ICPE : Piqûre de rappel sur l’importance de la description des capacités techniques et financières dans la demande d’autorisation ICPE (CE, 22 février 2016)

Par Sébastien Bécue Green Law Avocats Par un arrêt en date du 22 février 2016, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi exercé par une société à l’encontre de la décision de la Cour administrative d’appel de Nancy confirmant l’annulation de son autorisation d’exploiter ICPE une centrale à gaz. Le Conseil d’Etat, comme la Cour auparavant, considère que la description que la société fait de ses capacités techniques et financières est insuffisante. L’arrêté d’autorisation est en conséquence annulé. Cette décision peut étonner lorsqu’on sait à quel grand groupe énergéticien français la société exploitante appartient. Comment peut on en arriver procéduralement à une annulation sur le fondement des capacités techniques et financières? Rappel sur l’obligation de mention des capacités dans la demande d’autorisation ICPE Cette obligation résulte du code de l’environnement qui prévoit, aux articles L. 512-1 et R. 512-3, que la demande d’autorisation doit mentionner les capacités techniques et financières dont dispose le demandeur, à même de lui permettre d’exploiter son installation conformément aux obligations résultant du droit de l’environnement, et notamment celles liées à la future remise en état du site accueillant son installation. Le préfet, lorsqu’il statue sur la demande d’autorisation, doit donc apprécier les capacités mentionnées par le futur exploitant dans sa demande. Et le juge administratif contrôle assez strictement l’appréciation portée par le préfet en vérifiant séparément la suffisance des capacités techniques et financières. Il ressort de la jurisprudence que peuvent être prises en compte, dans l’analyse des capacités techniques du demandeur : L’expérience du demandeur dans l’activité (voir par exemple CAA Versailles, 16 juil. 2012, n°10VE03178) ; Les processus et matériels utilisés, les effectifs et leur qualification (CAA Marseille 11 juil. 2011, n°09MA02014). En ce qui concerne les capacités financières, il est tenu compte des informations sur la situation financière du demandeur : chiffre d’affaire et bilan comptable (CAA Nantes, 25 mars 2011, n°10NT00043) ou analyse financière réalisée par des tiers (CAA Lyon, 4 nov. 2011, n°09LY00624). Par ailleurs, l’appartenance à un groupe peut être prise en compte (CAA Lyon, 5 avril 2012, n°10LY02466). L’appréciation par la Cour administrative d’appel des capacités de la société exploitante La décision de la Cour administrative d’appel, décomposable en deux temps, fournit un bon exemple concret d’appréciation des capacités d’un demandeur. Dans un premier temps, la Cour vérifie que la société dispose des capacités financières pour réaliser son projet en se fondant sur le plan de financement annoncé : 772 millions d’euros d’investissement nécessaire, financés à 30% sur fonds propres et à 70% par dette bancaire. En ce qui concerne la partie financée sur fonds propres, la Cour estime que les capacités sont suffisantes : si la société ne dispose que d’un capital social de 7,5 millions d’euros, elle produit néanmoins une « lettre de support » de sa société mère par laquelle cette dernière s’engage à lui apporter son soutien. L’appréciation de la Cour sur les capacités relatives à la partie financée par dette bancaire est au contraire négative : les divers documents produits par la société (note générale sur le financement, sur la conformité du montage envisagé avec la pratique) sont trop génériques et ne comportent aucun engagement précis, tant au regard des montants que de l’identité des prêteurs. Dans un second temps, la Cour vérifie les capacités techniques de la société exploitante, et son appréciation est toute aussi sévère. Alors que la société exploitantene dispose d’aucune expérience antérieure dans l’exploitation de centrale à gaz, la Cour considère qu’elle ne démontre pas avoir contracté avec des constructeurs ou exploitants présentant des garanties. En effet, la société s’engage seulement, une fois les autorisations obtenues, à consulter les leaders du secteur. Elle produit aussi un document attestant de la conclusion avec une grande société internationale d’un accord de coopération fixant les éléments essentiels d’un éventuel futur contrat. La Cour estime que la construction et l’exploitation auraient dû à tout le moins faire l’objet de protocoles d’accord. Validation du raisonnement par le Conseil d’Etat et affirmation du caractère non « danthonysable » de l’insuffisance des capacités techniques et financières En premier lieu, le Conseil d’Etat valide entièrement la démarche de la Cour administrative d’appel en estimant dans un attendu clair : « que le pétitionnaire est tenu de fournir des indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières à l’appui de son dossier de demande d’autorisation (…) notamment justifier disposer de capacités techniques et financières propres ou fournies par des tiers de manière suffisamment certaine, le mettant à même de mener à bien son projet et d’assumer l’ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l’exploitation et de la remise en état du site au regard, des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, ainsi que les garanties de toute nature qu’il peut être appelé à constituer à cette fin en application des article L. 516-1 et L. 516-2 du même code ». En second lieu, il ajoute que la démonstration de ces capacités étant l’une des conditions de délivrance  de l’autorisation d’exploiter « la cour n’avait pas à rechercher si les insuffisances du dossier de demande relatives aux capacités techniques et financières auraient pu nuire à l’information du public ou avoir une influence sur le sens de la décision prise par le préfet ». Le Conseil d’Etat statue ici sur un argument de la société exploitante fondé sur la jurisprudence dite “Danthony” aux termes de laquelle un vice de forme n’entraîne l’annulation d’une décision que s’il a eu pour conséquence de nuire à l’information du public ou exercé une influence sur le sens de ladite décision. *** Il semble effectivement, au regard de l’appréciation portée par la Cour, qu’en l’espèce, la société exploitante ait fourni des informations trop peu détaillées sur son projet. Il est surprenant qu’une fois en appel elle n’ait pas pris ses précautions en fournissant plus de détails. Rappelons en effet que le juge des installations classées statuant en plein contentieux, le demandeur a la possibilité de compléter sa demande d’autorisation jusqu’au jour du jugement sur ce point particulier des capacités techniques et financières (CE, 13 juil.2006,  n°285736). Plus généralement, on…

Urbanisme / Montagne : la servitude parfois imposée  sur les chalets d’alpage et sur les bâtiments d’estive est-elle constitutionnelle ?

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Un arrêt récent du Conseil d’Etat vient d’apporter d’intéressantes précisions au sujet de la constitutionnalité des règles légales donnant le pouvoir au Maire, en zone de montagne, d’imposer des servitudes interdisant l’utilisation de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive en période hivernale ou limitant leur usage pour tenir compte de l’absence de réseaux (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°394839). Il vient en effet de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) relative à la conformité à plusieurs principes constitutionnels de cette servitude. Devant le Conseil d’Etat, il était soutenu que les dispositions précitées de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme méconnaissaient « la liberté d’aller et venir, le principe d’égalité devant les charges publiques, ainsi que, par l’incompétence négative dont elles seraient entachées, le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au motif qu’elles prévoient la possibilité pour l’autorité compétente d’instituer une ” servitude administrative ” sur certains bâtiments durant la période hivernale sans prévoir aucune information préalable ni aucune procédure contradictoire permettant d’écarter tout risque d’arbitraire dans la détermination des propriétés concernées et sans instituer aucune indemnisation des propriétaires ». (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°394839). Le Conseil d’Etat a estimé que « le moyen tiré de ce qu’il méconnaîtrait les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment, par l’incompétence négative dont il serait entaché, le droit de propriété garanti en particulier par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux » et a transmis la question au Conseil constitutionnel. En zone de montagne, il existe des principes d’aménagement et de protection particuliers. Ces principes résultent notamment de l’application des dispositions de l’ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme, désormais codifiées à l’article L. 122-10 du code de l’urbanisme, qui exigent la préservation des « terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières ». Certaines activités sont toutefois autorisées en zone de montagne telles que les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières ou les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée (ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme désormais codifié à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme). De même, sont admises la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière (ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme désormais codifié à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme). Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, désormais codifiées à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme, précisent que : « Lorsque des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu’ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l’autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux à l’institution d’une servitude administrative, publiée au fichier immobilier, interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux. Cette servitude précise que la commune est libérée de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. Lorsque le terrain n’est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l’interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l’article L. 362-1 du code de l’environnement. » Cet alinéa vise à prévenir les difficultés liées à l’absence de réseaux et d’équipements publics lorsque les constructions sont destinées à être utilisées de façon temporaire. Il prévoit une dérogation permettant aux personnes ayant déposées une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux concernant des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive de réaliser les travaux sans disposer des équipements et réseaux requis. Pour permettre ces constructions, l’autorité compétente peut instituer une servitude tendant à ne pas utiliser les constructions en période hivernale ou à limiter leur usage. De plus, cette servitude  libère la commune de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. La servitude rappelle enfin l’interdiction de circulation des véhicules à moteur en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. Cette servitude, de nature réglementaire, constitue une décision distincte de l’autorisation individuelle de construire. Par suite, son entrée en vigueur dépend, non de la notification et de l’affichage spécifique de l’autorisation de construire mais de son inscription au fichier immobilier et, comme toute décision réglementaire, de sa publication. (CAA Lyon, 19 mai 2011, n° 09LY01441). Très contraignante pour les personnes souhaitant réaliser des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux, elle soulève un certain nombre de difficultés (I) qui permettent de s’interroger sur sa constitutionnalité (II). Les difficultés liées à l’institution de cette servitude En premier lieu, cette servitude, une fois publiée, reste en vigueur même si d’autres autorisations d’urbanisme sont délivrées sur le même bâtiment. Elle peut toutefois être amenée à évoluer si les conditions de desserte du chalet ou du bâtiment d’estive évoluent.  (CAA Lyon, 19 mai 2011, n° 09LY01441). Attachée au bien, cette servitude est durable, ce qui présente un premier inconvénient pour les personnes tenues de la respecter. En deuxième lieu, l’institution de la servitude est bien moins contrôlée lors de son édiction que la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou d’estive. Il convient à cet égard de préciser que la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière est autorisée par arrêté préfectoral, après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et…

Distribution d’eau: condamnation d’un distributeur pour limitation du débit d’eau

  Par Aurélien Boudeweel – Green Law Avocats  Par une ordonnance de référé en date du 15 janvier 2016, le tribunal d’instance de PUTEAUX condamne une société de distribution d’eau pour réduction illicite du débit d’eau potable. Nous nous étions déjà fait l’écho de condamnations de compagnies d’eau pour coupure illégale (cf notre article en date du 31 octobre 2014, ici) En l’espèce, le distributeur d’eau avait, dans le litige soumis au Tribunal d’instance, non pas coupé l’eau mais réduit le débit d’eau d’une famille qui avait un impayé de facture de 400 euros. Rappelons que l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles prévoit : « Dans les conditions fixées par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie, d’eau ainsi que d’un service téléphonique restreint est maintenue jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide ». Dans le cadre du litige qui lui était soumis, la tribunal d’instance de PUTEAUX fait application de cette disposition et condamne le distributeur d’eau: «Aux termes de l’article L115-3 du Code de l’cation sociale et des familles « dans les conditions fixées par la loin ° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement. (…) Du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement de factures de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles(…). Il résulte de l’application de ces textes qu’en tout état de cause, l’interruption de la fourniture d’eau est interdite pour une résidence principale en cas d’impayés et ce, toute l’année. Or, les sociétés X et Y ne peuvent se prévaloir de l’application d’une disposition d’un règlement de service qui prévoit l’interruption de l’alimentation en cas d’impayés pour contrevenir à leurs obligations légales (…). Force est de constater que la mise en place d’un débit réduit par le biais de la pose de cette lentille aboutit aux mêmes conséquences qu’une coupure d’alimentation d’eau de sorte que cette pratique doit être assimilée à une interruption de la fourniture d’eau (…). Dès lors, il convient de relever que la mise ne place de cette lentille constitue un trouble manifestement illicite constitué par le non-respect des termes de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles, qu’il convient de faire cesser (…) ». En condamnant le distributeur d’eau, le tribunal d’instance souligne le droit fondamental de toute personne à l’eau. Le jugement rendu par la juridiction civile est l’occasion de mettre en lumière la disposition de l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles. Aux termes de cet article, rappelons: Ø  Que toute personne, en cas de non-paiement de ses factures d’eau consécutives à des difficultés financières à le droit d’obtenir de l’aide de la collectivité publique pour disposer du maintien de la fourniture d’eau et le distributeur doit dès lors maintenir son service. Ø  A défaut, toute personne a le droit de réclamer un plan d’apurement de sa dette auprès du fournisseur qui ne peut alors interrompre la fourniture en cas de respect des modalités de règlement convenus entre les parties. Ø  En tout état de cause, la juridiction saisie d’un litige appréciera la bonne foi du particulier. L’article L115-3 du code de l’action sociale et des familles s’applique à l’ensemble des distributeurs de fourniture d’eau mais également aux distributeurs d’énergie et de services téléphoniques. Notons que le jugement rendu est très intéressant puisque la juridiction civile condamne la société de distribution d’eau non pas pour avoir coupé l’eau mais pour en avoir réduit le débit. Consciente que cette société a voulu contourner les termes de la réglementation, le Tribunal d’instance de PUTEAUX assimile la réduction du débit à une coupure afin de sanctionner le comportement empreint de malice de la société de distribution d’eau.

Réforme du droit des contrats : quels impacts pour les projets liés au droit de l’environnement ?

Par Graziella DODE, Elève-avocat (Master 2 Droit de l’environnement, de la sécurité et de la qualité des entreprises, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines; Master 2 Droit des affaires, Université de Nantes) Issue d’un processus de longue haleine, l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été publiée au Journal Officiel du 11 février 2016. Elle entrera en vigueur le 1er octobre 2016. Précisions d’emblée que les contrats conclus antérieurement demeureront soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion (sauf exceptions listées à l’article 9 de l’ordonnance, telles que les actions interrogatoires, qui seront applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance), et que les actions introduites en justice introduites avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance seront poursuivies et jugées conformément à la loi ancienne. Tous les projets qui requièrent la conclusion d’un contrat, et plus largement la mise en œuvre de relations contractuelles, seront concernés par la réforme. D’un point de vue environnemental, sans être exhaustif, il pourrait s’agir des projets suivants : Les projets de parcs éoliens, de centrales solaires et de méthanisation : promesses de vente, promesses de bail, contrats de vente. Les contrats d’installations de centrales, les contrats de fourniture et de maintenance. Les cessions de sites et les transmissions d’entreprises soumises ou non à la législation ICPE : négociation et conclusion de contrats de cessions d’actifs (SPA, GAP, EPC, AMO…) Tout autre type d’accord faisant l’objet d’un contrat : accords de confidentialité, conventions de prestations de services, contrait de partenariat… La visibilité, l’accessibilité, la modernisation, la sécurité juridique et l’attractivité sont les objectifs de cette réforme dont voici les principaux apports. Dispositions préliminaires Le plan du livre III du Code civil est remanié, les titres III à IV bis modifiés et restructurés. Il s’agit d’une codification à droit constant de la jurisprudence, et de la pratique, de sorte que les dispositions entérinées sont déjà bien connues des praticiens et des opérateurs économiques. Pas de changements majeurs donc, même si la codification est d’une ampleur certaine car le droit commun des contrats n’avait pas été modifié depuis la création du Code civil en 1804. Une nouvelle définition du contrat Le nouvel article 1101 définit le contrat comme « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations », abandonnant ainsi les notions d’obligations de faire, de ne pas faire et de donner. Consécration des principes de liberté contractuelle, de force obligatoire du contrat et de bonne foi Selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance, les articles 1102 à 1104 consacrant ces principes expriment des règles générales qui innervent la matière afin de faciliter l’interprétation de l’ensemble des règles applicables au contrat et, au besoin, d’en combler les lacunes. S’agissant de la bonne foi, le célèbre article 1134 du Code civil se retrouve divisé entre les articles 1103 et 1104. La bonne foi doit désormais être respectée à tous les stades de la vie du contrat, y compris au moment des négociations et de la formation du contrat. Il s’agit d’une disposition d’ordre public à laquelle les parties devront impérativement veiller tout au long de leurs relations contractuelles. A défaut, tant que le contrat n’est pas conclu, elles risquent l’engagement de leur responsabilité délictuelle, et donc le paiement de dommages-intérêts (voir par ex. Civ. 1ère, 15 mars 2005, n° 01-13.018). Après la conclusion du contrat, les parties risquent l’engagement de leur responsabilité contractuelle. Pour rappel, le devoir de bonne foi implique notamment un comportement loyal et une coopération entre les parties. Cela peut être le respect de la confidentialité d’un projet au stade des pourparlers ou un comportement loyal au cours de l’exécution du contrat. Par exemple, ne constituerait pas un tel comportement celui d’une partie à un contrat prévoyant la création d’un parc éolien qui développerait en parallèle un projet concurrent. La formation du contrat (conclusion, validité, contenu et sanctions) La conclusion du contrat Engagement de la responsabilité de l’auteur d’une faute dans l’initiative, le déroulement et la rupture des pourparlers  Cette responsabilité sera en principe de nature extracontractuelle, sauf aménagement conventionnel, précise le rapport relatif à l’ordonnance. L’article 1112 ajoute que la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu. Affirmation d’une obligation générale d’information L’obligation d’information, corollaire de la bonne foi, est érigée en règle générale du droit des contrats          (art. 1112-1). Il s’agit d’une « exigence de transparence qui oblige chacun des négociateurs à informer l’autre de tous les éléments propres à l’éclairer dans sa prise de décision » (D. Mazeaud, Mystères et paradoxes de la période précontractuelle, in Mélanges J. Ghestin, 2001, LGDJ, p. 637, spéc. P. 642), telle que la viabilité de l’opération envisagée (en revanche le devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation). La dissimulation intentionnelle d’une telle information sera constitutive d’un dol susceptible d’entraîner la nullité du contrat et le paiement de dommages-intérêts. Cette obligation n’est pas sans rappeler l’information due par le vendeur d’un terrain ayant été occupé par une installation classée ou une mine (art. 514-20 du code de l’environnement, art. L. 125-5-IV du code de l’environnement, art. L. 154-2 du code minier). Consécration du régime de l’offre L’article 1133 définit la formation du contrat par la rencontre d’une offre et d’une acceptation. L’offre ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable (art. 1116). Par ailleurs, il est désormais affirmé que l’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable. Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur (art. 1117). Il est enfin acquis que le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant (théorie de la réception, art. 1121). Consécration du régime du pacte de préférence L’ordonnance définit le pacte de préférence (art. 1123) et prévoit les…

Urbanisme: Extension du délai de validité et renforcement de la possibilité de prorogation des autorisations d’urbanisme (décret du 5 janvier 2016)

Par Sébastien BECUE- Green Law avocats Le 5 janvier 2016, le gouvernement a publié le décret n°2016-6 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d’aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable, texte qui s’inscrit dans la droite ligne du plan de relance pour le logement annoncé par Manuel Valls en août 2014. Les apports principaux du décret sont les suivants : La pérennisation de l’extension du délai de validité des autorisations d’urbanisme de deux à trois années ; La faculté, pour le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, d’en demander deux fois la prorogation pour une durée d’un an ; L’extension de la faculté de prorogation spécifique aux éoliennes à l’ensemble des ouvrages de production d’énergie renouvelable.     La pérennisation de l’extension du délai de validité des autorisations d’urbanisme   Pour rappel, le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme ou d’une décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux est tenu de commencer les travaux autorisés ou déclarés dans un délai déterminé. A défaut, son autorisation « périme » (article R* 424-17 du code de l’urbanisme). Le point de départ de ce délai est en principe la date de notification ou de naissance tacite de la décision, sauf lorsque le commencement des travaux est subordonnée à une autorisation ou à une procédure prévue par une autre législation. Dans ce cas, le délai court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation (article R* 424-20). Le commencement des travaux se formalise en pratique par la transmission à au maire d’un formulaire CERFA de « déclaration d’ouverture de chantier » (DOC) (article R* 424-16). Le juge, lorsqu’il statue en matière de péremption, ne s’arrête toutefois pas au DOC, il contrôle la réalité du commencement des travaux (CE, 9 févr. 1977, n°00114 ; CE, 5 oct. 1988, n°72619). Le bénéficiaire avait jusqu’à maintenant deux années pour débuter les travaux. Mais déjà, dans le cadre du plan de relance, un décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 (que nous commentions ici) prévoyait, de façon dérogatoire, l’extension du délai de validité de deux à trois années pour les autorisations et décisions de non-opposition en cours de validité à la date de la publication du décret et celles intervenant au plus tard le 31 décembre 2015. Le décret ici commenté pérennise donc ce dispositif en l’inscrivant dans le code de l’urbanisme. Le délai de validité de trois années devient ainsi la règle. Il est à noter que le décret ne modifie pas la seconde cause de péremption des autorisations d’urbanisme et décisions de non-opposition, qui est celle causée par l’interruption des travaux au delà d’un délai d’une année. Par ailleurs, le décret procède aussi à l’extension de deux à trois années du délai de validité des décision de non-opposition à déclaration préalable portant sur un changement de destination ou une division de terrain (article R* 424-18 du code de l’urbanisme). La faculté de prorogation des autorisations d’urbanisme   Lorsqu’une autorisation d’urbanisme ou décision de non-opposition risque de « périmer », son bénéficiaire a la faculté de solliciter de l’administration, deux mois au moins avant l’expiration du délai de validité, qu’elle lui soit prolongée pour une durée d’un an, à la condition toutefois que « les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’[aient] pas évolué de façon défavorable à son égard » (article R*424-21 alinéa 1). Jusqu’au présent décret, l’autorité pouvait proroger l’autorisation ou la décision de non-opposition « pour une année ». Désormais elle a la faculté de le faire « deux fois pour une durée d’un an ». Le bénéficiaire devra donc effectuer deux demandes. L’extension de la faculté de prorogation spécifique aux éoliennes à l’ensemble des ouvrages de production d’énergie renouvelable Les éoliennes bénéficient de conditions de prorogation spécifiques et particulièrement intéressantes : la demande de prorogation peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation, et, le cas échéant, après prorogation de l’enquête publique (article R*424-21 alinéas 2 et 3 ; pour une présentation détaillée du régime, voir ici). Le décret objet du présent commentaire étend cette faculté, jusque là réservée aux seules éoliennes, à l’ensemble des ouvrage de production d’énergie renouvelable (à savoir, pour rappel : les ouvrages utilisant les énergies suivantes : éolienne, solaire, géothermique, aérothermique, hydrothermique, marine et hydraulique, biomasse, gaz de décharge, gaz de stations d’épuration d’eaux usées, et biogaz). Modalités d’entrée en vigueur du décret Ces trois modifications s’appliquent à l’ensemble des autorisations en cours de validité à la date de publication du décret, à savoir au 6 janvier 2016; Pour les autorisations d’urbanisme, décisions de non-opposition à déclaration de travaux, de changement de destination ou division de travaux, ayant bénéficié d’une prorogation ou de la « majoration » du décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 précité, le délai résultant est majoré d’un an. Ce décret va très certainement dans le sens des porteurs de projet. Toutefois on attend toujours les mesures permettant une vraie réduction de la durée des contentieux devant les juridictions administratives, à notre sens principal obstacle d’ordre juridique à la reprise de la construction.