Revirement de jurisprudence : le cachet de la poste fait foi

Revirement de jurisprudence : le cachet de la poste fait foi

Par Frank ZERDOUMI, juriste et docteur en droit public (Green Law Avocats)

Madame B, médecin de la clinique de Papeete, a porté plainte contre Madame CT, sage-femme, devant la juridiction disciplinaire de son ordre professionnel, qui lui a infligé un blâme, le 31 mai 2022.

Le 7 novembre 2022, Madame CT a saisi le Conseil d’État en cassation.

La requérante soutenait notamment que la décision attaquée était entachée d’irrégularité en ce qu’elle a fait droit à une requête tardive, donc irrecevable, l’appel ayant été enregistré au greffe de la juridiction après l’expiration du délai de recours contentieux.
Madame B réside en Polynésie française : elle a reçu notification de la décision rendue en première instance le 5 février 2021.

Le Conseil d’État abandonne donc sa jurisprudence ancienne et sa règle dite de la date de réception. C’est désormais la date à laquelle le pli est remis, et donc le cachet de la poste, qui fera foi.

Le R. 424-1 ne laisse pas le choix dans la date !

Le R. 424-1 ne laisse pas le choix dans la date !

Par Frank ZERDOUMI, juriste et docteur en droit public (Green Law Avocats)

La commune établissait la remise du pli comportant la notification de la décision de sursis à statuer à La Poste le mardi 15 janvier 2019 à 15 heures, pour être notifiée au plus tard le 17 janvier, donc avant l’expiration du délai d’instruction de trois mois de la demande de permis d’aménager. Sauf que la première présentation a eu lieu le 19 janvier.

Quelle était donc la date de référence ?

Pour le Conseil d’État, c’est la date de la première présentation du courrier au demandeur.

Parcs éoliens et autorisation environnementale : des précisions sur l’intérêt agir des collectivités territoriales

Parcs éoliens et autorisation environnementale : des précisions sur l’intérêt agir des collectivités territoriales

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats) Dans le cadre d’un contentieux d’autorisations environnementales de parcs éoliens, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales ont intérêt à agir en tant que « tiers intéressés » (CE, 1er décembre 2023, req. n° 467009 et n° 470723, téléchargeables ci-dessous). Dans la première affaire, par un arrêté du 24 juin 2021, le préfet de l’Allier a délivré à la société Parc éolien du Moulin du bocage une autorisation environnementale pour l’exploitation de cinq aérogénérateurs avec deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Gipcy. La région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire et de Meillers, limitrophes de la commune d’implantation du projet, ont demandé à la cour administrative d’appel de Lyon d’annuler cet arrêté. Dans la deuxième affaire, le département de la Charente Maritime conteste l’arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le préfet a délivré à la société Ferme éolienne de Chambon-Puyravault une autorisation unique pour l’installation et l’exploitation d’un parc éolien sur le territoire des communes de Chambon et de Puyravault, comportant douze éoliennes et quatre postes de livraison. Dans deux arrêts en date du 5 juillet et du 4 novembre 2022, les cours administratives d’appel de Lyon et de Bordeaux ont rejeté les requêtes comme irrecevables. Statuant les pourvois du département, de la région et des communes d’implantation, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales ont intérêt à agir contre les autorisations environnementales en considérant que : Les personnes morales de droit public peuvent contester des autorisations environnementales que si ces dernières sont des «tiers intéressés» au sens de l’article R.181-50 du code de l’environnement (I) ; Ni le département de la Charente Maritime, ni la région Auvergne Rhône Alpes n’ont la qualité de «tiers intéressés» (II) ; Les communes de Saint-Hilaire et de Meillers des projet éolien ont un intérêt à agir contre l’autorisation environnementale (III). I. Reconnaissance aux personnes morales de droit public de la qualité de «tiers intéressés» En matière d’intérêt à agir dans le contentieux des autorisations environnementales, la Haute juridiction rappelle que ces dernières peuvent être déférées à la juridiction administrative par les tiers intéressés conformément aux dispositions de l’article R. 181-50 du code de l’environnement en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 du même code (CE, 1er décembre 2023, req. n° 467009 et n° 470723, points 2). Parmi ces intérêts, les articles L.511-1 et L.181-3 du  code de l’environnement listent les dangers et inconvénients (CE, 1er décembre 2023, req. n° 467009 et n° 470723, points 2) : Soit pour la commodité du voisinage ; Soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques ; Soit pour l’agriculture ; Soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages ; Soit pour l’utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers ; Soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie ; soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Dans les conclusions rendues dans cette affaire, le rapporteur public refuse de reconnaître une présomption d’intérêt pour agir des collectivités territoriales contre des autorisations environnementales concernant des éoliennes : «Nous ne voyons ici aucune raison qui rendrait opportun ou nécessaire de consacrer de façon prétorienne pour les départements ou les régions une présomption d’intérêt pour agir contre des autorisations environnementales concernant des éoliennes.» (page 3 des conclusions du rapporteur public, page 3). «En dehors du régime particulier des associations agrées, la règle est la même pour tous les tiers, y compris personnes morales de droit public, car ni le département ni la région n’ont de compétence légale pour défendre de façon générale les intérêts protégés par l’article L. 511-1 du CENV auxquels renvoie l’article R. 181-50» (conclusions du rapporteur public, page 3). En effet, le conseil d’État a déjà jugé que les  personnes morales ne peuvent demander en leur qualité de tiers l’annulation d’une décision prise sur le fondement de la police des installations classées que dans les cas où les inconvénients ou les dangers que le fonctionnement de l’installation classée présente pour les intérêts visés à l’article L. 511-1 sont de nature à affecter par eux-mêmes les conditions d’exploitation (CE 30 janvier 2013, req n°347347, considérant n°2). De même, la Haute juridiction a rendu une décision dans le même sens concernant des collectivités étrangères dans un contentieux de décisions prise en matière de police des installations nucléaires (Conseil d’État, 24 mars 2014, req. n° 358882, considérant 2). En reprenant le raisonnement des conclusions de son rapporteur public, la Haute juridiction conditionne la recevabilité des recours des personnes morales de droit public contre les autorisations environnementales que si les inconvénients ou dangers sont de natures à affecter leur situation, intérêts ou compétences : «Au sens de ces dispositions, une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue.» (CE, 1er décembre 2023, req. n° 467009 point 4 et n° 470723, points 3) II. Absence d’intérêt à agir du département et de la région contre l’autorisation environnementale Sur l’appréciation de l’intérêt à agir de la région Auvergnes-Rhône-Alpes, la Haute juridiction estime que la cour administrative d’appel de Lyon a suffisamment motivé sa décision sans commettre ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique et fait une exacte application des règles gouvernant la recevabilité des recours de plein contentieux, en déclarant irrecevable les requêtes de la région et du département. En ce sens, la cour a pu juger que la région Auvergne-Rhône-Alpes ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’autorisation environnementale litigieuse (CE, 1er décembre 2023, req. n° 470723 point 5): Premièrement, la région n’est…

Permis de construire : cristallisation des moyens appliquée au référé «étude d’impact»

Permis de construire : cristallisation des moyens appliquée au référé «étude d’impact»

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Dans une décision n°468789 en date du 17 avril 2023, le Conseil d’État rejette une demande de suspension d’un permis de construire déposé au-delà de l’expiration du délai cristallisation des moyens malgré l’absence d’étude d’impact .

Pollution atmosphérique : deux nouvelles astreintes réduites à 5 millions d’euros

Pollution atmosphérique : deux nouvelles astreintes réduites à 5 millions d’euros

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Par une décision en date du 24 novembre 2023 (req. n°428409), le Conseil d’État condamne l’État au paiement de deux astreintes de 5 millions d’euros pour les deux semestres allant de juillet 2022 à juillet 2023, au vu de la persistance de la pollution dans ces deux zones mais également des améliorations constatées.