystème devrait être plus simple que l’implantation sur un nouveau site… Le groupe de travail étudie ainsi l’opportunité d’une circulaire ministérielle, solution louable mais qui, dès lors que ce type de texte n’a pas de valeur juridique opposable, laissera toujours au juge le soin de valider au contentieux, et a posteriori, le choix du Préfet au regard de la notion de « modification substantielle ». La création d’un véritable cadre réglementaire apparaîtrait ainsi plus opportun, avec par exemple une procédure simplifiée et accélérée permettant de tenir compte de l’expérience tirée du parc existant. C’est d’ailleurs la solution préconisée par la Commission européenne dans sa proposition dite du « Clean Energy Package », actuellement devant le Parlement européen. Il apparaîtrait opportun que le gouvernement s’approprie cette solution qui apparaît la plus logique au regard de l’enjeu majeur que constitue le renouvellement à venir de l’ensemble du parc existant. Le partage des bénéfices financiers de l’éolien Les études montrent que l’éolien est plus accepté lorsque les riverains bénéficient directement de l’implantation des parcs éoliens. Comme le propose le groupe de travail, il serait intéressant qu’une part de l’imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux (IFER), actuellement versée aux intercommunalités, bénéficie aux communes d’implantation. De même, le groupe de travail propose que l’incitation au financement participatif des parcs, qui permet aux collectivités ou particuliers financeurs, d’être intéressés aux bénéfices de la production électrique, devienne systématique. Si cette incitation permet aujourd’hui de bénéficier d’un bonus, elle n’est pas encore obligatoire alors que l’intérêt des développeurs pour cette solution est indéniable, au-delà de son intérêt financier. Un écosystème financier s’est d’ailleurs créé autour du financement participatif et les outils apparaissent de plus en plus nombreux. Ainsi, si cette obligation s’accompagne d’un assouplissement des contraintes d’implantation, alors elle pourrait profiter à l’ensemble de la filière, en contribuant à une meilleur acceptabilité sociale de l’éolien terrestre. Les obstacles contentieux actuels Du fait de récents revirements de jurisprudence, plusieurs questions de nature procédurale, sans conséquence réelle sur les questions de fond de l’éolien (son impact environnemental et paysage), sont en train de retarder la réalisation d’un grand nombre de parcs (et d’ailleurs des projets de nature industrielle dans leur ensemble). Le gouvernement précédent avait pris soin, dans ses textes créant l’autorisation unique environnementale auxquels sont soumis les nouveaux projets éoliens, de prévoir une possibilité de régularisation a posteriori de ces difficultés procédurales. Mais le retard pris dans leur validation législative pourrait faire obstacle dès lors que le caractère réglementaire de ces textes (décret et ordonnance) risque de se heurter au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Il serait…

Il est des silences qu’on entend (CE, 1ère- 6ème chambres réunies, 17/11/2017, n° 398573)

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Le régime français du refus implicite encore très souvent maintenu, malgré la proclamation du principe qui voudrait que le silence vaille accord, pose parfois la question de sa compatibilité avec le droit communautaire dérivé. Ainsi par un arrêt du 17 novembre 2017 (téléchargeable ici : CE, 1ère– 6ème chambres réunies, 17/11/2017, n° 398573), le Conseil d’Etat juge que « lorsque le droit de l’Union européenne impose, ainsi que le fait le paragraphe 2 de l’article 6 de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, la motivation d’une décision administrative, devant intervenir dans un délai déterminé, comme une garantie conférée aux administrés intéressés, de telles dispositions ne font pas, en principe, obstacle à la formation, à l’expiration des délais prévus à cet effet par le droit interne, d’une décision implicite de rejet mais s’opposent toutefois à ce qu’une telle décision ne soit pas accompagnée d’une motivation à l’expiration du délai imposé par le droit de l’Union européenne ». En l’espèce, la Haute juridiction considère que « dès lors, en l’absence de motivation à l’expiration de ce délai, le ministre des affaires sociales et de la santé ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration selon lesquelles « une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation ». Le même arrêt apporte encore cette précision de principe ; « Enfin, lorsque la décision en cause doit être prise au vu de l’avis motivé d’un organisme collégial, lequel s’est prononcé dans un sens défavorable à la demande, l’administré ne peut être regardé comme ayant eu connaissance des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande du seul fait qu’il s’est vu communiquer cet avis avant l’expiration du délai imparti, sauf à ce que l’administration lui ait préalablement fait connaître, le cas échéant par une mention de l’accusé de réception de sa demande, que l’absence de décision explicite dans ce délai manifesterait qu’elle entend rejeter sa demande en s’appropriant les motifs de l’avis à intervenir ». Ainsi le Conseil d’Etat conditionne la motivation d’une décision implicite de rejet par référence anticipée à un avis, à une information préalable de cette éventualité au bénéfice du demandeur. Cette solution s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la CJUE rendue en matière de droit d’accès à l’information environnementale. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment de l’arrêt rendu le 26 juin 2003 dans l’affaire C-233/00, Commission c/ République française, que des dispositions de droit européen prévoyant que des décisions doivent être motivées dans un certain délai impliquent que l’autorité publique fournisse d’office, et non sur requête du demandeur, les motifs de ses décisions. La Cour a ainsi jugé dans l’affaire C-233/00 : « Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 4, de ladite directive exige que l’autorité publique fournisse d’office les motifs de sa décision de  rejet d’une demande d’informations relatives à l’environnement, sans que le demandeur ait à présenter une demande en ce sens, même si, dans  l’hypothèse d’un silence gardé par l’administration, ces motifs peuvent être communiqués à ce dernier à une date ultérieure » (même arrêt). Et à propos des décisions implicites de rejet des demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques rendues sous le nouveau régime désignant le Directeur de l’ANSES comme autorité compétente, le Conseil d’Etat a ainsi neutralisé le moyen tiré de ce que l’article R. 253-12 du code rural et de la pêche maritime méconnaîtrait les dispositions combinées des règlements n° 1107/2009 et n° 546/2011 (CE, 3ème – 8ème chambres réunies, 19/06/2017, n° 392989). Le poète nous révèle que « Les îles ont un silence qu’on entend ». Le droit non avare de ses propres paradoxes sera parvenu à inventer la fiction d’une motivation dans le silence de la décision… david.deharbe@green-law-avocat.fr

Amiante : la Cour de cassation précise l’étendue du repérage (Cass, 14 sept.2017)

Par Maître Fanny ANGEVIN (Green Law Avocats) La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt en date du 14 septembre 2017 n°16-21.942, sur l’étendue de l’obligation du diagnostic amiante. Pour rappel, le diagnostic amiante correspond à la phase de repérage d’amiante au sein d’un bâtiment. Le vendeur d’un immeuble dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997 a l’obligation d’effectuer ce diagnostic (article R. 1334-14 du code de la santé publique ; article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation). Dans l’arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de cassation était saisie d’un pourvoi à l’encontre d’une décision de la Cour d’appel d’Amiens rejetant les prétentions de requérants, acheteurs d’une maison, dans laquelle ils avaient découvert la présence d’amiante sur les cloisons et doublages des murs non relevée dans le diagnostic. La Cour d’appel d’Amiens avait considéré que l’ensemble des parois des murs et cloisonsétait recouvert de papier peint et que les plaques de revêtements muraux n’étaient ni visibles, ni accessibles et qu’ainsi, le bureau d’études ayant effectué le diagnostic avait réalisé sa mission. La Cour d’appel indiquait ensuite dans sa décision que la méthode dite « par sondages sonores » n’est pas prévue par la norme NFX 46-020, relative au repérage de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante dans les immeubles bâtis.   La Cour d’appel motivait aussi son arrêt en faisant valoir que les grattages ponctuels au niveau des extrémités de papiers peints ne constituent pas une méthode d’investigation prévue par les dispositions réglementaires applicables ni celles du contrat liant les parties. La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel en soutenant que l’opérateur ayant effectué le repérage ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission : « Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, tout en relevant que le diagnostiqueur s’était abstenu d’effectuer des sondages non destructifs, notamment sonores, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, dès lors qu’il n’avait effectué de repérage que dans les parties visibles, il pouvait conclure à l’absence d’amiante dans les autres parties sans émettre de réserves, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; » (Cass. Civ. 3e, 14 septembre 2017, n°16-21.942). La question de l’étendue du repérage amiante a déjà été posée devant la Cour de cassation. En effet, il a déjà été considéré que « le professionnel chargé d’un repérage d’amiante doit rechercher la présence de celle-ci dans toutes les parties visitées et effectuer toutes vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs ; que le contrôle qui lui incombe n’est pas exclusivement visuel ; » (Cass. Civ. 3e, 19 mai 2016, n°15-16586). Cette décision vient donc confirmer et préciser la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation au sujet de l’étendue des obligations de repérage amiante et doit retenir l’attention des acteurs concernés par une obligation de repérage amiante, qui devront redoubler de vigilance dans la mise en œuvre de ce repérage. Enfin, cette décision intervient également corrélativement à un renforcement des modalités de repérage amiante au sein de l’actualisation de la norme NF X 46-020 (qui a été publié par l’AFNOR en août 2017 et qui vise à remplacer la version datant de 2008), modalités qui sont applicables depuis le 1er octobre 2017. La nouvelle version de la norme NF X46-020 présente quatre principales évolutions : une définition adaptée des responsabilités incombant au donneur d’ordre et à l’opérateur de repérage ; l’apparition, en annexe A, de la notion de zones présentant des similitudes d’ouvrage (« ZPSO ») permettant d’optimiser le déroulement de la mission de repérage, voire de réduire le nombre de prélèvements à effectuer ; des possibilités, pour l’opérateur de repérage, de conclure à la présence ou à l’absence d’amiante, selon les différentes situations rencontrées ; un descriptif plus exhaustif  des sondages et prélèvements à effectuer pour les différents ouvrages ; une présentation des techniques à utiliser pour les sondages, et notamment les outils susceptibles d’être utilisés. fanny.angevin@green-law-avocat.fr