Urbanisme: une piscine constitue-t-elle l’extension d’une construction existante ? (CE, 15 avril 2016, n°389045)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocats) A l’approche des vacances d’été, une question fondamentale se pose : comment qualifier juridiquement une piscine découverte ? Le Conseil d’Etat a heureusement anticipé ce débat en tranchant la question de savoir si une piscine devait être regardée comme « l’extension » d’une construction d’habitation existante. (CE, 6ème / 1ère SSR , 15 avril 2016, n°389045, Mentionné dans les tables du recueil Lebon) Dans cette affaire, un maire avait accordé un permis de construire et un permis modificatif en vue de réaliser une extension d’une habitation existante située en zone NC et de créer un cellier, un abri extérieur ainsi qu’une piscine, implantée à 4,5 mètres de l’habitation et intégrée à une terrasse dallée contigüe à l’habitation. La zone NC était, selon l’article R. 123-18 du code de l’urbanisme alors en vigueur, une zone de richesses naturelles, à protéger en raison notamment de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol. L’article NC1 du règlement du plan d’occupation des sols applicable sur le territoire de la commune interdisait en zone NC toutes les constructions qui n’étaient pas directement liées aux activités agricoles. Par exception à cette règle, l’article NC 2 du même règlement autorisait dans cette zone la restauration et l’extension des constructions existantes en vue de l’habitat, à condition que leur surface hors œuvre brute existante soit supérieure ou égale à 70 m2 et que ces bâtiments soient clos et couverts. Le Préfet de Vaucluse a déféré au tribunal administratif de Nîmes le permis de construire délivré pour la réalisation d’une « extension d’une habitation existante, piscine ». Il estimait en effet qu’une piscine découverte ne pouvait, au regard de l’article NC2 du règlement du plan d’occupation des sols, être autorisée. Par un jugement du 18 octobre 2013, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis de construire en tant qu’il autorisait la construction de la piscine. Par un arrêt du 22 janvier 2015, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant qu’il avait annulé partiellement le permis de construire et a rejeté les conclusions du déféré du préfet de Vaucluse auxquelles le tribunal administratif avait fait droit. Elle a considéré qu’ « en vertu de l’article 2 du règlement de la zone NC du plan d’occupation des sols de L. l’extension des habitations existantes est autorisée ; que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, la piscine et le dallage projetés, qui sont implantés dans la continuité de l’habitation existante avec laquelle elles forment une même unité architecturale, constituent une extension de cette habitation au sens et pour l’application de ces prescriptions » (CAA Marseille, 22 janvier 2015, n°13MA05164) Le ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité a saisi d’un pourvoi le Conseil d’État afin de lui demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille. Le Conseil d’Etat devait donc se prononcer sur le statut juridique des piscines découvertes afin de déterminer si elles pouvaient être incluses parmi les « extensions d’habitation existante » autorisées en zone NC du plan d’occupation des sols. Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat a considéré que « sous réserve de dispositions contraires du document d’urbanisme applicable, une piscine découverte peut être regardée, eu égard à sa destination, comme une extension d’une construction d’habitation existante si elle est située à proximité immédiate de celle-ci et forme avec elle un même ensemble architectural ». Il admet donc qu’une piscine découverte soit regardée comme l’extension d’une habitation à trois conditions : elle doit être située à proximité immédiate de la construction à usage d’habitation existante ; elle doit former avec elle un même ensemble architectural ; le règlement du document d’urbanisme ne doit pas en disposer autrement. En l’espèce, la Haute Juridiction confirme l’arrêt de la Cour administrative d’appel en considérant qu’en jugeant que la piscine et le dallage qui l’entoure, qui sont implantés dans la continuité de l’habitation existante constituaient une extension de cette dernière, la Cour n’avait pas entaché son arrêt d’une erreur de droit et qu’elle avait porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier, exempte de dénaturation. Il pourrait toutefois exister un débat sur le fait que cette extension soit « en vue de l’habitat » comme l’exigeait l’article NC2 du plan d’occupation des sols. Dans cette décision, le Conseil d’Etat vient préciser les critères qu’il avait posés en 2005 lorsqu’il avait jugé que « l‘édification d’une piscine découverte, construction qui n’est pas un bâtiment et pour laquelle le code de l’urbanisme prévoit une exemption de permis de construire, est toutefois soumise au respect des règles d’urbanisme relatives à l’occupation et à l’utilisation des sols ; que si […] l’article NC 1 du plan d’occupation des sols de la commune […], qui énumère limitativement les occupations et utilisations des sols admises en zone naturelle réservée à l’activité agricole, autorise, dans certaines limites, l’extension des constructions d’habitation principale existantes à la date de la publication du plan d’occupation des sols, la construction d’une piscine découverte, qui n’est pas attenante à un bâtiment à usage d’habitation existant, ne saurait être regardée, au sens de ces dispositions, comme constituant une extension de celui-ci ». (Conseil d’Etat, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 9 mai 2005, n°262618, mentionné aux tables du recueil Lebon) Pour qu’une piscine découverte soit considérée comme l’extension d’une habitation, étaient alors exigées, d’une part, l’absence de règles contraires et, d’autre part, la proximité de la piscine avec la construction à usage d’habitation était alors prises en compte. Désormais, une unité architecturale est également requise. Les critères posés par le Conseil d’Etat pour qualifier une piscine d’extension d’une construction d’habitation existante nous semblent pertinents. La piscine est souvent considérée comme étant un équipement de la maison d’habitation (au même titre qu’un garage ou une véranda) lorsqu’elle est située à proximité de la maison avec laquelle elle forme un ensemble architectural. En outre, l’absence de règle contraire est également importante pour ne pas méconnaître l’intention des auteurs du document d’urbanisme et pour protéger les espaces concernés. A toutes fins utiles, il convient…

Les informations environnementales contenues dans les avis du Conseil d’Etat sont communicables lorsque le secret des délibérations ne s’y oppose pas (Conseil d’État, 30 mars 2016, n°383546)

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocats)   Le Conseil d’Etat s’est récemment prononcé sur le caractère communicable des informations environnementales contenues dans ses avis, lorsqu’il exerce sa fonction consultative (Conseil d’État, 10ème / 9ème SSR, 30 mars 2016, n°383546).   Les faits qui lui étaient soumis étaient les suivants. Une association a demandé au Premier ministre de lui communiquer l’avis rendu par le Conseil d’Etat sur le projet de décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l’évaluation de certains plans ayant une incidence sur l’environnement. A la suite du refus du Premier Ministre de communiquer cet avis, l’association a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) d’une demande de communication de ce document. La CADA a implicitement rejeté cette demande. Le tribunal administratif de Paris a alors été saisi d’une demande d’annulation de la décision implicite de la CADA. Par un jugement n° 1217221/6-3 du 6 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a ordonné, avant-dire-droit, tous droits et moyens des parties réservés, la production par le Premier ministre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, selon les conditions et motifs qu’il a précisés, de l’avis émis par le Conseil d’Etat préalablement à l’édiction de ce décret et de toutes les pièces qui l’ont éventuellement assorti. Saisi d’un pourvoi en cassation contre cette décision, le Conseil d’Etat a apporté des précisions très intéressantes concernant le caractère communicable des informations environnementales contenues dans ses avis. Le Conseil d’Etat a considéré « qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 124-1 et L. 124-4 du code de l’environnement, ainsi que des dispositions de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 aujourd’hui codifiées, en premier lieu, que si les avis du Conseil d’Etat ne sont pas communicables, les informations relatives à l’environnement qu’ils pourraient le cas échéant contenir sont quant à elles communicables et, en second lieu, qu’il appartient au Premier ministre d’apprécier au cas par cas si la préservation du secret des délibérations du Gouvernement est de nature à faire obstacle à leur communication ; qu’en effet, les avis du Conseil d’Etat mentionnés par les dispositions précitées, au vu desquels le Gouvernement adopte ses textes, sont couverts par le secret de ses délibérations ». Il censure donc le tribunal administratif de Paris qui a jugé que le secret des délibérations du Gouvernement ne pouvait faire obstacle à la communication des informations relatives à l’environnement qui seraient contenues dans des avis du Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat apporte donc deux précisions majeures : Bien que les avis du Conseil d’Etat ne soient en principe pas communicables, les informations environnementales qu’ils peuvent le cas échéant contenir sont communicables (i) ; Cependant, les informations environnementales contenues dans les avis du Conseil d’Etat sont couvertes par le secret des délibérations du Gouvernement puisque le Gouvernement adopte ses textes au vu de ces avis. En conséquence, le Premier Ministre doit apprécier au cas par cas si la préservation du secret des délibérations du Gouvernement est de nature à faire obstacle à leur communication. (ii)  Cette position du Conseil d’Etat n’était pas évidente. i) En principe, les avis qu’il rend ne sont pas communicables (cf. article 6 de la loi du 17 juillet 1978 alors en vigueur l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, aujourd’hui codifié aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration). Cependant, aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques […] ». Le droit à l’information environnementale, tel qu’il est garanti par la Charte de l’environnement, porte ainsi sur des « informations » et non sur des « documents ». Il s’agit d’un droit d’accès à l’information plus large que le simple droit d’accès aux documents administratifs (voir, en ce sens, CADA, avis, 24 novembre 2005, n°2005461) même s’il s’exerce dans les conditions définies par les dispositions du titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (article L. 124-41 du code de l’environnement alors en vigueur). C’est pourquoi même si les avis du Conseil d’Etat ne sont, en principe, pas communicables, les informations environnementales qu’ils peuvent comporter peuvent, quant à elles, être communiquées. ii) Cependant, la communication des informations environnementales contenues dans les avis du Conseil d’Etat se heurte à un secret protégé par la loi : le secret des délibérations (article 6 de la loi du 17 juillet 1978, aujourd’hui codifié aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration). Rappelons à cet égard que sont couverts par le secret des délibérations « les documents destinés à nourrir les réflexions des autorités gouvernementales avant que celles-ci n’arrêtent leur décision » (extrait de la fiche CADA sur « Le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités de l’exécutif »). A titre d’exemple, sont couverts par le secret des délibérations les dossiers sur la base desquels le Conseil des ministres a délibéré (CADA, avis, 26 mai 2005, n°20051549) ou encore le rapport de présentation d’un décret (CADA, conseil, 2 février 2006, n° 20060649). Il est donc assez cohérent que des avis rendus par le Conseil d’Etat « sur les projets de décrets et sur tout autre projet de texte pour lesquels son intervention est prévue par les dispositions constitutionnelles, législatives ou réglementaires ou qui lui sont soumis par le Gouvernement » (article L. 112-1 du code de justice administrative) soient couverts par le secret des délibérations. Néanmoins, ce secret des délibérations n’est pas absolu ainsi que le Conseil d’Etat le rappelle en précisant qu’il appartient au Premier ministre d’apprécier au cas par cas si la préservation du secret des délibérations du Gouvernement est de nature à faire obstacle à la communication des informations environnementales contenues dans les avis du Conseil d’Etat. En effet, en vertu de l’article L. 124-4 du code de l’environnement alors en vigueur, après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, l’administration peut décider, si elle le juge opportun,…

Irrigation agricole et autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d’eau : le ministère de l’Ecologie souhaite une accélération des instructions

Par Graziella DODE (élève-avocat- Green Law Avocats) Une note du 3 mai 2016 de la ministre de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, Ségolène Royal, précise les modalités d’instruction des dossiers de demandes d’autorisation unique pluriannuelle (AUP) de prélèvement d’eau pour l’irrigation agricole.   La ministre souligne le risque de contentieux en cas de qualité insuffisante des dossiers de demandes d’AUP déposés par les organismes uniques chargés de la gestion collective (dits « OUGC ») des ressources en eau. Pour autant, elle demande aux services instructeurs : d’accepter les dossiers dont l’économie est globalement satisfaisante, pour une période courte de 3 ans, en fixant les pièces manquantes ou complémentaires à fournir : à réception de ces éléments, l’AUP pourra être prolongée, dans la limite des 15 ans prévus à l’article R. 214-31-2 du code de l’environnement. De rejeter les dossiers dont l’économie générale est globalement insuffisante. Les demandes complètes et remplissant des conditions suffisantes dès leur dépôt pourront bien sûr être autorisées pour une durée qui est fonction de la capacité à atteindre l’équilibre entre prélèvements et ressources. La note apporte des explications en annexe sur le contenu de l’AUP, sa durée et la prise en compte des programmes de réalisation de retenues de substitution. Ces orientations traduisent le souhait d’accélérer la mise en place des organismes uniques chargés de la gestion collective des ressources en eau sur un périmètre hydrologique et/ou hydrogéologique cohérent, institués par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) n° 2006-1772 du 30 décembre 2006. A ce titre, la ministre rappelle qu’il ne sera plus possible de recourir aux autorisations temporaires de prélèvement en eau en zone de répartition des eaux (ZRE, zone caractérisée par une insuffisance chronique des ressources en eau par rapport aux besoins), prévue à l’article R. 214-24 du code de l’environnement, après le 31 décembre 2016. Ce sont ces autorisations temporaires, dont l’échéance de fin a été repoussée trois fois, qui avaient retardé la mise en place des AUP qui doivent être accordées aux OUGC (C. env. art. R. 211-111 et s., R. 214-31-1 et s.). L’objectif, via ce dispositif, est de « favoriser la gestion collective des ressources en eau pour l’irrigation et d’adapter les volumes autorisés pour l’irrigation aux volumes susceptibles d’être prélevés pour cet usage », rappelle la ministre, qui ajoute « qu’il est donc urgent de faciliter la mise en place effective des OUGC sans plus attendre, de manière à leur permettre de commencer leurs missions sur leur périmètre ». Les OUGC auront pour mission de créer des règles locales de partage de la ressource sur la base des volumes notifiés, de s’informer sur les besoins en eau des irrigants potentiels, mais aussi d’être force de proposition sur l’adaptation des règles de restriction en cas de crise sécheresse et sur l’adaptation du plan de répartition entre irrigants.

Les enjeux environnementaux de l’étude d’impact des parcs éoliens marins

Par Sébastien Bécue – Green Law Avocats Le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) est l’autorité environnementale nationale compétente pour délivrer les avis sur l’évaluation environnementale des projets de parcs marins. Durant l’année 2015, les études d’impact de trois parcs ont été scrutés : Courseulles-sur-Mer, Saint-Nazaire et Fécamp. Dans son rapport annuel, le CGEDD a réalisé une synthèse critique des grandes problématiques qu’il a pu identifier lors de ses analyses (pages 17 à 21 du rapport), un document passionnant qui met en lumière les obstacles que la filière va devoir surmonter pour se développer. En premier lieu, le CGEDD rappelle que l’étude doit porter sur : l’ensemble des composantes du parc: fondations et éoliennes, mais aussi ouvrages de connexion jusqu’au poste de transformation électrique situé à terre et le réseau qui doit accueillir la production ; et sur les phases de construction et de maintenance – négligées par les maîtres d’ouvrage selon le CGEDD. En second lieu, le CGEDD présente les trois grands enjeux communs à tous les parcs éoliens, mais ici adaptés au milieu marin : l’enjeu paysager, pour lequel sont citées, dans le cas du projet de Fécamp, les falaises d’Etretat et de la Côte d’Albâtre ; l’enjeu avifaune, le traditionnel risque de collision et de perte d’habitats, mais aussi le potentiel effet « barrière » au déplacement des oiseaux ; l’enjeu faune sous-marine avec les perturbations sonores importantes que devrait engendrer le chantier de battage des pieux de trente mètres servant aux fondations des éoliennes. A côté de ces enjeux majeurs, trois autres sont identifiés : la conservation des sols sous-marins, la qualité des eaux marines et la pêche professionnelle. En troisième lieu, le CGEDD invite l’Etat a donné un plus grand poids, dans la procédure d’appel d’offres, aux mesures d’évitement, de réduction, de compensation et de suivi des impacts proposées par les candidats. En quatrième et dernier lieu, le CGEDD rappelle le rôle de pilote de ces trois projets et analyse les questions méthodologiques qu’ils ont posées. Le milieu marin étant moins bien connu que le milieu terrestre, la qualité des analyses y est pour le moment inférieure. Les maîtres d’ouvrage sont donc encouragés à tenir compte de ces incertitudes en les présentant dans leurs études d’impact et en privilégiant le scénario du pire ; et l’Etat à s’impliquer dans cette recherche d’une meilleure connaissance du milieu marin. Le CGEDD salue le choix du maître d’ouvrage du projet de Saint Nazaire d’avoir étudié de manière approfondie les perceptions visuelles du parc et procédé à une contre-expertise de l’impact paysager du parc. Au contraire, les insuffisances du projet de Fécamp sur ce thème, notamment au regard du site d’Etretat,  sont rappelées. L’insuffisante prise en compte des impacts sur la qualité de l’eau causés par la corrosion des fondations est pointée. Le CGEDD recommande enfin un suivi des impacts de ces parcs pour le futur et encourage l’Etat à mettre en œuvre une évaluation environnementale globale des impacts cumulés des différents parcs dans des documents de planification.  

Distribution d’eau: condamnation d’un distributeur pour limitation du débit d’eau

  Par Aurélien Boudeweel – Green Law Avocats  Par une ordonnance de référé en date du 15 janvier 2016, le tribunal d’instance de PUTEAUX condamne une société de distribution d’eau pour réduction illicite du débit d’eau potable. Nous nous étions déjà fait l’écho de condamnations de compagnies d’eau pour coupure illégale (cf notre article en date du 31 octobre 2014, ici) En l’espèce, le distributeur d’eau avait, dans le litige soumis au Tribunal d’instance, non pas coupé l’eau mais réduit le débit d’eau d’une famille qui avait un impayé de facture de 400 euros. Rappelons que l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit : « Dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ». Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la tribunal d’instance de PUTEAUX fait application de cette disposition et condamne le distributeur d’eau: «Aux termes de l’article L115-3 du Code de l’cation sociale et des familles « dans les conditions fixées par la loin ° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. (…) Du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement de factures de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles(…). Il résulte de l’application de ces textes qu’en tout état de cause, l’interruption de la fourniture d’eau est interdite pour une résidence principale en cas d’impayés et ce, toute l’année. Or, les sociétés X et Y ne peuvent se prévaloir de l’application d’une disposition d’un règlement de service qui prévoit l’interruption de l’alimentation en cas d’impayés pour contrevenir à leurs obligations légales (…). Force est de constater que la mise en place d’un débit réduit par le biais de la pose de cette lentille aboutit aux mêmes conséquences qu’une coupure d’alimentation d’eau de sorte que cette pratique doit être assimilée à une interruption de la fourniture d’eau (…). Dès lors, il convient de relever que la mise ne place de cette lentille constitue un trouble manifestement illicite constitué par le non-respect des termes de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, qu’il convient de faire cesser (…) ». En condamnant le distributeur d’eau, le tribunal d’instance souligne le droit fondamental de toute personne à l’eau. Le jugement rendu par la juridiction civile est l’occasion de mettre en lumière la disposition de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles. Aux termes de cet article, rappelons: Ø  Que toute personne, en cas de non-paiement de ses factures d’eau consécutives à des difficultés financières à le droit d’obtenir de l’aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau et le distributeur doit dès lors maintenir son service. Ø  A défaut, toute personne a le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès du fournisseur qui ne peut alors interrompre la fourniture en cas de respect des modalités de règlement convenus entre les parties. Ø  En tout état de cause, la juridiction saisie d’un litige appréciera la bonne foi du particulier. L’article L115-3 du code de l’action sociale et des familles s’applique à l’ensemble des distributeurs de fourniture d’eau mais également aux distributeurs d’énergie et de services téléphoniques. Notons que le jugement rendu est très intéressant puisque la juridiction civile condamne la société de distribution d’eau non pas pour avoir coupé l’eau mais pour en avoir réduit le débit. Consciente que cette société a voulu contourner les termes de la réglementation, le Tribunal d’instance de PUTEAUX assimile la réduction du débit à une coupure afin de sanctionner le comportement empreint de malice de la société de distribution d’eau.