Le cadre juridique des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) évolue !

renewable energy conceptPar Maître Graziella Dode

Mis en place il y a 12 ans, le dispositif des Certificats d’Economie d’Energie (CEE) repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie, lesquels doivent promouvoir l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie (ménages, collectivités territoriales ou professionnels).

Le 1er janvier 2018, le dispositif est entré dans sa 4ème période d’obligation pour une durée de 3 ans.

Rappelons tout d’abord le fonctionnement du dispositif des CEE (I), avant d’évoquer ses récentes évolutions (II).

  1. Le fonctionnement du dispositif des CEE

 La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique a créé les Certificatifs d’Economie d’Energie (CEE).

Le dispositif, entré en vigueur en janvier 2006, est destiné à inciter à la réalisation d’économies d’énergie, principalement dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie, des transports et des réseaux de chaleur.

Il est repris dans le Code de l’énergie aux articles L. 221-1 et suivants, et R. 221-1 et suivants.

Les personnes soumises à l’obligation d’économies d’énergies, visées par la loi

Le principe des certificats repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics, sur une période donnée, à certains vendeurs d’énergie appelés “obligés”.

L’article L. 221-1 du Code de l’énergie dispose ainsi :

« Sont soumises à des obligations d’économies d’énergie :

1° Les personnes morales qui mettent à la consommation des carburants automobiles et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat.

2° Les personnes qui vendent de l’électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d’Etat.

Les ventes annuelles de fioul domestique des personnes morales exclues par le seuil fixé en application du 2° doivent représenter moins de 5 % du marché. Les obligations des personnes morales dont les ventes annuelles de fioul domestique dépassent le seuil fixé en application du 2° ne portent que sur les ventes supérieures à ce seuil.

Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d’énergie, soit en acquérant des certificats d’économies d’énergie.

Une part de ces économies d’énergie doit être réalisée au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique.

La définition des montants d’économies d’énergie à réaliser prend en compte les certificats d’économies d’énergie obtenus par la contribution à des programmes mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 221-7. »

L’article L. 221-2 du même code précise :

« A l’issue de la période considérée, les personnes mentionnées à l’article L. 221-1 justifient de l’accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d’économies d’énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues aux articles L. 221-7, L. 221-8 et L. 221-9.

Afin de se libérer de leurs obligations, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 221-1 sont autorisées à se regrouper dans une structure pour mettre en place des actions collectives visant à la réalisation d’économies d’énergie ou pour acquérir des certificats d’économies d’énergie. »

A défaut d’être obtenus par un « obligé », les CEE peuvent être attribués à des personnes dites « éligibles » définies à l’article L. 221-7 du Code de l’énergie :

  • Toute personne visée à l’article L. 221-1 (fournisseurs d’énergies notamment) ;
  • Toute collectivité publique ;
  • L’Agence nationale de l’habitat ;
  • Tout organisme visé à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation (organismes d’habitation à loyer modéré) ;
  • Toute société d’économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux.

Les personnes soumises à l’obligation d’économies d’énergies du fait de rapports contractuels

Toute personne morale non visée par les dispositions précitées ne peut se voir attribuer de CEE, sauf si :

  • Elle en achète aux obligés, aux éligibles ou à une personne morale en ayant acquis auprès d’elles.

Les CEE sont en effet juridiquement qualifiés de biens meubles négociables et répondent ainsi à la logique de marché de l’offre de la demande, tel que le rappelle l’article L. 221-8 du Code de l’énergie.

  • Ou si elle conclut un contrat de délégation avec des obligés.

L’article R. 221-5 du Code de l’énergie envisage ainsi la possibilité de devenir délégataire de CEE :

« Une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie en application de l’article R. 221-3 peut, pour l’obligation de chacune des périodes définies à l’article R. 221-4, ainsi que pour celle définie à l’article R. 221-4-1 :

1° Déléguer la totalité de son obligation d’économies d’énergie de la période à un tiers ;

2° Déléguer une partie de son obligation d’économies d’énergie de la période à un ou plusieurs tiers. Dans ce cas, le volume de chaque délégation partielle ne peut pas être inférieur à 1 milliard de kWh cumac.

Sous réserve des dispositions de l’article R. 221-7, une personne ayant délégué la totalité de ses obligations individuelles n’est plus considérée comme une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie. »

Ce dernier alinéa nous invite à souligner le fait qu’« en cas de défaillance du délégataire, les obligations individuelles définies en application des articles R. 221-4 et R. 221-4-1 sont remises à la charge de chaque délégant.

Lorsqu’il est mis fin par les parties au contrat de délégation, l’obligation individuelle revient au délégant et le délégataire n’est plus considéré comme une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie pour cette obligation individuelle. Le ministre chargé de l’énergie est informé par les parties de la fin du contrat de délégation d’obligation dans un délai d’un mois » (article R. 221-7 du Code de l’énergie).

L’article R. 221-5 du Code de l’énergie ajoute que le délégataire doit justifier :

  • Ne pas faire partie des personnes mentionnées au 2° de l’article 45 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;
  • Pour la période d’obligation concernée, d’un volume d’au moins 150 millions de kWh cumac d’obligations reçues de personnes soumises à une obligation d’économies d’énergie.

A défaut, le délégataire justifie d’au moins une délégation reçue d’une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie et de l’existence d’un système de management de la qualité couvrant son activité relative aux certificats d’économies d’énergie, certifié conforme par un organisme certificateur accrédité.

Un arrêté du ministre chargé de l’énergie fixe les modalités de cette obligation, notamment le périmètre minimal de certification ainsi que les référentiels normatifs pertinents.

Cette disposition précise ensuite les justificatifs à apporter par le délégataire dans sa demande au ministre chargé de l’énergie, dont un contrat signé entre le délégant et le délégataire (contrat de délégation).

Soulignons également qu’en cas d’acceptation de la demande, le délégataire sera considéré comme une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie pour un volume d’obligation égal à la somme des obligations déléguées.

Le délégataire ne peut pas déléguer, même partiellement, son obligation à un tiers.

Concrètement, le délégataire devra alors notamment respecter les obligations d’économies d’énergie fixées à l’article R. 221-4 du Code de l’énergie. A titre d’exemple, pour chaque année civile de la quatrième période, pour l’électricité, l’obligation d’économies d’énergie, exprimée en kilowattheures d’énergie finale cumulée actualisés (ou « kWh cumac »), est la somme de la quantité mentionnée à l’article R. 221-3, multipliée par 0,463 kWh cumac par kilowattheure d’énergie finale.

En résumé, les CEE peuvent être acquis de deux manières :

  • Soit délivré à des demandeurs obligés ou éligibles ayant réalisé ou incité à la réalisation de l’opération d’économies d’énergie :

Les obligés et éligibles sont ainsi les premiers détenteurs des certificats ;

Ils peuvent ensuite les déléguer à un délégataire tiers, en totalité ou en partie (la délégation du CEE ne peut avoir lieu qu’avec un obligé tel que défini à l’article R. 221-3 du Code de l’énergie).

  • Soit acquis sur le registre national des CEE par toute personne morale. Dans cette hypothèse, l’acheteur qui aura conclu un contrat de gré à gré avec la personne détenant le CEE, devra ouvrir un compte sur le registre national dédié à cet effet (avec frais d’ouverture et d’enregistrement).

2. Les évolutions récentes du dispositif des CEE

La règlementation en matière de CEE a récemment fait l’objet de modifications puisqu’une quatrième période d’obligation d’économies d’énergie a commencé le 1er janvier 2018 et s’étend jusqu’au 31 décembre 2020.

Cette quatrième période avait été officiellement lancée par le décret n° 2017-690 du 2 mai 2017 modifiant les dispositions de la partie réglementaire du Code de l’énergie relatives aux certificats d’économies d’énergie.

Pour cette quatrième période, les obligés voient leurs obligations augmenter : ils devront réaliser un total :

  • de 1200 TWh cumac d’économies d’énergie pour les obligations « classiques » ;
  • et de 400 TWh cumac pour les obligations d’économies d’énergie devant être réalisées au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique.

 

Afin de lutter contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie, il est désormais imposé au délégataire d’obligations d’économies d’énergie (article R. 221-6, I, du Code de l’énergie) :

  • d’être à jour dans ses déclarations fiscale ou sociale et de s’être acquitté des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales exigibles ;
  • de justifier d’un volume d’au moins 150 millions de kWh cumac d’obligations reçues de personnes soumises à une obligation d’économies d’énergie, ou d’au moins une délégation reçue d’une personne soumise à une obligation d’économies d’énergie et de l’existence d’un système de management de la qualité couvrant son activité relative aux CEE, certifié conforme par un organisme certificateur accrédité.

L’article 7 de l’arrêté du 29 décembre 2017 (NOR : TRER1725883A) précise en outre que le système de management de la qualité doit être conforme à la norme NF EN ISO 9001 : 2015 ou toute norme équivalente ou la remplaçant. Il définit également le périmètre minimal de certification ainsi que les formalités d’envoi des déclarations.

Ces pièces justificatives devront être ajoutées aux demandes de délégations d’obligations d’économies d’énergie pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, effectuées par un délégataire avant le 1er janvier 2018, au plus tard le 30 juin 2018 (Cf. Décret n° 2017-1848 du 29 décembre 2017, article 19).

Si ces justifications ne sont plus remplies pendant la durée de la délégation, notamment si la certification du système de management de la qualité est suspendue, le délégataire devra en informer sans délai le ministre chargé de l’énergie et son délégant.

Il ne pourra plus déposer de demandes de certificats d’économies d’énergie tant que le respect de ces exigences n’aura pas été justifié auprès du ministre chargé de l’énergie (article R. 221-6, IV, du Code de l’énergie).

Les actions permettant de réaliser des économies d’énergie donnant lieu à la délivrance de CEE peuvent notamment être :

  • soit des actions standardisées définies par arrêté,
  • soit des opérations spécifiques n’entrant pas dans le champ des opérations standardisées (articles L. 221-7 et R. 221-14 du Code de l’énergie).

Le demandeur de CEE doit, à l’appui de sa demande, justifier de son rôle actif et incitatif dans la réalisation de l’opération via toute contribution directe ou par l’intermédiaire d’une personne qui lui est liée contractuellement, apportée à la personne bénéficiant de l’opération d’économies d’énergie et permettant la réalisation de cette dernière.

 

Il convient ainsi de distinguer la personne titulaire des CEE des bénéficiaires des opérations d’économies d’énergie.

A ce sujet, l’arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d’une demande de certificats d’économies d’énergie et les documents à archiver par le demandeur (NOR : DEVR1414899A, mis à jour par un arrêté du 29 décembre 2017 (NOR : TRER1725884A) envisagent plusieurs types d’opérations pouvant donner lieu à des économies d’énergie (vente d’un équipement, fourniture d’un service, location d’un équipement) :

« I. – Sauf exception prévue par arrêté du ministre chargé de l’énergie, le bénéficiaire d’une opération d’économies d’énergie est :

1° Dans le cas où l’opération d’économies d’énergie correspond à l’achat d’un équipement, le propriétaire de l’équipement.

Lorsqu’au moment de la réalisation de l’opération, la propriété de l’équipement est partagée entre plusieurs personnes, l’une de ces personnes propriétaires est désignée par l’ensemble des autres propriétaires pour être le bénéficiaire de l’opération.

Lorsqu’au moment de la réalisation de l’opération, la propriété de l’équipement est partagée dans le temps de façon certaine entre plusieurs personnes, le bénéficiaire est le propriétaire final de l’équipement ;

2° Dans le cas où l’opération d’économies d’énergie correspond à la fourniture d’un service, la personne recevant le service concerné ;

3° Dans le cas où l’opération d’économies d’énergie correspond à la location d’un équipement, le locataire de l’équipement. Le crédit-bail et la location avec option d’achat d’un équipement sont considérés comme des locations d’équipements.

Lorsque l’opération d’économies d’énergie est réalisée par un syndicat de copropriétaires, le bénéficiaire est le syndicat des copropriétaires, représenté par le syndic de la copropriété. (…) »

Un arrêté du 22 décembre 2017 actualise, à compter du 1er avril 2018, les fiches d’opérations standardisées d’économies d’énergie fixées par l’arrêté du 22 décembre 2014 (NOR : DEVR1428341A).

Sont abrogées quatre fiches relatives à l’isolation des réseaux hydrauliques et de chauffage (BAR-TH-115 ; BAR-TH-131 ; BAT-TH-106 ; BAT-TH-119) et une fiche relative à la mise en place de lampe ou luminaire à modules LED pour l’éclairage d’accentuation.

Dix fiches sont modifiées et les cinq fiches suivantes sont désormais disponibles et sont entrées en vigueur depuis le 11 janvier 2018 :

    • isolation d’un réseau hydraulique de chauffage ou d’eau chaude sanitaire (BAR-TH-160 ; BAT-TH-146) ;
    • luminaires à modules LED (IND-BA-116) ;
    • chauffage décentralisé performant (IND-BA-117) ;
    • hélice avec tuyère sur une unité de transport fluvial (TRA-EQ-120).

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Ces évolutions récentes du dispositif des CEE peuvent conduire les professionnels à s’interroger sur les modalités pratiques d’acquisition des CEE et sur la manière de les intégrer dans leur offre commerciale.

Pour les particuliers, le dispositif des CEE présente l’intérêt de pouvoir obtenir un bon d’achat, une prime ou une somme d’argent, de la part des fournisseurs d’énergies « obligés », à la suite de la réalisation de travaux améliorant la performance énergétique d’un logement par exemple (les travaux éligibles à la délivrance de CEE sont ceux visés dans les nombreuses fiches standardisées).

Que l’on se place du point de vue de l’obligé, de l’éligible, du délégataire ou du consommateur, le dispositif des CEE induit des rapports contractuels complexes sur lesquels l’équipe de Green Law Avocats pourra vous renseigner et vous sécuriser.