Contribuable respirez, l’air sain est redevenu gratuit !

Contribuable respirez, l’air sain est redevenu gratuit !

Par David Deharbe Avocat Gérant et Frank ZERDOUMI, juriste (Green Law Avocats)

Le 13 septembre 2024, 48 associations de protection de l’environnement, 8 particuliers et une commune ont demandé au Conseil d’État de constater que les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 n’avaient pas été pleinement exécutées au terme du délai laissé par la décision du 10 juillet 2020, de condamner l’État au paiement de 20 millions d’euros pour la période de deux semestres du 13 juillet 2023 au 13 juillet 2024, de fixer la liste des bénéficiaires de cette condamnation ainsi que les modalités d’attribution des sommes à verser selon la convention d’assistance juridique conclue le 6 mai 2021 entre l’Association Les Amis de la Terre France et son avocat, et de majorer le montant de l’astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 pour la porter à un montant de 20 millions d’euros par semestre de retard dans l’exécution de cette décision.

Le Gouvernement a-t-il exécuté la décision de justice du 12 juillet 2017 dans sa totalité ?

Le Conseil d’État a répondu à cette question par l’affirmative, constatant ainsi que les mesures prises pour respecter les seuils de pollution avaient porté leurs fruits (décision commentée : CE, 25 avril 2025, n° 428409).

Pollution atmosphérique : deux nouvelles astreintes réduites à 5 millions d’euros

Pollution atmosphérique : deux nouvelles astreintes réduites à 5 millions d’euros

Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)

Par une décision en date du 24 novembre 2023 (req. n°428409), le Conseil d’État condamne l’État au paiement de deux astreintes de 5 millions d’euros pour les deux semestres allant de juillet 2022 à juillet 2023, au vu de la persistance de la pollution dans ces deux zones mais également des améliorations constatées.

Le Tribunal administratif de Paris ne manque pas d’air

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Avocat Of Counsel, Green Law Avocats Dans le cadre de l’appel à projets « Réinventer Paris », la Mairie de Paris avait accordé deux permis de construire pour la réalisation de projets intitulés « Mille Arbres » et « Ville Multistrates » comprenant entres autres des logements, bureaux, commerces, un hôtel et des serres agricoles devant s’édifier à l’extrémité ouest de Paris, au niveau de la porte Maillot. La particularité de cet ensemble immobilier est qu’il devait prendre place sur une dalle devant elle-même être construite en surplomb du boulevard périphérique. Les permis de construire délivrés ont cependant été contestés devant le Tribunal administratif de Paris par une société propriétaire d’un terrain situé à proximité du projet et deux associations de défense de l’environnement. Le 2 juillet dernier, les premiers juges ont rendu deux décisions spectaculaires (instances n°1920927 / 1921120 et n°2004241) en prononçant l’annulation « sèche » des permis en litige sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, qui prévoit que « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations. ». Si cet article du code de l’urbanisme est fréquemment appliqué par les autorités compétentes en matière d’urbanisme pour refuser la délivrance d’autorisations ou par les juges saisis en cas de contentieux, les décisions des juges parisiens ont ceci de notable qu’elles retiennent (sans doute pour la première fois) l’existence d’un risque pesant sur la salubrité publiques compte-tenu de la pollution de l’air générée (et subie) par le projet immobilier. Tout d’abord, les décisions du Tribunal administratif de Paris constatent que les projets respectifs des deux permis de construire doivent prendre place dans un secteur déjà concerné par un niveau élevé de pollution de l’air. Cette pollution se caractérise par un taux élevé de particules fines et de dioxyde d’azote (NO2), au-dessus des valeurs limites fixées par le code l’environnement et des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ensuite, les premiers juges ont déduit de l’étude d’impact que le niveau de concentration du dioxyde d’azote demeurera toujours supérieur aux valeurs limites après la réalisation du projet dans son ensemble, et même en augmentation à plusieurs points de mesure situées aux alentours, du fait notamment de la construction de tunnels requise par l’ensemble immobilier. Et le tribunal de noter que des immeubles d’habitation, des bureaux et des établissements recevant du public (dont une résidence pour personnes âgées) sont situés à ces endroits. Il est également relevé que la crèche prévue par l’un des permis de construire sera située au-dessus de la future gare routière et exposée à des valeurs dépassant ou se rapprochant des valeurs seuils de référence. Les premiers juges estiment enfin que la mise en place de mesures permettant d’empêcher l’augmentation de la pollution (mur végétal notamment) sera efficace pour certains polluants mais générera une augmentation des concentrations de dioxyde d’azote à des endroits déjà très touchés. Pour les raisons précitées, le Tribunal administratif a considéré que les permis de construire querellés autorisent un ensemble immobilier portant atteinte à la salubrité publique, en méconnaissance de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme. Mais les décisions intéressent encore davantage en ce qu’elles refusent toute possibilité de régularisation du projet en vertu de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme qui, on le sait, est fréquemment appliqué par les juridictions. Pour rappel, cet article permet au juge saisi d’un recours contre une autorisation d’urbanisme et constatant l’existence d’un vice entachant d’illégalité cette autorisation, de surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation du vice. En l’espèce, la régularisation de chacun des deux permis de construire est rejetée par la juridiction qui considère que cette démarche serait tout simplement impossible sauf à « changer la nature même du projet ». Le Tribunal note ainsi concernant l’un des deux permis de construire qu’une régularisation impliquerait que les modifications qui y seraient apportées entraînent une « diminution globale, pérenne et suffisamment certaine des niveaux de concentration des polluants dans l’air ambiant sur le terrain d’assiette même du projet, qui a vocation à accueillir des habitations et des bureaux, et dans les rues adjacentes, dans lesquelles sont situés des immeubles d’habitation et des établissements recevant du public, dont un établissement scolaire et une résidence pour personnes âgées, afin que l’implantation de l’immeuble projeté ne conduise pas, en raison des déplacements de la pollution qu’il entraîne, à un dépassement des seuils de concentration de dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air ambiant. » Au final, l’annulation « sèche » des permis est perçue par le Tribunal administratif de Paris comme la seule décision viable en réponse aux recours intentés par les opposants. Il s’agit là de jugements particulièrement notables en ce qu’ils procèdent à l’annulation pure et simple d’autorisations d’urbanisme en tenant compte d’un motif de risque pour la salubrité publique (la pollution atmosphérique) sans doute jamais consacré auparavant au titre de l’article R. 111-2 Difficile de ne pas percevoir également entre les lignes de ces décisions une nouvelle condamnation, de la part des juges parisiens, de l’insuffisance des politiques publiques en matière de lutte contre la pollution de l’air, dans la continuité des décisions rendues le 4 juillet 2019 et reconnaissant la carence fautive de l’Etat en la matière (TA Paris, 4 juillet 2019, n°1709933, n°1810251, n°1814405).

Inaction climatique : le Conseil d’Etat fixe son calendrier prévisionnel après les condamnations de l’Etat

Par Maître David Deharbe (GREEN LAW AVOCATS) Par un communiqué de presse du 22 février 2021, le Conseil d’Etat est venu dérouler les étapes du calendrier des suites qu’il réserve à ses décisions de juillet et novembre 2020 relatives à la pollution de l’air et à la réduction des gaz à effet de serre. Pour mémoire, dans la première affaire, le Conseil d’Etat, saisi par des associations et collectivités territoriales, avait ordonné, le 12 juillet 2017, au gouvernement d’élaborer des plans conformes à la directive du 21 mai 2008 sur la qualité de l’air afin de réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones en France. Le 10 juillet 2020, constatant que cette injonction n’avait pas été respectée dans 8 zones, la Haute juridiction a ordonné à l’Etat d’agir dans un délai de 6 mois, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. Le 25 janvier 2021, le ministère de la transition écologique a adressé un mémoire au Conseil d’Etat précisant les mesures prises en faveur de la qualité de l’air depuis le mois de juillet. Le calendrier prévisionnel des suites à donner à cette décision est le suivant : Début mars 2021 : analyse du mémoire transmis par le ministère de la transition écologique par la section du rapport et des études du Conseil d’Etat et transmission d’un avis à la section du contentieux répondant à la question suivante : « est-ce que le gouvernement a pris ou non les mesures nécessaires dans les 8 zones pour réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) ? » ; Mi-mars 2021 : ouverture de la phase d’instruction contradictoire ; Eté 2021 : Tenue d’une nouvelle audience publique au Conseil d’Etat en présence des parties ; Après l’été 2021 : Si le Conseil d’Etat juge que le gouvernement n’a pas pris les mesures de lutte contre la pollution de l’air ordonnées et qu’il prend une décision sur le paiement de l’astreinte pour le premier semestre de retard (janvier-juillet 2021), le processus sera renouvelé tous les semestres jusqu’à ce qu’il juge que sa décision a été pleinement exécutée. Dans la seconde affaire, le Conseil d’Etat avait admis, par un arrêt du 19 novembre 2020, le recours de la commune de Grande-Synthe contre l’inaction de l’Etat à respecter sa trajectoire de réduction des gaz à effet de serre (- 40% par rapport à 1990 d’ici 2030). Il a alors laissé au gouvernement un délai de 3 mois pour justifier que cette trajectoire de réduction des gaz à effet de serre pourra être respectée sans qu’il soit besoin de prendre des mesures supplémentaires. Le 22 février dernier, le gouvernement a adressé au Conseil d’Etat un mémoire dans lequel il affirme que les mesures prises sont suffisantes pour atteindre la trajectoire d’ici 2030. Le calendrier prévisionnel des suites à donner à cette décision est le suivant: Avril 2021 : ouverture de la phase d’instruction contradictoire ; Eté 2021 : Tenue d’une nouvelle audience publique au Conseil d’Etat en présence des parties ; Après l’été 2021 : Si le Conseil d’Etat ordonne des mesures supplémentaires, il réalisera un suivi de leur exécution selon le même processus (instruction contradictoire, nouvelle audience publique, possibilité d’une astreinte). Remarquons par ailleurs que pour sa part et c’est une première, la Cour administrative d’appel de Paris vient d’ordonner une expertise dans un contentieux en réparation de la pollution de l’air pour carence fautive de l’Etat (CAA Paris, 11 mars 2021, n°19PA02868 ; BRIMO Sara, « Responsabilité – Changer d’air ? », AJDA, n°19, 31 mai 2019, p.1104). Si les juges du fond ont conclu à la faute de l’Etat en la matière, ils n’ont jamais admis le lien de causalité entre les pathologies des requérants et les carences étatiques (https://www.green-law-avocat.fr/air-toujours-des-declarations-de-carences-sans-condamnation-a-reparer/).

Guérilla juridique des associations contre l’épandage

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) La pression des associations de protection de l’environnement contre l’épandage agricole est de plus en plus forte et prend même la forme d’une véritable guérilla en particulier devant le Conseil d’Etat. Première illustration : CE, ord. 20 avril 2020, n° 440005 L’association Respire a demandé au Conseil d’État, Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 7 et 15 avril 2020, d’enjoindre au Gouvernement d’appliquer immédiatement et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, les mesures de restriction des épandages agricoles prévues en cas de pics de pollution, par l’arrêté du 7 avril 2016, relatif au déclenchement des procédures préfectorales en cas d’épisodes de pollution de l’air ambiant. L’association requérante saisissait le juge des référés liberté du conseil d’Etat sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, aux termes : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». L’association Respire faisait valoir que : –    la condition d’urgence est remplie eu égard, en premier lieu, aux difficultés de réduction du nombre de malades, et notamment de ceux gravement atteints par le covid-19 et, en second lieu, à la circonstance que les épandages, auxquels procèdent actuellement les agriculteurs, génèrent, d’une part, des particules fines nocives pour la santé humaine et contribuent, d’autre part, au dépassement des seuils réglementaires de pollution de l’air susceptible d’aggraver la pandémie ; –    la carence de l’Etat à prendre des mesures réduisant la pollution de l’air aux particules PM10 et PM2,5 porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie rappelé notamment par l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; –    selon les différentes études, notamment une étude chinoise de 2003 ainsi qu’une étude américaine et italienne de 2020, qu’il existe vraisemblablement un lien étroit entre la pollution de l’air par les particules PM10 et PM2,5 et le développement et l’aggravation des maladies respiratoires et notamment du covid-19 ; –    la carence de l’Etat à prendre des mesures permettant de réduire ces pollutions par l’imposition de mesures de réduction des effets nocifs des épandages agricoles, notamment par la généralisation des règles applicables en cas de pics de pollution, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et à la santé des français dès lors qu’elle contribue à aggraver la pandémie, les principes de prévention voire de précaution imposant en effet, dans le contexte de pandémie, de prendre ces mesures Ainsi l’Association soutenait que la pollution de l’air par les particules PM10 et PM2,5 constitue un facteur aggravant de la propagation du covid-19 ou, tout au moins, de ses conséquences notamment sur les personnes souffrant par ailleurs de certaines affections respiratoires. Elle réclamait en conséquence que le juge des référés enjoigne au Gouvernement de prendre en urgence des mesures limitant les épandages agricoles pour réduire les émissions de ces particules. Le juge des référés a tout d’abord relevé, se fondant sur les éléments qui lui ont été remis et les précisions réclamées à l’administration lors de l’audience, que, contrairement à 2019, aucun dépassement du seuil d’alerte de pollution n’a été observé entre le 15 mars et le 14 avril 2020, période marquée par une forte réduction des pollutions issue de l’activité industrielle et des transports en raison des mesures de confinement, et que les dépassements du seuil d’information-recommandation avaient été moins importants qu’en 2019. Le juge des référés a estimé que les trois principales études sur lesquelles l’association requérante fondait sa requête et les éléments apportés lors de l’audience ne permettaient pas de conclure à la nécessité de prendre des mesures complémentaires : « il résulte des éléments versés au dossier et des échanges lors de l’audience publique que, en premier lieu, l’étude chinoise, qui porte au demeurant non sur le Covid-19 mais sur le SRAS, concerne la pollution de l’air en général, notamment la pollution au dioxide de carbone laquelle a été fortement réduite à la suite de la très forte diminution des activités de transports, et non la pollution aux seules particules PM10 et PM2,5 visée par l’association requérante dans la présente requête. En deuxième lieu, si l’étude américaine porte sur les conséquences des différences d’exposition aux particules PM2,5 suivant les Etats des Etats-Unis sur la gravité de l’épidémie de covid-19 pour la population concernée, elle se fonde sur une exposition de long terme, retenant des durées d’exposition de plusieurs années minimum et pouvant aller jusqu’à dix à quinze ans, ce qui n’est guère pertinent pour apprécier les conséquences d’une exposition limitée à quelques semaines seulement correspondant aux mesures urgentes et nécessairement provisoires que le juge des référés a le seul pouvoir d’ordonner. En dernier lieu, si l’étude italienne porte sur le lien entre les dépassements du seuil de 50 µg / m³ pour les PM10 survenus en Lombardie sur la période du 10 au 29 février 2020 et sur la virulence de l’épidémie de covid-19 dans cette région à compter du 3 mars de cette année, cette étude, qui au demeurant, n’a, à ce stade, pas encore fait l’objet d’une publication par une revue scientifique dotée d’un comité de lecture, concerne les effets de dépassements du seuil correspondant au seuil d’information et de recommandation de l’arrêté du 7 avril 2016, dépassements qui, outre qu’ils ont été répétés en Lombardie au cours de la période objet de l’étude, conduiraient s’ils survenaient en France, à l’application du dispositif prévu par l’arrêté du 7 avril 2016 qui concerne précisément, ainsi qu’il a été dit, les mesures à prendre pour limiter la survenue et la durée de ces dépassements. » Il faut bien comprendre…

  • 1
  • 2