ICPE : dématérialisation du régime de la déclaration, simplification du régime de l’enregistrement et diverses retouches de régimes spécifiques

Par Sébastien BECUE Green Law avocat Le décret n°2015-1614 du 9 décembre 2015 modifiant et simplifiant le régime des installations classées pour la protection de l’environnement et relatif à la prévention des risques s’inscrit dans l’effort gouvernemental de simplification globale des démarches administratives en proposant : une salutaire dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE (I) ; une simplification et un renforcement de la participation pour le régime d’enregistrement des ICPE (II) ; diverses retouches, notamment en matière d’éoliennes, d’industries extractives, de canalisations et d’autorisation unique (III).     La salutaire dématérialisation de la procédure de déclaration des ICPE   Nous vous informions de son arrivée en mars, lors de la mise en consultation publique du projet de décret, la dématérialisation de la procédure de déclaration est dorénavant actée. Elle a pour objet de faciliter les échanges entre les entreprises et les administrations et de réduire les délais de procédure. 440.000 installations soumises à déclaration, 10.000 nouveaux dossiers par an, un millier d’inspecteurs ICPE: cette mesure aura certainement un effet simplificateur bienvenu. Le système de télé-déclaration sera disponible à compter du 1er janvier 2016 mais les déclarants auront toutefois, s’ils le souhaitent, jusqu’au 31 décembre 2020 pour utiliser l’ancien système. Remplacement du récépissé par la « preuve de dépôt immédiate » Jusqu’à maintenant, le dossier de déclaration devait être remis en triple exemplaire papier aux services préfectoraux. Les services pouvaient alors solliciter la communication de pièces complémentaires et c’est seulement lorsque le dossier était considéré comme complet que le déclarant se voyait remettre un récépissé de déclaration ainsi qu’une copie des arrêtés fixant les prescriptions applicables à son installation. Désormais, le déclarant se rendra sur une page dédiée du portail www.service-public.fr sur lequel il remplira un formulaire CERFA et téléchargera ses pièces. Une fois le dossier complété, le déclarant verra apparaître les prescriptions générales applicables à son installation et devra indiquer reconnaître en avoir pris connaissance pour pouvoir recevoir la preuve du dépôt. On note qu’alors que le projet de décret prévoyait la possibilité pour le préfet de solliciter l’envoi de « compléments » au dossier de déclaration pendant quinze jours à compter du dépôt, cette disposition, que nous critiquions en mars pour les incertitudes qu’elle aurait engendrées, n’a pas été retenue dans le texte final. Par ailleurs, le décret procède à la dématérialisation des demandes de prescriptions particulières et notifications relatives au régime de déclaration (changement d’exploitant, modification des conditions d’exploitation, notification de mise à l’arrêt définitive…). Renforcement de la possibilité de consultation des preuves de dépôt par les tiers Avant l’intervention de ce décret, le récépissé devait être affiché en mairie pendant un mois. Désormais, la preuve de dépôt sera accessible en ligne pendant une durée minimale de trois ans (sur le site de la préfecture). Le CSPRT indique que ce délai a été fixé pour tenir compte du délai de caducité de trois ans (la déclaration devient caduque si l’installation n’a pas été mise en service dans le délai). Les preuves de dépôt seront ainsi accessibles plus longtemps, plus facilement et plus aisément manipulables pour les tiers. Simplification de la procédure des arrêtés de prescriptions particulières La demande d’enregistrement fait l’objet d’un formulaire CERFA et l’avis du CODERST devient facultatif, sur décision du préfet. Précisions concernant les installations déclarées au sein d’un établissement autorisé L’article R. 512-50 précise à quel régime sont soumis les installations qui n’entrent pas dans le champ du régime aggravant de l’article R. 512-32 selon lequel le régime de l’autorisation est applicable aux installations « de nature, par leur proximité ou leur connexité avec une installation soumise à autorisation, à modifier les dangers ou inconvénients de cette installation ». A défaut, elles sont donc soumises au régime de la déclaration. La simplification du régime de l’enregistrement et le renforcement de la participation du public   Pour rappel, le régime de l’enregistrement, créé en 2009, concerne plus de 11.900 installations et 500 nouveaux dossiers par an. La modification prévue par le présent décret entre en vigueur à compter du 16 mai 2017. Simplification du format du dossier de demande A l’instar des demandes d’autorisation et de déclaration, la demande d’enregistrement va désormais faire l’objet d’un formulaire CERFA. Afin qu’il puisse être mis en ligne sur le site de la préfecture, le demandeur est désormais tenu de fournir au préfet une version électronique de son dossier de demande. Ajout d’une description des incidences environnementales au dossier d’enregistrement Désormais, le dossier de demande d’enregistrement devra contenir une description des incidences notables que l’installation est susceptible d’avoir sur l’environnement, en fournissant les informations prévues à l’annexe II.A de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 (telle que modifiée par la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014), à savoir : «  1.  Une description du projet, y compris en particulier:    (a) une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet et, le cas échéant, des travaux de démolition ;    (b) une description de la localisation du projet, en accordant une attention particulière à la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées. Une description des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet. Une description de tous les effets notables, dans la mesure des informations disponibles sur ces effets, que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant:    (a) des résidus et émissions attendus ainsi que de la production de déchets, le cas échéant ;    (b) de l’utilisation des ressources naturelles, en particulier le sol, les terres, l’eau et la biodiversité.    4. Il est tenu compte des critères de l’annexe III, le cas échéant, lors de la compilation des informations conformément aux points 1 à 3. » Diverses mesures relatives à la prévention des risques    En matière d’éoliennes Les dispositions suivantes sont applicables à compter du 1er janvier 2016. D’abord, le décret étend la possibilité de prorogation du délai de caducité aux éoliennes soumises à déclaration. Pour rappel, les autorisations ICPE des éoliennes disposent d’un délai spécial de caducité par rapport aux autres ICPE. La règle générale, prévue à l’article R. 512-74, est que l’autorisation devient caduque si l’installation n’a pas été mise en service…

Schéma régional éolien : annulation du SRE de Basse Normandie pour défaut d’évaluation environnementale (TA Caen, 9 juillet 2015)

Par un jugement du 9 juillet 2015, le Tribunal administratif de CAEN a annulé la décision du Préfet en 2012 ayant approuvé le schéma régional éolien de Basse-Normandie et l’a mis en révision, au motif qu’il s’agissant d’un document devant être précédé d’une évaluation environnementale. Or, une telle évaluation n’ayant pas été faite, la décision méconnait, selon le Tribunal, la directive communautaire du 27 juin 2001 (dont l’effet direct a ici été reconnu) et a exercé une influence sur le sens de la décision. Ce jugement notable, dont on ignore s’il a donné lieu à un appel, soulève différentes interrogations. Rappelons que le schéma régional éolien est un document annexé au SRCAE (schéma régional climat air énergie), qui définit les zones favorables, à l’échelon régional, à l’implantation d’éoliennes. Depuis la loi Brottes du 15 avril 2013, il est prévu que les autorisations d’exploiter ICPE (article L 553-1 du code de l’environnement) doivent tenir compte des parties identifiées comme favorables aux éoliennes. Dans la région Basse-Normandie, la procédure d’élaboration du SRCAE n’a pas abouti à sa publication avant le 30 juin 2012, de sorte que le Préfet de région a poursuivi seul la procédure d’approbation du volet éolien, sous la forme du schéma régional éolien. En l’espèce, plusieurs requérants ont entendu contester la décision d’approbation du SRE. Il s’agissait de plusieurs personnes physiques et d’associations dont l’objet social est la protection de la nature et du patrimoine architectural dans la région. Intérêt à agir contre le SRE : Le Tribunal a ainsi tout d’abord considéré que ces associations présentaient un « intérêt à agir » contre la décision d’approbation du SRE, car ce type de décision tient compte des règles de protections des espaces naturels, des ensembles paysagers notamment (article R 222-2, IV du code de l’environnement). Elles sont donc recevables à contester ce type de décisions au regard de leur objet social. Décision faisant grief : Le Préfet soutenait encore que sa décision d’approbation ne pouvait « faire grief » (c’est-à-dire produire des effets juridiques) dans la mesure où la Loi Brottes du 15 avril 2013 avait supprimé les ZDE (zones de développement éolien) et donc privé les SRE de caractère d’acte faisant grief. Le Tribunal rejette cette analyse et considère de façon assez générale que les autorisations ICPE doivent tenir compte des zones identifiées comme favorables, la décision d’approbation du SRE fait partie des décisions ayant une incidences sur l’environnement Il semblerait que des particularités liées au SRE de Basse Normandie aient également conduit le Tribunal à retenir le caractère d’acte faisant grief : obligation de réaliser une étude de bruit, indication que les parcs doivent être les plus compacts possibles, réalisation d’études préalables obligatoires en forêt, interdiction d’implantation dans l’aire visuelle du Mont St Michel. Pas de transmission de la QPC : Les requérants souhaitaient la transmission au Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité, mais le Tribunal considère que les dispositions contestées ne méconnaissent pas de disposition de la Constitution. Obligation de réaliser une évaluation environnementale : le Tribunal a décidé d’annuler la décision préfectorale d’approuver le SRE au motif qu’elle n’avait pas été précédée d’une évaluation environnementale. C’est là une question juridique pointue à laquelle le Tribunal réponds, après avoir visé la directive européenne du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes et le code de l’environnement en considérant que : le schéma régional éolien constitue un « document de planification relatif à l’énergie » (remplissant ainsi la définition fixée par l’article L 122-4 du code de l’environnement pris pour la transposition de la directive européenne) ; le schéma a, selon le Tribunal, pour « objet de définir le cadre territorial de mise en œuvre de travaux d’installation d’éoliennes soumis à étude d’impact » en application de l’article L 122-1 du code de l’environnement. Il en déduit que le SRE devait donner lieu à une évaluation environnementale préalable, sur le fondement de l’article L 122-4 du code de l’environnement. Le Tribunal relève que si l’obligation d’évaluation préalable n’a été codifiée que le 1er janvier 2013 (soit après la décision du Préfet), il fallait considérer que la directive européenne pouvait s’appliquer immédiatement. Il lui a ainsi reconnu un effet direct, en jugeant au passage que l’article R 122-17 (alors applicable) méconnaissant la directive. Les autres arguments n’ont pas été tranchés, ce qu’on peut regretter car ils auraient permis de tirer un certain nombre d’enseignements pour le prochain schéma que le Préfet sevra donc approuver. L’analyse de la décision peut laisser un peu circonspect dans la mesure où le raisonnement fondé sur le postulat que le schéma a, selon le Tribunal, pour « objet de définir le cadre territorial de mise en œuvre de travaux d’installation d’éoliennes soumis à étude d’impact » est loin d’être évident. En effet, la construction des éoliennes donne lieu à permis de construire (ou à autorisation unique) mais ce n’est pas à cette occasion que les zones favorables identifiées par le SRE trouvent un écho quelconque. Nul doute qu’un recours contre un permis, fondé sur la « méconnaissance » du schéma régional éolien serait rejeté, l’argument étant inopérant. Ce n’est donc pas la construction d’éoliennes qui est même indirectement conditionnée par le SRE. A la rigueur, le code de l’environnement prévoit que les autorisations d’exploiter ICPE doivent « tenir compte » des zones favorables. Et c’est au titre des ICPE qu’une étude d’impact des parcs éoliens doit être réalisée, et non au titre de la construction. Cette approximation dans le jugement laisse donc subsister un doute quant à la validation du jugement par les éventuels juges d’appel. Reste encore la question de savoir si le lien entre l’autorisation ICPE (précédée d’une étude d’impact) et le SRE dont les zones doivent être simplement « prises en compte » suffit à soumettre l’entier document à une évaluation environnementale. Dorénavant, le SRCAE (comportant le SRE) doit réglementairement être précédé d’une évaluation environnementale et on pourrait croire que le débat est déjà sans objet. Cela ne nous semble pas être le cas puisque nombre de SRE sont encore en cours d’élaboration et ont même été approuvés avant la réforme du code. Les incidences de…

Photovoltaïque et éoliennes domestiques : la DGCCRF souligne les pratiques commerciales trompeuses

Par Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocats La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) déclare avoir constaté de « graves manquements » des professionnels du photovoltaïque et des éoliennes domestiques en 2014 (communiqué de presse 19 novembre 2015, les énergies renouvelables : alerte aux pratiques commerciales trompeuses !) Pour la DGCCRF « les principales infractions constatées sont la tromperie sur les coûts attendus des installations, le paiement par les consommateurs aux professionnels avant l’expiration du délai de 7 jours, le non-respect du délai de rétractation et le non-respect du formalisme des contrats de vente de crédit ». Rappelons que les pratiques commerciales trompeuses sont visées à l’article L121-1 du Code de la consommation qui dispose: « I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : 1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ; 2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ; c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; d) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ; e) La portée des engagements de l’annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ; 3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable. II.-Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte ».   Le Code de la consommation sanctionne donc les allégations fausses ou trompeuses portant sur « Les caractéristiques essentielles du bien ou du service ». Les caractéristiques essentielles visées par le texte sont en effet très largement entendues et embrassent la plupart des éléments susceptibles d’influencer le choix du consommateur pour un produit déterminé, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service. Les particuliers victimes de pratiques commerciales trompeuses peuvent naturellement obtenir l’indemnisation du dommage subi, pourvu qu’il démontre son existence (CA Paris, 2 juill. 2001). Surtout, les articles L. 122-15 et suivants du Code de la consommation relatif aux pratiques commerciales agressives indiquent clairement que « Lorsqu’une pratique commerciale agressive aboutit à la conclusion d’un contrat, celui-ci est nul et de nul effet ».  Les jurisprudences déjà commentées dans le présent blog font écho au rapport par la DGCCRF le 19 novembre 2015 (notamment Cour d’appel de LIMOGES, 9 juillet 2015, RG n°15/00020 ; TC EVRY, 10 juin 2015,n° de rôle 2014F00214- jurisprudence cabinet ; Cour d’appel de LIMOGES, 12 mars 2015, RG n°14/00068). Le rapport de la DGCCRF est également l’occasion de rappeler que la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 a réformé plusieurs dispositions du code de la consommation intéressant les opérations de démarchage. On retiendra que le nouvel article L111-1 I du code de la consommation impose même des obligations plus étendues à la charge du professionnel puisque ce dernier doit informer le consommateur les informations suivantes : Les caractéristiques essentielles du bien ou du service. Il est précisé que cette information doit être faite en fonction du support de communication utilisé : on ne donne pas autant de détail sur les caractéristiques du bien si celui-ci est exposé en vitrine ou si la commande se fait par téléphone ; Le prix du bien ou du service selon les modalités de l’article L. 113-3 qui n’a pas été modifié ; La date ou le délai dans lequel le professionnel livrera le bien ou exécutera le service ; L’identification du professionnel, un décret en Conseil d’État fixe les éléments de cette identification. Ces informations doivent être données au consommateur avant la conclusion du contrat. Il est important de souligner qu’aux termes de l’article L212-21 du Code de la consommation le consommateur dispose dorénavant d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision. Enfin, la DGCCRF met en exergue l’interdépendance des contrats de consommation et des contrats de crédit aux termes des articles L. 311-19 à L. 311-28 du code de la consommation. Il est acquis par la jurisprudence que la nullité du contrat principal (de vente de matériel ou de prestations de services) entraîne de facto l’annulation du contrat de crédit contracté pour financer l’acquisition du bien (Cass. 1re civ., 20 déc. 1988 : D. 1989, somm. p. 341, obs. J.L. Aubert). Les particuliers victimes de pratiques commerciales trompeuses disposent donc d’un éventail de moyens juridiques pour faire valoir leurs droits et obtenir réparation. Cette actualité ne doit faire oublier que suite au moratoire, de nombreuses sociétés de vente…

Plantez si vous pouvez !

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Pour la première fois à notre connaissance, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le respect des droits des tiers lorsque des prescriptions spéciales sont imposées au pétitionnaire pour accompagner des permis de construire éoliens (Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 16 octobre 2015, n°385114, mentionné dans les tables du recueil Lebon, consultable ici). Les faits de l’espèce ayant donné lieu à cette décision sont les suivants. Le Préfet de la Nièvre a accordé à un opérateur éolien six permis de construire en vue de l’implantation d’un parc de cinq éoliennes et d’un poste de livraison. Les autorisations de construire pour les éoliennes comportaient, en leur article 2, des prescriptions d’ordre technique, indivisibles du reste du permis imposant, au titre de la protection de l’environnement, la plantation de haies sur des parcelles appartenant à des propriétaires privés. Plusieurs requérants ont demandé au tribunal administratif de Dijon l’annulation de ces six arrêtés. Par un jugement n°1102113 du 4 avril 2013, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Les requérants ont ensuite interjeté appel auprès de la Cour administrative d’appel de Lyon. Par un arrêté n°13LY01455 du 19 août 2014, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu’il avait rejeté les conclusions des requérants tendant à l’annulation des cinq arrêtés du Préfet relatifs à la construction des cinq éoliennes en tant que, dans leur article 2, ces arrêtés prescrivaient la plantation de haies et a annulé dans cette mesure les arrêtés en cause. Dans cet arrêt, la Cour a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Les requérants ont alors formé un pouvoir en cassation devant le Conseil d’Etat. Aux termes de sa décision, la Haute Juridiction a annulé l’arrêt de la Cour administrative de Lyon au motif qu’elle avait omis de statuer sur un moyen qui n’était pas inopérant. Décidant de régler l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a alors successivement écarté les moyens tirés de : – L’absence de réponse à certains arguments relatifs à l’insuffisance de l’étude d’impact ; – L’insuffisance de l’analyse de l’étude d’impact sur les chiroptères ; – L’inexactitude de l’étude d’impact et de ses annexes en ce qui concerne l’axe du couloir de migration des grues cendrées ; – L’insuffisance des mesures acoustiques ; – La méconnaissance de l’article R. 431-13 du code de l’urbanisme relatif au contenu du dossier de permis de construire lorsque tout ou partie de l’installation est implantée sur du domaine public ; – La méconnaissance de l’article R. 111-15 du code de l’urbanisme en ce qui concerne l’impact sur l’avifaune ; – La méconnaissance de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme relatif à l’atteinte à l’activité agricole et à la promotion d’une urbanisation dispersée ; – La méconnaissance de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme relatif à l’atteinte au paysage ou à l’environnement visuel. Puis, et c’est là le principal apport de cette décision, le Conseil d’Etat se prononce sur le moyen selon lequel le Préfet aurait commis une erreur de droit en prescrivant la plantation de haies sur des parcelles privées, sans s’assurer de l’accord de leurs propriétaires. En premier lieu, le Conseil d’Etat considère que « si les requérants soutiennent que le préfet de la Nièvre a commis une erreur de droit en prescrivant la plantation de haies sur des parcelles privées, sans s’assurer de l’accord de leurs propriétaires, cette circonstance, à supposer que les propriétaires concernés n’aient pas donné leur accord à la date de délivrance des permis attaqués, n’est pas de nature à entacher d’illégalité ces derniers, qui ont été délivrés sous réserve des droits des tiers ». Cette position était prévisible. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que les permis de construire sont délivrés sous réserve des droits des tiers (pour les premières occurrences de ce principe que nous avons recensées : Conseil d’Etat, 5 mars 1965, n°57315 ou encore Conseil d’Etat, 18 octobre 1968, n°65358, publié au recueil Lebon ; pour des décisions très récentes : Conseil d’Etat, 19 juin 2015, n°368667, publié au recueil Lebon ; Conseil d’Etat, 23 mars 2015, n°348261, publié au recueil Lebon ou encore Conseil d’Etat, 9 mai 2012, n°335932, mentionné aux tables du recueil Lebon). En outre, bien que le Conseil d’Etat ne vise aucun texte pour affirmer ce principe, il convient de constater que ce dernier est désormais codifié à l’article A.424-8 du code de l’urbanisme aux termes duquel : « […] Le permis est délivré sous réserve du droit des tiers : il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d’urbanisme. Il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s’estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d’autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d’urbanisme. » A cet égard, il convient de souligner que les juridictions du fond n’hésitent pas à viser expressément l’article A.424-8 du code de l’urbanisme dans leurs arrêts (voir, pour quelques exemples, CAA Nantes, 3 avril 2015, n°14NT00188 ; CAA Bordeaux, 2 octobre 2014, n°13BX00806 ; CAA Marseille, 12 décembre 2013, n°11MA04657 ; CAA Lyon 12 novembre 2013, n°13LY01123). Il résulte de la rédaction de ces dispositions que le Conseil d’Etat ne pouvait reconnaître une quelconque erreur de droit du Préfet lorsqu’il a prescrit la plantation de haies sur des parcelles privées sans l’accord de leurs propriétaires. Cette position qui affirme la légalité des permis délivrés n’en présente pas moins une conséquence à ne pas perdre de vue pour les opérateurs. En effet, en second lieu, le Conseil d’Etat précise très logiquement que : « la construction du parc d’éoliennes ne pourra, au demeurant, être légalement réalisée conformément aux permis délivrés qu’à la condition que les haies aient pu être plantées ». Il en déduit alors que « le moyen tiré de ce que ces prescriptions seraient entachées d’illégalité…

Eolien en mer : projet de décret en préparation

Par Maître Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat). L’éolien en mer répond à des règles très différentes de l’éolien terrestre, notamment au regard des autorisations exigées. Alors que l’éolien terrestre est soumis notamment à des autorisations au titre de l’urbanisme et de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), l’éolien en mer nécessite d’obtenir des autorisations telles que des autorisations d’occupation du domaine public maritime et des autorisations au titre de la législation sur les installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques et marins (IOTA). Pour compléter la réglementation applicable à l’éolien en mer, un projet de décret relatif aux ouvrages énergétiques en mer est actuellement en préparation. Ce projet de décret (consultable ici) a été soumis à consultation publique en application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement. Cet article « définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. » La consultation publique s’est déroulée du 8 juillet au 30 juillet 2015. A son terme, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie comptabilisait une dizaine de commentaires déposés sur son site (cf. présentation de la consultation publique disponible ici). Ainsi que l’indique le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « Ce projet de décret vise à consolider le cadre juridique applicable aux projets d’énergies renouvelables en mer lauréats d’appels d’offres, d’appels à projets nationaux ou européens et aux ouvrages des gestionnaires de réseaux en mer et simplifier les procédures et le traitement des recours sans diminuer le niveau de protection environnementale et de consultation du public. » (cf. présentation de la consultation publique disponible ici). Le projet de décret comporte sept articles dont six seulement présentent un véritable intérêt : – L’article 1er du projet de décret prévoit la désignation d’une cour administrative d’appel qui serait compétente en premier et dernier ressort pour les contentieux relatifs aux autorisations administratives nécessaires à la construction et l’exploitation des projets éoliens en mer ; – L’article 2 du projet de décret allonge la durée des concessions d’utilisation du domaine public maritime pour les ouvrages de production d’énergie renouvelable en mer, leurs ouvrages connexes et les ouvrages des gestionnaires des réseaux public de trente à quarante ans ; – L’article 3 du projet de décret précise, en cas de résiliation pour un motif d’intérêt général de la convention d’occupation domaniale avant son terme, que le titulaire est en droit d’obtenir réparation de son préjudice direct et certain ; – L’article 4 du projet de décret précise les délais de recours contre les décisions prises au titre de la loi sur l’eau en matière d’éolien en mer. Un délai de deux mois pour les recours des tiers est notamment envisagé. Cet article précise également expressément que le préfet peut être saisi à compter de la mise en service de l’installation ou de l’ouvrage ou du début des travaux ou de l’activité, aux seules fins de contester l’insuffisance ou l’inadaptation des prescriptions définies dans la décision. La décision du Préfet pourra ensuite faire l’objet d’un recours contentieux dans un délai de deux mois ; – L’article 5 du projet de décret prévoit une notification obligatoire à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation ou de la déclaration des recours administratifs et contentieux dirigés contre les autorisations administratives nécessaires à la construction et l’exploitation des projets éoliens en mer. Il prévoit également la possibilité d’adresser une requête au juge afin de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués, qui doit intervenir au plus tard sept mois à compter du dépôt du recours. L’article exige également que le recours soit jugé dans un délai de douze mois. A défaut, il sera transmis au Conseil d’Etat ; – L’article 6 du projet de décret permet d’allonger au-delà de dix ans la durée maximale des autorisations de production d’électricité octroyées aux lauréats des appels d’offres au titre du code de l’énergie. Ce projet de décret a fait l’objet d’un avis favorable du Conseil supérieur de l’énergie en date du 22 juillet 2015 (consultable ici). Le projet de décret est donc déjà bien avancé. Nous n’avons, à ce jour, reçu aucune indication quant à son éventuelle date de publication. Néanmoins, il convient de rester vigilant sur ce sujet dans la mesure où la publication d’un tel décret devrait modifier grandement le cadre juridique applicable aux projets éoliens en mer.