Par une circulaire en date du 19 juillet 2013, le ministre de l’écologie est venu préciser les règles de mise en œuvre des polices administratives et pénales en matière d’installations classées suite à l’entrée en vigueur de la réforme des polices en droit de l’environnement.
Pour rappel, l’ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012 avait harmonisé les dispositions relatives à la police administrative et à la police judiciaire du code de l’environnement, et qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2013. Or, elle a modifié les dispositions relatives aux sanctions applicables aux installations classées.
Ainsi, désormais les dispositions relatives aux polices administratives et pénales en matière d’installations classées sont celles communes à toutes les installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régies par le code de l’environnement. On les retrouve aux articles L. 171-1 à L. 174-1 du code de l’environnement.
Cependant, on notera dès à présent que les dispositions pénales du droit des installations classées concernant les infractions contraventionnelles se trouvent toujours aux articles R. 514-4 à R. 514-5 du code de l’environnement alors que celles relatives aux infractions délictuelles se situent désormais aux articles L. 173-1 à L. 173-12 du même code.
Cette remarque mise à part, cette réforme opère réellement une harmonisation des dispositions relatives aux polices administratives et pénales du code de l’environnement. D’ailleurs, comme le souligne la circulaire en préambule, l’une des innovations majeures de cette réforme est d’avoir unifié les quelques 27 polices spéciales du code de l’environnement.
Dans ces conditions, l’on comprend plus facilement l’utilité de cette circulaire qui se veut être selon ses propres termes « un guide de référence [en matière d’inspection des installations classées] et une aide à la mise en place de ces nouvelles dispositions et notamment celles qui dans cette matière, constituent des nouveautés au regard des dispositions voire des pratiques antérieures».
Dans cette optique, la circulaire détaille les nouvelles règles relatives au contrôle administratif (1), aux sanctions administratives (2), au contrôle pénal (3) et à la mise en œuvre des sanctions pénales (4).
1 – Les règles et pratiques relatives au contrôle administratif (art. L.171-1 à L. 171-5)
– Disparition de l’obligation légale d’information préalable à tout contrôle
Tout d’abord, la circulaire vient préciser qu’il n’existe plus d’obligation légale pour l’administration d’information préalable de l’exploitant 48 heures à l’avance lors de contrôle non-inopiné d’une installation classée. Pour autant, il est immédiatement précisé que dans la pratique, l’inspection devra informer l’exploitant de sa visite lorsqu’il s’agit d’un contrôle non-inopiné.
– Règles relatives à l’accès aux locaux (art. L. 171-1 et L. 171-2)
Ensuite, concernant l’accès aux locaux d’une installation classée il est désormais fait une différence entre les locaux de l’installation proprement dite et ceux situés sur le site de l’installation constituant des domiciles ou des locaux à usage d’habitation. Cela permet de restreindre l’accès à ces derniers, qui ne peut plus avoir lieu qu’avec l’accord et la présence de l’habitant des locaux et ce conformément à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Pour les locaux accueillant l’installation classée, l’accès à ceux-ci ne souffre d’aucune restriction. Leur visite peut donc être réalisée dès lors qu’une activité ICPE est en cours, impliquant par exemple pour un élevage que cette visite puisse se dérouler à toute heure.
On notera que la circulaire prend le soin de préciser que la visite d’une usine est possible en permanence à l’exclusion de la partie « bureaux » sans invitation de l’exploitant.
Pour le cas où l’exploitant s’oppose à la visite des inspecteurs, la circulaire indique les moyens dont ceux-ci disposent pour y remédier, à savoir notamment dresser un procès verbal d’entrave en application du nouvel article L. 173-4, comme c’était possible auparavant.
– Règles relatives aux modalités du contrôle – présence de l’exploitant, consultation de documents- (art. L. 171-3)
Malgré l’absence d’obligation légale pour l’inspection d’être accompagnée de l’exploitant lors de la visite des installations, il est fortement recommandé par la circulaire qu’au minimum un représentant de la société soit présent lors de cette visite afin de renforcer la valeur juridique des constats.
Concernant la consultation de documents de l’installation, celle-ci est rendue possible par l’article L. 171-3 du code de l’environnement. Néanmoins, la circulaire demande aux inspecteurs de préférer l’emport de copies plutôt que des originaux, lesquels devront donner lieu à l’établissement d’une liste contresignée par l’exploitant.
– Détail des actions postérieures aux contrôles (art. L. 171-6)
Dans le cas où la visite n’aboutit à aucune constatation de faits contraires aux prescriptions applicables, une simple lettre de suite peut être rédigée par l’inspecteur, laquelle vaudra rapport de l’inspection au sens de l’article L. 514-5 du code de l’environnement.
En revanche, dans le cas où la visite donne lieu à la constatation de faits contraires aux prescriptions applicables (méconnaissance d’une prescription de l’arrêté préfectoral d’autorisation, ou d’un arrêté complémentaire), la circulaire détaille avec soin les obligations que doit remplir l’inspection, à savoir notamment rédiger un rapport et le transmettre au préfet mais aussi et surtout à l’exploitant (ce qui dans la pratique).
– Règles relatives aux mises en demeure (art. L. 171-6 et suivants)
L’énoncé de ces règles par la circulaire commence par deux rappels bienvenus.
Tout d’abord, il est précisé que seul le préfet est compétent pour adresser une mise en demeure à l’exploitant.
Ensuite, il est précisé que le préfet, bien qu’en situation de compétence liée, doit s’assurer que la procédure du contradictoire a été respecté pour la mise en demeure. Cette procédure prend la forme imposée par l’article L. 514-5 du code de l’environnement, à savoir la transmission du rapport de visite sur lequel se fonde la mise en demeure. On rappellera que cette procédure contradictoire est spécifique aux ICPE, ce qui n’est pas neutre sur le plan procédural.
La circulaire indique les règles applicables aux différentes mises en demeure pouvant être appliquées par le préfet à savoir
– la mise en demeure de respecter les prescriptions applicables à l’installation au titre du code de l’environnement
– ainsi que la mise en demeure de régulariser la situation administrative de l’établissement.
Pour illustrer le déclenchement et le déroulement de cette dernière, la circulaire prend l’exemple du changement notable constituant une modification substantielle non porté à la connaissance de l’administration. Les exploitants savent qu’il est souvent délicat de savoir avec certitude le seuil de déclenchement du caractère notable du changement.
Enfin, il est rappelé, avec mention de la jurisprudence correspondante les effets de la mise en demeure. Notamment, il est expressément indiqué que celle-ci cesse de produire effet dès l’instant où l’exploitant s’y est conformé, ce qui n’est pas sans poser question en pratique.
– Règles relatives à la suspension de l’exploitation de l’installation classée (art. L. 171-7)
Le nouvel article L. 171-7 du code de l’environnement donne la possibilité au préfet de suspendre l’exploitation d’une installation classée dans l’attente de la régularisation des activités exercées par un arrêté motivé. Ce pouvoir n’est évidemment pas nouveau.
Il est rappelé que cette décision de suspension, qui peut intervenir à tout moment entre la mise en demeure et la régularisation des activités, doit être prise à l’issue de la procédure contradictoire prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000.
Pour autant, la circulaire exprime très clairement le souhait du ministre de voir cette décision rester exceptionnelle. Et en temps de crise, cela peut aisément se comprendre. Ainsi, dans la pratique, cette décision ne doit être prise que dans le cas d’atteinte grave à l’environnement ou à la sécurité.
– Détail de la possibilité d’édicter des prescriptions dans l’attente d’une régularisation (art. L. 171-7)
Dans l’attente de la régularisation de l’installation, il est possible pour le préfet de prendre des mesures conservatoires et ce sur la base du nouvel article L. 171-7 du code de l’environnement. Ces prescriptions provisoires n’ont pas nécessairement besoin d’être soumises à l’avis du CODERST.
La circulaire indique également que ces mesures provisoires d’une part ne préjugent en rien de la décision qui interviendra à l’issue de la procédure de régularisation et d’autre part n’ont pas pour effet d’empêcher l’administration de finalement prononcer la suspension de l’exploitation.
2 – Les règles et pratiques relatives aux sanctions administratives (art. L. 171-6 à L. 171-12)
En préambule, la circulaire rappelle que toute sanction administrative doit être précédée d’une mise en demeure préalable, sous peine d’entacher la procédure de nullité. Et là encore, une procédure contradictoire remplaçant celle prévue à l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être respectée préalablement à la prise des sanctions. En effet, il sera nécessaire d’informer l’exploitant des sanctions que le préfet compte prendre à son encontre, tout en lui permettant dans un délai déterminé de présenter ses observations.
Il est précisé que ces sanctions administratives sont applicables sans préjudice des poursuites pénales qui peuvent être engagées du fait du non-respect d’une mise en demeure.
Ces sanctions se trouvent aujourd’hui prévues à l’article L. 171-8, II du code de l’environnement. Elles sont au nombre de cinq et sont applicables quelle que soit l’origine de la mise en demeure:
- La consignation ;
- Les travaux d’office ;
- La suspension ;
- L’amende administrative ;
- L’astreinte administrative.
« 1° L’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public avant une date qu’elle détermine une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser. La somme consignée est restituée au fur et à mesure de l’exécution des travaux ou opérations.
Cette somme bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts. Il est procédé à son recouvrement comme en matière de créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine. Le comptable peut engager la procédure d’avis à tiers détenteur prévue par l’article L. 263 du livre des procédures fiscales.
L’opposition à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par l’autorité administrative devant le juge administratif n’a pas de caractère suspensif ;
2° Faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites ; les sommes consignées en application du 1° sont utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ;
3° Suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages, la réalisation des travaux et des opérations ou l’exercice des activités jusqu’à l’exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ;
4° Ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 € et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu’à satisfaction de la mise en demeure. Les dispositions des deuxième et troisième alinéas du 1° s’appliquent à l’astreinte. »
Parmi ces cinq sanctions, l’amende administrative est une des innovations introduites par la réforme des polices du code de l’environnement.
– Détail de l’amende administrative (art. L. 171-8, II, 4°)
La circulaire indique que cette amende doit respecter trois principes fondamentaux, à savoir :
- La non rétroactivité des lois répressives plus sévères et la rétroactivité des lois répressives plus douces ;
- La proportionnalité de la sanction ;
- La personnalité des peines.
Ainsi, en vertu de ces principes, ne pourront être soumis à cette amende les exploitants pour des faits commis antérieurement au 1er juillet 2013, soit la date d’entrée en vigueur de la réforme, exception faite des infractions continues se répétant après cette date.
Concernant la définition du montant de l’amende, celle-ci devra être réalisée au cas par cas, l’administration devant prendre en compte la situation de l’exploitant et les raisons qui l’ont conduit à ne pas respecter les règles qui lui étaient applicables. Pour la détermination de ce montant, il est indiqué que pourront notamment être pris en compte les gains obtenus par l’exploitant du fait du non-respect de la réglementation.
L’amende, forcément à destination de l’exploitant dont il conviendra de déterminer l’identité, prendra la forme d’un arrêté préfectoral motivé qui rendra exécutoire un titre de perception. Là encore, cet arrêté ne pourra intervenir qu’après avoir permis à l’exploitant de présenter ses observations sur la sanction projetée dans un délai déterminé.
– Détail sur la possibilité d’imposer la fermeture ou la suppression de l’installation (art. L. 171-7, 2°)
Enfin, s’ajoute à ces cinq sanctions le pouvoir d’ordonner la fermeture définitive de l’installation et la remise en état du site telle que prévue à l’article L. 171-7, 2° du code de l’environnement.
Tout d’abord, la circulaire rappelle à toute fin utile la différence entre la fermeture et la suppression de l’installation :
- la suppression exige la disparition de l’installation et donc la remise en état du site ;
- la fermeture apparaît comme une mesure moins dure n’entraînant pas la disparition des éléments matériels de l’installation, mais seulement leur non utilisation et consistant en un arrêt total de l’installation.
Ensuite la circulaire indique que la fermeture ne peut intervenir que lorsqu’il s’agit d’une installation classée fonctionnant sans autorisation, enregistrement ou déclaration, dont l’exploitant n’a pas satisfait à la mise en demeure de régulariser la situation administrative de l’installation.
Enfin, il est nécessaire qu’une telle sanction soit motivée par une atteinte importante aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 ou par une impossibilité de régularisation de l’installation.
3 – Les règles et pratiques relatives au contrôle pénal (art. L. 172-1 à L. 172-17)
– Détail du cadre juridique de l’action en matière pénale
La circulaire fait un point complet sur les différents articles du code de l’environnement et du code de procédure pénale fondant les pouvoirs de police judiciaire des inspecteurs de l’environnement. Il s’agit des articles L. 172-1 à L. 172-17 du code de l’environnement et des articles 12, 15 et 28 du code de procédure pénale.
– Actions à réaliser préalablement aux contrôles (art. L. 172-5)
Il est ensuite précisé les obligations incombant aux inspecteurs de l’environnement lorsque ceux-ci souhaitent opérer un contrôle dont le but avéré est la constatation d’infraction ou de délit. Ainsi, on apprend qu’avant d’accéder à une installation ICPE, ils ont l’obligation d’en informer le procureur.
– Règles relatives aux visites des installations et modalités de contrôle (art. L. 172-5 à L. 172-15)
Ces règles sont quasiment les mêmes que celles applicable aux visites de contrôle administratif. La seule différence concerne la visite des locaux à usage d’habitation au sein de l’installation, laquelle, pour un contrôle pénal doit être réalisée uniquement après qu’ait été recueilli l’accord écrit de l’occupant.
Tout comme le contrôle administratif, l’article L. 172-11 du code de l’environnement donne la possibilité aux inspecteurs de saisir tout document qu’ils jugent utile. Là encore, la circulaire demande aux inspecteurs lorsqu’ils saisissent des originaux de délivrer à l’exploitant une liste contresignée de ces documents.
Egalement, il est désormais donné la possibilité aux inspecteurs par le biais de l’article L. 172-7 du code de l’environnement de demander à la personne à l’encontre de laquelle ils entendent dresser le procès verbal de justifier de son identité.
– Règles relatives au passage d’un contrôle administratif à un contrôle pénal
Au cours d’un contrôle administratif, un inspecteur peut être amené à constater des infractions pénales. La circulaire distingue trois cas et indique aux inspecteurs la marche à suivre dans chacun d’eux. Il s’agit des cas suivants :
- crimes ou délits ne relevant pas du domaine de compétence de l’inspecteur ;
- contraventions ne relevant pas du domaine de compétence de l’inspecteur de l’environnement ;
- infractions relevant du domaine de compétence de l’inspecteur de l’environnement
– Détail des règles relatives au recueil des déclarations (art. L. 172-8)
Conformément à l’article L. 172-8 du code de l’environnement, la circulaire indique que les inspecteurs peuvent recueillir les déclarations de toute personne susceptible d’apporter des éléments utiles à leurs constatations. Il est également précisé que le recueil d’une déclaration doit nécessairement donner lieu à l’établissement d’un procès verbal.
Enfin, pour les personnes entendues, la circulaire impose aux inspecteurs de leur notifier «les raisons pour lesquelles elles sont entendues, qu’elles n’ont aucune obligation de répondre aux questions et qu’elles peuvent à tout moment quitter les lieux où elles sont entendues ».
– Détail des actions postérieures au contrôle
A la suite d’un contrôle, les inspecteurs sont amenés dans la plupart des cas à rédiger un seul procès verbal de l’infraction et de synthèse, dont la clôture fera courir le délai de 5 jours imparti pour sa transmission au procureur de la République et au préfet comme le prévoit l’article L. 172-16 du code de l’environnement.
La circulaire détaille de manière précise les principes de rédaction du procès verbal d’infraction ainsi que du procès verbal de synthèse.
4 – Les règles et pratiques relatives à la mise en œuvre des sanctions pénales
Concernant la mise en œuvre des sanctions pénales, celle-ci ne dépendant plus vraiment de l’administration, il est simplement précisé par la circulaire que l’administration et le préfet doivent répondre à toutes les sollicitations du procureur, voire même les devancer.
Il est également indiqué concernant la présence aux tribunaux des inspecteurs que celle-ci est fortement conseillé afin d’apporter un concours technique au procureur.
Enfin, la circulaire déconseille de recourir à la transaction pénale en matière d’installation classée.
Etienne Pouliguen
Green Law Avocat