Antenne relais: l’action tendant à obtenir l’enlèvement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée par l’autorité administrative relève de la compétence du juge administratif

C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans plusieurs décisions récentes, dont la dernière date du 16 janvier 2013  (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 janvier 2013, 11-27.529, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 décembre 2012, 11-26.817, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 décembre 2012, 11-23.566, Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 octobre 2012, 10-26.854, Publié au bulletin)   Le feuilleton judiciaire relatif au partage de compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire en matière d’antennes relais n’a pas fini de nous surprendre. Dans un arrêt de principe en date du 19 décembre 2012, la Cour de Cassation est venue refuser la compétence de la juridiction judiciaire au profit de la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur une demande d’enlèvement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 décembre 2012, 11-23.566, Publié au bulletin) :  « Attendu que pour dire n’y avoir lieu à soulever d’office l’incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif, l’arrêt retient que l’action ne tend pas à remettre en cause les autorisations d’exploitation délivrées à la société SFR mais à obtenir la réparation d’un trouble anormal de voisinage subi du fait de la décision prise par un opérateur privé d’implanter une antenne relais à proximité du domicile des demandeurs ; Qu’en statuant ainsi alors que l’action tendant à obtenir l’enlèvement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée par l’autorité administrative ne relève pas de la compétence du juge judiciaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 décembre 2012, 11-23.566, Publié au bulletin) :   Cela a pu en étonner certains dès lors que la demande d’enlèvement était motivée par des troubles anormaux de voisinage occasionnés par l’antenne. Nous avions d’ailleurs eu l’occasion de commenter les décisions de la Cour de cassation d’octobre 2012 ici.   Mais l’affaire portée devant la Cour était inédite puisque c’était la première fois que la juridiction judiciaire était saisie d’une demande de démantèlement d’une antenne relais régulièrement autorisée. La juridiction judiciaire étant habituellement saisie de deux contentieux « classiques » en matière d’antennes relais :  –          L’indemnisation des troubles de voisinage résultant d’une antenne régulièrement implantée ; –          Le démantèlement d’une antenne relais non autorisée (à la suite d’une annulation prononcée par le juge administratif).   Aussi, la Cour avait pris soin de saisir le Tribunal des conflits d’une question préjudicielle (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 12 octobre 2011, 10-25.732, Inédit) à laquelle celui-ci répondit par six arrêts en date du 14 mai 2012 (Tribunal des conflits, civile, 14 mai 2012, 12-03.844, Publié au bulletin notamment) en affirmant la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur une demande de démantèlement d’une antenne relais régulièrement autorisée : « Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat ; qu’afin d’assurer sur l’ensemble du territoire national et conformément au droit de l’Union européenne, d’une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de communications électroniques, qui sont identiques sur tout le territoire, d’autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux, notamment par une couverture complète de ce territoire, le législateur a confié aux seules autorités publiques qu’il a désignées le soin de déterminer et contrôler les conditions d’utilisation des fréquences ou bandes de fréquences et les modalités d’implantation des stations radioélectriques sur l’ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu’elles émettent et contre les brouillages préjudiciables ; Considérant que, par suite, l’action portée devant le juge judiciaire, quel qu’en soit le fondement, aux fins d’obtenir l’interruption de l’émission, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages implique, en raison de son objet même, une immixtion dans l’exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière ; que, nonobstant le fait que les titulaires d’autorisations soient des personnes morales de droit privé et ne soient pas chargés d’une mission de service public, le principe de la séparation des pouvoirs s’oppose à ce que le juge judiciaire, auquel il serait ainsi demandé de contrôler les conditions d’utilisation des fréquences radioélectriques au regard des nécessités d’éviter les brouillages préjudiciables et de protéger la santé publique et, partant, de substituer, à cet égard, sa propre appréciation à celle que l’autorité administrative a portée sur les mêmes risques ainsi que, le cas échéant, de priver d’effet les autorisations que celle-ci a délivrées, soit compétent pour connaître d’une telle action; Considérant, en revanche, que le juge judiciaire reste compétent, sous réserve d’une éventuelle question préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers, d’une part, aux fins d’indemnisation des dommages causés par l’implantation ou le fonctionnement d’une station radioélectrique qui n’a pas le caractère d’un ouvrage public, d’autre part aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables ; » (Tribunal des conflits, civile, 14 mai 2012, 12-03.844, Publié au bulletin)   On le comprend, c’est l’atteinte au pouvoir de deux autorités administratives : l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes  -ARCEP- (laquelle autorise l’opérateur téléphonique à occuper le domaine public hertzien), et l’Agence Nationale des Fréquences – ANFR (laquelle fixe les conditions d’implantation de l’antenne) et donc plus généralement l’atteinte à la séparation des pouvoirs, qui a motivé le déni de compétence.   Nous restons dans l’attente désormais des décisions rendues par la juridiction administrative sur ces différentes…

Photovoltaïque / Appel d’offres: Mme la Ministre annoncera les résultats “dans les jours qui viennent” (questions cribles sur les ENR, 17/01/2013)

C’est à l’occasion de la séance des “questions cribles” qui a eu lieu devant le Sénat le 17 janvier 2013 à 15h et qui avait aujourd’hui trait aux énergies renouvelables que Mme BATHO, Ministre de l’Ecologie aurait, en réponse à une question posée par un Sénateur, indiqué que la réponse à l’appel d’offres du 30 juin 2012 sera donnée “dans les jours qui viennent”. Une confirmation écrite de cette déclaration est attendue par le parlementaire. En attendant, un extrait vidéo de la réponse ministérielle est possible. Cela revient sur les précédentes déclarations qui ont été faites par le Gouvernement dans le dossier de presse relatif au dispositif de relance du photovoltaïque du 7 janvier 2013, selon lesquelles: « Bien que la série d’appel d’offres précédente n’ait pas été satisfaisante en termes de retombées industrielles, les tranches déjà engagées seront néanmoins attribuées. Ceci concerne les tranches d’avril à juin, de juillet à  septembre et d’octobre à décembre 2012. Les résultats de ces trois tranches seront publiés dès que l’instruction aura été terminée pour la dernière des trois tranches en question. » Les producteurs ne peuvent qu’espérer que cette déclaration sera suivie d’effet tant le temps d’attente est long pour certains candidats aux AO de 2012…

PPRT: annulation d’un plan de prévention des risques ayant listé les immeubles devant être expropriés (TA Toulouse, 15 novembre 2012, n°121105)

Par un jugement du 15 novembre 2012, le Tribunal administratif de Toulouse a annulé un arrêté préfectoral approuvant un Plan de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) (121105 décision TA Toulouse PPRT dépôt ESSO). Cette décision, pionnière en la matière, se révèle être très éclairante concernant les dispositions relatives à l’élaboration des PPRT, et notamment celles ayant trait à la concertation, au contenu du dossier d’enquête publique, à l’avis motivé du commissaire enquêteur et à la délimitation des secteurs soumis à des risques importants à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine.   Aussi, de par les indications qu’elle apporte à la définition de l’objet de ces plans, elle nous rappelle combien les enjeux des PPRT sont importants.   Définition et difficultés de mise en œuvre des PPRT C’est par la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 « relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages » que l’obligation pour l’Etat de créer des PPRT a été instituée à l’article L. 515-15 du Code de l’environnement. Comme le note très justement le Tribunal administratif de Toulouse, un PPRT a pour objet « de limiter les effets d’accidents susceptibles de survenir dans une installation classée telle que mentionnée au IV de l’article L. 515-8 du code de l’environnement, en délimitant notamment autour de celle-ci un périmètre d’exposition aux risques dans lequel des règles spécifiques destinées à réduire, et non supprimer, l’effet de ces risques sur les personnes trouveront à s’appliquer ».   En 2003, on dénombrait 677 installations dites SEVESO seuil haut, et ce chiffre n’a quasiment pas évolué depuis. En revanche, l’estimation en 2003 aboutissant au chiffre de 200 PPRT nécessaires s’est trouvée être grandement erronée puisqu’aujourd’hui on considère que ce chiffre est de l’ordre de 418. Egalement, l’objectif ambitieux de la mise en œuvre de tous ces plans dans un délai de 5 ans à compter de l’adoption de la loi de 2003 s’est vite révélé irréalisable compte tenu du coût économique (et social) de ces plans.  En effet, ces plans doivent délimiter un périmètre d’exposition aux risques technologiques à l’intérieur duquel peuvent être instituées dans certaines zones prévues par l’article L. 515-16 du Code de l’environnement, des prescriptions relatives à la construction, à l’utilisation ou à l’exploitation d’ouvrages,  un droit de délaissement des bâtiments existants, un droit d’expropriation pour les communes à l’encontre des immeubles et droits réels immobiliers. Ces mesures foncières devant être financées par l’Etat, les collectivités territoriales et  l’exploitant, à des parts de contribution déterminées par convention négociée entre ces parties, il n’est pas rare qu’aucun accord ne soit trouvé, entrainant des retards dans la mise en œuvre des PPRT. Une circulaire du 03 mai 2007 de la Ministre de l’écologie adressée aux préfets tentait de résoudre ce problème en fixant la part de contribution de l’état entre 25 et 40 % du coût total des mesures foncières en fonction de certains critères. Cependant, le rapport du Sénat n°107 pour la période 2011-2012 note que seulement trois conventions de financement ont été signées fin 2011. Pour tenter de remédier à ce problème, la loi de finance pour 2012 (loi n°2011-1977 du 28 décembre 2011) est venue prévoir expressément la part de contribution de chaque partie aux mesures foncières (un tiers du coût total).   En tout état de cause si l’absence de signature des conventions n’empêche pas l’approbation des PPRT, les réticences des collectivités et des exploitants à supporter la charge de ces plans expliquent sans aucun doute qu’au 30 juin 2012, sur les 418 à mettre en œuvre, 406 ont été prescrits mais seuls 182 ont été approuvés.   On rappellera enfin pour information que le PPRT doit aussi fixer des mesures de protection des populations face aux risques encourus (C. env., art. L.515-16, IV) qui sont prises en charges par les particuliers concernés. Même s’il est prévu que les travaux de protection prescrits par ces mesures ne peuvent porter que sur des aménagements dont le coût n’excède pas 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien avant l’intervention de l’arrêté de prescription du plan (C. env., art. R.515-42), cette disposition est vécue comme injuste et inégale par les particuliers concernés. D’ailleurs, cette disposition a fait l’objet d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) au motif qu’elle porterait « atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques ainsi qu’au principe constitutionnel d’égalité, en ce qu’elles ne prévoient pas d’indemnisation pour le dommage résultant de l’obligation, pour les propriétaires riverains, de supporter la charge de mesures de protection des populations consistant en des travaux d’aménagement pouvant atteindre 10% de la valeur de leur bien et qui sont engendrées par l’activité de l’exploitant à l’origine du risque technologique » (TA Amiens, 23/06/2011, n°1001556). Cependant, le Conseil d’Etat n’a pas jugé bon de transmettre cette QPC au Conseil Constitutionnel (CE, 23/09/2011, n°350384).   Par conséquent, il devient évident que le coût des PPRT, que ce soit pour les riverains, les collectivités publiques ou les exploitants, soit l’une des principales motivations de contestation juridique et sociale de ces plans.   Pour autant, dans l’affaire ayant abouti à l’annulation du PPRT du dépôt ESSO à Toulouse, la question du coût des mesures du plan ne faisait pas partie de celles au centre des débats.     La question de la concertation des collectivités et des personnes intéressées à l’élaboration du PPRT   Un PPRT comportant des enjeux importants quant au devenir des zones habitées comprises dans son périmètre, il semblait normal que l’élaboration de ce genre de document fasse l’objet d’une concertation importante.   Ainsi, l’article L. 515-22 du Code de l’environnement prévoit expressément que :  « Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l’élaboration du projet de plan de prévention des risques technologiques dans les conditions prévues à l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme ».   En combinant cet article avec l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme, le Tribunal administratif de Toulouse aboutit très logiquement au principe selon lequel, en plus des exploitants à l’origine des installations à l’origine des risques…

Eolien: annulation du refus de PC fondé sur un risque non avéré de perturbation du faisceau hertzien du réseau “Rubis”

Dans un arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Douai a confirmé l’annulation prononcée en première instance d’un refus de permis de construire fondé sur un risque de perturbation du faisceau hertzien du réseau « rubis » (réseau radio de la gendarmerie) par les éoliennes (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 28/11/2012, 11DA01138, Inédit au recueil Lebon).   Confirmant le jugement rendu par le Tribunal administratif de Rouen en première instance, la Cour a considéré que le risque de perturbation du réseau invoqué par le Préfet n’était pas avéré compte tenu des caractéristiques propres aux éoliennes et de leur implantation, et des conditions techniques d’exploitation du réseau Rubis à la date du refus :    « 3. Considérant que, pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité par la société E., le préfet de l’Eure s’est fondé sur la circonstance que la présence des éoliennes E6 et E7 ” dans le faisceau hertzien du réseau ” Rubis ” (Réseau unifié basé sur l’intégration des services) de la gendarmerie nationale porte atteinte à l’exercice de prérogatives de sécurité publique ” ; qu’en appel, le ministre soutient qu’il ressort d’un rapport de l’Agence nationale des fréquences établi en 2002 que les éoliennes sont, compte tenu de leur implantation et de leurs caractéristiques propres, de nature à perturber sensiblement la réception des ondes radioélectriques ; que, selon lui, ces facteurs de perturbation sur le dispositif opérationnel de la gendarmerie à travers le réseau Rubis, ont été reconnus en l’espèce par le ministère de la défense qui a émis un avis défavorable sur le projet le 25 janvier 2008 ; qu’il en a déduit que l’altération du système de télécommunication par l’implantation d’éoliennes constitue un risque réel pour la sécurité publique compte tenu de la finalité du réseau Rubis ; qu’il ressort toutefois de ce rapport, produit par les sociétés pétitionnaires, que si le risque d’interférences ainsi invoqué existe, il n’a été établi que de manière générale et à partir de mesures essentiellement théoriques ; qu’en outre, à la suite des investigations menées par l’Agence nationale des fréquences sur deux parcs éoliens, il apparaît que les perturbations de la réception radioélectrique étaient essentiellement télévisuelles ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le risque retenu par l’administration serait en l’espèce avéré compte tenu des caractéristiques propres aux éoliennes et à leur implantation et compte tenu des conditions techniques d’exploitation du réseau Rubis à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de l’Eure avait, pour refuser de délivrer le permis de construire attaqué, commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ; »   En définitive, et on peut s’en féliciter, la Cour conditionne la légalité d’un refus de permis au titre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme à la caractérisation en l’espèce d’un risque pour la sécurité publique.  Ici, le seul rapport général de l’Agence nationale des fréquences établi en 2002 ainsi que l’avis favorable du Ministre de la Défense sur le projet sont insuffisants pour justifier d’un risque avéré de perturbation par les éoliennes.   L’arrêté se trouve ainsi dans la lignée de la jurisprudence actuelle qui censure l’invocation d’un seul risque présumé ou minime au titre de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme (Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 27/09/2012, 11DA00546, Inédit au recueil Lebon ; COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 1ère chambre – formation à 3, 30/08/2011, 09LY01220, Inédit au recueil Lebon ; Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3 (bis), 21/01/2010, 09DA00038 ; Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 16/10/2008, 07DA00318, Inédit au recueil Lebon).     L’arrêt est également intéressant d’un autre point de vue. La Cour a censuré le second motif de refus de permis tiré de la protection des paysages et des sites (article R. 111-21 du code de l’urbanisme).  La Cour s’est d’abord attachée à procéder à la caractérisation du site comme l’exige le Conseil d’Etat en la matière (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 13/07/2012, 345970). En cela, la Cour a estimé que l’environnement du projet ne constituait pas un paysage naturel remarquable. Ensuite, elle a considéré que la co-visibilité avec un monument historique situé dans un village à 4 kilomètres du projet n’aurait qu’un impact très réduit sur le patrimoine architectural dès lors qu’aucune rupture d’échelle visuelle ne serait créée et que celle-ci sera en tout état de cause atténuée par la présence de boisements : « 5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les projets de parcs éoliens en litige se situent sur le plateau à dominante agricole du Vexin, lequel, selon les termes de l’avis de la direction régionale de l’environnement, ne constitue pas un paysage naturel remarquable ; que, par ailleurs, si les éoliennes projetées seront en situation de co-visibilité avec le village d’Ecouis distant d’environ quatre kilomètres, qui comprend une collégiale classée monument historique, cette co-visibilité n’existera que par un angle de vue horizontal ne créant aucune rupture d’échelle visuelle et sera, en outre, limitée par la présence de boisements ; qu’elle n’aura, dès lors, qu’un impact très réduit sur le patrimoine architectural et culturel que représente cette collégiale ; que, par suite, le MINISTRE DE L’ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n’est pas davantage fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet de l’Eure avait, pour refuser de délivrer les permis de construire attaqués, commis une erreur d’appréciation en se fondant sur une méconnaissance des dispositions de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme ; » Cour administrative d’appel de Douai, 1re chambre – formation à 3, 28/11/2012, 11DA01138, Inédit au recueil Lebon   Les exigences dont fait preuve la Cour dans l’appréciation de la…

Eolienne et permis modificatif : quelle hauteur significative ? (CAA Nantes, 16 novembre 2012, n°11NT00133)

Le permis modificatif constitue une institution jurisprudentielle qui permet, sans engager une nouvelle procédure complète (et le cas échéant une étude d’impact et une enquête publique si on y est soumis), d’obtenir l’autorisation de modifier la construction objet d’un PC initial et non encore érigée. Et très souvent les opérateurs éoliens sont tentés d’y avoir recours afin d’augmenter la taille de leur machine par rapport à celle prévue par un permis initial.   Un arrêt récent de la CAA de Nantes valide le recours au permis modificatif pour une augmentation non négligeable de la hauteur des éoliennes (jurisprudence cabinet: CAA Nantes, 16 novembre 2012, n° 11NT00133).      Le problème essentiel est de distinguer les hypothèses dans lesquelles il est possible de se contenter d’un permis modificatif de celles dans lesquelles un permis nouveau est nécessaire. La jurisprudence établit que le permis modificatif peut être sollicité lorsque les modifications qui le justifient ne portent pas atteinte à l’économie générale du projet initial. Dans le cas contraire, le pétitionnaire doit demander et obtenir un nouveau permis.    La frontière entre permis nouveau et permis modificatif n’est cependant pas évidente car la notion essentielle “d’atteinte à l’économie générale du projet initial” n’est elle-même pas définie avec précision. Une circulaire du ministère de l’Équipement n° 73-58 du 16 mars 1973 fournit bien quelques éléments pour opérer cette distinction s’agissant des bâtiments. Ainsi, d’après le ministère, les changements de façades, un léger transfert du bâtiment, la suppression ou l’addition d’un étage justifient un permis modificatif ; en revanche, la suppression de bâtiments et leur remplacement par d’autres bâtiments en nombre différent, un changement profond de l’implantation ou du volume des bâtiments exigent le dépôt d’une nouvelle demande de permis.   Mais quels critères retenir pour la construction singulière que constitue l’éolienne ? Car comme le rappelait en août dernier la Cour administrative d’appel de Douai à un opérateur éolien  un” permis de construire modificatif peut être requalifié, du fait de son objet et de sa portée, en nouveau permis de construire” (CAA Douai, 13 aout 2012, n°11DA01678). Certes il n’y a pas de difficulté majeure lorsque la modification diminue les impacts du projet (par ex. CAA Nantes, 1er juillet 2011, n°10NT02571).   L’espèce commentée (CAA Nantes, 16 oct. 2012, Sté InnoVent, n°11NT00133) nous donne un nouvel éclairage dans une matière casuistique où les espèces jurisprudentielles sont autant de repères précieux ; surtout lorsqu’il en va seulement d’un impact paysager.  La Cour juge par un arrêt attendu : “Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées au projet initial par les demandes de permis modificatif se traduisent uniquement par une élévation du mât des engins de 56 à 66 mètres, correspondant à 15 % de la hauteur initiale, alors que les autres caractéristiques des éoliennes, notamment le diamètre de leur rotor et leur puissance, demeurent inchangées ; que les photomontages joints au dossier indiquent, par ailleurs, que la taille visuelle d’un mât de 56 m, à une distance de 10 km, pour un observateur tenant une règle à bout de bras, n’est que 4,48 mm, et de 5,2 mm pour un mât de 66 m ; qu’ainsi la surélévation du projet ne sera perceptible qu’à une très faible distance du parc éolien et n’aura pas pour effet de modifier l’impact paysager des machines, ni, par suite, de modifier substantiellement ses caractéristiques initiales ; que dès lors c’est à tort que le préfet de l’Orne a rejeté les demandes de permis de construire modificatif présentées par la société Innovent au motif qu’elles nécessitaient la délivrance de nouveaux permis de construire “.   Les premiers juges avaient eu une toute autre approche des pièces du dossier en jugeant : “Si les vues lointaines sur le projet, s’agissant des endroits à partir desquels le parc tel qu’autorisé par les permis de construire initiaux sera déjà visible, ne seront que peu affectés par les modifications projetées, l’augmentation de hauteur aura en revanche pour effet, non seulement d’aggraver la perception rapprochée des éoliennes, mais aussi d’étendre les zones à l’intérieur desquelles elles seront visibles ; que dans ces conditions, et alors même que les modifications envisagées n’auraient aucune incidence sur les autres impacts du projet, le préfet de l’Orne a pu, sans erreur d’appréciation, estimer que l’augmentation de la hauteur des mâts de 56 à 66 mètres nécessitait  la délivrance de nouveaux permis de construire” (TA de Caen, 12 novembre 2010, n° 0902155). On pouvait comprendre la prise en compte du critère “des zones de visibilité” qui renvoie en fait à la définition de l’aire d’étude des impacts paysagers … mais si les vues éloignées sont peu impactées on ne voit pas comment l’aire d’étude pourrait elle-même être utilement étendue. Le raisonnement avait même un effet pervers car le calcul de l’aire d’étude est conditionné par la hauteur des machines. Ainsi apprécier l’impact significatif à l’aune de la perception des machines parait plus en phase avec le principal enjeu d’une modification susceptible de n’avoir que des effets paysagers.   On remarquera plus globalement que la jurisprudence commence ici à se fixer s’agissant des modifications requérant seulement un PC modificatif. S’agissant du domaine des éoliennes, la Cour administrative d’appel de Douai a considéré que l’implantation d’un modèle distinct d’éoliennes, se traduisant par une élévation du moyeu des installations de cinq mètres ainsi qu’une augmentation de la surface hors œuvre brute de chaque site, correspondant à l’emprise au sol des fondations des éoliennes, de 148 m2 à 190 m2 maximum (soit une augmentation de 28,37%), ne portaient pas atteinte à l’économie générale du projet et autorisait l’utilisation de permis modificatifs (CAA Douai, 9 avril 2009, n° 08DA00989). De même toujours selon la CAA de Douai : “Considérant qu’un permis de construire modificatif peut être requalifié, du fait de son objet et de sa portée, en nouveau permis de construire ; qu’il ressort des pièces du dossier que les modifications apportées par les arrêtés du 18 mai 2006 aux projets initiaux, lesquels avaient fait l’objet des permis de construire délivrés le 15 mars 2005, consistaient en l’implantation d’un…