Par un avis n°2012-014 du 13 avril 2012, le Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés (CCRCS) est venu affirmer non sans tempéraments le principe selon lequel la production d’électricité photovoltaïque, en tout ou partie vendue à des tiers, est une activité commerciale.

 

Cet avis intervient suite à la saisine du Comité par des greffiers de Tribunaux de commerce désireux de savoir si la production d’électricité photovoltaïque, vendue à des tiers, est constitutive d’une activité commerciale assujettissant celui qui s’y livre à immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Pour répondre à la question que lui pose les greffiers de Tribunaux de commerce, le CCRCS doit dans un premier temps démontrer que l’activité de production et de vente d’électricité photovoltaïque constitue un acte de commerce au sens de l’article L.110-1 du Code du commerce. Cette démonstration ne pose a priori aucun problème puisqu’aussi bien la jurisprudence que l’administration fiscale sont déjà venue établir ce principe. Cependant, il faut noter que des tempéraments sont apportés par le Comité.

 

Une activité constituant un acte de commerce par nature

 En effet, concernant la production d’électricité à partir de l’énergie hydraulique, la Cour d’Appel de Reims a décidé (CA Reims Ch. civ. Sect. 1, 4 avril 1984, de T. / Sté WECO, n°197/84) que « l’activité consistant à transformer l’énergie hydraulique en énergie électrique et à vendre cette dernière constitue, tant par sa nature que par les moyens mis en œuvre, une entreprise de manufacture réputée acte de commerce au sens du Code du commerce ».

Cette solution étant entièrement transposable à l’activité consistant en la transformation de l’énergie radiative du soleil en énergie électrique à des fins de vente, il est aisé d’affirmer que cette activité constitue un acte de commerce au sens de l’article L.110-1 du Code du commerce.

Cela a d’ailleurs été confirmé par la direction générale des finances publiques qui, à plusieurs reprises par le biais d’instructions et de rescrits visant les installations photovoltaïques, a indiqué que la vente d’énergie par des personnes physiques constitue un acte de commerce (pour exemple voir : rescrit n°2007/20 FE, 29/05/2007 ; instruction 5 E-1-09, BO des impôts n°1, 02/01/09 ; instruction 4 F-2-09, BO des impôts n°45, 21/04/2009).

L’avis du CCRCS, allant sur ce point dans le sens de la jurisprudence et de l’administration fiscale, n’a donc rien d’innovant. Cependant, il a le mérite de préciser que cette qualification d’acte de commerce ne dépend ni du fait que la vente intervienne ou non dans le cadre de l’obligation légal d’achat à tarif préférentiel ni du fait que les contrats conclus dans ce cadre aient été qualifiés de contrats administratifs par le législateur.

 

Pour autant, cette qualification d’acte de commerce n’est pas suffisante pour pouvoir affirmer que celui qui produit et vend de l’électricité photovoltaïque exerce une activité commerciale lui conférant la qualité de commerçant.

En effet, pour pouvoir parler d’activité commerciale, comme le rappel l’avis du CCRCS, il est nécessaire que les actes de commerces soient accomplis à titre de profession habituelle et qu’ils ne soient pas l’accessoire d’une activité ou d’un acte civil.

 

 

Une activité reconnue activité commerciale par principe

L’activité de production d’électricité photovoltaïque, comme le remarque fort justement le CCRCS peut s’inscrire dans des contextes très variés. Ainsi, il peut arriver que la production de cette électricité ne soit pas accomplie à titre de profession habituelle, ou encore, que cette activité soit l’accessoire d’une activité civile.

Même si ces situations peuvent représenter une grande partie de l’activité de production et de vente d’électricité photovoltaïque en France, le CCRCS décide de reconnaître cette activité comme une activité étant par principe commerciale.

Cette position, bien que pouvant faire penser l’inverse, n’a rien d’une nouveauté. En effet, le gouvernement, par des questions parlementaires concernant aussi bien l’imposition sur le revenu que la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) s’appliquant aux agriculteurs et aux particuliers propriétaires d’installations photovoltaïques a déjà eu l’occasion d’affirmer et de répéter cette position dans les réponses qu’il a apporté à ces questions.

Ainsi, par exemple, le ministre de l’économie répond concernant une question parlementaire relative à la TVA que « la vente d’énergie est considérée (…) comme une activité commerciale » (Question écrite n°3635, M. Alain Marc, JO 28/08/2007 et Réponse JO 18/03/2008).

Cette position avait même été rappelée dernièrement par une circulaire du 27 avril 2011 (DGPAAT/SDEA/C2011-3032) du ministre de l’agriculture, venant répéter à l’attention des exploitants agricoles que : « Le principe est que la production et la commercialisation de l’électricité photovoltaïque sont par essence commerciales ».


La jurisprudence, dans une affaire relative à la compatibilité de l’activité d’un avocat au regard de l’article 111 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, vient reconnaitre de manière incidente que « l’activité de vente d’énergie, même au profit d’un client unique, [reste] une activité commerciale » (CA Paris, 21/02/2008, n°07/07858 ; C. cass. 1ère civ. 14/05/2009, n°08/13422).

 

De cette reconnaissance du principe selon lequel l’activité de production et de vente d’électricité photovoltaïque constitue une activité commerciale, le CCRCS en tire  l’obligation pour celui qui s’y livre de s’immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), à moins qu’il n’ait choisi le régime d’auto-entrepreneur dans le cas où il y est éligible.

 

A côté de ce principe, le CCRCS ne manque pas d’énoncer les tempéraments correspondants aux situations énoncées plus avant, à savoir le cas où cette activité est l’accessoire d’une activité civile ainsi que le cas où celle-ci n’est pas exercée au titre de profession habituelle.

 

Le tempérament au principe concernant principalement les sociétés civiles agricoles

La jurisprudence a depuis longtemps consacré le principe selon lequel un acte commercial par nature a un caractère civil s’il n’est que l’accessoire d’une activité civile (Com. 13 mai 1970).

Il résulte de ce principe, comme le relève très justement le CCRCS, que l’activité de production d’électricité n’est pas une activité commerciale lorsqu’elle est l’accessoire d’une activité civile. Le CCRCS vient préciser que la production reste l’accessoire de l’activité civile lorsque l’électricité produite :

–          est directement et intégralement utilisée par le producteur pour les besoins d’une telles activité ;

–          est injectée dans le réseau public et que les besoins de cette activité sont satisfaits par prélèvement sur ce même réseau, pourvu que dans la durée, l’électricité vendue n’excède pas notablement celle achetée, du fait des surcapacités de production mises en place.

 

Ce tempérament concerne, en fait, principalement la production d’électricité photovoltaïque par des sociétés civiles agricoles.

 

Partant de ce constat, on peut très fortement remettre en cause la condition énoncée par le CCRCS selon laquelle l’électricité photovoltaïque vendue ne doit pas excéder notablement celle achetée pour être qualifiée d’activité accessoire à l’activité civile agricole.

En effet, l’article L.311-1 du code civil définit les activités agricoles qui ont un caractère civil, parmi lesquelles on retrouve : « la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant de ces exploitations ».

Dans ces activités ainsi définies, il n’est pas fait mention de l’activité de production et de vente d’électricité d’origine photovoltaïque. Il était néanmoins prévu, par un amendement à la proposition de loi d’Engagement National pour l’Environnement de considérer cette activité comme agricole. Cependant, cet amendement a été retiré et remplacé par un nouvel amendement dont le contenu se trouve aujourd’hui à l’article 88, II de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010.

Il ressort de cet article que les sociétés civiles agricoles peuvent exploiter une installation photovoltaïque fixées ou intégrées aux bâtiments dont elles sont propriétaires ou dont l’exploitant agricole dispose dans le cadre d’un bail rural.

 

Seule, cette disposition ne permet pas d’affirmer le caractère accessoire de la production d’électricité photovoltaïque par rapport à l’activité civile agricole.

En effet, il est nécessaire de faire une lecture combinée de cet article 88, II avec l’article 75 A du Code général des impôts tel qu’issu de la loi de finance n°2007-1822 du 24 décembre 2007 pour appréhender le caractère accessoire à l’activité civile agricole de l’activité de production d’électricité photovoltaïque.

Ainsi, lorsque les recettes provenant de l’activité de production d’électricité photovoltaïque, majorées des recettes des activités accessoires prises en compte pour la détermination des bénéfices agricoles en application de l’article 75 du Code général des impôts n’excèdent ni 50 % des recettes tirées de l’activité agricole, ni 100 000 euros, cette activité est considérée comme accessoire de l’activité civile agricole.

Par conséquent, il nous semble que seul le dépassement de ces limites fiscales par les sociétés civiles agricoles pourrait être à même de conférer à l’activité de production et de vente d’électricité photovoltaïque le caractère commercial.

La reconnaissance du caractère commercial de l’activité aurait alors pour effet la nullité de la société civile agricole concernée.

 

 

Les tempéraments au principe concernant les particuliers

Le CCRCS affirme également que l’activité de production et de vente d’électricité photovoltaïque n’est pas une activité commerciale quand elle est exercée par un particulier ayant installé des panneaux photovoltaïque sur sa maison lorsque cumulativement :

–          la production est injectée dans le réseau public dans le même temps que le particulier effectue des prélèvements sur ce même réseau pour ses besoins domestiques ;

–          l’installation n’engendre pas une surcapacité de production caractérisée.

 

Cette dernière condition énoncée par le CCRCS dans son avis est étonnante à deux titres.

D’une part, la notion de surcapacité de production caractérisée, n’existant pas en droit français, est difficile à traduire concrètement. D’autre part, elle interroge sur le sens à lui donner à la lumière de la position du gouvernement sur le sujet.

En effet, le gouvernement a déjà donné une indication sur la nature de l’activité exercée par les particuliers lorsqu’ils produisent et vendent de l’électricité photovoltaïque lors de ses réponses aux questions parlementaires évoquées plus avant. Ainsi, il a indiqué que lorsque la puissance installée de l’installation excède 3 kWc, la vente d’énergie doit être considérée comme une activité commerciale. Dans le cadre des logements collectifs, il a précisé que ce seuil doit s’apprécier par logement.

 En faisant le choix de ne pas reprendre ce seuil, on ne sait trop si le CCRCS donne ou non la possibilité pour les particuliers de produire de l’électricité photovoltaïque avec des installations dont la puissance est supérieure à 3 kWc, sans que cette activité puisse être qualifiée d’activité commerciale.

 La qualification d’activité commerciale entraine pourtant la soumission des revenus provenant de cette activité à l’impôt sur le revenu.

En effet, l’article 34 du Code général des impôts prévoit que « sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale ».

Pour l’application de cet article, la jurisprudence est venue préciser que « l’accomplissement à titre professionnel d’actes réputés « de commerce » par la loi commerciale est une activité commerciale au sens de l’article 34 » (CE, 29 avril 2002, n°234133).

 

Ainsi, au sens de cet article, les revenus provenant de l’activité de production et de vente d’électricité photovoltaïque par des particuliers ne sont soumis à l’impôt sur le revenu que lorsque cette activité constitue une activité commerciale. Il est maintenant quasiment  certain, à la lumière de la position du gouvernement et du CCRCS que lorsque l’installation de production d’électricité photovoltaïque est inférieure à 3 kWc, l’activité de production et de vente de l’électricité n’est pas une activité commerciale. Dans ce cas là, les revenus tirés de cette activité ne peut être soumis à l’impôt sur le revenu.

C’est d’ailleurs le sens de l’article 35 Ter du Code général des impôts qui prévoit que : « Les personnes physiques qui vendent de l’électricité produite à partir d’installations d’une puissance n’excédant pas 3 kilowatts crête, qui utilisent l’énergie radiative du soleil, sont raccordées au réseau public en deux points au plus et ne sont pas affectées à l’exercice d’une activité professionnelle sont exonérées de l’impôt sur le revenu sur le produit de ces ventes ».

 

Pour les installations supérieures à 3 kWc, n’engendrant pas une surcapacité de production caractérisée, il serait également logique au sens de l’avis du CCRCS que les revenus engendrés par ces installations ne soient pas soumis à l’impôt sur le revenu.

Cependant, cette notion de surcapacité de production caractérisée introduite par le CCRCS étant tellement floue, on ne peut affirmer de position définitive.

 

Finalement, l’avis du CCRCS, plutôt que de confirmer une situation déjà claire relative au caractère commercial ou non de l’activité de production et de vente de l’électricité photovoltaïque, vient la remettre en cause par une position qui pose plus de question qu’elle n’amène de réponse.

 

 

Etienne POULIGUEN

Green Law Avocat

Juriste