Eoliennes : mitage vous avez dit mitage ?

Voici un jugement TA Lille – 120412 – 0901813 qui explicite très nettement l’idée que les éoliennes, en tant que constructions soumises à permis de construire, mitent le paysage. C’est là une thèse qui peut se comprendre mais dont nous ne partageons pas les présupposés et qui mérite d’être débattue en doctrine. Certes l’éolienne est incontestablement tenue pour une construction en jurisprudence administrative, comme le démontre la lecture que font les juridictions des lois montagne et littoral (cf. CE, 16 juin 2010, Leloustre, aff. 311840 – Dominique GUIHAL, RJEP, n° 682, janvier 2011, commentaire n° 4 ; Jean-Luc PISSALOUX, revue Lamy des collectivités territoriales n° 63, 12/2010 ; Charles- André DUBREIL, DA, n° 11, novembre 2010, commentaire n° 151 ; Jean-Luc MAILLOT, La semaine juridique Administrations et collectivités territoriales n° 44, novembre 2010 ; I. MICHALLET, AJDA 2010, p. 1892. Cf également CAA Nantes, 28 janvier 2011, n° 08NT01037, note L. Bordereaux, Environnement n° 5, p. 27 – B. Baut-Ferrarese, « L’opposabilité de la loi littorale à l’implantation d’éoliennes », la Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 13/2011, 2120). L’on reste pour notre part extrêmement réservé sur l’idée d’un mitage éolien du paysage. Car une éolienne n’est pas un lieu de vie ni d’ailleurs d’activité, contrairement aux habitations et autres installations commerciales, industrielles ou artisanales. Intellectuellement du moins peut-on adopter ce point de vue critique sur l’arrêt pour reprocher aux conseillers d’Etat d’entretenir la fausse idée d’un mitage éolien d’un paysage participant du mythe de la nature vierge ! Sur cette question on incite les juristes à accepter de se plonger dans la sociologie du droit et en particulier la fameuse introduction de l’Eco-pouvoir de Pierre Lascoume ou les conceptions absolues de la nature objet ou sujet explicitées par François Ost dans sa Nature hors la loi. Reste que le droit positif jurisprudentiel est ce qu’il est. Pour les membres du Palais Royal, l’éolienne est une “construction” ayant un effet mitant. Le Tribunal administratif de Lille avec l’espèce rapportée suit cette option de la Haute juridiction. Il faut néanmoins prendre toute la mesure du résultat auquel conduit cette lecture de l’article R.111-21 du code de l’urbanisme : ici on accorde au final une protection au paysage pauvre (d’ailleurs le Tribunal lui-même relève lui que les machines “s’incrivent dans un paysage d’openfield très ouvert, mais dépourvu de caractère particulier) contre “l’isolement” des éoliennes, ce qui contredit la démarche classique du Conseil d’Etat qui consiste aussi à caractériser la typicité du paysage avant de censurer les atteintes qui y sont portées (CE, 28 novembre 2007, « SA Jeumont », N° 279076). Et les juridictions du fond nous avaient habitué à respecter cette méthodologie du Cosneil d’Etat (cf. D. Deharbe, “Les représentations imagées du paysage devant le juge administratif  – l’exemple du contentieux éolien “, in Images et environnement, Colloque Toulouse, LGDJ, 2012).  Et certains pourront même considérer que le raisonnement du Tribunal parvient à ce résultat un peu bobo … l’on protège juridiquement le regard que l’on porte sur nos champs tout en acceptant au demeurant une surexploitation des sols et une expositions quantitative et qualitative de la ressource en eau. Ainsi l’éolienne aurait pour défaut d’être visible en territoire ouvert … la palisse aurait aussi ajouté qu’en paysage pauvre cela est parfaitement acceptable surtout si l’on retient une lecture intégrée de l’article R. 111-21 qui prend en compte la contribution des éoliennes à la politique climatique devenue un des objectifs du code de l’urbanisme (cf. art. L 1110).  Le Tribunal ne l’a pas compris ainsi, s’arrêtéant in fine à l’idée que l’éolienne a un effet de mitage quelle que soit lla qualité du paysage. Mais rien n’empêche de soutenir le contraire devant les autres juridictions du fond pour essayer d’inverser cette tendance …  

Schémas régionaux de raccordement au réseau des ENR: analyse du décret du 20 avril 2012

[dropcap]L[/dropcap]’article 71 de la loi n° 2010-788 en date du 12 juillet 2010, dite loi « Grenelle 2 »,  a modifié certaines dispositions de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité (notamment, l’article 14). Depuis l’adoption de l’ordonnance  du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie, ces dispositions sont en partie inscrites à l’article L. 321-7 du code de l’énergie : «Le gestionnaire du réseau public de transport élabore, en accord avec les gestionnaires des réseaux publics de distribution et après avis des autorités organisatrices de la distribution concernés dans leur domaine de compétence, un schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables, qu’il soumet à l’approbation du préfet de région dans un délai de six mois suivant l’établissement du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie. Le schéma régional de raccordement définit les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés par le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie. Il définit également un périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport, des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport et des liaisons de raccordement de ces postes au réseau public de transport. Il mentionne, pour chacun d’eux, qu’ils soient existants ou à créer, les capacités d’accueil de production permettant d’atteindre les objectifs définis par le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie et, s’il existe, par le document stratégique de façade mentionné à l’article L. 219-3 du code de l’environnement. Il évalue le coût prévisionnel d’établissement des capacités d’accueil nouvelles nécessaires à l’atteinte des objectifs quantitatifs visés au 3° du I de l’article L. 222-1 du même code. Les capacités d’accueil de la production prévues dans le schéma régional de raccordement au réseau sont réservées pendant une période de dix ans au bénéfice des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable. Les conditions d’application en mer du présent article sont précisées par voie réglementaire ».     Publié au JORF du 21 avril 2012, un décret n° 2012-533 du 20 avril 2012 relatif aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (SRRREN), prévus par l’article L. 321-7 du code de l’énergie, précise les modalités d’établissement de ces  schémas régionaux de raccordement des énergies renouvelables. Le décret, dont les destinataires sont  la société gestionnaire du réseau public de transport de l’électricité  (RTE) et les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité (ERDF et les gestionnaires locaux),  fixe les conditions de raccordement aux réseaux publics d’électricité des installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables d’une puissance installée supérieure à 36 kilovoltampères (art. 1).   Pour les installations terrestres,  une prise en compte avec les objectifs  inscrits dans le SRCAE (schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie) est soulignée  tandis que pour les installations en mer,  est évoquée la compatibilité avec les orientations du  document stratégique de façade (art. L. 219-3 du CE – Décret n° 2012-219 du 16 février 2012 relatif à la stratégie nationale pour la mer et le littoral et aux documents stratégiques de façade, JORF du 17 février 2012) (art. 2). La liaison  avec le SRCAE est confirmée par l’article 16 aux termes duquel la révision du SRCAE induit  la révision du SRRREN (schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables) : ainsi, la définition des zones de développement de l’éolien devra prendre appui sur le SRRREN. Couvrant en principe la totalité de la région administrative, le SRRREN  comportera éventuellement un volet particulier pour le raccordement des installations de production situées en mer (art. 4). Lorsque le schéma comprend un ouvrage relevant de la concession du réseau public de distribution, il sera soumis, pour avis (réputé favorable à l’expiration d’un délai d’un mois) de l’autorité organisatrice du réseau public de distribution concernée, avant  qu’il ne soit définitivement approuvé  par l’autorité préfectorale (laquelle approbation  intervient dans un délai de 6 mois suivant l’adoption du SRCAE). Le décret précise la gestion des capacités d’accueil : le dépôt du SRRREN auprès du préfet de région vaut réservation des capacités d’accueil prévu au schéma dans la file d’attente des demandes de raccordement au bénéfice des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable pendant une période de 10 ans, à compter soit de la mise en service des ouvrages créés ou renforcés, soit de l’approbation du schéma pour les ouvrages existants (art. 12). Quant au producteur, il est redevable 1) du coût des ouvrages propres destinés à assurer le raccordement de son installation de production aux ouvrages du SRRREN et 2) d’une quote-part du coût des ouvrages à créer en application du schéma ou du volet particulier (art. 13).   Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Humidité et vice caché : précisions quant au caractère caché du vice

Un récent arrêt de la Cour de cassation vient nous rappeler ce que la Haute juridiction entend par vice caché, particulièrement en cas d’humidité  (Cass. 3ème civ., 14 mars 2012, pourvoi n°11-10.861).   Une distinction vice caché/vice apparent malaisée Les ventes immobilières donnent fréquemment lieu, même en présence de clause d’exonération de garantie, à des actions en responsabilité contre les vendeurs fondées sur la garantie des vices cachés lorsque, après avoir pris possession du bien, les acheteurs s’aperçoivent de désordres ou défauts affectant l’immeuble. Outre la sempiternelle question de la connaissance ou non par le vendeur du vice préalablement à la vente, seul moyen d’écarter le jeu de la clause exonératoire stipulée, peut également se poser la problématique de la connaissance éventuelle par l’acheteur du vice lors de la vente. En effet, l’article 1642 du Code civil dispose : « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et donc l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». Si, de prime abord, cette distinction entre vice caché et vice apparent apparaît limpide, il n’en est cependant pas toujours ainsi.   Des infiltrations observées et mentionnées lors de la vente… En l’espèce (Cass. 3ème civ., 14 mars 2012, pourvoi n°11-10.861), l’acquéreur d’un studio dans un immeuble en copropriété avait, lors de la visite du bien, pu constater l’existence d’infiltrations au sein de celui-ci. Lors de la signature de l’acte authentique de vente par devant notaire, un diagnostic relatif à l’état parasitaire attestant de l’absence de mérule lui avait été remis. Ce rapport mentionnait l’existence d’ « un dégât des eaux très actif dans la salle de bain, sur le mur gauche qui semble provenir de l’étage supérieur et dont la cause doit être déterminée et traitée rapidement ». Postérieurement à la vente, l’acquéreur découvre que l’origine des infiltrations observées réside dans des désordres en toiture et implique d’importants travaux de réfection dont, en tant que copropriétaire, il aura à supporter une partie. L’acquéreur assigne alors le vendeur sur le fondement de la garantie des vices cachés en sollicitant le remboursement du coût des travaux de réparation susvisés. Débouté par la Cour d’appel de Caen, l’acheteur se pourvoit en cassation et obtient la censure de la décision de la juridiction du fond.    …ne signifient pas pour autant vice apparent Les juges d’appel avaient rejeté les demandes de l’acquéreur au motif que celui-ci connaissait l’existence des infiltrations affectant le bien vendu puisqu’il avait acheté l’immeuble après visite et qu’il ne pouvait donc se prévaloir du caractère caché du vice, peu important qu’il en ait peut être sous estimé l’ampleur. Aux termes d’un attendu parfaitement concis et clair, la Cour de cassation, dans sa décision du 14 mars 2012, casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen, estimant « qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance par (…) [l’acquéreur] du vice dans son ampleur et ses conséquences, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».   Une telle solution se comprend aisément. En effet, lorsque l’acheteur a pleinement conscience du vice, il conclut en connaissance de cause et à ses risques et périls. Tel n’était pas le cas en l’espèce et et ce d’autant plus que l’acheteur avait visiblement été induit en erreur par les vendeurs. Ces derniers ne semblaient pas l’avoir informé que le vice durait depuis déjà plusieurs années, qu’un procès-verbal d’assemblée générale de copropriété mentionnait la nécessité de solliciter un devis de réfection de la toiture… En l’absence de communication de ces éléments, l’acquéreur pouvait légitimement croire qu’il ne s’agit que d’infiltrations ponctuelles, facilement réparables et ne nécessitant pas d’intervention coûteuse.   Une position constante de la Cour de cassation Ainsi, la Haute juridiction, dans sa volonté de protéger les acquéreurs contre les mauvaises surprises, a adopté une appréhension extensive de la notion de vice caché. Un vice sera considéré comme caché pour l’acquéreur lorsque celui-ci n’aura pas connaissance non seulement de son existence mais également de son ampleur et de ses conséquences. La Cour de cassation va particulièrement loin puisqu’elle a déjà jugé à cet égard qu’un vice apparent doit être considéré comme caché lorsque l’on ne pouvait déterminer les conséquences dommageables lors du contrat (Cass. 3ème civ., 2 déc. 1980, Juris-Data n°1980-035304). On notera que la même exigence de connaissance du vice dans sa globalité est appliquée pour apprécier la prescription de l’action en garantie des vices cachés. L’article 1648 dispose en effet qu’une telle action doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Or, la jurisprudence de la Cour de cassation retient comme point de départ de ce délai la date à laquelle l’acquéreur a connu le vice tout en ayant pu l’apprécier dans ses conséquences (Cass. 1ère civ. , 11 janv. 1989 : Bull.civ. I, n°12 : la connaissance certaine du vice par l’acheteur, marquant le point de départ du bref délai, peut se situer au jour de la notification du rapport d’expertise ). Si de telles précisions ne sont pas empreintes de nouveauté, elles s’avèrent toutefois utiles comme le démontre encore l’arrêt d’appel présentement censuré.     Marie LETOURMY Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat    

Solaire sur toiture: des précisions jurisprudentielle et réglementaire sur les qualifications respectives du bâtiment et de l’installation

[dropcap]I[/dropcap]l est ici un bel exemple de la succession d’une jurisprudence et d’un décret qui, intervenus à quelques jours d’écart, se confortent.       Un jugement du Tribunal administratif de Limoges du 16 février 2012, n°1001530, est venu préciser les incidences en droit de l’urbanisme de la pose d’une toiture photovoltaïque sur un bâtiment. Le requérant demandait l’annulation d’un arrêté d’opposition à déclaration préalable pour la construction d’un abri d’étang avec pose de panneaux photovoltaïques en toiture situé dans une zone naturelle d’une carte communale. Il faisait notamment valoir que l’abri avec la toiture photovoltaïque était « nécessaires à l’exploitation agricole » au sens de l’article R. 124-3 du code de l’urbanisme, en raison de l’alimentation en électricité du système d’irrigation d’un verger,  et « nécessaires à la mise en valeur des ressources naturelles ». Le Tribunal n’a pas suivi ce raisonnement et a confirmé l’arrêté d’opposition à la construction de l’abri en considérant, notamment, que la pose d’une toiture photovoltaïque n’est pas de nature à permettre de regarder la construction elle-même comme nécessaire à l’exploitation agricole ou à la mise en valeur des ressources naturelles : « Considérant, en troisième lieu que la seule circonstance que l’abri projeté par M. X comporte des panneaux photovoltaïques susceptibles d’alimenter un système d’irrigation pour des arbres fruitiers n’est pas de nature à permettre de regarder la construction elle-même comme nécessaire à l’exploitation agricole ou à la mise en valeur des ressources naturelles au sens de l’article R. 124-3 précité du code de l’urbanisme ni, en tout état de cause, des dispositions de l’article L. 111-1-2 de ce code ; »   Autrement dit, l’installation de panneaux photovoltaïques en toiture est vue comme “accessoire” et n’a donc pas d’incidence sur la destination du bâtiment qui la supporte : elle ne renforce ni n’exclut la destination –bien souvent agricole- du bâtiment.   Quelques jours après la lecture du jugement, le décret n°2012-274 du 28 février 2012 (qui avait d’ailleurs été annoncé par un représentant du Préfet à l’audience) introduisait dans le code de l’urbanisme une nouvelle disposition excluant les toitures photovoltaïques de la qualification d’ouvrage de production d’électricité : L’article 3 du décret introduit la disposition suivante: « Les installations de production d’électricité à partir d’énergie renouvelable accessoires à une construction ne sont pas des ouvrages de production d’électricité au sens du b de l’article L. 422-2. » (Nouvel article R. 422-2-1 du code de l’urbanisme). La nouvelle disposition emporte une conséquence procédurale importante: bien qu’un bâtiment supporte une toiture photovoltaïque, il n’est pas considéré en tant que tel comme une “installation de production d’électricité”, et le Préfet ne sera donc pas compétent comme il l’est, par principe (Art.L 422-1 CU), en matière d’autorisation de construire de telles installations.   En définitive, si la toiture photovoltaïque est considérée comme une installation individualisable car « accessoire » au bâtiment qui la supporte (lequel conserve sa destination propre) elle ne constitue pas pour autant un ouvrage de production d’électricité autonome au sens du Code de l’urbanisme, et suivre le régime de compétence de droit commun.   Anais De Bouteiller Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat

Le classement ICPE des éoliennes par la loi, un obstacle juridique insurmontable !

Par une décision (CE, 16.04.12 rejet QPC éolienne ICPE, n°353577, 353565) en date du 16 avril 2012, le Conseil d’Etat a rejeté comme n’étant pas « sérieuse » une Question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L.553-1 du code de l’environnement. Cette disposition, issue de la loi Grenelle II,  prévoit que les éoliennes industrielles sont soumises à autorisation au titre de la  de la police des ICPE. La Haute juridiction refuse le renvoi au Conseil constitutionnel en considérant que la QPC n’est pas sérieuse.  Pour le Conseil d’Etat le classement législatif des éoliennes ne participe ni d’une inégalité de traitement proscrite par l’article 6 de la DDHC ni, « en tout état de cause », d’une méconnaissance du principe de promotion du développement durable énoncé à l’article 6 de la Charte de l’environnement. En effet le Conseil suit son rapporteur public en considérant que « les obligations qui résultent de la soumission des éoliennes terrestres au régime des installations classées ne peuvent être regardées comme un frein au développement des énergies renouvelables ». Au surplus, pour les membres du Palais royal, « le respect de l’exigence constitutionnelle de transposition des directives ne relev[ant] pas des droits et libertés que la constitution garantit » (sur cette solution : décision n° 2010-605 DC du 12 main 2010, cons. 19), la QPC ne pouvait être posée par référence à la directive n°2008/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009, même si cette directive recommande que les procédures administratives permettant l’exploitation des installations produisant de l’énergie à partir d’une source renouvelable soit simplifiées et accélérées. Cette motivation appelle au moins deux remarques. Le cas des éoliennes off shore. Sur la rupture d’égalité, on peut entendre les arguments du Conseil d’Etat quant à la comparaison entre les EnR. En revanche on a un peu de mal à suivre la décision sur la vision qu’elle donne des éoliennes off shore. – D’abord l’éolienne off shore, pour être soumise à autorisation (en particulier d’occupation du domaine), ne voit nullement son « exploitation », objet même du régime ICPE, encadrée. – Ensuite, les risques existent d’autant plus en mer pour certains des intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement que contrairement aux éoliennes terrestres qui ont été mises à bonne distance des habitations (500 mètres), rien n’est prévu pour la navigation ou les radars maritimes (question dont se saisit le régime ICPE terrestre). – De surcroit, on ajoutera que les éoliennes off shore sont soumises à étude d’impact mais pas de dangers. On mesure ici une fragilité  certaine de la motivation de la décision du Conseil. Ce d’autant que devant le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, l’un de ses éminents membres, François Barthelemy, disait avoir « le sentiment que l’erreur commise pour les éoliennes terrestres il y a treize ans se reproduit avec les éoliennes maritimes . Il rappelait que le 9 septembre 1999, il avait rédigé une note sur le classement des éoliennes à l’intention de Monsieur Besson. A l’époque, sa proposition n’a pas été retenue. Au final, un système qui avait tous les inconvénients du dispositif prévu pour les installations classées (enquête publique…) sans en conserver l’avantage principal, à savoir la délivrance d’une autorisation qui résulte d’un arbitrage entre un intérêt économique et la protection de l’environnement, a été mis en place pour les éoliennes terrestres. Il faisait remarquer que pour les éoliennes maritimes, la procédure d’occupation du domaine publique maritime n’est pas adaptée aux problèmes rencontrés. En effet, les éoliennes en milieu maritime poseront des problèmes esthétiques et gêneront la navigation de plaisance ou la pêche » (séance du 31 mai 2011 : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/CR_CSPRT31052011_CR_4-approuv_MEMBRES_val.pdf). Finalement l’on ne peut manquer d’avoir le sentiment que les membres du Palais Royal valident ici les choix du gouvernement : l’éolienne serait bien mieux gérée par quelques consortiums en mer que par de multiples opérateurs sur terre, au point que l’on n’aurait plus besoin de leur imposer un quelconque contrôle administratif …   Le classement ICPE ne serait pas un frein au développement des Enr. La décision semble oublier l’essentiel : l’inutilité du classement dès lors que les éoliennes étaient déjà soumises à étude d’impact, à enquête publique, à une jurisprudence fine sur leur intégration paysagère et sécurisée sur la base des articles article R. 111-21 et R. 111-2 du code de l’urbanisme. Pourquoi imposer un suivi d’exploitation alors que l’éolienne n’implique  pourtant aucune production industrielle ? Pourquoi imposer une étude de dangers que le Ministère de l’Ecologie dans ses écritures conçoit d’ailleurs comme pouvant être standardisée ? L’on sait que le législateur a déjà adopté la seule mesure de précaution qui pouvait s’imposer, et qui est elle-même déjà fort contraignante : éloigner les parcs éoliens à plus de 500 mètres des premières habitations, afin que les riverains ne soient définitivement plus gênés par le prétendu bruit généré par les éoliennes. Et dire que le classement est sans conséquence alors que le permis de construire est toujours exigible est tout simplement contredire (certes avec autorité !) l’évidence. D’ailleurs c’est tellement vrai que depuis la simple annonce du classement le nombre de machine installées sur une année s’effondre de 37%, pour freiner d’autant le développement éolien en 2011… Et que l’on ne vienne pas affirmer que l’autorisation ICPE sécurise le parc éolien. Tout au contraire, dès lors que les droits des tiers sont réservés pour le contentieux civil du voisinage, que les tiers auront deux autorisations à attaquer (le PC et celle ICPE) et qu’ils pourront encore faire déclencher des contrôles en cours d’exploitation. De même il n’a échappé à personne que le régime de l’autorisation a été l’occasion d’imposer des règles en matière d’éloignement des radars à la scientificité douteuse mais qui fondent désormais en droit la position de l’Etat. Et que dire du délai de recours qui passe à six au lieu des trois mois en matière de permis (si l’on compte le délai de retrait) ! Demeure néanmoins un espoir. Si le conseil d’Etat a pu neutraliser sur le terrain de la QPC les questions qui fâchent, le recours en annulation contre…