Polices de l’environnement: le temps de l’harmonisation et de la simplification

  Attendue depuis plusieurs années (cf : le rapport d’information du Sénat n° 332 (2006-2007) de Mme Fabienne KELLER intitulé « Changer de méthode ou payer : un an après, la France face au droit communautaire de l’environnement » dénonçant l’éclatement des polices de l’environnement), la simplification et l’uniformisation des dispositifs de police dans le droit de l’environnement a été réalisée par l’ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012  (Ordonnance_n2012-34_du_11_janvier_2012_version_initiale1 publiée au JORF du 12 janvier) dont l’entrée en vigueur est programmée pour le 1er juillet 2013 (art. 28 ). Habilité par l’article 256 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 Grenelle II à prendre par ordonnance  les mesures tendant à réformer, harmoniser et simplifier les polices administratives de l’environnement, le Gouvernement s’est employé à rendre de la cohérence aux dispositions juridiques éclatées des polices de l’environnement : avec 25 polices spéciales de l’environnement, plus de 70 catégories d’agents intervenant dans ces polices et 21 procédures de commissionnement et d’assermentation applicables à ces agents, les polices de l’environnement ne répondaient en aucune façon à l’objectif constitutionnel d’accessibilité de la loi et au principe de clarté du droit (cf. respectivement : CC, 1999-421 DC du 16 décembre 1999, rec. p. 136 ;  CC, 1998-401 DC du 10 juin 1998, rec. p. 258). Avec cette ordonnance, les dispositifs de police administrative des installations classées pour la protection de l’environnement et de la police de l’eau sont étendus aux autres domaines de police de l’environnement, à l’exception de ceux répondant à des procédures spécifiques issues du droit communautaire dans les domaines des produits chimiques et des déchets (art. L. 170-1 et s. du code de l’environnement).   Deux domaines sont impactés, à savoir : Les règles juridiques applicables aux contrôles administratifs (visites sur place des installations, ouvrages, travaux, aménagements….) ; Les mesures et les sanctions administratives (telles que la possibilité de prendre des mesures conservatoires et de suspendre le fonctionnement des installations ou la poursuite des travaux après mise en demeure dans l’attente d’une régularisation de la situation de l’intéressé ; autre hypothèse, en cas d’inobservation de la réglementation applicable, obliger la personne à consigner entre les mains d’un comptable public une certaine somme d’argent correspondant aux travaux à réaliser ; faire procéder d’office à l’exécution des mesures prescrites ;  suspendre le fonctionnement de l’installation ou encore fixer des amendes et astreintes proportionnées à la gravité des manquements constatés). En matière de police judiciaire,  l’ordonnance créée des inspecteurs de l’environnement (art. L. 172-1 du code de l’environnement) – agents de l’Etat issus notamment de ses services (DREAL, DDT) et ceux de ses  établissements publics tels l’office national de la chasse et de la faune sauvage, l’office national de l’eau et des milieux aquatiques, les parcs nationaux ou encore l’Agence des aires marines protégées) – commissionnés et assermentés par spécialité (selon une procédure à définir par décret en Conseil d’Etat) pour rechercher et constater les infractions relatives 1. Aux domaines de l’eau, de la nature et des sites et 2. Aux domaines des installations classées et de la prévention des pollutions, des risques et des nuisances.  Un tronc commun  de règles juridiques est posé pour modeler leurs conditions d’intervention dans le respect des droits des justiciables (relevés d’identité, contrôle des documents, saisie de matériels, prélèvements d’échantillons) (art. L. 172-4 et s. du code de l’environnement).   Les sanctions pénales sont également harmonisées par le haut  (art. L. 173-1 et s. du code de l’environnement.) tandis que des peines complémentaires susceptibles d’être prononcées par les tribunaux sont prévues aux articles L. 173-5 et suivants du code de l’environnement (arrêt ou suspension  d’une opération ou d’une installation pour une durée d’un an ; injonction de remise en état assortie d’une astreinte ; affichage de la décision ; confiscation de la chose qui a permis l’infraction ; interdiction d’exercer l’activité professionnelle liée à l’infraction …).  Par ailleurs, la transaction pénale est applicable à toutes les contraventions et délits prévus et réprimés dans le code de l’environnement art L. 173-12 du code de l’environnement). Un décret en Conseil d’Etat devra  être adopté pour préciser les modalités d’application des sanctions pénales.   Les autres dispositions de l’ordonnance portent dispositions spécifiques relatives aux milieux physiques, aux espaces naturels, à la faune et à la flore ou encore à la prévention des pollutions, des risques et des nuisances. Avec cette ordonnance,  à compter du 1er juillet 2013, l’uniformisation des dispositifs de police administrative, des procédures de police judiciaire ou encore des sanctions pénales  devrait assurer une meilleure lisibilité du droit de la police de l’environnement.   Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public

Eau potable, modulation des aides financières: le Conseil constitutionnel censure certaines dispositions législatives

Dans une décision n°2011-146 QPC du 8 juillet 2011 (“Département des Landes”), le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité a invalidé les dispositions législatives adoptées en 2006 interdisant toute modulation des aides publiques accordées aux communes et aux groupements de collectivités territoriales en fonction du mode de gestion des services d’eau potable et d’assainissement (art. L. 2224-11-5 du CGCT).    Ce faisant, cette décision est favorable au Conseil général des Landes qui, en dépit de l’interdiction législative formulée à l’article 54 de la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (art. L. 2224-11-5 du CGCT), avait maintenu, dans son ressort géographique, le principe de la modulation à la hausse des subventions accordées aux communes et à leurs groupements dès lors que les services publics de l’eau potable et de l’assainissement étaient gérés en régie.   Cette décision constitue, en outre, l’aboutissement d’un bras de fer contentieux dans lequel le département des Landes se trouvait impliqué et qui avait débuté en 1996 par l’adoption d’une délibération décidant de faire varier les aides aux communes et à leurs groupements soit à la hausse soit à la baisse en fonction du mode de gestion de ces services (en régie ou en gestion déléguée).     Si, en cassation, le Conseil d’Etat avait pu admettre que le principe de libre administration n’empêchait pas que les régions et les départements modulent le montant de leurs subventions versées aux communes et à leurs groupements selon le mode de gestion du service (CE, 12 décembre 2003, Département des Landes, aff. 236442, conclusions François Séners, RFDA 2004, p. 518), les parlementaires s’étaient saisis de la question lors de la discussion portant sur le projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques pour, au final, interdire toute variation des aides publiques locales selon le mode de gestion des services de distribution de l’eau et de l’assainissement.    L’adoption d’une délibération  du Conseil général des Landes, le 7 novembre 2008, directement contraire aux dispositions de l’article L. 2224-11-5 du CGCT, objet d’un recours contentieux, va mener le juge administratif à introduire une question préjudicielle de constitutionnalité relative à la conformité de ces dispositions législatives avec le principe de libre administration des collectivités territoriales posé à l’article 72 de la Constitution.    La  position retenue par le Conseil constitutionnel a été révélée dans la décision n° 2011-146 QPC du 8 juillet 2011 : après avoir souligné que « si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations, ou les soumettre à des interdictions, c’est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d’intérêt général », le Conseil constitutionnel  déclare les dispositions législatives comme étant contraires à la Constitution en ce qu’elles restreignent la liberté d’administration des départements au point de méconnaître  les articles 72 et 72-2 de la Constitution. En conséquence, depuis la publication de la décision au JORF (soit le 9 juillet 2011), les collectivités  régionales et départementales peuvent légalement introduire un régime différencié d’aides publiques aux communes et à leurs groupements pour la gestion des services publics de l’eau potable et de l’assainissement.   Désormais, aucune disposition législative n’interdit à  l’une de ces collectivités d’inciter financièrement les communes et les intercommunalités à opter pour une gestion directe de ces services plutôt que pour une gestion déléguée.    L’usager devrait pouvoir se satisfaire de cette censure constitutionnelle puisque le prix de l’eau est moindre en présence d’un service géré en régie par les communes et les intercommunalités !    Patricia Demaye-Simoni  Maître de conférences en droit public