Occupation d’un chemin rural: le refus de permission de voirie du Maire relève du juge judiciaire

  Un arrêt récent confirme que le refus de permission de voirie sur un chemin rural est un acte de gestion du domaine privé de la commune relevant de la compétence du juge judiciaire (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 30 mars 2012, N° 11NT02812).   En effet, la Cour administrative d’appel de Nantes confirme que la légalité d’un refus d’accorder une permission de voirie sur un chemin rural, lequel appartient au domaine privé de la commune par détermination de la loi (article L. 2212-1 du code général de la propriété des personnes publiques) ne relève pas de la compétence du juge administratif mais du juge judiciaire : « Considérant que pour demander le sursis à exécution dudit jugement, la COMMUNE DE LANDEVANT soutient que le chemin de Kermoro a le caractère d’un chemin rural, que le refus de permission de voirie est un acte de gestion du domaine privé de la commune dont il appartient aux tribunaux de l’ordre judiciaire de connaître, et qu’en conséquence, c’est à tort que le tribunal administratif de Rennes s’est reconnu compétent pour statuer sur la demande de M. X ; que ce moyen paraît, en l’état de l’instruction, de nature à justifier, outre l’annulation du jugement du 31 août 2011, le rejet des conclusions à fin d’annulation qu’il a accueillies ; qu’il y a lieu, par suite, d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement ; » (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 30 mars 2012, N° 11NT02812)   Cet arrêt s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante selon laquelle les actes relatifs à la gestion du domaine privé des personnes publiques sont des actes de droit privé relevant de la compétence du juge judiciaire (Conseil d’Etat, 3 / 5 SSR, du 20 janvier 1984, 16615 16616 16617, publié au recueil Lebon ; Conseil d’Etat, 8 / 9 SSR, du 6 mai 1996, 151818, publié au recueil Lebon). Ces actes ne manifestent que l’exercice du droit de propriété et non les prérogatives de puissance publique de l’administration.   La distinction a une importance réelle en pratique. Le refus d’accorder une permission de voirie sur le domaine privé est plus difficilement contestable (relevant d’un pouvoir discrétionnaire, dans certaines limites), alors qu’un refus de permission de voirie opposé sur le domaine public doit, pour être légal, notamment répondre à un motif de sécurité publique.   Cette jurisprudence doit intéresser tous les administrés ayant, par leur activité (agriculteurs, opérateurs éoliens et solaires notamment), la nécessité de disposer d’un accès par un chemin rural.  

Eolien/ Recours contre le décret de classement ICPE: le Conseil d’Etat se prononce sur la QPC ce 5 avril 2012

Plusieurs opérateurs éoliens ont introduit un recours en annulation direct devant le Conseil d’Etat à l’encontre du décret portant classement des éoliennes (décret n°2011-984 du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées, publié le 25 août 2011 au Journal Officiel de la République Française).     Une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre de l’article L. 553-1 du code de l’environnement, dont le décret attaqué est une modalité d’application, avait été présentée à la Haute juridiction.   Le Conseil d’Etat en sa 6ème sous-section statuera le 5 avril 2012 sur la question prioritaire de constitutionnalité, qu’il pourra décider de transmettre ou non au Conseil constitutionnel. Monsieur le Rapporteur public M. de Lesquen proposera ses conclusions à la formation de jugement.    

Actualité: GREENLAW publie une synthèse en droit des énergies renouvelables dans la Revue “Droit de l’environnement”

[dropcap]R[/dropcap]enouvelant la synthèse opérée en l’année 2010/2011, le cabinet a publié dans la Revue “Droit de l’environnement” de mars 2012 la synthèse en droit des énergies renouvelables 2011/2012, abordant les principales évolutions législatives et réglementaires touchant les ENR, et analysant la jurisprudence intervenue depuis une année.    

AMVAP (aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine) : des conditions d’application soulignées par voie de circulaire

  Avec l’article 28 de la loi Grenelle II n° 2010-788 du 12 juillet 2010, les AMVAP (aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine) se sont substituées aux ZPPAUP (zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) créées par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales. Proches des ZPPAUP, les AMVAP demeurent initiées par les communes et les intercommunalités en charge du plan local d’urbanisme. Présentant le caractère d’une servitude d’utilité publique, elles permettent  de promouvoir la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable. Introduit dans les  articles L. 642-1 à L. 642-10 du code du patrimoine par la loi Grenelle II,  le régime juridique  des AMVAP a été précisé par le décret n° 2011-1903 du 19 décembre 2011 relatif aux aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (publié au JORF du 21 décembre 2011) – lui-même codifié aux articles D. 642-1 à R. 642-29 du code du patrimoine – , avant qu’ une circulaire  du ministère de la Culture et de la Communication NOR : MCCC1206718C en date du 2 mars 2012 relative aux aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP: circulaire AMVAP 02.03.2012), à laquelle sont annexées 6 fiches techniques détaillant les étapes de la création d’une AMVAP et ses modalités de mise en œuvre, en rappelle l’importance  du rôle de conseil des services de l’Etat dans le bon déroulement de la procédure de création et de suivi des AMVAP. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Grenelle II, aucune procédure de création, de révision ou de modification d’une ZPAUP ne peut être lancée. Néanmoins,  les  ZPPAUP (650) n’ont pas disparu du paysage juridique : en application de l’ article L. 642-8 du code du patrimoine,  « les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager mises en place avant la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 précitée continuent à produire leurs effets de droit jusqu’à ce que s’y substituent des aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine et, au plus tard, dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de cette même loi ». La circulaire met  en garde  les élus contre leur éventuel attentisme puisqu’ « à défaut de transformation des ZPPAUP existantes en AVAP à la date du 14 juillet 2015, le régime des abords des monuments historiques ainsi que celui des sites inscrits au titre du code de l’environnement seront rétablis de plein droit sur l’ensemble des territoires concernés. » Des mesures transitoires ont été prévues pour les modifications et révisions des ZPPAUP en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi portant engagement national pour l’environnement (Loi Grenelle II) : lorsque, à cette date,  les procédures d’élaboration ou de  révision (cf. art. 2 de la loi n°2011-665 du 15 juin 2011 visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Ile-de-France) ont atteint le stade de l’enquête publique, elles restent soumises aux dispositions antérieures. L’on notera que, parmi les fiches techniques, la fiche n° 3  relative à la conception d’une AVAP et à la prise en compte des objectifs de développement durable revient sur la nécessaire conciliation à opérer entre la protection du patrimoine et le développement de l’éolien. Par ailleurs, il est précisé que si la préservation des milieux biologiques n’est pas une problématique directement associée à l’AMVAP, « en tout état de cause, la qualité architecturale, patrimoniale et paysagère, du territoire de l’AVAP concourt en elle-même au maintien des espèces et plus largement des biotopes »  aussi, est-il suggéré de prendre appui sur les trames vertes et bleues attachées au schéma régional de cohérence écologique. Quant à la fiche n°6 (application de l’AVAP et instruction des demandes d’autorisation de travaux), elle revient sur l’évolution juridique entourant l’avis émis par l’architecte des bâtiments de France (ABF) pour les demandes de travaux et les recours qui peuvent être soulevés à son encontre. Obligatoire, quel que soit le régime d’autorisation de travaux, l’avis de l’architecte est rendu dans le délai  d’un mois (avis favorable en cas de silence gardé par l’ABF). Quelle que soit le régime de l’autorisation, un recours peut être introduit devant le préfet de région qui dispose d’un délai de 15 jours (déclarations préalables et demandes d’autorisation spéciale) ou d’un mois (permis après consultation éventuelle de la commission locale) pour se prononcer sur le projet de décision, le ministre chargé des monument historiques et des espaces protégés  disposant de la possibilité d’évoquer les dossiers d’intérêt national.  Enfin, cette dernière fiche complétant la circulaire du 2 mars 2012  rappelle que les travaux illicites entrepris dans les AMVAP sont passibles, pour leur auteur,  d’une contravention de cinquième classe  d’un montant de 1.500 euros ou de 3.500 euros en cas de récidive (art. R. 642-29 du code du patrimoine – décret  n° 2011-1903 du 19 décembre 2011).   Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Modulation dans le temps des annulations et « intérêt public de la promotion des ENR »

La guérilla contentieuse n’a pas toujours les effets escomptés.  Le contentieux des énergies renouvelables voit ainsi de plus en plus souvent le juge moduler dans le temps ses annulations contentieuses touchant leurs actes réglementaires. L’on sait que le Conseil d’Etat s’est vu proposer la semaine dernière la modulation dans le temps de l’annulation de certaines dispositions de l’arrêté tarifaire liée à l’obligation d’achat de l’électricité photovoltaïque, pour sauver les contrats en cours d’une baisse de rémunération du fait d’un risque d’annulation sèche pour rupture d’égalité. On attend avec impatience l’arrêt en la matière mais l’on sait déjà que la modulation qu’il comportera n’interviendra vraisemblablement pas au nom de la contribution des ENR à l’intérêt général… Le Rapporteur public considère que la validation législative est justifiée par un impérieux motif d’intérêt général. L’on sait que dans la même veine le Conseil d’Etat (CE, Juge des référés, 28 janv. 2011, 344973, Inédit au recueil Lebon) a refusé d’accueillir le référé contre le décret de suspension de l’obligation d’achat au nom d’un bilan des urgences plombé par le coût prétendument insupportable pour la CSPE d’une bulle spéculative créée par le gouvernement lui-même.  Au fond le même décret sera validé avec une lecture qui purge l’article 6 de la Charte de l’environnement de toute portée écologique (CE, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 16 nov. 2011, n° 344972). Les membres du Palais ne sont manifestement sensibles qu’à l’intérêt économique immédiat de l’Etat et du consommateur et demeurent délibérément ignorants des coûts écologiques induits des différents modes de production de l’électricité  … La faute est assurément politique, tant il est vrai que l’on ne cesse pas d’en faire sous prétexte que l’on rend la justice administrative, bien au contraire. Nous avons eu l’occasion de le souligner au colloque qui s’est déroulé vendredi dernier à la Faculté de droit de Bordeaux et fort opportunément organisé par le CERDARE (dont nous joignons ici le power point de notre intervention dans l’attente d’un commentaire de l’arrêt attendu dans un prochain numéro de Droit de l’environnement: GREEN LAW AVOCAT- Bordeaux, 23 mars 2012 CERDARE). Une autre voie a pourtant été initiée en particulier par certaines juridictions du fond, peut-être il est vrai plus sensibilisées à la protection de l’environnement que ne le sont les 9ème et 10ème sous-sections du Conseil d’Etat. En particulier nous relevons ce jugement remarquable du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a jugé : « Considérant que la société SAS SFE parc éolien de l’Orme-en-Champagne fait valoir, sans être contredite, que l’annulation de l’arrêté attaqué aurait pour conséquence de lui faire perdre son droit à l’obligation d’achat de l’électricité produite par les parcs éoliens qu’elle envisage d’implanter dans le périmètre de la zone de développement de l’éolien litigieuse ; que la péremption des permis de construire et la caducité du certificat d’obligation d’achat qui lui ont été délivrés lui causerait un préjudice qu’elle estime à 3 millions d’euros ; qu’ainsi, compte tenu de l’intérêt public de la promotion des énergies renouvelables poursuivi par les zones de développement de l’éolien, de l’intérêt privé, notamment économique, de ladite société et de la circonstance que l’unique moyen d’annulation est un vice de procédure, la rétroactivité de l’annulation de l’arrêté attaqué aurait des conséquences manifestement excessives ; que, dans ces conditions, il y a lieu de limiter dans le temps les effets de l’annulation en ne donnant effet à cette dernière qu’au 1er juillet 2012 » (TA Chalon en Champagne, 26 mai 2011, n° 0900403). Mais attention tout semble être question d’espèce. Ainsi un arrêté de ZDE se voit certes annulé et pourtant la modulation se trouve refusée en ces termes : « Considérant que la Compagnie du Vent demande que soient limités dans le temps les effets de l’annulation prononcée par le présent arrêt, aux motifs que, selon elle, l’annulation aura des conséquences considérables pour l’intérêt public de la promotion des énergies renouvelables et que la rentabilité de l’exploitation du parc d’éoliennes repose sur l’obligation d’achat à laquelle est soumise Electricité de France ; que, toutefois, il n’apparaît pas, alors que les permis de construire des éoliennes ont été délivrés près d’un an avant l’arrêté en litige que, dans les circonstances de l’espèce, les effets du présent arrêt entraîneraient des conséquences manifestement excessives justifiant qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses ; que par suite, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la Compagnie du Vent » (CAA Marseille, 7ème chambre – formation à 3, 20 déc. 2011, n° 09MA00361, Inédit au recueil Lebon). La motivation n’est guère explicite les raisons qui fondent le refus de moduler, même s’il est vrai que dans cet arrêt la Cour relève que c’est l’administration elle-même qui a été induite en erreur par certaines omissions du dossier de ZDE. David DEHARBE Avocat associé