La loi littorale est opposable aux antennes relais

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le Conseil d’Etat confirme dans un avis en date du 11 juin 2021 (n°449840) que les stations relais de téléphonie mobile sont, à l’instar de toute autre construction, soumises aux exigences de la loi Littoral et ne peuvent donc être implantées, sur le territoire des communes littorales, qu’au sein ou en continuité des espaces urbanisés. Cette avis contentieux interdit désormais les implantations en espaces agricoles, naturels ou d’urbanisation diffuse des communes littorales. Par un jugement n° 1802531 du 17 février 2021, enregistré le 17 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le tribunal administratif de Rennes, avant de statuer sur une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 4 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Plomeur ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Free Mobile pour l’installation d’une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé au lieudit Poullelestr, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question suivante : dans les communes littorales, les infrastructures de téléphonie mobile sont-elles constitutives d’une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité posé par les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige ? Aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : ” L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. ” Aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-10 du même code : ” Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. ” L’article L. 121-11 du même code précise : ” Les dispositions de l’article L. 121-8 ne font pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus. ” Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-12 du même code : ” Les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 121-8, lorsqu’ils sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées. “ Selon le Conseil d’Etat, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu ne permettre l’extension de l’urbanisation dans les communes littorales qu’en continuité avec les agglomérations et villages existants et a limitativement énuméré les constructions, travaux, installations ou ouvrages pouvant néanmoins y être implantés sans respecter cette règle de continuité. L’implantation d’une infrastructure de téléphonie mobile comprenant une antenne-relais et ses systèmes d’accroche ainsi que, le cas échéant, les locaux ou installations techniques nécessaires à son fonctionnement n’est pas mentionnée au nombre de ces constructions. Par suite, elle doit être regardée comme constituant une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Il en va de même dans la rédaction qu’a donnée la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique au premier alinéa de cet article, qui dispose depuis lors que : ” L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. “ Voilà une précision qui méritait d’être apportée par le juge administratif … Espérons que les opérateurs de téléphonie n’obtiennent pas comme ils en ont l’habitude un passe droit du législateur !

Rénovation énergétique : tour de vis réglementaire après un bilan sévère de la DGCCRF

Par Maître David Deharbe (GREEN LAW AVOCATS) Par un arrêté du 13 avril 2021 (JORF n°0090 du 16 avril 2021, Texte n° 2), le Ministère de la Transition écologique modifie le cadre des opérations permettant de bénéficier du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) mis en place par la  loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 . En fonction de la nature ou le destinataire de l’opération de rénovation énergétique, il est possible d’obtenir une bonification des certificats, comme par exemple une multiplication par trois des certificats délivrés suites aux opérations réalisées pour des ménages en situation de grande précarité énergétique. Ces opérations peuvent par ailleurs faire l’objet de fiches standardisées précisant la nature et la teneur des travaux à effectuer. Le présent arrêté modifie l’arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d’application du dispositif des certificats d’économies d’énergie en précisant, à compter de 2022, les parts forfaitaires du gaz de pétrole liquéfié et du fioul domestique pris en compte pour la fixation des obligations d’économies d’énergie auxquelles sont soumis les obligés. La part des volumes de fioul domestique destinée aux ménages et aux entreprises du secteur tertiaire est fixée à 0.863 fois le total de fioul domestique mis à la consommation entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Cette part est fixée à 0.31 fois le total des gaz de pétroles liquéfiés mis à la consommation lorsqu’ils sont utilisés comme carburant automobile. Ce nouvel arrêté  met fin aux bonifications prévues pour les ménages en situation de grande précarité énergétique à compter du 1er mai 2021 pour les opérations relatives aux fiches d’opérations standardisées BAR-EN-101 « Isolation de combles ou de toitures » et BAR-EN-103 « Isolation d’un plancher » et à compter du 1er janvier 2022 pour les autres opérations. L’échéance des Coups de pouce « Chauffage », « Chauffage des bâtiments tertiaires », « Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » et « Rénovation performante d’une maison individuelle » est portée à fin 2025. Dans le cadre du Coup de pouce « Chauffage », la bonification correspondant au remplacement d’une chaudière au charbon, au fioul ou au gaz hors condensation par une chaudière au gaz à très haute performance énergétique ainsi que la bonification relative au remplacement d’un émetteur électrique fixe à régulation électromécanique et à sortie d’air par un émetteur électrique à régulation électronique à fonctions avancées prennent fin à compter du 1er juillet 2021. Il est ajouté une condition relative à la date d’achèvement des opérations concernant le Coup de pouce « Thermostat avec régulation performante ». Les bonifications et les incitations financières du Coup de pouce « Isolation » sont modifiées à compter du 1er  juillet 2021 et la nouvelle charte s’applique aux opérations engagées jusqu’au 30 juin 2022 ; à compter du 1er  janvier 2022, il est mis fin à la bonification prévue à l’article 5. L’arrêté du 13 avril 2021 prévoit encore l’expiration automatique de toute fiche créée ou modifiée à compter du 1er juillet 2022 et non modifiée dans un délai de cinq ans suivant sa création ou modification. L’arrêté du 13 avril 2021, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 17 avril 2021, a ainsi modifié l’ arrêté du 22 décembre 2014 définissant les fiches d’opérations standardisées, ainsi que l’ arrêté du 29 décembre 2014 précisant les modalités d’application du dispositif des CEE. Ce nouveau texte intervient dans un contexte où la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) critique encore très sévèrement dans une enquête de 2020 les entreprises spécialisées dans la rénovation énergétique des logements. L’enquête a fait ressortir un taux d’établissements ayant des pratiques irrégulières de 49 %, ce qui reste élevé. Elle a donné lieu à un nombre de suites très important, avec la rédaction de 130 avertissements, 115 injonctions administratives, 100 procès-verbaux pénaux et 50 procès-verbaux administratifs. Il convient de noter que 74 % des entreprises contrôlées en anomalie se sont révélées être détentrices du label RGE (Reconnu Garant de l’Environnement). Les infractions et manquements relevés relèvent pour la plupart : du non-respect des droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial (non-respect de droit de rétractation) ; de manquements relatifs à l’information précontractuelle sur les prix et les conditions particulières de vente ; de la violation des règles applicables au crédit affecté ; de l’usage de pratiques commerciales trompeuses, voire agressives. Certains professionnels abusent le consommateur de la prise de contact à la conclusion du contrat, et vont parfois jusqu’à imposer la réalisation de travaux en raison de prétendus programmes publics, audits énergétiques gratuits, d’homologations, de commissions « officielles », qui sont en réalité inexistants. Cette enquête a permis de constater que les dispositifs « coups de pouce », tels que celui dénommé « isolation à 1 € », ont conduit à la mise en place de réseaux de fraude à grande échelle, qui abusent les consommateurs, notamment les plus fragiles, nuisent à la crédibilité des dispositifs gouvernementaux, à la bonne utilisation des deniers publics, mais aussi aux professionnels qui opèrent dans les règles de l’art. Il a notamment été constaté que la sous-traitance généralisée et en cascade des travaux d’isolation constitue une source notable d’abus. Ainsi le rapport fait un focus sur cette affaire jugée en correctionnelle. La DGCCRF a initié en 2019 une enquête portant sur les pratiques de cinq sociétés sarthoises proposant la réalisation de travaux de rénovation énergétique à la suite de nombreuses plaintes de consommateurs. Les investigations, conduites par les DDPP de la Sarthe et de la Mayenne, avec l’appui de la Gendarmerie nationale et de la Police nationale, ont conduit à des perquisitions suivies de gardes à vue en janvier 2020. Le jugement, rendu le 31 août 2020 par le tribunal judiciaire du Mans, a permis d’obtenir des condamnations exemplaires à l’encontre des personnes tant physiques que morales impliquées dans ce dossier. Cette décision est frappée d’appel. Les infractions sanctionnées relèvent notamment de pratiques commerciales agressives, abus des biens ou du crédit d’une société…

Sanction administrative et dérogation espèces protégées

Par Maître David DEHARBE, Green Law Avocats Voilà un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 6ème – 5ème chambres réunies, 28 avril 2021, n° 440734) qui doit tout particulièrement retenir l’attention s’agissant des risques auxquels s’expose l’exploitant d’une installation classée titulaire d’une autorisation de dérogation de destruction d’espèce protégée, finalement annulée par le juge. En l’espèce, par un arrêté du 29 octobre 2015, complété par un arrêté du 9 mars 2018, le préfet du Doubs a autorisé la société Maillard à exploiter une carrière de roches massives calcaires au lieu-dit ” La Craie “, sur le territoire de la commune de Semondans (Doubs), après lui avoir délivré, pour ce même projet, une autorisation de dérogation au régime de protection des espèces en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, par un arrêté du 14 novembre 2014. Le tribunal administratif de Besançon ayant annulé ce dernier arrêté par un jugement du 21 septembre 2017 au motif qu’il était insuffisamment motivé, le préfet a délivré à la société Maillard, le 26 décembre 2017, une nouvelle autorisation de dérogation au régime de protection des espèces, laquelle a, à son tour, été annulée par un jugement, devenu définitif, du même tribunal administratif en date du 4 juillet 2019, au motif que la dérogation accordée n’était pas justifiée par une raison impérative d’intérêt public majeur au sens de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Par un arrêté du 4 octobre 2019, le préfet du Doubs a, en application de l’article L. 171-7 du code de l’environnement, d’une part, mis la société Maillard en demeure de régulariser sa situation administrative, soit en cessant son activité, soit en déposant une nouvelle demande d’autorisation environnementale pour tenir compte de l’annulation de la dérogation au régime de protection des espèces et, d’autre part, suspendu le fonctionnement de la carrière exploitée par cette société jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la régularisation demandée. La ministre de la transition écologique et solidaire se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 31 octobre 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la société Maillard, suspendu l’exécution de cet arrêté en tant qu’il porte sur la partie sud du site de la Craie correspondant à la ” phase 1 ” du projet d’exploitation de la carrière. Le Conseil d’Etat distingue deux situations juridiques différentes pour fixer le cadre des pouvoirs de sanction du préfet dans le cas où son arrêté de dérogation est définitivement annulé. La première hypothèse se singularise par le fait que la dérogation n’a pas encore été mise en œuvre. Dans ce cas pour le Conseil d’Etat : « lorsque la dérogation au régime de protection des espèces protégées prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement et délivrée en vue de permettre l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, ou la partie de l’autorisation environnementale en tenant lieu, a fait l’objet d’une annulation contentieuse, il appartient au préfet de mettre en oeuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 171-7 du code de l’environnement précité en mettant l’exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu’il détermine et, le cas échéant, en édictant des mesures conservatoires pouvant aller jusqu’à la suspension de l’exploitation de l’installation en cause jusqu’à ce qu’il ait statué sur une demande de régularisation. Saisi d’une telle demande, il lui appartient d’y statuer en tenant compte de la situation de droit et de fait applicable à la date à laquelle il se prononce, notamment en tirant les conséquences de la décision juridictionnelle d’annulation et de l’autorité de chose jugée qui s’y attache, le cas échéant en abrogeant l’autorisation d’exploiter ou l’autorisation environnementale en tenant lieu ». Le deuxième scénario tient au fait que la destruction dérogatoire a déjà été exécutée. Selon l’arrêt, « Dans l’hypothèse où, en raison des travaux réalisés notamment sur le fondement de la dérogation au régime de protection des espèces protégées prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement avant qu’elle ne soit annulée pour un motif de fond, la situation de fait, telle qu’elle existe au moment où l’autorité administrative statue à nouveau, ne justifie plus la délivrance d’une telle dérogation, il incombe cependant au préfet de rechercher si l’exploitation peut légalement être poursuivie en imposant à l’exploitant, par la voie d’une décision modificative de l’autorisation environnementale si elle existe ou par une nouvelle autorisation environnementale, des prescriptions complémentaires. Ces prescriptions complémentaires comportent nécessairement les mesures de compensation qui étaient prévues par la dérogation annulée, ou des mesures équivalentes, mais également, le cas échéant, des conditions de remise en état supplémentaires tenant compte du caractère illégal des atteintes portées aux espèces protégées, voire l’adaptation des conditions de l’exploitation et notamment sa durée ». En l’espèce, le Conseil d’Etat considère qu’il n’y avait pas de doute sérieux quant à la légalité de la mise en demeure préfectorale même si selon le carrier l’exploitation de la zone en cause ne nécessitait pas une nouvelle dérogation dès lors qu’elle ne comportait plus d’espèces protégées puisqu’elle avait été défrichée et décapée jusqu’au toit du gisement sur le fondement d’une autorisation de défrichement devenue définitive et de la dérogation alors en vigueur. Pour la Haute juridiction  nous sommes bien dans la deuxième hypothèse, du moins à en croire l’exploitant, ce qui « ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans l’attente que l’autorisation environnementale soit, le cas échéant, complétée, mette en œuvre les pouvoirs qu’il tient de l’article L. 171-7 du code de l’environnement en édictant des mesures conservatoires, afin de tenir compte notamment des atteintes portées aux espèces protégées sur le fondement de la dérogation illégale, et en suspendant le fonctionnement de l’installation en cause ». Et en l’espèce le préfet « s’est borné à mettre en demeure la société Maillard de régulariser la situation de l’exploitation compte tenu de l’intervention de la décision juridictionnelle annulant la dérogation au régime des espèces protégées et à suspendre, dans l’attente du dépôt d’une demande de régularisation ». Cet arrêt ouvre la voie à une acception écologique…

Du droit dans la Stratégie régionale du trait de côte

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le droit ne se loge pas toujours là où on pourrait le penser … Pour preuve, l’Etat, pourtant en charge du contrôle de légalité, se voit opposer par le Tribunal administratif de Montpellier (TA Montpellier 11 mars 2021 n°1905928) sa propre « Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte » (SRGITC),  document contre lequel le représentant de le sous-préfet de Béziers invoquait « l’absence de caractère décisoire et de portée normative ». On sait que le juge administratif ne s’arrête pas à la forme d’un acte pour lui reconnaître, le cas échéant, un effet décisoire et qu’il peut aller très loin en la matière (instructions, circulaires impératives, contrat verbal, fax …). Dans notre cas commune de Vias (dans l’Hérault) avait décidé de contester les qualifications juridiques retenues par  la Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte Occitanie (SRGITC), pour la période 2018-2050. A cette occasion le Tribunal montpelliérain écarte en ces termes la fin de non-recevoir opposée par le préfet à la commune : « 3. En l’espèce, alors que la Stratégie régionale de gestion intégrée du trait de côte Occitanie se présente comme une aide à la réflexion et à la décision pour définir les modes de gestion du trait de côte, elle comporte toutefois, dans le document qui la matérialise, des formulations impératives telles que « Les projets de protection seront conformes au tableau prévu au chapitre 5 de la présente stratégie » ou encore « La construction de nouveaux ouvrages de protection dure sur ces espaces est proscrite ». Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces prescriptions qui, contrairement à ce que le préfet fait valoir, s’apparentent bien à des lignes directrices pour l’instruction par les services de l’Etat des demandes d’autorisation de travaux sur le domaine public maritime, et de subvention de ceux-ci, présentées par les communes littorales dont la côte, comme en l’espèce celle de la commune de Vias, est soumise à des phénomènes d’érosion constants que de telles lignes directrices sont ainsi susceptibles d’avoir des effets notables sur les territoires de ces communes. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le préfet doit être écartée ». Le droit mou qui devient dure lorsqu’il est qualifié de « lignes directrices » et illustre une fois de plus son importance en droit de l’environnement… Ce jugement peut être téléchargé depuis ce lien :

Fraude aux CEE : pas de retrait du nouveau compte détenteur

Par Maître David DEHARBE, Green Law Avocats Par un jugement avant dire droit n° 1802640 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur la demande de la Société ayant acquis des certificats d’économie d’énergie (CEE) tendant à l’annulation de la décision du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en date du 28 juin 2018 prononçant leur retrait, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en sollicitant un avis contentieux. Le Tribunal a soumis à l’examen de la la Haute juridiction la question de savoir si, dans l’hypothèse où des certificats ont été obtenus par fraude de leur premier détenteur, l’administration peut se fonder sur cette fraude pour prononcer le retrait du volume correspondant inscrit sur le compte de la société détentrice de ces certificats, alors même qu’aucun élément ne permet de considérer que cette dernière était en mesure d’en connaître le caractère frauduleux lors de leur inscription sur son compte. Le juge du fond, en cas de réponse positive à la question précédente, demandait encore au Conseil d’Etat s’il y a lieu d’élargir les conditions d’application de la solution dégagée par la décision du Conseil d’Etat n° 407149, 407198 du 5 février 2018 et de considérer que, lorsque l’administration constate que les certificats d’économie d’énergie inscrits au compte d’une société ont été obtenus par fraude de leur détenteur initial, elle doit apprécier, sous le contrôle restreint du juge, l’opportunité de procéder ou non au “retrait” de ces certificats du compte de cette société, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de ces certificats soit de leur retrait. Le Conseil d’Etat répond dans un avis rendu le 24 février 2021 n°447326 (téléchargeable ici) que le second détenteur de certificat d’énergie ne peut pas se les voir annuler en raison de la fraude commise par leur premier détenteur. Etait en cause l’articulation des dispositions du Code de l’énergie et du CRPA (code des relations entre le public et l’administration) relative au cadre général du retrait des actes administratifs. On sait que l’article L. 241-2 du CRPA dispose que “Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré.” Aux visas des articles L. 221-1, L. 221-7, L. 221-8, R. 221-26 et L. 222-8 du code de l’énergie, le Conseil d’Etat considère « qu’en définissant aux articles L. 22262 et L. 22-8 du code de l’énergie que les sanctions administratives et pénales auxquelles s’expose l’auteur d’un manquement aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux certificats d’économie d’énergie, le législateur a déterminé l’ensemble des conséquences légales susceptibles d’être tirées d’un tel manquement ». « Par suite, lorsque le ministre chargé de l’énergie établit que les certificats d’économie d’énergie ont été obtenus de manière frauduleuse par leur premier détenteur, il peut prononcer à l’encontre de celui-ci, dans les conditions et selon la procédure prévue au code l’énergie, les sanctions mentionnées à l’article L. 222-2 de ce code et notamment, en application du 3° de cet article, l’annulation des certificats d’économie d’énergie qu’il déteint, pour un volume égal à celui concerné par la fraude. Mais ces dispositions particulières font obstacle à ce que le ministre puisse, indépendamment de leur mise en œuvre, prononcer le retrait de la décision d’octroi des certificats sur le fondement des dispositions générales de l’article L. 241-2 du code des relations entre le public et l’administration […] et à ce qu’il procède à l’annulation de ces certificats en conséquence de ce retrait ». « Il s’ensuit qu’en l’absence de toute disposition du code de l’énergie l’y habilitant, le ministre chargé de l’énergie ne peut, dans l’hypothèse où les certificats d’économie d’énergie acquis de manière frauduleuse par leur premier détenteur ont été cédé à un tiers, faire procéder à l’annulation des certificats litigieux dans le compte du nouveau détenteur ».