Classement en zone inondable du PLU: le contrôle du juge est restreint à l’erreur manifeste d’appréciation (CAA Douai, 13 fév.2014)

Par un arrêt en date du 13 février 2014 (CAA de DOUAI, 13 février 2014, n°12DA00941) la Cour administrative d’appel de DOUAI rappelle le contrôle allégé opéré par le juge sur la qualification en zone “inondable ou humide”. C’est l’occasion de se pencher sur les critères retenus… et de regretter qu’il n’y ait pas davantage d’éclairages jurisprudentiels sur la détermination juridique des “zones humides”. Rappelons qu’il appartient aux auteurs du plan local d’urbanisme de déterminer la partie d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer, en conséquence, le zonage et le classement des terrains en secteur inondable ou humide et ainsi d’encadrer les possibilités de construction. En l’espèce, lors d’une révision du plan local d’urbanisme d’une commune, une parcelle appartenant à un M.B avait été classé en « zone UA, secteur inondable ou humide ». Ce dernier avait alors saisi le Tribunal administratif en vue de faire annuler la délibération par laquelle le Conseil municipal avait approuvé le PLU révisé. Le Tribunal administratif de Rouen avait rejeté sa demande. Dans son arrêt en date du 13 février 2014, la Cour administrative d’appel de DOUAI confirme le jugement de première instance et considère : « … que la parcelle D 951 appartenant à M. B…a été classée, lors de la révision du plan local d’urbanisme de la commune de Fontaine-Le-Bourg, en zone UA dans le secteur inondable ou humide où sont interdits les sous-sols et les constructions ou installations à l’exception de celles autorisées en UA2 ; que le caractère inondable du terrain a été mis en évidence par le bureau d’études Ingétec qui a été chargé, dans le cadre de la procédure de révision du plan local d’urbanisme, de recueillir des informations précises sur les hauteurs d’eau maximales atteintes dans les zones urbanisées lors des dernières inondations et de recenser les habitations et tout autre bâtiment concernés par celles-ci ; que ce caractère inondable s’explique, en l’espèce, par la présence du ruisseau ” la Caplette “, à proximité immédiate de la maison de M.B…, qui communique avec la rivière ” Le Cailly ” ayant débordé à plusieurs reprises et notamment en 1981 ; que M. B… ne conteste, d’ailleurs, pas sérieusement que le bâtiment agricole qu’il a transformé en maison d’habitation a été inondé lors des crues de 1981 ; qu’ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Fontaine-Le-Bourg aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en classant le terrain de M. B… dans le secteur inondable ou humide de la zone UA, alors même qu’il présenterait une altimétrie supérieure à la cote de 85,50 dont il n’est d’ailleurs pas établi qu’elle aurait constitué, pour les auteurs de la modification du plan, le seuil pris en compte pour établir le classement des terrains en secteur inondable ou humide ; ». Au regard de ces éléments factuels, dont la Commune avait connaissance lors de son approbation du PLU, la Cour en déduit que le classement en zone inondable ou humide n’était pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation (c’est-à-dire d’une erreur manifeste). Contrairement à ce qu’il pourrait laisser penser, cet arrêt ne traite pas du classement par un plan local d’urbanisme en « zone humide » (mais se prononce seulement sur le classement en zone inondable). Mais c’est pourtant un aspect qu’il aurait été intéressant d’aborder, tant le besoin de sécurité juridique quant à cette problématique de délimitation de la zone humide est prégnant. En effet, en l’état actuel du droit, en l’absence de zonage, les pétitionnaires sont placés dans la délicate situation de devoir déterminer d’eux-mêmes si le terrain est constitutif ou non d’une « zone humide ». Or, les critères législatifs de détermination d’une zone humide offrent une marge d’appréciation, ce qui tend à placer les pétitionnaires en situation d’insécurité juridique. La notion de zone humide a été définie par le législateur aux termes de l’article L 211-1-I du Code de l’environnement comme « les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année » (C. envir., art. L. 211-1, I). La définition est fondée sur deux critères alternatifs que constituent : les sols hydromorphes (sols gorgés d’eau) et les plantes hygrophiles (plantes adaptées à la vie dans des milieux très humides ou aquatiques). Définition qui s’imposent aux pétitionnaires et à laquelle doivent répondre les différents inventaires et cartes de zones humides, qu’ils soient établis à des fins de connaissance, de localisation pour la planification ou d’action à titre contractuel ou réglementaire (Circ. 18 janv. 2010, NOR : DEVO1000559C, § 4 : BO min. Écologie n°2010/2, 10 févr.). Or, l’appréciation de ces critères est souvent complexe, et peut engendrer des débats scientifiques. Rappelons que compte-tenu de la difficulté à déterminer une zone humide, le juge lui-même a recours à un faisceau d’indices concordants pour mettre en œuvre la qualification de zone humide. A titre d’exemples, notons que ne répondent pas aux exigences de la définition des zones humides, des bois, prairies sèches, d’anciennes cultures et des prés de fauche (TA Orléans, 31 mai 2001, n°002330), de même que des terrains anciennement humides mais qui ne présentent plus ce caractère compte tenu des aménagements tenant à la pose de drains et à la plantation de résineux (TA Besançon, 1re ch., 31 mai 2012, n°1100090). En revanche, des terrains inondables peuvent présenter le caractère de zone humide (TA Strasbourg, 11 avr. 2003, n°99-03578), tout comme une prairie humide située sur une île dans une dépression topographique naturelle et une prairie mésophile (CAA Nantes, 2e ch., 8 oct. 2010, n°09NT01117), ou un marais bordé de fossés et de roselières (TA Caen, 2e ch., 4 févr. 2003, n°011455). Me Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Urbanisme: attention aux Maires intéressés!

Les hypothèses de conflit d’intérêt de Maires dans des projets d’aménagement sur la commune sont de plus en plus fréquentes. La réponse ministérielle récemment publiée (Question n°3310, disponible ici), apporte un éclairage sur les conditions dans lesquelles un maire pouvait délivrer un permis de construire au bénéfice de la commune. A ce titre, deux questions sont posées : 1° Avant le dépôt d’une demande de permis de construire au bénéfice de la commune, le maire doit-il y être autorisé par une délibération du conseil municipal allant dans ce sens ? 2° Dans l’hypothèse du succès de la demande, le maire peut-il signer lui-même le permis de construire ou faut-il que le conseil municipal désigne un autre de ses membres pour le signer qui pourrait être, le cas échéant, l’élu chargé de l’urbanisme recevant délégation sous le contrôle et l’autorité du maire ? Le ministre de l’Intérieur rappelle d’une part que le maire peut délivrer un permis de construire au nom de la commune bien qu’il soit limité dans le cas d’un intéressement à la réalisation du projet (I). D’autre part, le ministre mentionne l’obligation légale du vote d’une délibération permettant à un autre membre du conseil municipal de délivrer le permis de construire en cas d’intérêt personnel du maire (II). I – Le maire peut délivrer un permis de construire à la commue sauf à ce qu’il ait un intérêt personnel à la délivrance du permis En premier lieu, la réponse rappelle qu’en dehors de toute délibération expresse allant dans ce sens, le maire peut délivrer un permis de construire pour un bâtiment de la commune. Toutefois, il est fait obstacle à cette compétence du maire  dans deux cas : Lorsque le maire remplit les conditions de la prise illégale d’intérêt de l’article 432-12 du code pénal selon lequel est un délit « Le fait, […] par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement […] » ;    Lorsque le maire est considéré comme étant « intéressé au projet […] soit en son nom personnel, soit comme mandataire » au sens de l’article L. 422-7 du code de l’urbanisme. Or, la notion d’intéressement au projet n’est ni précisée dans le code de l’urbanisme, ni dans la réponse ministérielle. Pour savoir ce qu’elle englobe, il faut se référer à la jurisprudence administrative qui en a dessiné les contours au cas par cas. Tout d’abord, il existe un principe général du droit selon lequel les autorités administratives au sein desquelles se trouvent le maire doivent prendre les décisions qu’elles sont compétentes pour prendre dans le seul intérêt public et jamais dans un intérêt personnel (CE, 29 avril 1949, Bourdeaux). Par suite, la jurisprudence en a tiré les conséquences logiques, et les exemples sont nombreux. Ainsi, est déclaré intéressé un maire délivrant un permis de construire sur un terrain dont il est le propriétaire (CE, 22 nov. 1995, Comité action locale de la Chapelle-Saint-Sépulcre, req. n° 95859), lorsque le maire est associé de la société bénéficiaire du permis de construire (CAA Paris, 29 décembre 1994, Sirot) ou bien que l’associé est son épouse (CAA Bordeaux, 21 octobre 2004, Préfet de Charente-Maritime). L’intérêt personnel du maire est encore caractérisé en cas de lien professionnel entre le maire signataire et le bénéficiaire du permis (CAA Nantes, 15 avril 1998, Breton). A l’inverse, le maire qui délivre un permis de construire à un organisme HLM dont il est le président ne permet pas de le regarder comme personnellement intéressé à la réalisation dudit projet (CE, 24 juin 1988, Dedin Laportas). Le fait de délivrer un permis de construire pour le compte de la commune n’a pas pour effet de caractériser un intérêt personnel du maire (CE, 23 octobre 2002, Commune de Chamonix-Mont-Blanc, req. n° 219663). En outre, le maire qui, avant son élection, exerçait la profession de géomètre expert a réalisé une étude pour le compte d’une société impliquée dans le projet mais qui s’est abstenu, après son élection, d’en connaître ne permet pas d’identifier le maire comme personnellement intéressé (CE, 26 février 2001, Mme Dorwling-Carter, req. n° 21318). Enfin, le maire qui délivre un permis de construire pour un terrain dont le vendeur préalable était son frère et que son épouse travaille dans une agence immobilière sur le territoire de la commune ne constitue pas un intérêt personnel susceptible d’annuler le permis de construire (CE, 3 septembre 2008, M. Rosso et Mme Marcant, req. n°276115). La jurisprudence a dessiné une grille de lecture à destination des édiles communaux et intercommunaux en l’absence d’une présomption générale permettant de définir ce qui relève ou non de l’intérêt personnel. En conséquence, la caractérisation d’un intérêt personnel du maire relève d’une appréciation au cas par cas, en fonction des éléments d’espèce (CE, 12 février 1986, Commune d’Ota). II – L’obligation de prendre une délibération municipale afin de désigner un autre membre du conseil municipal qui délivrera le permis de construire Après avoir rappelé, en vertu de l’article L.2122-18 du code général des collectivités territoriales, que le maire « peut déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal », la réponse du ministre de l’Intérieur se base sur l’article L. 422-7 du code de l’urbanisme pour énonçait que seul le conseil municipal peut par délibération, désigner un de ses membres pour délivrer le permis de construire. En effet, l’article L. 422-7 précité dispose que « Si le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est intéressé au projet faisant l’objet de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’établissement public désigne un autre de ses membres pour…

PLU Intercommunal: le Sénat freine la disposition phare du projet de loi ALUR

Le projet de loi pour l’accès au logement et à l’urbanisme rénové « ALUR »  présenté par la Ministre  de l’égalité du territoire et du logement est passé cette semaine sous les fourches caudines du Sénat. Concernant la partie du projet de loi relative à l’urbanisme rénové, la mesure phare – article 63 du projet – était le transfert du plan local d’urbanisme (ci-après PLU) de plein droit, c’est-à-dire de manière automatique des communes  vers les communautés de communes et d’agglomération. A l’heure actuelle, ces deux institutions intercommunales n’exercent pas à titre obligatoire la compétence d’urbanisme des communes qu’elles regroupent. Ce transfert de compétence n’est possible qu’à titre facultatif lorsque les communes membres en expriment le souhait (en vertu des articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT)). Le Gouvernement veut ainsi aligner sur le même régime juridique toutes les structures intercommunales puisque les métropoles et communautés urbaines qui regroupent au moins 450 000 habitants exercent à titre obligatoire la compétence d’urbanisme (articles L. 5217-4 et L. 5215-20 du CGCT). Alors que l’Assemblée nationale n’a pas cru bon de retoucher le projet du Gouvernement sur ce point, les sénateurs ont fait illustration de l’adage selon lequel le Sénat était l’assemblée « du seigle et de la châtaigne », c’est-à-dire une assemblée attachée au respect du droit des territoires et de la ruralité. En effet, et quand bien même cette disposition serait gage d’une simplification administrative, les sénateurs ont amendé le projet de loi. Les intentions du Gouvernement étaient pourtant louables. En effet, le transfert de plein droit du PLU à la structure intercommunale participait en substance à « assurer une meilleure cohérence des problématiques de l’aménagement », « renforcer la solidarité entre communes grâce au PLU communautaire » afin d’éviter la concurrence des documents d’urbanisme et à « mutualiser les moyens financiers et l’ingénierie » sachant que l’élaboration d’un PLU s’avère couteuse et qu’un PLU intercommunal est censé atténuer les risques contentieux. Malgré tout, par un amendement adopté en commission et inchangé en séance publique, le Sénat durcit les conditions de transfert du PLU à l’établissement intercommunal : D’une part, alors que le projet prévoyait que les communautés de communes et d’agglomération se verraient transférer la compétence le 1er jour du sixième mois suivant la publication de la loi, les sénateurs ont décidé de repousser l’application de l’article au 1er jour de la troisième année suivant la publication de la loi ;    D’autre part, et surtout, le texte revisité introduit une minorité de blocage permettant à un quart des communes représentant 10 % de la population totale de l’établissement intercommunal de s’opposer au transfert du PLU communal vers l’intercommunalité. Les raisons de ce durcissement du transfert du PLU des plus petites communes vers l’échelon intercommunal se trouvent dans la farouche volonté des sénateurs de préserver l’échelon communal qui pourrait être voué à disparaitre. Après la réforme des collectivités territoriales de 2010 favorisant la fusion des communes et l’obligation pour toutes les communes de se rattacher à un établissement intercommunal, l’article 63 tel qu’il était rédigé dans le projet du Gouvernement constituait «  une nouvelle étape sur le chemin de l’évaporation des communes » (sénatrice communiste Mireille SCHURCH). Ainsi, « le texte de la commission protège singulièrement les communes avec une palanquée de garanties » et  « garantit la liberté d’administration des communes, singulièrement des communes rurales, sans obérer l’avenir » (sénateur socialiste Jean-Jacques MIRASSOU). Alors que la Ministre semble s’arranger du compromis trouvé au nom du principe fondamental de libre administration des collectivités territoriales porté par les élus locaux, ce sont les promoteurs immobiliers qui estiment que le texte adopté « prive de réelle efficacité » (Fédération des promoteurs immobiliers) le transfert de la compétence d’urbanisme aux petites intercommunalités  entachant de manière générale toute la force de la partie du projet de loi relatif à la rénovation de l’urbanisme. La suite du processus législatif, à savoir le passage en deuxième lecture dans les deux chambres puis le cas échéant réunion d’une commission mixte paritaire laisse présager que le projet de loi « ALUR » sera encore redessiné par la représentation nationale… Valentin GÜNER Green Law Avocat

La possible indemnisation du propriétaire d’une parcelle déclassée en raison de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau

Dans un arrêt en date du 09 octobre 2013 (Civ. 3e, 9 oct. 2013, FS-P+B, n° 12-13.694), la Cour de cassation souligne le droit à indemnisation d’un propriétaire de parcelles déclassées à la suite de la modification du zonage d’un plan d’occupation des sols (POS), conséquence de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un prélèvement d’eau. En l’espèce les faits soumis à la Cour de cassation étaient classiques en la matière : Le préfet avait déclaré d’utilité publique la dérivation des eaux d’une rivière et avait instauré, en application de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, un périmètre de protection rapprochée d’une prise d’eau située sur la commune d’Itteville. L’arrêté qui avait été pris précisé que les zones de ce périmètre devaient être classées en zones agricoles. Il s’en était suivi une modification par la commune de son plan d’occupation des sols. Le propriétaire de plusieurs parcelles avait été indemnisé par le juge de l’expropriation au titre de l’article L 1321-3 du Code de santé publique. Le syndicat intercommunal au profit duquel le prélèvement d’eau avait été déclaré d’utilité publique contestait la décision des juges du fonds d’accorder au propriétaire une indemnisation liée au déclassement des parcelles. Confirmant la décision de Cour d’appel, la Cour de cassation rejette les arguments du syndicat intercommunal et rappelle le bien fondé des éléments de fait appréciés par les juges du fond qui ont permis de conclure à l’indemnisation du propriétaire terrien: « Mais attendu qu’ayant exactement retenu que le classement en zone NC ou ND de parcelles classées à la date de l’arrêté préfectoral du 21 février 2003 en zone d’urbanisme NAUI et NAUL ainsi que l’interdiction de certaines activités et les restrictions apportées à d’autres, caractérisaient une restriction au droit de jouissance du bien et que la diminution importante de leur usage subie par les parcelles était consécutive non pas à leur classement en zone non constructible mais à leur inclusion dans un périmètre de protection, leur classement n’étant que la technique utilisée par l’administration pour faire respecter le périmètre de protection, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui a déduit à bon droit de ces seuls motifs, sans excéder ses pouvoirs, que cette diminution d’usage devait être indemnisée, a légalement justifié sa décision » ; Cette décision de la Cour de cassation a le mérite de mettre en lumière l’indemnisation de propriétaires terriens qui subissent un déclassement de leur parcelles dans le cadre de la création d’un périmètre de protection rapprochée d’un plan d’eau prise au titre de l’article L 1321-2 du Code de santé publique. Surtout, on ne pourra que constater qu’en se plaçant sur le terrain de la restriction d’usage  pour justifier l’indemnisation du propriétaire, la Cour de cassation répond par ailleurs à l’argumentation du syndicat qui contestait l’appréciation qui avait été faite de l’indemnisation allouée, puisqu’elle précise que les juges du fond n’était tenu, ni de fixer une date de référence, ni de rechercher l’usage effectif des parcelles à cette date ni de préciser à quelle date il se plaçait pour évaluer cette dépréciation. Une telle liberté d’appréciation est pour le moins détonante eu égard aux règles très strictes édictées notamment en matière d’expropriation. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

A quelles conditions un chemin peut il être qualifié de “rural” par prescription acquisitive?

Dans un arrêt en date du 26 mars 2013 (Cour de cass., 3ème chambre civile, 26 mars 2013, pourvoi n°2012-16558), la Cour de cassation souligne que le caractère « rural » d’un chemin peut s’affirmer par la prescription acquisitive au bénéfice d’une commune. Les faits de l’espèce soumis à la Haute juridiction étaient simples : un particulier avait assigné une commune en revendication de propriété d’un chemin traversant les parcelles de terre dont il est propriétaire. Confirmant la décision de Cour d’appel, la Cour de cassation valide l’appréciation des éléments de fait par les juges du fond qui ont permis de conclure à la prescription acquisitive au profit de la commune : « Mais attendu, qu’ayant constaté, d’une part, que la commune par délibérations du 11 juin 1959 et du 10 avril 1961, avait classé le chemin litigieux comme chemin rural, après un affichage en mairie n’ayant suscité aucune opposition et que, depuis, ce chemin figurait dans la liste des chemins ruraux reconnus et apparaissait comme tel au cadastre et, d’autre part, que plusieurs permis de construire délivrés à l’auteur de M. X…, entre 1964 et 1982, signalaient expressément ce chemin rural, l’un d’eux prévoyant la cession « d’une bande de terre nécessaire à l’élargissement du chemin », et relevé que ces actes marquaient la volonté de la commune de Signes de posséder le chemin litigieux, par incorporation à la voirie communale, et que la famille X… avait accepté pendant plus de trente ans cette possession continue et non interrompue, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, la rendant ainsi paisible, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ». Le pourvoi du requérant a par conséquent été rejeté. Cet arrêt de la Cour de cassation confirme la jurisprudence administrative qui considère que, les chemins ruraux, appartenant au domaine privé, peuvent faire l’objet de la prescription acquisitive trentenaire (CE, 19 mai 1976, n° 93629, Sté coopérative ” La Léonarde ” : Dr. adm. 1976, comm. 184. – CE, 11 mai 1984, n° 24755, Épx Arribey : Rec. CE 1984, p. 782). Une vigilance particulière doit donc être portée par les propriétaires terriens de chemins sur le risque d’acquisition, par le jeu de la prescription acquisitive au profit des communes, de « chemins » dans le cadre notamment des diverses actes administratifs et autorisations d’urbanisme délivrées par la personne publique. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat