La cohabitation des éoliennes et des radars : plus que jamais une question d’expert! (CE, 30 déc. 2013, “Sté E.”)

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt ce 30 décembre 2013 qui constitue une nouvelle étape sur le long chemin des opérateurs éoliens cherchant à cohabiter avec un radar météo (CE, 30 décembre 2013, “Ste E.”, n°352693). Cet arrêt fait suite à celui de la Cour administrative d’appel de Douai du 30 juin 2011 qui avait confirmé la légalité d’arrêtés préfectoraux de refus de permis de construire fondés sur la localisation d’un parc éolien dans la zone dite “de coordination” autour d’un radar météo (soit entre 5 et 20km autour du radar). Il n’est pas inutile de rappeler que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai intervenait lui même à la suite d’une expertise ordonnée par ladite Cour, et réalisée par un expert dont il sera établi par la suite qu’il ne présentait pas les garanties d’impartialité requises. En effet, un autre opérateur dont une expertise avait été diligentée devant le TA d’Amiens à l’égard d’un autre radar météo (celui d’Avesnes s/ Helpe, alors que le dossier devant la CAA de Douai et maintenant jugé par le Conseil d’Etat concernait le radar d’Abbeville), avait sollicité la récusation de cet expert, avec succès (voir notre analyse de l’ordonnance de récusation du 10 avril 2012). Un pourvoi en cassation est enregistré en décembre 2011 contre l’arrêt de la CAA de Douai fondé sur l’expertise réalisée par cet expert. Cependant, le Conseil d’Etat par une décision du 30 décembre 2013 rejette ce pourvoi en considérant notamment: “8. Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable : ” Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions projetées, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d’autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ” ; 9. Considérant que la cour a relevé que le projet de champ éolien serait de nature à provoquer ” un affaiblissement de la précision et de la fiabilité des estimations des précipitations à partir des mesures en réflectivité, d’une part, et, surtout, une dégradation de l’évaluation de la vitesse du vent par mode Doppler, d’autre part ” ; qu’elle a également estimé que la société requérante ne pouvait utilement soutenir que les radars utilisés pourraient être adaptés afin de permettre la réalisation de son projet ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt en jugeant que les perturbations engendrées par le parc éolien seraient de nature à altérer le fonctionnement du radar météorologique ne peut qu’être écarté ; 10. Considérant que la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis et qu’elle n’a pas dénaturés une appréciation souveraine en jugeant, par une décision suffisamment motivée et exempte d’erreur de droit, qu’il ressortait des pièces du dossier que les dysfonctionnements induits par les éoliennes sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme en raison de la perturbation importante de la détection des phénomènes météorologiques dangereux qu’elles entraînent, sans réelle possibilité de neutralisation de leurs effetset, par suite, que le préfet de la Somme n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en refusant de délivrer le permis de construire les installations litigieuses ;’ Contrairement à ce qu’un survol de la décision pourrait laisser penser, il nous semble que la Haute juridiction ne pouvait malheureusement pas juger dans un sens différend. D’une part, s’agissant du défaut d’impartialité de l’expert que l’opérateur avait soulevé postérieurement à l’arrêt de la Cour et pour la première fois en cassation, il s’agit là d’un “moyen nouveau”. Juridiquement, il est constant qu’un tel moyen est inopérant (et même sans qu’il soit besoin d’en informer préalablement les parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative : CE, 24 novembre 2010, Commune de Lyon, n° 325195, T. p. 932). C’est profondément regrettable, surtout qu’en l’espèce, le défaut d’impartialité de cet expert avait été reconnu par une décision définitive du Tribunal administratif d’Amiens au sujet d’une expertise sur certains points comparables. C’est dire que le Conseil d’Etat, pour un pur motif de procédure, est contraint de ne pas censurer un rapport d’expertise dont il est de notoriété publique qu’il est profondément biaisé. D’autre part, le juge de cassation n’a pu ici que contrôler, s’agissant des faits qui ont été soumis à l’appréciation des juges d’appel, que leur “dénaturation” . Rappelons que le juge de cassation suit le principe selon lequel il ne contrôle pas les faits en cassation. Notamment, il s’interdit de contrôler les éléments de preuve car ils relèvent de la souveraineté des juges du fond (CE, 7 mars 1962, Jaffré : Rec. CE, tables, p. 1086. – 19 janv. 1966, Lion Mayer : Rec. CE, p. 43. – 13 nov. 1991, Brami, req. n° 98515. – sect., 10 juill. 1992, Normand : Rec. CE, tables, p. 889-905. – 22 mars 1993, CHR de Brest : Rec. CE, p. 79). Néanmoins, certains contrôles peuvent encore être opérés en cassation, comme celui de la “dénaturation des faits”. La dénaturation des faits peut permettre au juge de cassation de sanctionner les appréciations opérées par le juge du fond à partir du moment où elles ont donné des faits une interprétation fausse ou tendancieuse (CE, 4 janv. 1952, Simon : Rec. CE, p. 13, concl. M. Letourneur. – 9 févr. 1966, com. Gouv. près la commission régionale des dommages de guerre de Colmar c/ Dame Debré-Feldbau : Rec. CE, p. 101. – 16 mars 1975, Bischoff : RD publ. 1975, p. 1453. – 3 déc. 1975, Bové : RD publ. 1976, p. 618. – 25 nov. 1985, Dame Frapier de Montbenoît-Gervais : Rec. CE, p. 911. – 23 juin 1993, Cne de Lespinasse, req. n° 129363. – 13 déc. 1993, Albert Beaume, req. n° 117130 : Dr. fisc. 1994, n° 13, comm. 644, concl. Loloum. – 26 janv. 1994, Knafo : Dr. fisc. 1994, n° 15, comm. 751. – 26 janv. 1994, Panas : Dr. fisc. 1994, n° 18, comm. 831. –…

Urbanisme: attention aux Maires intéressés!

Les hypothèses de conflit d’intérêt de Maires dans des projets d’aménagement sur la commune sont de plus en plus fréquentes. La réponse ministérielle récemment publiée (Question n°3310, disponible ici), apporte un éclairage sur les conditions dans lesquelles un maire pouvait délivrer un permis de construire au bénéfice de la commune. A ce titre, deux questions sont posées : 1° Avant le dépôt d’une demande de permis de construire au bénéfice de la commune, le maire doit-il y être autorisé par une délibération du conseil municipal allant dans ce sens ? 2° Dans l’hypothèse du succès de la demande, le maire peut-il signer lui-même le permis de construire ou faut-il que le conseil municipal désigne un autre de ses membres pour le signer qui pourrait être, le cas échéant, l’élu chargé de l’urbanisme recevant délégation sous le contrôle et l’autorité du maire ? Le ministre de l’Intérieur rappelle d’une part que le maire peut délivrer un permis de construire au nom de la commune bien qu’il soit limité dans le cas d’un intéressement à la réalisation du projet (I). D’autre part, le ministre mentionne l’obligation légale du vote d’une délibération permettant à un autre membre du conseil municipal de délivrer le permis de construire en cas d’intérêt personnel du maire (II). I – Le maire peut délivrer un permis de construire à la commue sauf à ce qu’il ait un intérêt personnel à la délivrance du permis En premier lieu, la réponse rappelle qu’en dehors de toute délibération expresse allant dans ce sens, le maire peut délivrer un permis de construire pour un bâtiment de la commune. Toutefois, il est fait obstacle à cette compétence du maire  dans deux cas : Lorsque le maire remplit les conditions de la prise illégale d’intérêt de l’article 432-12 du code pénal selon lequel est un délit « Le fait, […] par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement […] » ;    Lorsque le maire est considéré comme étant « intéressé au projet […] soit en son nom personnel, soit comme mandataire » au sens de l’article L. 422-7 du code de l’urbanisme. Or, la notion d’intéressement au projet n’est ni précisée dans le code de l’urbanisme, ni dans la réponse ministérielle. Pour savoir ce qu’elle englobe, il faut se référer à la jurisprudence administrative qui en a dessiné les contours au cas par cas. Tout d’abord, il existe un principe général du droit selon lequel les autorités administratives au sein desquelles se trouvent le maire doivent prendre les décisions qu’elles sont compétentes pour prendre dans le seul intérêt public et jamais dans un intérêt personnel (CE, 29 avril 1949, Bourdeaux). Par suite, la jurisprudence en a tiré les conséquences logiques, et les exemples sont nombreux. Ainsi, est déclaré intéressé un maire délivrant un permis de construire sur un terrain dont il est le propriétaire (CE, 22 nov. 1995, Comité action locale de la Chapelle-Saint-Sépulcre, req. n° 95859), lorsque le maire est associé de la société bénéficiaire du permis de construire (CAA Paris, 29 décembre 1994, Sirot) ou bien que l’associé est son épouse (CAA Bordeaux, 21 octobre 2004, Préfet de Charente-Maritime). L’intérêt personnel du maire est encore caractérisé en cas de lien professionnel entre le maire signataire et le bénéficiaire du permis (CAA Nantes, 15 avril 1998, Breton). A l’inverse, le maire qui délivre un permis de construire à un organisme HLM dont il est le président ne permet pas de le regarder comme personnellement intéressé à la réalisation dudit projet (CE, 24 juin 1988, Dedin Laportas). Le fait de délivrer un permis de construire pour le compte de la commune n’a pas pour effet de caractériser un intérêt personnel du maire (CE, 23 octobre 2002, Commune de Chamonix-Mont-Blanc, req. n° 219663). En outre, le maire qui, avant son élection, exerçait la profession de géomètre expert a réalisé une étude pour le compte d’une société impliquée dans le projet mais qui s’est abstenu, après son élection, d’en connaître ne permet pas d’identifier le maire comme personnellement intéressé (CE, 26 février 2001, Mme Dorwling-Carter, req. n° 21318). Enfin, le maire qui délivre un permis de construire pour un terrain dont le vendeur préalable était son frère et que son épouse travaille dans une agence immobilière sur le territoire de la commune ne constitue pas un intérêt personnel susceptible d’annuler le permis de construire (CE, 3 septembre 2008, M. Rosso et Mme Marcant, req. n°276115). La jurisprudence a dessiné une grille de lecture à destination des édiles communaux et intercommunaux en l’absence d’une présomption générale permettant de définir ce qui relève ou non de l’intérêt personnel. En conséquence, la caractérisation d’un intérêt personnel du maire relève d’une appréciation au cas par cas, en fonction des éléments d’espèce (CE, 12 février 1986, Commune d’Ota). II – L’obligation de prendre une délibération municipale afin de désigner un autre membre du conseil municipal qui délivrera le permis de construire Après avoir rappelé, en vertu de l’article L.2122-18 du code général des collectivités territoriales, que le maire « peut déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal », la réponse du ministre de l’Intérieur se base sur l’article L. 422-7 du code de l’urbanisme pour énonçait que seul le conseil municipal peut par délibération, désigner un de ses membres pour délivrer le permis de construire. En effet, l’article L. 422-7 précité dispose que « Si le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale est intéressé au projet faisant l’objet de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant de l’établissement public désigne un autre de ses membres pour…

Permis de construire: attention à sa péremption et aux conséquences pénales

Par une réponse ministérielle en date du 05 novembre 2013 (réponse ministérielle, 14ème législature, Question n°25915 de Madame Marie-Jo ZIMMERMANN qui peut être consultée ici), le ministre de l’égalité des territoires et du logement a apporté des précisions sur la péremption d’un permis de construire légalement accordé et les condamnations pouvant découler de cette situation. En espèce, la ministre avait été interrogée sur le cas d’une personne qui a obtenu un permis de construire pour un immeuble : l’intéressé avait creusé un trou très important pour les fondations, puis avait abandonné les travaux. Ceux-ci ont été interrompus pendant deux ans et, ensuite, le permis de construire a été annulé. Le maire avait d’ores et déjà demandé à l’intéressé de sécuriser les abords du trou mais le ministre était amené à préciser si le maire pouvait en plus obliger l’intéressé à reboucher purement et simplement le trou. Texte de la réponse ministérielle : « L’article R. 424-17 du code de l’urbanisme prévoit que le permis de construire est périmé si les travaux autorisés sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. Dans ce cas, le permis de construire accordé n’a plus d’existence légale. Dès lors, les travaux entrepris, tels ceux se rapportant aux fondations d’un immeuble, sont réputés comme exécutés sans autorisation d’urbanisme. Ces travaux sont par conséquent constitutifs d’une infraction pénale, devant être constatée par l’établissement d’un procès verbal dans les conditions prévues à l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme. En cas de condamnation du bénéficiaire du permis de construire devenu caduc, le juge peut assortir sa décision d’une obligation de réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur, conformément aux dispositions de l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme ». Cette réponse ministérielle permet de rappeler une nouvelle fois les règles strictes entourant la validité des permis de construire. Aux termes de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme « Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux ». Il est à noter qu’en cas de recours contre le permis le délai de validité est suspendu jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable. Les bénéficiaires peuvent également solliciter une prorogation du délai de validité du permis. Le bénéficiaire du permis peut commencer les travaux après avoir : adressé au maire, en trois   exemplaires, une déclaration d’ouverture de chantier (le modèle de   déclaration CERFA no 13407 est disponible à la mairie ou sur le   site internet urbanisme du gouvernement) ; installé sur le terrain, pendant toute la  durée du chantier, un panneau visible de la voie publique décrivant le projet. Le modèle de panneau doit être conforme aux prescriptions des articles A. 424-15 à A. 424-19 du code de l’urbanisme. En cas d’annulation du permis de construire ou de péremption de ce dernier, les travaux entrepris sont réputés comme exécutés sans autorisation d’urbanisme et des sanctions pénales sont encourues, sauf régularisation. Comme le rappelle la réponse ministérielle, lorsque l’autorité administrative et/ou le maire compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoit l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme, ils sont tenus d’en faire dresser procès-verbal, lequel est transmis au ministère public pour poursuites. En cas de condamnation d’une personne physique ou morale pour une infraction prévue à l’article L 480-4 du code de l’urbanisme, le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du préfet, statue, même en l’absence d’avis en ce sens de ces derniers : Soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l’autorisation ou la déclaration en tenant lieu, Soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur. Le tribunal peut également ordonner la publication de tout ou partie du jugement de condamnation, aux frais du condamné, dans 2 journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ainsi que son affichage dans les lieux qu’il indiquera. Une très grande vigilance doit dès lors être portée par les pétitionnaires sur les possibilités de péremption de leurs permis de construire pourtant légalement accordé initialement. Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

Urbanisme: suppression de l’appel contre certaines autorisations, et nouvelles limitations procédurales

Après l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, le Gouvernement poursuit la réforme du contentieux de l’urbanisme avec la publication hier au JORF du décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013, qui vient supprimer l’appel pour certains litiges et introduit des limitations procédurales pour une grande majorité de contentieux. Le juge pourra refuser de nouveaux moyens d’annulation après une date fixée par ses soins Dans le but de réduire le délai de traitement des recours contentieux qui peuvent retarder la réalisation d’opérations de construction de logements, le nouveau décret introduit dans le code de l’urbanisme un article R* 600-4 selon lequel, à compter de son entrée en vigueur « le juge devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués » lorsque ce dernier est saisi d’une demande motivée en ce sens par une des parties. On remarquera que cet outil ne pourra être utilisé que dans des cas bien précis – seulement des recours contre des permis de construire, d’aménager ou de démolir: cela ne concerne pas les recours contre les arrêtés de non opposition à DP, ni les autres autorisations qui peuvent être délivrées (à notre sens: permis de construire modificatif, arrêté de transfert de permis, arrêté de prorogation etc…). – cela ne concerne pas les recours contre des refus de telles autorisations. C’est dire que le pétitionnaire qui s’est vu refuser une autorisation ne pourra pas, de surcroit, se voir limiter la possibilité de produire des moyens devant le juge. Désormais lorsqu’une partie en fait la demande, lors de la phase d’instruction du recours contentieux, le juge peut fixer une date butoir au-delà de laquelle aucun nouveau moyen (c’est à dire un argument juridique) ne pourra être soulevé par une partie. Cette nouvelle règle de procédure qui est censée réduire les délais de traitement des recours contentieux est incitative pour les parties – surtout la partie défenderesse – puisque ce sont elles qui sont en mesure d’abréger la durée de l’instruction. En pratique, les requérants devront donc veiller à analyse en profondeur l’autorisation attaquée, et gageons que cela évitera des situations très fréquentes où les requérants produisent au dernier moment (parfois 4 jours avant l’audience) un mémoire contenant un nouveau moyen pouvant tout faire basculer. La deuxième nouveauté procédurale concerne, quant à elle, l’impossibilité de faire appel d’un jugement rendu par un tribunal administratif sous certaines conditions posées par le décret. La suppression expérimentale de l’appel pour certains contentieux contre des PC en zone assujettie à la TLV La limitation de la possibilité de faire appel existe déjà dans certains contentieux mais l’urbanisme était jusqu’ici épargné. Le décret n° 2013-879 crée au sein du code de justice administrative un article R. 811-1-1 selon lequel l’appel n’est plus ouvert  pour “les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application ». L’article 232 du code général des impôts concerne les communes où les bâtiments sont assujettis à la taxe sur les logements vacants en raison d’ « un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant ». Cette règle s’inscrit dans la même logique que celle de l’article R* 600-4 du code de l’urbanisme. Il s’agit (dans l’hypothèse restreinte prévue par l’article R 811-1 CJA), d’empêcher de faire appel d’un jugement qui maintient la légalité d’un permis de construire ou d’un permis d’aménager, dans le but avoué de favoriser la création de nouveaux logements. Notons enfin que l’article R. 811-1-1 n’a, pour l’instant, qu’une portée expérimentale c’est-à-dire qu’il ne s’applique qu’aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018. Valentin Guner Green Law Avocat

Urbanisme: le juge précise les conditions d’exercice du droit à reconstruction à l’identique (L111-3 CU et CAA Lyon, 19 mars 2013, n°12LY01618)

Par Etienne Pouliguen, juriste au Cabinet GREEN LAW AVOCAT   Par un arrêt en date du 19 mars 2013 (CAA Lyon, 19 mars 2013, n°12LY01618), la Cour administrative d’appel de Lyon est venue apporter des précisions sur l’application d’une règle d’urbanisme – à savoir l’article L. 111-3 alinéa 1 qui prévoit la possibilité de reconstruction à l’identique d’un bâtiment sinistré – dont l’éolien fait encore une fois les frais.   En effet, dans cette affaire, l’exploitant d’une éolienne ayant été endommagée par un incendie, avait sollicité un permis de construire en vue de sa reconstruction au titre de l’article L. 111-3 alinéa 1 du code de l’urbanisme, ce à quoi le Préfet avait répondu favorablement. Cependant, c’était sans compter sur deux associations locales qui, relevant notamment que les formalités de l’étude d’impact et de l’enquête publique applicables alors au permis de construire éolien n’avaient pas été respectées, ont attaqué le permis de construire accordé. En première instance, le tribunal administratif de Lyon leur donna raison et annula le permis de construire litigieux.   L’exploitant éolien, évidemment insatisfait d’une telle décision, interjette appel en soutenant notamment que l’article L. 111-3 alinéa 1 du code de l’urbanisme permettait au Préfet de délivrer un permis de (re)construction de l’éolienne sans que soient réalisées à nouveau une étude d’impact et une enquête publique, formalités déjà accomplies lors de la demande initiale de permis de construire. De par cette argumentation, c’est tout naturellement autour de l’interprétation de l’article L. 111-3 alinéa 1 du code de l’urbanisme que les débats se sont orientés. Cependant, préalablement à l’étude de l’interprétation retenue par la Cour administrative d’appel, un bref historique de la disposition s’impose.   C’est en fait la loi pour la Solidarité et le Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000 qui, pour faciliter la réparation des dégâts causées par la tempête de 1999, a introduit à l’article L. 111-3 du Code de ku’rbanisme  une disposition autorisant la reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit par un sinistre lorsqu’il avait été régulièrement édifié. Cette disposition a par la suite été remaniée par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 pour élargir son champ d’application à tous les immeubles ayant subi une démolition, quelle qu’en soit l’origine, depuis moins de 10 ans. Ainsi, désormais, peu importe que la démolition soit volontaire ou résulte d’un sinistre pour que la construction puisse être reconstruite à l’identique puisque le Code prévoit dorénavant : « La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d’urbanisme en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié » (C. urb., art. L. 111-3, al. 1).   C’est cette version de la disposition que la Cour administrative d’appel de Lyon a eu à interpréter afin de déterminer si toutes les formalités déjà accomplies lors de la délivrance du permis de construire initial devaient être à nouveau respectées préalablement à la délivrance du permis de reconstruction.   Dans la première partie d’un considérant qui se veut de principe, les juge lyonnais décident que :  « [l’article L. 111-3, alinéa 1]  n’a ni pour objet ni pour effet de dispenser le pétitionnaire et l’autorité d’urbanisme du respect des formalités prévues par les textes en ce qui concerne la présentation et l’instruction des demandes de permis de construire, quand bien même elles avaient été accomplies lors de la délivrance du permis initial et ce dernier fût-il récent ».   Cette affirmation, si elle semble de premier abord être complètement déconnectée du sens de l’article L. 111-3 alinéa qui donne par principe le droit à reconstruction d’un bâtiment sinistré ou démoli, n’en n’est pas moins l’aboutissement de jurisprudences déjà bien établies. En effet, si le nouvel article L. 111-3 CU avait pu faire dire au juge judiciaire que ces nouvelles dispositions exemptaient une reconstruction après sinistre de permis de construire, cette interprétation s’est trouvée être isolée et rapidement démentie – et par le gouvernement (Réponse à Q. n°15791, JO Sénat, Q. 28 avr. 2005, p1208) – et par la plus haute juridiction administrative (Conseil d’Etat, 20 fév. 2002, n°235725) (“Considérant enfin que […] les dispositions de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme dans leur rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000, aux termes desquelles : “La reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée, nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d’urbanisme en dispose autrement, dès lors qu’il a été régulièrement édifié”, […] n’ont pour objet ou pour effet de dispenser la personne désireuse d’édifier une construction de solliciter un permis de construire avant d’entreprendre les travaux“).   D’ailleurs, dans le même temps qu’il décide que les dispositions de l’article n’ont pas « pour objet ou pour effet de dispenser la personne désireuse d’édifier une construction de solliciter un permis de construire avant d’entreprendre les travaux », le Conseil d’Etat va plus loin en exigeant que la demande soit présentée dans les mêmes formes que celles prévues pour les nouvelles demandes de permis de construire par le code de l’urbanisme. Cette exigence sera par la suite confortée et précisée par le juge qui décidera que « les dispositions (…) de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme sont sans effet sur l’application des règles de procédure ou de compétence » applicable à une demande de permis de construire (CAA Lyon, 31 juil. 2012, n°12LY00839).   Et finalement, cette exigence se justifie amplement puisque sans demande de permis de construire, l’autorité administrative ne pourrait pas vérifier que les conditions posées par l’article L. 111-3 alinéa 1, sont remplies. En effet, au sens de cet article, l’autorité d’urbanisme se doit de vérifier : que le bâtiment détruit ou sinistré pour lequel est sollicité une reconstruction était régulièrement édifié (pour application : CAA Nantes, 15 fév. 2013, n°11NT01834) ; que la destruction ou la démolition du bâtiment pour lequel est sollicité une reconstruction soit intervenue il y a moins de 10 ans (pour application : Conseil d’Etat, 9 mai 2012, n°341259 ; CAA Lyon, 31 juil….