Entrepôts : consultation publique

Par maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 26 Septembre dernier, un incendie de grande ampleur s’est déclarée à Rouen sur le site de Lubrizol, classé Seveso seuil haut, et sur celui des entrepôts de Normandie Logistique, soumis eux à un régime de déclaration. C’est dans ce contexte que 9 mois plus tard le Gouvernement sollicite l’avis du public sur un projet de renforcement réglementaire, constituant le volet « Entrepôts de matières combustibles » du plan d’action gouvernemental lancé pour tirer les conséquences de l’accident. Le but de ce projet est de modifier la nomenclature des ICPE ainsi que la nomenclature relative à l’évaluation environnementale des projets tout en revoyant les prescriptions applicables à certaines installations. Le 26 Juin, le Ministère de la Transition écologique et solidaire a en effet ouvert une consultation publique relative à un projet de décret et d’arrêté visant plus particulièrement à modifier les seuils d’autorisation et à renforcer les prescriptions de certains entrepôts de stockage classés au titre des rubriques 1510 (entrepôts couverts), 1511 (entrepôts frigorifiques), 1530 (papier), 1532 (bois), 2662 et 2663 (matières plastiques). Concernant la nomenclature ICPE, le projet vise d’abord à considérer le classement de l’installation au niveau de l’entrepôt dans son ensemble et ainsi limiter les doubles classements conduisant in fine à appliquer un régime administratif moins contraignant. Ensuite, il prévoit de revoir à la hausse le seuil d’autorisation pour les installations relevant de la rubrique 1510 (900 000 m³ contre 300 000 m³  actuellement). Enfin, il réserve l’autorisation au stockage de plus de 50 000 m³ de produits susceptibles de dégager des poussières inflammables pour la rubrique 1532 et supprimer le régime d’autorisation pour les rubriques 1511 (sous réserve des obligations liées à l’évaluation environnementale), 1530, 2662, 2663. S’agissant de l’évaluation environnementale, le projet modifie les règles de soumission à l’évaluation environnementale systématique en prévoyant qu’y seront soumis les projets de plus de 40 000 m2 d’emprise au sol dans un espace non artificialisé au lieu de 40 000 m² de surface de plancher auparavant. Ces évolutions de nomenclatures s’accompagnent d’une modification des prescriptions applicables aux rubriques 1510, 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663 à compter du 1er Janvier 2021. Le projet d’arrêté a en effet pour objectifs de renforcer les prescriptions relatives aux entrepôts couverts, d’imposer des prescriptions nouvelles aux entrepôts existants compte tenu des enjeux de sécurité, et d’adopter des mesures transitoires permettant de prendre acte de la modification de la nomenclature ICPE. Parmi les nouvelles prescriptions applicables aux établissements couverts figurent notamment la mise à disposition des éléments des rapports de visites de risques qui portent sur les recommandations issues de l’analyse des risques menée par l’assureur, à l’inspection des installations classées, le renforcement des informations minimales contenues dans les études de dangers, ou encore le renforcement des prescriptions relatives à l’éloignement des stockages extérieures et des zones de stationnement susceptibles de favoriser la naissance d’un incendie pouvant se propager à l’entrepôt. Ces prescriptions de nature sécuritaires font suite à la volonté affichée du Gouvernement de sensibiliser davantage les exploitants des installations classées sur l’importance du partage de la connaissance des risques accidentels issue de l’étude de dangers en insistant sur la nécessité pour ces derniers de connaître en temps réel la nature, les quantités et les emplacements des produits présents sur leurs sites, tout en leur rappelant leur entière responsabilité sur la conformité de leurs installations, au regard de leurs études de dangers. On sait que le président de la commission d’enquête du Sénat, chargée d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences de l’accident de Lubrizol, dénonce des défaillances patentes dans l’information des élus et du public dans la gestion cette catastrophe caractérisant un « manque de culture du risque » en France. On mesure tout l’intérêt pour les citoyens de se prononcer en cet été un peu spécial sur ledit projet… la culture du risque sanitaire devrait encore se doubler d’une participation estivale à la prévention du risque technologique. Mais gageons que nos concitoyens ont encore jusqu’au 17 Juillet 2020 pour émettre leur avis à ce propos sur le site internet du Ministère. A minima l’exécutif aura donné l’impression d’avoir mobilisé les DREAL sur le sujet en dotant l’Inspection des installations classées de nouveaux instruments réglementaires dans une période où dire c’est faire … Une fois de plus le droit de l’environnement se donne bien à voir comme le droit des catastrophes où chaque sinistre suscite sa réforme réglementaire ou législative (on pense bien évidemment à la loi Bachelot de 2003 après la catastrophe d’AZF), voire communautaire (Avènement du droit Seveso du nom de la même catastrophe chimique connue par l’Italie). On se demande au final si cette gesticulation réglementaire était vraiment indispensable. Mais une autre réalité va vite rattraper l’inspection des Installations classées : la France est devenue une terre d’entrepôts avec ses 78 millions de m² d’entrepôts et de plateformes logistiques (EPL) d’au moins 5 000 m² pour stocker sa production. Et les DREAL des Hauts-de-France et Auvergne Rhône Alpes qui doivent gérer près de 58 % de ces EPL ne doivent pas oublier que le secteur emploie 165 000 personnes pour   l’entreposage et la manutention alors que la logistique représente près de 10% de la population active… En période de crise économique et de risque de confinement il faut de surcroît encore prendre garde de ne pas menacer nos capacités de stockages qui servent une consommation exsangue …

Les procédures d’urbanisme et environnementales à l’épreuve du covid-19

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) La situation exceptionnelle qui nous touche en ce moment n’épargne ni le droit de l’urbanisme  ni le droit de l’environnement. En effet l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (ci-après appelée « l’ordonnance ») est venue modifier certains délais applicables, afin de s’adapter à cette situation inédite, cela conformément à l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (ci-après appelée « la loi »). L’ordonnance se présente en trois parties : le titre Ier relatif aux dispositions générales relatives à la prorogation des délais ; le titre II relatif aux autres dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative ; le titre III relatif aux dispositions diverses et finales. Sur la prorogation des délais En premier lieu apportons des précisions sur la période concernée. Le I de l’article 1er de l’ordonnance énonce : « Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée ». L’article 4 de la loi indique que « l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi ». A première vue, la fin de l’état d’urgence sanitaire serait donc le 24 mai 2020, la loi susmentionnée étant entrée en vigueur le 24 mars 2020. Ainsi les délais qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020 (1 mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire) pourront bénéficier de la prorogation (ci-après appelée « la période »). Notons néanmoins que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au delà de la durée prévue est possible (article L.3131-13 du code de la santé publique). De même il peut y être mis fin avant l’expiration du délai fixé (article L.3131-14 du code de la santé publique). S’agissant des mesures prorogées en particulier, l’article 3 énonce : « Les mesures administratives ou juridictionnelles suivantes et dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période : 1° Mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation ; 2° Mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction ; 3° Autorisations, permis et agréments ; 4° Mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ; 5° Les mesures d’aide à la gestion du budget familial. Toutefois, le juge ou l’autorité compétente peut modifier ces mesures, ou y mettre fin, lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020 ». Le 3° vise donc, pour le droit de l’urbanisme et de l‘environnement, les permis de construire, d’aménager, de démolir, les déclarations préalables mais aussi les autorisations d’exploiter au titre de la réglementation des ICPE et les autorisations environnementales qui arrivent à échéance durant cette période ; qui sont donc prorogés jusqu’au 24 août a priori. Il s’agit ici des autorisations déjà délivrées et qui devaient expirer pendant la période. Notons que la prorogation ne constitue ni une suspension, ni une interruption des délais mais un report du terme extinctif initialement prévu, à la date limite prévue, en l’occurrence le 24 août. Il convient de d’indiquer que l’article 2 de l’ordonnance énonce que : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.». En matière d’urbanisme, est notamment ici concernée la formalité imposée par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme qui consiste en la notification dans un délai de 15 jours de son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation, à peine d’irrecevabilité.   2. Sur les délais d’instruction L’article 7 énonce : « Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public ». Précisions étant faite que les organismes ou personnes visées à l’article 6 sont entendus largement : il s’agit des administrations de l’Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs ainsi que des organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale. Ainsi, les délais d’instruction qui ont commencé à courir avant le 12 mars 2020 et qui n’avaient pas expiré avant cette date, sont suspendus jusqu’au 24 juin 2020. De même les délais d’instruction qui auraient dû commencer à courir pendant la période concernée sont reportés : ils commenceront à courir le 25 juin 2020 a priori….

Après Lubrizol : vers une expertise indépendante des risques industriels ?

Par maître Lucas DERMENGHEM (Green law avocats) L’épaisse fumée dans laquelle l’incendie de l’usine Lubrizol a plongé les rouennais le 26 septembre 2019 a fait resurgir dans le débat public la question des risques liés aux activités industrielles et ranimé le débat quant aux solutions permettant de réduire au maximum leur survenance. C’est dans ce contexte que la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’incendie du Lubrizol, présidée par le député Christophe Bouillon (PS), a déposé auprès du bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi n°2527 « relative à la création de l’Autorité de sûreté des sites SEVESO : plus de transparence et de sécurité à l’égard de la population ». Au titre de l’exposé des motifs de cette proposition de loi, la mission d’information a d’abord rappelé que plusieurs évolutions du cadre législatifs sont allées dans le sens d’un renforcement de la sécurité et de la sûreté des sites industriels : loi « Bachelot » n°2003-699 du 30 juillet 2003, décrets et arrêtés ministériels du 26 mai 2014 transposant la directive européenne dite « Seveso 3 ». Toutefois, la mission d’information fait le procès non pas d’une réglementation insuffisante mais de « failles inhérentes à notre système de contrôle des sites industriels pour l’environnement et la sécurité de la population » et pointe notamment le manque de « moyens institutionnels pour assurer la surveillance » des 1312 sites SEVESO référencés sur le territoire national. A l’inverse des sites nucléaires contrôlés par une instance spécifique (l’Autorité de Sûreté Nucléaire), les sites SEVESO sont dépourvus de toute autorité de contrôle indépendante. En effet, leur surveillance est assurée par les Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (D.R.E.A.L), également chargées de réglementer les 500 000 sites relevant de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (I.C.P.E) en France. Accomplissant en parallèle une kyrielle de missions étatiques, les D.R.E.A.L font également face à un manque de moyens humains et matériels, entrainant une baisse substantielle du nombre d’inspections des sites I.C.P.E et par là-même une défaillance dans la maîtrise du danger lié aux sites les plus sensibles. Face à cette lacune, la mission d’information propose la création d’une Autorité de sûreté des sites SEVESO, instance « indépendante du gouvernement, avec des inspecteurs dédiés » qui « rendrait public ses rapports et injonctions ». Pour ce faire, elle serait dotée d’un budget propre ainsi que d’un pouvoir de sanction et « ses effectifs ne seraient pas soumis au plafond d’emplois. ». Cette autorité aurait vocation rebâtir le lien de confiance profondément ébranlé entre la population et les industries en tant que « médiateur, un tiers de confiance, qui puisse intervenir et accompagner les décideurs en cas d’accident ». La création d’une telle autorité est notamment soutenue par le Syndicat national des ingénieurs de l’industrie et des mines (Sniim), représentant les inspecteurs des installations. Le gouvernement a quant à lui émis d’autres pistes de réflexion en vue de renforcer la maîtrise du risque lié à ces sites. Ainsi, le 11 février 2020, la ministre de la Transition écologique et solidaire a proposé un « Plan d’action Lubrizol » comprenant notamment : une augmentation des contrôles de 50% d’ici la fin du quinquennat ; La création d’un bureau d’enquête accidents indépendant et dédié aux risques technologiques afin de tirer toutes les conséquences en cas de survenance d’un accident majeur. Si les pistes d’amélioration ne manquent pas, le cabinet Green Law Avocats ne peut que saluer cette proposition de loi qui fait écho à une réflexion engagée peu de temps après l’incendie de Lubrizol et suggérant l’idée de la création d’une « Autorité de sûreté des risques technologiques » (lire en ce sens : David DEHARBE et Lucas DERMENGHEM, « Pour une Autorité de sûreté des risques technologiques ! », Droit de l’Environnement, N°283, nov. 2019, page 409). Les auteurs avaient notamment constaté que si l’étude de dangers du site Lubrizol avait prévu l’hypothèse de l’incendie, elle n’avait pas forcément perçu l’ampleur des conséquences pouvant en découler. Cette étude souffrait également de n’avoir pas fait l’objet de la moindre contre-expertise par les services de contrôle depuis sa réalisation en 2009.

Le droit répressif des ICPE en pratique : le bilan critique du CGEDD

Par Maître Ségolène REYNAL (Green Law Avocats) Le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) a commis un rapport sur l’utilisation des sanctions introduites par l’ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012 réformant la police de l’environnement, dont le texte est entré en application le 1er juillet 2013. Le Conseil fait trois constatations. I/ L’ordonnance 2012-34 a fait évoluer le régime juridique de façon majeure Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance il existait 27 polices spéciales de l’environnement. Cette multiplicité de dispositions illustrait un manque de cohérence. C’est pourquoi l’ordonnance n°2012-34 a procédé à l’harmonisation de ces législations en renforçant les outils visant à réprimer des situations irrégulières qui conduisent à des atteintes à l’environnement et/ou faussent la concurrence entre les entreprises. Son objectif est de simplifier, réformer et unifier les dispositions de police administrative et judiciaire du Code de l’environnement. L’ordonnance a introduit de nouvelles sanctions : au plan administratif l’amende et l’astreinte administrative, et au plan pénal la transaction pénale et l’audition pénale (introduite par l‘article L.172-8 du Code de l’environnement, lui-même visé par l’ordonnance). La circulaire de la DGPR du 19 juillet 2013 en fixe les conditions d’application. Que ce soit par sa nature ou par sa taille, chaque ICPE appelle des pratiques et des choix de sanctions appropriés. En élargissant la palette des sanctions possibles, l’ordonnance marque une avancée dans la capacité d’adaptation de l’action publique. Rappelons que le contrôle des ICPE est opéré soit de manière planifiée soit sur plainte. Les visites conduisent à des constats qui sont classables en trois catégories : les infractions délictuelles, les non conformités aux prescriptions et le manque de renseignements. Les inspecteurs de l’environnement disposent désormais de cinq modalités de sanctions administratives : la consignation ; les travaux d’office ; la suspension du fonctionnement de l’installation ; l’amende et l’astreinte. Les deux dernières sanctions ont été prévues par l’ordonnance n°2012-34. L’amende administrative est la seule sanction pécuniaire, tandis que l’astreinte est une mesure de coercition visant à obtenir la satisfaction des motifs de la mise en demeure. La transaction pénale permet d’accélérer le traitement des infractions modérées et non intentionnelles. Elle est plus souple et plus rapide que les poursuites pénales. Elle s’inscrit dans une logique de proportionnalité de la réponse pénale. L’audition pénale par les inspecteurs ICPE doit permettre de consolider les enquêtes préalables aux poursuites. La circulaire CRIM/2017/G3 du 20 mars 2017 encadre cette possibilité. Néanmoins l’audition pénale est peu plébiscitée par l’inspection des installations classées. La réglementation des installations classées intègre parfaitement la notion de « droit à l’erreur » à travers l’exercice du contradictoire et la possibilité de prendre en compte les observations de l’exploitant, suite à une mise en demeure. Par ailleurs, les inspecteurs de l’environnement équilibrent bien les fonctions de conseil et le contrôle. A ce jour aucun contentieux spécifique aux nouvelles sanctions n’a été porté à la connaissance de la mission. Les préfets ont « compétence liée » en matière de mise en demeure et de sanctions administratives. Au pénal, le procureur a autorité sur les inspecteurs de l’environnement. II/ Une disparité frappante dans l’application des mesures : une harmonisation inachevée Il ressort du bilan réalisé par le CGEDD que les nouvelles sanctions prévues par l’ordonnance n°2012-34 répondent aux principes d’efficacité, d’équité d’exemplarité auxquels les services sont tenus. Néanmoins un certain nombre de difficultés dans la mise en place de ces mesures apparait. Le Conseil constate d’abord une application localisée dans certaines régions. En 2016, seules 5 régions dépassent plus de 10 procédures – amendes et astreintes- quand, dans six régions, aucun des départements n’en a mis en œuvre. Peu de service ont mis en œuvre la transaction pénale. Dans les régions où les mesures ont été éprouvées, seule la mise en œuvre des amendes et astreintes administratives a augmenté. Sur l’année 2015/2016, les amendes ont augmenté de 100% et les astreintes administratives de 65%. D’une manière générale, les procédures de mise en demeure permettent d’aboutir aux mises en conformité requises. Les difficultés évoquées ont plusieurs causes :  L’incohérence perçue de certains textes relatifs aux polices de l’environnement (montant des amendes, différences sur leur maximum et sur leur « proportionnalité ») Le défaut de références (absence de barème d’amende et d’astreinte) Les freins à la recherche d’efficacité dans la conduite des procédures (mise en œuvre de l’autorisation environnementale qui limite les capacités de projection des services vers d’autres procédures et la complexité de la chaîne de recouvrement des amendes et astreintes) La difficulté d’apprentissage et de maitrise d’une nouvelle procédure (identification du destinataire de la sanction, imputation des amendes, justification des montants) La relation avec les parquets est contrastée. Les consignes qu’ils donnent sont favorables aux alternatives aux poursuites quand les atteintes à l’environnement sont faibles et quand il peut y être remédié efficacement. En revanche les infractions seraient poursuivies dans les autres cas. En sens inverse, les services des ICPE craignent que leur mise en action de procédures pénales ne soit pas suivies d’effet. Cela peut conduire à ne pas mettre en œuvre les poursuites pénales alors que le contexte le justifierait. De telles situations sont inconfortables et malvenues au regard du principe d’équité. Elles renvoient au besoin de disposer de lignes directrices claires de la part de chaque parquet au travers du protocole que prévoit la circulaire CRIM/2015-9/G4 du 21 avril 2015 du ministre de la justice. A titre d’exemple les services des ICPE de Bretagne ont signé un protocole avec chaque procureur de la région concernant les procédures pénales en matières d’ICPE agricoles. Il faut bien garder en tête que les ICPE regroupent des réalités très diverses qu’il faut prendre en compte. Les stratégies et les pratiques doivent s’adapter à chaque ICPE en distinguant un effet « taille » de l’installation, un effet « chiffre d’affaires » et un effet « type d’activité ». Il est recommandé d’adapter sa façon de dialoguer avec les exploitants, sa manière de fonder les mises en demeure puis de prononcer les sanctions en tenant compte de la singularité de chaque ICPE. En conclusion, il semble selon le rapport que peu de services aient replacé et exploité les apports de l’ordonnance de 2012…

Evaluation environnementale des projets, plans et programmes : le formulaire de demande d’examen au cas par cas est disponible

Par Fanny ANGEVIN – GREEN LAW AVOCATS L’arrêté du 12 janvier 2017 fixant le modèle du formulaire de la « demande d’examen au cas par cas » en application de l’article R. 122-3 du code de l’environnement vient d’être publié au Journal Officiel du 21 janvier 2017. Cet arrêté est pris pour l’application de la transposition de la directive 2014/52/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement par l’ordonnance n°2016-1058 ainsi que le décret n°2016-1110, relatifs à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes. Pour rappel, l’ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016 ainsi que le décret n°2016-1110 du 11 août 2016, visaient à réduire le nombre d’études d’impacts requises grâce à la procédure d’examen au cas par cas. A ce titre, l’annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement liste les projets qui doivent être soumis à étude d’impact seulement à la suite d’un examen au cas par cas. L’article R. 122-3 du code de l’environnement précise ensuite les modalités d’application de cet examen. En effet, l’article R. 122-3 du code de l’environnement, prévoit, depuis sa modification par le décret n°2016-1110, que : « Pour les projets relevant d’un examen au cas par cas en application de l’article R. 122-2, le maître d’ouvrage décrit les caractéristiques de l’ensemble du projet, y compris les éventuels travaux de démolition ainsi que les incidences notables que son projet est susceptible d’avoir sur l’environnement et la santé humaine. Il décrit également, le cas échéant, les mesures et les caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de son projet sur l’environnement ou la santé humaine. La liste détaillée des informations à fournir est définie dans un formulaire de demande d’examen au cas par cas dont le contenu est précisé par arrêté du ministre chargé de l’environnement. […] »   L’arrêté du 12 janvier 2017 met en œuvre cette disposition de l’article R. 122-3 du code de l’environnement et fixe un modèle national pour les demandes d’examen au cas par cas des projets. Ce modèle est un formulaire CERFA n°14734 qui est obligatoire depuis le 22 janvier 2017. Selon cet arrêté, le formulaire comporte un bordereau des pièces à joindre et un document intitulé « informations nominatives relatives au maître d’ouvrage ou pétitionnaire », qui doit être joint à la demande. En outre, une notice explicative (qui est enregistrée sous le numéro 51656) a aussi été publiée par l’administration. Ce formulaire, selon l’article R. 122-3 du code de l’environnement, a ensuite vocation à être adressé par le maître d’ouvrage à l’autorité environnementale, qui en accuse réception. L’autorité environnementale dispose d’un délai de quinze jours afin de demander des compléments d’informations, à défaut, le formulaire est réputé complet. L’autorité environnementale met par la suite en ligne ce formulaire. Elle dispose d’un délai de trente-cinq jours à compter de la réception du formulaire afin de d’informer le maître d’ouvrage de la nécessité ou non de réaliser une évaluation environnementale. En l’absence de réponse dans un délai de trente-cinq jours de l’autorité environnementale, ce silence vaut obligation de réaliser une évaluation environnementale. La décision de l’administration imposant à un projet de faire l’objet d’une évaluation environnementale ou encore l’absence de décision qui entraîne l’obligation de faire une évaluation environnementale, est attaquable dans un délai de deux mois. Notons cependant que ces décisions doivent faire l’objet d’un recours administratif préalable, sous peine d’irrecevabilité du recours contentieux, également dans un délai de deux mois (article R. 122-3 VI du code de l’environnement). Enfin, il est intéressant de relever qu’en pratique, des décisions au cas par cas « avec réserve » ont été émises par l’administration. Cependant, ces « réserves » peuvent poser certaines difficultés. En effet, elles peuvent s’avérer être particulièrement contraignantes pour le maître d’ouvrage. Par ailleurs, il est opportun de se demander si une décision de non-soumission assortie de réserves est attaquable. Logiquement, contester des « réserves », lorsque ces dernières font grief au maître d’ouvrage, devrait être possible, néanmoins, cette possibilité n’est, à notre connaissance, nulle part mentionnée. En effet, tant l’article R. 122-3 du code de l’environnement que la notice explicative pour les demandes d’examen au cas par cas, mentionnent seulement la possibilité d’un recours contentieux à l’encontre d’une décision de l’autorité environnementale imposant au projet de faire l’objet d’une évaluation environnementale ou l’absence de décision entraînant l’obligation de faire une évaluation environnementale. Il convient néanmoins de mentionner qu’un arrêt du Conseil d’Etat du 13 mars 2015 (n°358677), a pu considérer que des prescriptions spéciales étaient divisibles de l’autorisation d’urbanisme. Une telle interprétation pourrait éventuellement être transposée en l’espèce, en détachant la décision de l’autorité environnementale des « réserves » émises. Ainsi, la procédure d’examen au cas par cas comporte encore en pratique certaines zones d’ombre, qui devront être clarifiées afin de mettre en œuvre cette procédure dans les meilleures conditions. Les documents mentionnés sont téléchargeables sur le site de l’administration au lien suivant (à noter cependant que la notice explicative comporte toujours la mention « projet » en bas de page et que cette erreur sera surement rectifiée) : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/R15289 L’arrêté est consultable au lien suivant : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033897569&dateTexte=&categorieLien=id

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