Performances énergétiques: la loi ELAN refonde le dispositif « tertiaire » et annonce un nouveau décret

Par Lucas DERMENGHEM, Avocat, Green Law Avocats Souvenons-nous : à l’aube de l’été dernier, le Conseil d’Etat (CE, 18 juin 2018, n°411583, Conseil du commerce de France e.a) annulait le décret n°2017-918 du 9 mai 2017 relatif aux obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire, dit décret « tertiaire », texte dont l’exécution avait dans un premier temps été suspendue par le juge des référés de la Haute Assemblée. Ce décret avait pour objet la mise en application de l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation, lequel prévoit : « Des travaux d’amélioration de la performance énergétique sont réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012 ». Il était ainsi prévu qu’au 1er janvier 2020, les propriétaires de bâtiments de bureaux, d’hôtels, de commerces, d’enseignement et de bâtiments administratifs de plus de 2000 m² de surface utile devaient réaliser des travaux permettant de réduire leurs consommations énergétiques de plus de 25% par rapport à la dernière consommation énergétique connue, ou à hauteur d’un seuil exprimé en kWh/m²/an. C’est en vertu du principe de sécurité juridique que le Conseil d’Etat avait prononcé l’annulation du décret, au regard notamment du délai trop court laissé aux obligés : « […] qu’ainsi, compte tenu, d’une part, du délai nécessaire à la réalisation des études énergétiques et plans d’actions et, d’autre part, du délai nécessaire, à compter de l’élaboration de ces documents, pour entreprendre les actions et réaliser les travaux nécessaires pour atteindre, d’ici au 1er janvier 2020, les objectifs de réduction des consommations d’énergie fixés à l’article R. 131-39, les associations requérantes sont fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaît le principe de sécurité juridique ; qu’au regard du vice dont le décret est entaché, qui affecte, compte tenu de l’objectif de réduction de la consommation énergétique d’ici au 1er janvier 2020 fixé par le législateur et des particularités du dispositif mis en place, son économie générale et son séquençage temporel, il y a lieu d’annuler le décret dans sa totalité, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ; » On pouvait craindre que cette annulation juridictionnelle sonne le glas des obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments à usage tertiaire. Mais par son article 175, la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ELAN », est venue refonder le socle législatif de ces obligations en modifiant l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation, et prévoir l’édiction prochaine d’un nouveau décret « tertiaire ». Cette nouvelle rédaction, nettement plus détaillée, intéressera le lecteur à plusieurs égards. Tout d’abord, on relèvera qu’a disparu la notion de « travaux », chère à l’ancienne rédaction de l’article L. 111-103 issue de la loi Grenelle 2. La loi ELAN évoque désormais des « actions de réduction de la consommation d’énergie finale ». Le texte se veut ici plus réaliste en n’intégrant plus seulement les économies réalisées grâce aux travaux en « dur » mais également la maintenance des équipements ou encore la sensibilisation des occupants des bâtiments. Autre modification majeure : si la loi ELAN maintient l’exigence prévue par la loi de transition énergétique de diminution de la consommation d’énergie de 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050, sur la base de l’année 2010, elle repousse à 2030 la première échéance de l’obligation de réduction de la consommation d’énergie dans les bâtiments tertiaires et supprime donc en conséquence l’ancienne obligation de réduction de 25% prévue pour 2020. Il s’agit ici d’une conséquence directe de l’annulation juridictionnelle opérée par le Conseil d’Etat qui a jugé que l’échéance de 2020 était trop proche pour pouvoir être respectée compte tenu de la date de publication de l’ancien décret « tertiaire », en mai 2017. Ensuite, le nouveau dispositif issu de la loi ELAN se caractérise par une certaine souplesse. Ainsi, la loi fixe des objectifs de réduction alternatifs : il est ainsi prévu que tout bâtiment, partie de bâtiment ou ensemble de bâtiments soumis à l’obligation de réduction atteigne, pour chacune des années 2030, 2040 et 2050, les objectifs suivants : Soit un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement de 40%, 50% et 60% par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 ; Soit un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie. De plus, la loi ELAN a assorti ces objectifs de possibilités de modulation, en fonction : Soit de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ; Soit d’un changement de l’activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ; Soit de coûts manifestement disproportionnées des actions par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale. La souplesse du dispositif se caractérise également par le fait que la chaleur fatale autoconsommée par les bâtiments (par exemple la chaleur diffusée par les serveurs informatiques) peut être déduite de la consommation et que la consommation d’énergie liée à la recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables est déduite de la consommation énergétique du bâtiment et ne rentre pas dans la consommation de référence. Le dispositif crée par la loi ELAN se distingue en outre par les obligations mises à la charge des propriétaires et preneurs à bail des bâtiments ou parties de bâtiments concernés. Il est prévu que ceux-ci soient soumis à l’obligation d’amélioration de la performance énergétique « pour les actions qui relèvent de leur responsabilité respectives en raison des dispositions contractuelles régissant leurs relations ». Les bailleurs et locataires devront définir ensemble les actions destinées à respecter l’obligation de performance énergétique. Chaque partie procédera à la transmission des consommations d’énergie afin que soit assuré le suivi du respect de leurs obligations. Ces informations devront être transmises d’ici le 1er janvier 2020, par le biais d’une plateforme informatique devant être instituée par décret, ce qui supposera vraisemblablement la réalisation d’audits énergétiques d’ici cette échéance. L’évaluation du respect des…

Energie: Assouplissement à venir au sujet du périmètre géographique de l’autoconsommation collective (AC)

Par Me Sébastien BECUE – Green Law Avocats C’était l’une des conclusions du groupe de travail Solaire créé par M. LECORNU : il est nécessaire, pour permettre le développement de l’autoconsommation collective, d’assouplir la règle selon laquelle ce type d’opération ne peut être mis en œuvre qu’en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension.   C’est ce que prévoit aujourd’hui, depuis le cadre mis en place en 2016, l’article L. 315-2 du code de l’énergie.   Un amendement au projet de loi ELAN adopté au Sénat le 19 juillet propose de permettre la mise en œuvre d’une opération d’autoconsommation collective « dans un périmètre fixé par arrêté ». La présentation de l’amendement précise  cet égard que l’une des motivations est d’ouvrir le droit à l’autoconsommation collective aux organismes HLM: “Les organismes Hlm se sont fortement engagés dans la mise en œuvre d’opérations d’autoconsommation collective. Ils sont nombreux à être parties prenantes de démonstrateurs industriels pour la ville durable qui expérimentent le périmètre et les modalités de mise en œuvre de telles opérations. Les premiers retours d’expérience, présentés lors des réunions du Groupe de Travail Solaire dédié à l’autoconsommation collective présidé par le Secrétaire d’État Sébastien LECORNU, montrent que le périmètre actuellement retenu par la loi d’une opération d’autoconsommation collective, c’est-à-dire l’échelle d’un bâtiment, s’avère trop limité pour permettre une autoconsommation optimale de l’électricité produite et assurer la viabilité économique de l’opération. Ainsi, dans le but d’accroître le taux de consommation locale, améliorer l’équilibre économique des opérations et tenir compte des travaux qui sont en cours dans le cadre du Groupe de Travail Solaire, cet amendement vise à renvoyer à un arrêté la définition du périmètre d’une opération d’autoconsommation collective“. En cas d’adoption définitive de cette modification, le gouvernement pourra ainsi préciser les autres configurations dans lesquelles une opération d’autoconsommation collective pourra être mise en œuvre.   Rappelons que de nombreux sites sont privés de cette possibilité car ils sont directement raccordés en HTA, ou via des postes de distribution privés, alors que le montage apparaît techniquement possible et économiquement opportune.

Amiante : la Cour de cassation précise l’étendue du repérage (Cass, 14 sept.2017)

Par Maître Fanny ANGEVIN (Green Law Avocats) La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée dans un arrêt en date du 14 septembre 2017 n°16-21.942, sur l’étendue de l’obligation du diagnostic amiante. Pour rappel, le diagnostic amiante correspond à la phase de repérage d’amiante au sein d’un bâtiment. Le vendeur d’un immeuble dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997 a l’obligation d’effectuer ce diagnostic (article R. 1334-14 du code de la santé publique ; article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation). Dans l’arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de cassation était saisie d’un pourvoi à l’encontre d’une décision de la Cour d’appel d’Amiens rejetant les prétentions de requérants, acheteurs d’une maison, dans laquelle ils avaient découvert la présence d’amiante sur les cloisons et doublages des murs non relevée dans le diagnostic. La Cour d’appel d’Amiens avait considéré que l’ensemble des parois des murs et cloisonsétait recouvert de papier peint et que les plaques de revêtements muraux n’étaient ni visibles, ni accessibles et qu’ainsi, le bureau d’études ayant effectué le diagnostic avait réalisé sa mission. La Cour d’appel indiquait ensuite dans sa décision que la méthode dite « par sondages sonores » n’est pas prévue par la norme NFX 46-020, relative au repérage de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante dans les immeubles bâtis.   La Cour d’appel motivait aussi son arrêt en faisant valoir que les grattages ponctuels au niveau des extrémités de papiers peints ne constituent pas une méthode d’investigation prévue par les dispositions réglementaires applicables ni celles du contrat liant les parties. La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel en soutenant que l’opérateur ayant effectué le repérage ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission : « Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions soutenant que l’opérateur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, tout en relevant que le diagnostiqueur s’était abstenu d’effectuer des sondages non destructifs, notamment sonores, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, dès lors qu’il n’avait effectué de repérage que dans les parties visibles, il pouvait conclure à l’absence d’amiante dans les autres parties sans émettre de réserves, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; » (Cass. Civ. 3e, 14 septembre 2017, n°16-21.942). La question de l’étendue du repérage amiante a déjà été posée devant la Cour de cassation. En effet, il a déjà été considéré que « le professionnel chargé d’un repérage d’amiante doit rechercher la présence de celle-ci dans toutes les parties visitées et effectuer toutes vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs ; que le contrôle qui lui incombe n’est pas exclusivement visuel ; » (Cass. Civ. 3e, 19 mai 2016, n°15-16586). Cette décision vient donc confirmer et préciser la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation au sujet de l’étendue des obligations de repérage amiante et doit retenir l’attention des acteurs concernés par une obligation de repérage amiante, qui devront redoubler de vigilance dans la mise en œuvre de ce repérage. Enfin, cette décision intervient également corrélativement à un renforcement des modalités de repérage amiante au sein de l’actualisation de la norme NF X 46-020 (qui a été publié par l’AFNOR en août 2017 et qui vise à remplacer la version datant de 2008), modalités qui sont applicables depuis le 1er octobre 2017. La nouvelle version de la norme NF X46-020 présente quatre principales évolutions : une définition adaptée des responsabilités incombant au donneur d’ordre et à l’opérateur de repérage ; l’apparition, en annexe A, de la notion de zones présentant des similitudes d’ouvrage (« ZPSO ») permettant d’optimiser le déroulement de la mission de repérage, voire de réduire le nombre de prélèvements à effectuer ; des possibilités, pour l’opérateur de repérage, de conclure à la présence ou à l’absence d’amiante, selon les différentes situations rencontrées ; un descriptif plus exhaustif  des sondages et prélèvements à effectuer pour les différents ouvrages ; une présentation des techniques à utiliser pour les sondages, et notamment les outils susceptibles d’être utilisés. fanny.angevin@green-law-avocat.fr

ICPE – distances d’implantation entre un bâtiment agricole et une maison d’habitation : le Conseil d’État précise sa position (CE 8 juin 2016)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocats) L’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime dispose que  “Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l’implantation ou l’extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d’éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l’exception des extensions de constructions existantes […].” Parmi les distances d’implantation devant être respectées entre les bâtiments agricoles et les habitations et immeubles occupés par des tiers, les élevages de bovins soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement doivent, notamment, être « implantés à au moins 100 mètres des habitations des tiers […] » (arrêté du ministre de l’écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment les élevages de bovins soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement, annexe I, article 2.1.1). Jusqu’à très récemment, le Conseil d’Etat estimait que la vérification du respect des prescriptions contenues dans les arrêtés préfectoraux pris en application de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ne s’imposait pas à l’autorité délivrant des permis de construire  (Conseil d’état, 1ère sous-section jugeant seule, 2 février 2009, n°312131 ; Conseil d’Etat, 6ème sous-section jugeant seule, 16 octobre 2013, n°357444) Cependant, dans une décision mentionnée dans les tables du recueil Lebon en février 2016, le Conseil d’Etat a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que les règles de distance imposées lors de l’implantation d’un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux ICPE étaient applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité de ce bâtiment. L’autorité devant délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d’habitation doit donc désormais vérifier si les règles d’implantation sont bien respectées lors de l’instruction de la demande de permis de construire (Conseil d’Etat, 1ère / 6ème ssr, 24 février 2016, n°380556, mentionné dans les tables du recueil Lebon : voir notre analyse ici). Il a, en effet, considéré qu’ « il résulte de l’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l’implantation d’un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d’un tel bâtiment agricole ; qu’il appartient ainsi à l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d’habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu’en soit la nature » (Conseil d’Etat, 1ère / 6ème ssr, 24 février 2016, n°380556, mentionné dans les tables du recueil Lebon ). S’inscrivant dans le prolongement de cette décision, le Conseil d’Etat a, récemment, précisé les conditions d’application dans le temps de cette règle. Il s’agit de la décision présentement commentée (Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 8 juin 2016, n°383638, Mentionné dans les tables du recueil Lebon). Dans cette affaire, deux permis de construire pour la réalisation de maisons à usage d’habitation ont été délivrés en 2008 à 50 mètres des bâtiments d’élevage de bovins d’une exploitation agricole, déclarée au titre des dispositions du livre V du code de l’environnement. Un véritable feuilleton judiciaire s’en est suivi. L’exploitant agricole a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler les deux permis de construire. Par un jugement n° 0802254, 0802255 du 4 mai 2010, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. La cour administrative d’appel de Bordeaux, faisant droit à l’appel formé par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, a annulé ce jugement, par un arrêt n° 10BX02035 du 7 juin 2011. Un pourvoi a alors été formé par l’exploitant agricole devant le Conseil d’Etat. Par une décision n° 351538 du 4 novembre 2013, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt la cour administrative d’appel de Bordeaux et a renvoyé l’affaire devant cette cour. Par un arrêt n° 13BX03110 du 17 juin 2014, la cour administrative d’appel de Bordeaux, statuant sur renvoi après cassation par le Conseil d’Etat, a cette fois rejeté l’appel formé par le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement contre le jugement du tribunal administratif de Pau du 4 mai 2010 (CAA Bordeaux, 17 juin 2014, n°13BX03110) La ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat tendant à l’annulation de cet arrêt. Dans son pourvoi, elle soutenait que la cour administrative d’appel de Bordeaux avait commis une erreur de droit en faisant application, à la date à laquelle les permis de construire ont été accordés, de l’exigence d’éloignement de 100 mètres posée par l’arrêté du 7 février 2005 et en jugeant que les constructions litigieuses ne respectaient pas les dispositions combinées de l’article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de cet arrêté. Une application différée (en raison de l’application différée pour les installations d’élevage existantes) aurait été, selon Mme le Ministre, préférable. Le Conseil d’Etat rejette ce pourvoi. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle les textes applicables. Ainsi, aux termes de l’article 2 de l’arrêté du ministre de l’écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment les élevages de bovins soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement, « Les dispositions de l’annexe I sont applicables dans un délai de quatre mois à compter de la publication du présent arrêté au Journal officiel. / Pour les installations existantes, déclarées au plus tard quatre mois après la publication du présent arrêté au Journal officiel, les dispositions mentionnées à l’annexe II sont applicables dans les délais suivants : (…) au plus…

Urbanisme / Montagne : la servitude parfois imposée  sur les chalets d’alpage et sur les bâtiments d’estive est-elle constitutionnelle ?

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Un arrêt récent du Conseil d’Etat vient d’apporter d’intéressantes précisions au sujet de la constitutionnalité des règles légales donnant le pouvoir au Maire, en zone de montagne, d’imposer des servitudes interdisant l’utilisation de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive en période hivernale ou limitant leur usage pour tenir compte de l’absence de réseaux (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°394839). Il vient en effet de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) relative à la conformité à plusieurs principes constitutionnels de cette servitude. Devant le Conseil d’Etat, il était soutenu que les dispositions précitées de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme méconnaissaient « la liberté d’aller et venir, le principe d’égalité devant les charges publiques, ainsi que, par l’incompétence négative dont elles seraient entachées, le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au motif qu’elles prévoient la possibilité pour l’autorité compétente d’instituer une ” servitude administrative ” sur certains bâtiments durant la période hivernale sans prévoir aucune information préalable ni aucune procédure contradictoire permettant d’écarter tout risque d’arbitraire dans la détermination des propriétés concernées et sans instituer aucune indemnisation des propriétaires ». (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°394839). Le Conseil d’Etat a estimé que « le moyen tiré de ce qu’il méconnaîtrait les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment, par l’incompétence négative dont il serait entaché, le droit de propriété garanti en particulier par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux » et a transmis la question au Conseil constitutionnel. En zone de montagne, il existe des principes d’aménagement et de protection particuliers. Ces principes résultent notamment de l’application des dispositions de l’ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme, désormais codifiées à l’article L. 122-10 du code de l’urbanisme, qui exigent la préservation des « terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières ». Certaines activités sont toutefois autorisées en zone de montagne telles que les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières ou les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée (ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme désormais codifié à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme). De même, sont admises la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière (ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme désormais codifié à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme). Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, désormais codifiées à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme, précisent que : « Lorsque des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu’ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l’autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux à l’institution d’une servitude administrative, publiée au fichier immobilier, interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux. Cette servitude précise que la commune est libérée de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. Lorsque le terrain n’est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l’interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l’article L. 362-1 du code de l’environnement. » Cet alinéa vise à prévenir les difficultés liées à l’absence de réseaux et d’équipements publics lorsque les constructions sont destinées à être utilisées de façon temporaire. Il prévoit une dérogation permettant aux personnes ayant déposées une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux concernant des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive de réaliser les travaux sans disposer des équipements et réseaux requis. Pour permettre ces constructions, l’autorité compétente peut instituer une servitude tendant à ne pas utiliser les constructions en période hivernale ou à limiter leur usage. De plus, cette servitude  libère la commune de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. La servitude rappelle enfin l’interdiction de circulation des véhicules à moteur en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. Cette servitude, de nature réglementaire, constitue une décision distincte de l’autorisation individuelle de construire. Par suite, son entrée en vigueur dépend, non de la notification et de l’affichage spécifique de l’autorisation de construire mais de son inscription au fichier immobilier et, comme toute décision réglementaire, de sa publication. (CAA Lyon, 19 mai 2011, n° 09LY01441). Très contraignante pour les personnes souhaitant réaliser des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux, elle soulève un certain nombre de difficultés (I) qui permettent de s’interroger sur sa constitutionnalité (II). Les difficultés liées à l’institution de cette servitude En premier lieu, cette servitude, une fois publiée, reste en vigueur même si d’autres autorisations d’urbanisme sont délivrées sur le même bâtiment. Elle peut toutefois être amenée à évoluer si les conditions de desserte du chalet ou du bâtiment d’estive évoluent.  (CAA Lyon, 19 mai 2011, n° 09LY01441). Attachée au bien, cette servitude est durable, ce qui présente un premier inconvénient pour les personnes tenues de la respecter. En deuxième lieu, l’institution de la servitude est bien moins contrôlée lors de son édiction que la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou d’estive. Il convient à cet égard de préciser que la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière est autorisée par arrêté préfectoral, après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et…

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