Glyphosate et principe de précaution : AMM du Roundup annulée

Glyphosate et principe de précaution : AMM du Roundup annulée

Par Mathieu DEHARBE, juriste (Green Law Avocats)

Depuis l’adoption de son règlement d’exécution du 28 novembre 2023, la Commission européenne a renouvelé pour dix ans, soit jusqu’au 15 décembre 2033, l’approbation dans l’UE de la substance active « glyphosate » (JO L, 2023/2660, 29.11.2023).

Toutefois, il convient de rappeler que le recours à cette substance active est source de contentieux comme a pu en témoigner l’adoption des arrêtés anti-pesticides (voir notre commentaire sur le blog).

Encore récemment l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du Roundup Pro 360 était encore pendante malgré l’adoption du règlement d’exécution de la Commission.

En effet, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé le jugement du tribunal administratif de Lyon qui a annulé cette AMM.

D’ailleurs, la société Bayer Seeds a intenté un pourvoi en cassation contre cet arrêt en soutenant que la juridiction d’appel a méconnu son office lors l’examen du moyen tiré de la violation du principe de précaution.

Finalement, le juge de cassation a rejeté le pourvoi et confirmé l’annulation de l’AMM du Roundup 360 pro (décision commentée : CE, 23 octobre 2024, req. n°456108).

Compteurs LINKY: mais que peuvent encore faire les communes? (CE, 11 juillet 2019)

Par Lucas DERMENGHEM- Green Law Avocats Par une décision du 11 juillet 2019 (n°426060), le Conseil d’Etat s’est prononcé une deuxième fois en l’espace d’un mois au sujet des controversés compteurs électriques de type « Linky ». L’arrêt, qui sera mentionné dans les Tables du recueil Lebon, rappelle de nouveau qui est le propriétaire des appareils. Et anesthésie également les compétences du maire au titre de ses pouvoirs de police générale.     Depuis le début de leur déploiement en 2015, les installations de comptage ont mauvaise presse. Selon leurs détracteurs, de nombreuses zones d’ombre existent en ce qui concerne la collecte des données personnelles, le risque d’incendie, la propagation d’ondes électromagnétiques pouvant potentiellement impacter la santé, etc. Le sénateur de La République En Marche (LREM) Robert NAVARRO avait déjà relayé cette inquiétude par une question écrite adressée au ministre de la transition écologique et solidaire au sujet de l’impact des compteurs Linky sur la santé. Tout en mentionnant le fait que les champs électromagnétiques-radioélectriques ont été classés par l’OMS dans la catégorie cancérigène 2B, tout comme l’amiante ou le plomb. Plus récemment, une quinzaine de députés ont déposé auprès de la Présidence de l’Assemblée Nationale une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conséquences du programme d’installation des compteurs communicants Linky. Et la controverse se traduit également devant les tribunaux, puisque de nombreuses actions sont menées par des citoyens mais également par des communes désireuses d’interdire le déploiement des dispositifs sur leur territoire, comme ce fut le cas de la commune de Cast (Finistère) qui est à l’origine de l’affaire ici commentée. Par une délibération du 16 juin 2016, le conseil municipal de Cast a ainsi demandé la mise en place d’un moratoire relatif au déploiement des compteurs intelligents en attendant les conclusions de l’étude réalisée sous l’autorité du ministère de la santé relative aux expositions liées au déploiement des compteurs numériques et à leurs conséquences éventuelles en termes de santé publique. Les jours suivants, le maire de la commune a décidé de suspendre sur l’installation des dispositifs sur le territoire. Par un jugement du 9 mars 2017, le Tribunal administratif de Rennes a annulé les délibérations et la décision du maire. La Cour administrative d’appel de Nantes a approuvé la solution des juges du premier degré et débouté la municipalité le 5 octobre 2018. Qui est propriétaire des compteurs Linky: Saisi du pourvoi de la commune, la Haute Assemblée se prononce tout d’abord sur la question de la propriété des compteurs « Linky », en reprenant la solution dégagée deux semaines plus tôt dans l’affaire de la commune de Bovel (CE, 28 juin 2019, n°425975, aux Tables), elle aussi opposée au dispositif de comptage. Sur ce point, le Conseil d’Etat considère que sur le fondement des dispositions combinées des articles L.322-4 du Code de l’énergie et L.1321-1 du Code général des collectivités territoriales, lorsqu’une commune transfère sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité à un établissement public de coopération, celui-ci devient autorité organisatrice sur le territoire de la commune, et par voie de conséquence propriétaire des ouvrages des réseaux. En l’espèce, la commune de Cast a transféré sa compétence en matière d’organisation de la distribution d’électricité au syndicat départemental d’électricité du Finistère, lequel est donc l’autorité organisatrice sur le territoire communal. Dès lors, la commune ne pouvait se voir attribuer la qualité de propriétaire des installations de comptage et ne disposait donc pas de la compétence pour s’opposer au déploiement des compteurs sur ce fondement. Dans la mesure où la très grande majorité des communes ont transféré leur compétence en la matière à un établissement public, celles-ci se voient désormais privées d’un moyen de s’opposer au déploiement des compteurs sur leur territoire. Compteur Linky et pouvoirs du Maire: Mais l’arrêt retiendra également l’attention du lecteur concernant la possibilité pour le maire de s’opposer au déploiement des compteurs au titre de ses pouvoirs de police générale, qu’il se doit d’utiliser afin de veiller au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques sur le territoire communal. En l’occurrence, le maire de Cast avait décidé de suspendre l’implantation des compteurs sur le territoire communal pour des motifs liés à l’utilisation des données et à l’impact des dispositifs sur la santé humaine. Dans sa décision, le Conseil d’Etat a procédé à l’interprétation suivante de la réglementation applicable : D’une part, il appartient au Premier ministre de fixer par décret les modalités de mise à disposition des données devant être recueillies par les compteurs électriques communicants ; D’autre part, l’article R. 323-28 du code de l’énergie prévoit que les dispositions techniques adoptées pour les ouvrages de réseaux publics d’électricité doivent satisfaire aux prescriptions techniques fixées par un arrêté pris conjointement par le ministre chargé de l’énergie et le ministre chargé de la santé ; les prescriptions de cet arrêté visant notamment à éviter que ces ouvrages compromettent la sécurité des personnes et des biens et qu’ils excèdent les normes en vigueur en matière d’exposition des personnes à un rayonnement électromagnétique. De plus, les compteurs sont soumis aux dispositions du décret du 27 août 2015 relatif à la compatibilité électromagnétique des équipements électriques et électroniques. La Haute Assemblée en déduit ainsi que le Maire ne peut intervenir via des décisions portant sur l’installation de compteurs électriques communicants qui seraient destinées à protéger les habitants contre les effets des ondes émises  : « 9. Il appartient ainsi aux autorités de l’Etat de veiller, pour l’ensemble du territoire national, non seulement au fonctionnement optimal du dispositif de comptage au vu notamment des exigences d’interopérabilité mais aussi à la protection de la santé publique par la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques, en mettant en œuvre des capacités d’expertise et des garanties techniques indisponibles au plan local. Dans ces conditions, si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la…

Déchets dangereux et “entrées miroirs” : la CJUE focalise sur la précaution

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) En se prononçant pour la première fois sur la classification des déchets de la catégorie des « entrées miroirs », la Cour de Justice (CJUE, 28 mars 2019, C-487/17 à C-489/17) opte pour une méthode de classification par « principe » « précautionneuse ». En l’espèce, une trentaine de responsables d’installations de stockage de déchets italiens étaient accusés de trafic de déchets, et d’avoir notamment qualifié en déchets non dangereux des déchets potentiellement dangereux. Étaient en causes des déchets de la rubrique dite des « entrées miroirs », c’est-à-dire pouvant relever de la catégorie des déchets dangereux et non dangereux. Ils auraient, sur la base d’analyses chimiques non exhaustives et partielles, attribué auxdits déchets des codes correspondant à des déchets non dangereux et les auraient, ensuite, traités dans des décharges pour déchets non dangereux. Dans ce contexte, le Giudice per le indagini preliminari del Tribunale di Roma (juge des enquêtes préliminaires près le tribunal de Rome, Italie) a ordonné diverses mesures de saisie visant les décharges où les déchets en cause avaient été traités ainsi que les capitaux appartenant aux propriétaires de ces décharges et a, dans ce contexte, nommé un commissaire judiciaire chargé de la gestion desdites décharges et des sites de collecte et de production de déchets pour une période de six mois. Saisi de plusieurs recours introduits par les prévenus contre lesdites mesures, le Tribunale di Roma (tribunal de Rome) a décidé, par trois ordonnances distinctes, d’annuler ces mêmes mesures Au final la Cour de cassation italienne saisit à titre préjudiciel la CJUE s’interrogeant sur les obligations pesant sur le détenteur de déchets figurant dans la rubrique des « entrées miroirs » en vertu du droit européen de l’environnement. Selon le droit de l’Union européenne, un déchet est qualifié de dangereux lorsqu’il répond à un critère matériel, celui de ses propriétés. Ainsi, l’annexe III de la directive 2008/98 du 19 novembre 2008, modifiée par le  de la Commission détermine la liste des propriétés qui rendent les déchets dangereux. La directive de 2008 a également modifié la décision 200/532/CE en permettant d’établir le caractère dangereux des déchets figurant dans la liste de son annexe et l’article 7 de la directive de 2008 dispose qu’il est nécessaire de tenir compte de « l’origine et de la composition des déchets et, le cas échéant, des valeurs limites de concentration de substances dangereuses ». Sur ces bases communautaires, le classement en dangerosité est d’abord réalisable par la consultation de la « nomenclature déchet », qui est une liste de références établie par la décision CE du 3 mai 2000 modifiée (par la décision n° 2014/955/UE du 18/12/14 et annexée à l’article R. 514-8 du code de l’environnement français). Les déchets marqués d’un astérisque dans la nomenclature sont considérés comme dangereux. La nomenclature déchets est organisée en 20 chapitres avec des sections dotées de trois types de rubriques : les entrées « déchets dangereux dans l’absolu », les entrées « déchets non dangereux dans l’absolu » et les entrées dites « miroirs ». Les deux premières catégories permettent de classer les déchets sans avoir à réaliser une évaluation complémentaire.  Les entrées « miroirs » désignent les  cas  de  figure  où  les  déchets  à  classer  peuvent être dangereux ou non dangereux selon les situations, ceci eu égard à leur composition et/ou à leur mode production mal connus. Dans le cas des entrées « miroirs », il convient de caractériser précisément si le déchet à classer contient des substances dangereuses et en quelles concentrations. La caractérisation de la dangerosité est fondée sur l’étude des propriétés de danger (HP 1 à HP 15), qui nécessite d’évaluer quinze propriétés physico-chimiques, toxiques et écotoxiques d’un déchet par des analyses de laboratoire et des tests spécifiques. Le déchet est classé comme dangereux s’il possède au moins une propriété de danger. Or en l’espèce, les déchets relevant de la catégorie « d’entrées miroirs », leurs détenteurs ne connaissaient pas prétendument la composition des déchets et il leur était difficile d’en apprécier leur dangerosité ; ce qui constituait la base de leur critique des mesures coercitives dont ils étaient l’objet. Le juge italien a souligné les débats que soulève cette catégorie incertaine de déchets, source de complexité. Ainsi, les partisans de la thèse dite de « probabilité » considèrent que dans une telle situation, le détenteur dispose d’un pouvoir d’appréciation dans la détermination de la dangerosité dès lors que des analyses préalables ont été menées. A l’inverse et selon la thèse dite de « sécurité », en vertu du principe de précaution, le détenteur se doit de renverser une présomption de dangerosité afin de classer un déchet en tant que non dangereux. Dans ce contexte, la Cour de cassation italienne a donc opéré un renvoi en interprétation à la Cour de Justice et lui a posé les quatre questions suivantes : «  1)      L’annexe à la décision 2014/955 ainsi que le règlement no 1357/2014 doivent-ils être interprétés, s’agissant de la classification des déchets sous des entrées miroirs dans le sens que, lorsque la composition de déchets n’est pas connue, le producteur de ces déchets doit procéder à leur caractérisation préalable et, dans l’affirmative, dans quelles limites ? 2)     La recherche de substances dangereuses doit-elle être effectuée en vertu de méthodes uniformes prédéterminées ? 3)      La recherche de substances dangereuses doit-elle être fondée sur une vérification précise et représentative qui tienne compte de la composition d’un déchet, si elle est déjà connue ou identifiée lors de la phase de caractérisation, ou bien doit-elle être effectuée selon des critères de probabilité, eu égard aux substances qui pourraient raisonnablement être présentes dans un déchet ? 4)      En cas de doute ou d’impossibilité de déterminer avec certitude la présence ou non de substances dangereuses dans un déchet, ce dernier doit-il, en tout état de cause, être classé et traité comme un déchet dangereux, en application du principe de précaution ? » Malgré des réserves du procureur italien relatives à la recevabilité du renvoi, ce dernier ne mentionnant des actes de l’Union que pour la première des quatre questions, la Cour de Luxembourg a rejoint la position de l’avocat général, estimant que les questions avaient une incidence sur le…

Principe de précaution et fixation des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques (CE, 7 mars 2018, n°399727)

Par Me Lucas DERMENGHEM- Green Law Avocats L’association Robin des Toits avait sollicité du Premier ministre qu’il procède à l’abaissement des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements de téléphonie mobile, prévues par le décret n°2002-775 du 3 mai 2002. Saisi du recours de cette association tendant à l’annulation du refus du Premier ministre de procéder à cet abaissement, le Conseil d’Etat a rejeté néanmoins cette demande par un arrêt du 7 mars 2018 (CE, 7 mars 2018, n°399727). Cette décision suscite l’intérêt notamment en ce qu’elle décline la méthodologie d’application du principe de précaution – invoqué par l’association – à la fixation des valeurs limites d’exposition en matière de champs électromagnétiques. Ce sujet délicat est en effet l’un des domaines dans lesquels l’application du principe de précaution est régulièrement sollicitée, en raison de l’évolution des connaissances scientifiques et de la mouvance du cadre de protection de la santé humaine en la matière. La Haute Assemblée détaille ainsi la méthode que doit suivre l’autorité compétente de l’Etat pour la fixation des valeurs limites précitées : « Considérant que, s’agissant de la fixation des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements de téléphonie mobile, l’autorité compétente de l’Etat doit rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, la réévaluation de ces valeurs par application du principe de précaution ; que, pour remplir cette obligation, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d’évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d’une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d’autre part, à l’intérêt de l’opération, les mesures de précaution dont l’opération est assortie afin d’éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives ; qu’il appartient au juge, au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée, puis de s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution »[1] Cette rédaction n’est pas sans rappeler une décision précédemment rendue par le Conseil d’Etat, déjà sur le thème de l’application du principe de précaution en matière d’ondes électromagnétiques, à propos de la construction de la ligne Très-Haute-Tension (THT) « Cotentin-Maine » (CE, 12 avril 2003, Association Coordination interrégionale STOP THT et autres, req. n° 342409). Si les considérants de principe de ces deux décisions sont presque identiques, on s’étonnera toutefois des termes employés par la Haute Assemblée dans l’arrêt le plus récent. En effet, dans son arrêt de 2013, le Conseil d’Etat estimait que des procédures d’évaluation du risque devaient être mises en œuvre par les autorités publiques dans le cas où existaient des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque pour l’environnement ou pour la santé (Cf. considérant n°37 de l’arrêt). Dans l’arrêt de 2018, la rédaction employée suggère que c’est précisément la mise en place de procédures d’évaluation qui doit permettre d’identifier un tel risque. Selon le Conseil d’Etat, l’évaluation du risque doit désormais être l’un des outils permettant d’identifier le risque et ne doit pas intervenir a posteriori, une fois le risque identifié. Dans la décision commentée, la Haute Assemblée constate d’abord que des procédures d’évaluation des risques ont été mises en œuvre, par la mission de veille et de vigilance en matière de radiofréquences exercée par l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et par le contrôle du respect des valeurs limites d’exposition effectué par l’Agence nationale des fréquences (Cf. considérant n°4 de l’arrêt ). Ensuite, le Conseil d’Etat constate que les mesures de précaution entourant la fixation des valeurs limites d’exposition au public des champs électromagnétiques sont suffisantes, à la lumière de l’état des connaissances scientifiques engagées à ce jour, lesquelles ne plaident pas en faveur de l’abaissement des valeurs limites d’exposition (Cf. considérant n°5 de l’arrêt). Ainsi : les conclusions des nombreuses recherches scientifiques consacrées aux effets non thermiques des ondes radioélectriques, dont plusieurs études internationales, n’ont pas mis en évidence d’effet athermique de ces ondes sur l’homme entraînant des conséquences sanitaires délétères, en l’absence de mise en évidence de tels effets, le Conseil de l’Union européenne n’a pas révisé sa recommandation du 12 juillet 1999 relative à l’exposition du public aux champs électromagnétiques (Cf. Recommandation du Conseil n° 1999/519/CE du 12/07/99 relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz), J.O.C.E n° L 199 du 30 juillet 1999) préconisant les valeurs limites qui ont été reprises par le Premier ministre dans le décret du 3 mai 2002 ; les rapports d’expertise collective publiés par l’ANSES en 2009 et 2013 n’ont pas préconisé la révision de ces valeurs limites ; la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants a certes engagé une révision de ses propres conclusions concernant les hautes fréquences mais, comme l’a indiqué la Commission européenne, il convient d’attendre les conclusions de ces travaux pour examiner à nouveau la pertinence des valeurs limites d’exposition. Le Conseil d’Etat en conclut qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, et dans l’attente des résultats des travaux engagés, il ne peut être considéré que le Premier ministre a commis une erreur d’appréciation en s’abstenant de modifier à la baisse les valeurs limites d’exposition (Cf. considérant n°6 de l’arrêt.). On remarquera toutefois que le Conseil d’Etat prend le soin de souligner que des travaux ont été engagés et que leurs résultats sont attendus. Cela pourrait-il suggérer qu’en fonction de leur contenu, ces conclusions seront susceptibles d’entraîner la modification des seuils d’exposition actuellement fixés et que le refus de procéder en ce sens pourra, cette fois, constituer une…

Antennes relais : le Conseil d’Etat prive même le maire de l’information de précaution !

Par un arrêt remarqué en date du 23 octobre 2013 « société O. » (CE, 23 octobre 2013, Société O., n° 360481), le Conseil d’Etat vient apporter d’intéressantes précisions sur les documents que le maire peut exiger d’un opérateur téléphonique qui souhaite construire des antennes relais sur le territoire de sa commune. Il en ressort que le maire ne peut exiger d’un opérateur une information dite de précaution au stade de l’instruction d’une déclaration préalable lorsque celle-ci n’est pas prévue par les textes (en dehors de tout texte). L’information de précaution est une manifestation du principe de précaution en ce qu’elle doit éclairer l’édile municipal sur les risques liés à l’implantation d’antennes relais lorsqu’il agit en qualité d’autorité compétente en matière d’urbanisme. Les faits étaient simples. Le maire d’Issy-les-Moulineaux (92) avait, par arrêté, fait opposition à la déclaration préalable de travaux d’implantation de deux antennes relais par la société O. aux motifs « qu’une école et deux crèches se situent dans un rayon de 100 mètres autour du relais, que l’estimation du niveau maximum du champ [électromagnétique] reçu sous la forme d’un pourcentage par rapport à la valeur de référence de la recommandation européenne est absente du dossier [de déclaration préalable] ». Accessoirement, le maire soutenait que d’un point de vue paysager, les antennes ne s’intégraient pas à l’environnement urbain. En première instance, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetait le recours de la société sur le fondement de l’article L. 96-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) en relevant que l’autorité compétente en matière d’urbanisme pouvait s’opposer à la déclaration préalable si l’opérateur ne lui avait pas fourni les éléments permettant de l’assurer que le projet n’est pas susceptible de violer le principe de précaution. En cassation, le Conseil d’Etat annule le jugement du TA ainsi que l’arrêté d’opposition à déclaration préalable de travaux. Pour ce faire, le Conseil d’Etat censure d’une part l’interprétation faite par le TA de l’article L. 96-1 du CPCE (I) et d’autre part, la haute juridiction, réglant l’affaire au fond, constate l’absence d’éléments au dossier justifiant l’application du principe de précaution par le maire (II). L’arrêt « société O. » confirme que l’implantation d’antennes relais de la téléphonie mobile est insoluble dans le principe de précaution (III). I – La nouvelle piste de l’information fait “pschitt” Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle que dans la version de l’article 96-1 CPCE applicable à la date de l’arrêté attaqué : « Toute personne qui exploite, sur le territoire d’une commune, une ou plusieurs installations radio-électriques est tenue de transmettre au maire de cette commune, sur sa demande, un dossier établissant l’état des lieux de cette ou de ces installations […] ». Ces dispositions visent donc à obliger, sur demande du maire, les exploitants d’antennes relais en exploitation, à transmettre des informations sur l’état des lieux des installations. En l’espèce, le maire considérait incomplet le dossier qui ne comprenait pas l’estimation du niveau maximum du champ électromagnétique reçu sous  forme d’un pourcentage par rapport à la valeur de référence de la recommandation européenne sur le sujet. Toutefois, le Conseil d’Etat juge qu’au stade de l’instruction du dossier, le maire ne peut exiger d’autres documents que ceux prévus par le code de l’urbanisme même lorsque l’application du principe de précaution est en jeu. Les juges du Palais Royal font ici application du principe qu’ils ont pu dégager selon lequel le principe de précaution ne permet pas à une autorité publique de dépasser son champ de compétence (trois arrêts du même jour : CE, Ass, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, req. n° 326492 ; Commune de Pennes-Mirabeau, req. n°329904 ;  SFR, req. n°s 341767 et 341768). II – L’absence d’éléments circonstanciés tendant à établir l’existence de risques même incertains Dans un deuxième temps, pour régler l’affaire au fond, le Conseil d’Etat reprend son considérant de principe dégagé dans un autre arrêt (CE, 30 janvier 2012, société O., req. n° 344992) selon lequel : « S’il appartient, à l’autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme, les dispositions de l’article 5 de la Charte de l’environnement ne permettent pas, indépendamment des procédures d’évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d’être mises en œuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d’une autorisation d’urbanisme en l’absence d’éléments circonstanciés sur l’existence, en l’état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus d’autorisation » Rappelant, s’il le fallait encore, que le principe de précaution est opposable à l’implantation d’antennes relais (voir en ce sens : CE, 19 juillet 2010, Association du quartier des Hauts de Choiseul, req. n° 328687), la haute juridiction considère qu’aucun élément du dossier de déclaration préalable soumis au maire d’Issy-les-Moulineaux n’est susceptible d’établir l’existence d’un risque pour les riverains pouvant résulter de l’exposition aux champs électromagnétiques émis par les antennes relais. Enfin, le Conseil d’Etat relève que le droit d’accès aux informations environnementales consacré à l’article 7 de la Charte de l’environnement « n’habilite pas, par elle-même, le maire d’une commune à exiger le production de documents non prévue par les textes législatifs ou réglementaires en vigueur, ni à instaurer une procédure, elle-même non prévue par les textes en vigueur ». Cette précision utile tend à neutraliser l’invocation directe de la Charte de l’environnement par un maire qui exige, au stade de l’instruction d’un dossier de déclaration préalable, des éléments qu’il ne peut légalement requérir pour fonder sa décision. A titre subsidiaire, le Conseil d’Etat estime que l’implantation des antennes relais dans un « environnement urbain » exclut du champ de visibilité de monuments d’intérêts historiques et paysagers n’est pas de nature « à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants ». III – Insolubilité du principe de précaution en matière d’antennes relais : solution nouvelle ou continuité jurisprudentielle ? Alors que les sages du Palais Royal ont récemment fixé finement « la méthodologie du principe de précaution » (« La méthodologie du principe de précaution fixée par le Conseil d’Etat » in Droit de l’environnement, n° 216, pp….

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