Par un arrêt en date du 13 janvier 2014(CA, 13 janvier 2014, n°12/02917: arrêt CA RIOM 13 janvier 2014), la Cour d’appel de RIOM rend une décision intéressant tous les propriétaires de biens situés en « zone humide ».
En effet, la Cour d’appel censure le jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ayant débouté des particuliers de leur demande d’annulation de la vente d’un terrain acquis en vue de la construction d’une maison d’habitation au titre de l’erreur sur la substance de la chose vendue. En l’espèce, des particuliers avaient acheté un terrain en vue de faire construire une maison d’habitation. Sur le plan de l’urbanisme, le terrain était classé en zone constructible. Néanmoins la classification du tréfonds du terrain en « zone humide » le rendait difficilement constructible puisque la législation découlant de la Loi sur l’eau soumet à autorisation préfectorale tous travaux ayant notamment pour effet de supprimer, assécher ou imperméabiliser une zone humide. Ainsi, le coût de la réalisation d’une éventuelle construction se révélait deux fois supérieur au devis initial en raison de la nécessité de drainage et d’enrochement du ruisseau.
Les particuliers estimant que la condition déterminante de l’acquisition de ce terrain était l’édification de leur future maison d’habitation ont assigné le vendeur au visa de l’article 1110 du code civil au titre de l’erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue.
Rappelons que l’article 1110 du Code civil énonce :
« L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.
Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention ».
Notons qu’en première instance, les juges avaient débouté l’action des demandeurs au motif que ces derniers étaient parfaitement informés de la qualification de la zone en zone humide et que des précautions devaient être prises pour une construction immobilière.
Saisie du litige en appel, la Cour d’appel de RIOM censure le raisonnement suivi par la juridiction de première instance en estimant:
« […] qu’il résulte de l’article 1110 du code civil que l’erreur est cause de nullité d’une convention que lorsqu’elle affecte la substance même de la chose qui en est l’objet ;
Attendu, en l’espèce, qu’il n’est pas contesté que la constructibilité du terrain vendu était bien une condition substantielle du consentement donné par les acquéreurs qui avaient effectivement reçu, avant la signature de l’acte authentique, une information quant au caractère humide du terrain et que des précautions devaient être prises, mais la seule mention était qu’une étude de sol préalable à la mise en œuvre d une construction soit faite (…) ;
Attendu en conséquence, qu’au jour de la vente authentique, M. M. et Mme M. n’étaient informés que de la présence du ruisseau très humide , ce qui est d ailleurs un pléonasme et de la nécessité de faire un étude de sol, ce qui ne laissait pas présager de grosses difficultés quant à la constructibilité réelle du terrain compte tenu de spécifications également limitées à cette seule étude de sol indiquées au permis de construire;
Mais attendu que c’est ensuite, lors de l’étude géotechnique, effectuée le 12 novembre 2010 par A…BTP, que les réels problèmes sont apparus après vérification, tant au niveau technique qu’au niveau réglementaire, que les solutions de fondation pouvaient être envisagées;
Qu’en effet, il est démontré qu’une étude hydrologique était nécessaire pour vérifier la possibilité de réaliser une construction ; que l’étude concluait que ce n’était qu’ après avoir envisagé les solutions de fondation et de dallage qu’il pouvait être déterminé si le site était réellement constructible ou non ; que A…BTP mentionne de nombreuses venues d’eau à certaines profondeurs, et qu’en raison de la nature des sols superficiels, une possibilité de présence épisodique de nappes superficielles d’imbibition était envisagée au vu de la présence du ruisseau ; que l’étude hydrologique a été régulièrement versée aux débats et que la discussion qui s’ensuivit entre les parties est parfaitement contradictoire ;
Attendu en conséquence que si la présence de ce ruisseau était évident lors de la passation de l’acte authentique de vente, les conclusions géotechniques et hydrogéologiques faisaient pour la première fois apparaître des dispositions très particulières de conception et d’exécution des fondations, et ce après drainage ; que c’est d’ailleurs pour cette raison que la société A….BTP concluait qu’elle ne pouvait fournir aucune solution avant l’étude hydrologique ; ( …)
Attendu en conséquence que c’est à bon droit que M. M. et Mme M., évoquant l’erreur qu’ils avaient commise sur la qualité substantielle du terrain, ont sollicité que soit prononcée la nullité de la vente de la parcelle ZA numéro …….lieu dit «…………….» passée par devant Maître J………., notaire à C…………..le 22 ………..2009, ainsi que la restitution de la somme de 44.267,15 € correspondant au prix de vente et frais notariés d’enregistrement;
Attendu que l’arrêt étant déclaratif de droit il convient de considérer que, conformément à l’article 1153 – 1 du code civil, les intérêts au taux légal courront compter de son prononcé ».
Cet arrêt est utile car en l’espèce la parcelle de terrain qui a été achetée par les particuliers n’était pas inconstructible. Toutefois le caractère humide de la zone rendait le coût de la construction plus important que celui prévu initialement par les acheteurs. Surtout, les études de sol qui ont été diligentées révélaient la difficulté de mener un projet de construction à des conditions économiquement acceptables.
Ce n’est donc pas une faute que les vendeurs auraient commises qui ont conduit à l’annulation de la vente, mais bien une erreur sur les qualités intrinsèques de la chose vendue. Rappelons qu’une jurisprudence abondante admet que l’erreur puisse porter sur l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel on la destine.
En matière de vente d’immeubles, la jurisprudence reconnaît l’erreur lorsque :
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Le terrain est déclaré, à la suite d’une vente, inconstructible (Cass. 1re civ., 2 mars 1964 : Bull. civ. 1964, I, CA Bourges, 16 avr. 1985 ; CA Toulouse, 15 nov. 2004) ;
- Le terrain est impropre à la construction projetée (Cass. civ., 23 nov. 1931 ;Cass. 3e civ., 28 oct. 1980 ; Cass. 3e civ., 15 déc. 1981 ; CA Orléans, 18 janv. 1895 ; CA Paris, 10 oct. 1984);
- L’immeuble est inhabitable ou inapte à la destination prévue (Cass. 3e civ., 3 janv. 1979 ; Cass. 3e civ., 19 janv. 1983 ; Cass. 3e civ., 1er avr. 1992 ; TGI Paris, 4 mars 1980 ; CA Rouen, 19 déc. 1990) ;
Cet arrêt rappelle la vigilance particulière que doit avoir les acheteurs dans le cadre d’achats de terrains en vue d’y faire construire une habitation dans une zone susceptible d’être située en zone humide. Il est intéressant de constater que le notaire n’était pas appelé à la cause en l’espèce de sorte que l’on peut s’interroger sur la rédaction de l’acte de vente et les précautions qui ont certainement été prises pour éviter toute action en responsabilité contre ce dernier. Ce seront finalement les vendeurs qui seront perdants, sauf cassation éventuelle, car ils ne pourront pas procéder à une nouvelle vente à un tiers sans les informer préalablement des caractéristiques du terrain à vendre.
Me Aurélien BOUDEWEEL
Green Law Avocat