Distance d’épandage : pas de suspension

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Comme nous l’avions évoqué, le Conseil d’Etat a statué en référé sur la possibilité de déroger aux distances d’épandages dans certains départements ce 15 mai 2020 par deux ordonnances (CE, ord. 15 mai 2020, n° 440346, Collectif des maires antipesticides et CE, ord. 15 mai 2020, n°440211, Association générationsfutures et autres). En effet, l’arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques a instauré des distances de sécurité entre les zones traitées et les bâtiments habités, appelées ZNT pour Zone de Non Traitement. Ces zones sont de dix mètres pour les cultures dont la hauteur est supérieure à cinquante centimètres, de cinq mètres pour les cultures basses et vingt mètres pour les produits les plus dangereux. Ces distances peuvent être divisées par deux, à condition que l’agriculteur soit équipé de dispositifs anti-dérive et qu’une charte d’engagement entre agriculteurs et riverains soit signée par le préfet après consultation publique. Par ces temps difficiles de confinement, le Ministère de l’agriculture avait permis cette réduction des distances, sans la consultation publique. Par un premier recours, le collectif des maires antipesticides demandait au juge des référés de suspendre l’exécution du décret et de l’arrêté du 27 décembre 2019 précisant les distances minimales de sécurité pour l’épandage des pesticides près des habitations. Par un second recours, neuf associations demandaient la suspension d’une instruction technique du 3 février 2020 publiée par le ministre de l’Agriculture qui autorisait les agriculteurs, dans certaines conditions, à réduire les distances minimales fixées par l’arrêté et le décret du 27 décembre 2019, ainsi que la suspension d’un communiqué de presse et d’une lettre de mise en œuvre publiés le 30 mars 2020 sur le site du ministère de l’Agriculture qui permettaient, dans le contexte lié à l’épidémie de covid-19, de procéder à un épandage selon des distances minimales réduites avant même que le projet de charte soit approuvé par le préfet et même soumis à concertation publique. S’agissant du recours présenté par le collectif des maires antipesticides, le Conseil d’Etat, rappelle la première demande déjà jugée le 14 février 2020. De nouveaux éléments sont présentés ici, dont une étude néerlandaise. Le collectif a précisé en outre le contexte particulier créé par l’épidémie de covid-19 et l’existence d’un lien entre la pollution de l’air et le développement des maladies respiratoires en général et du covid-19 en particulier. Le Conseil d’Etat estime néanmoins : « 8. Toutefois, il résulte des éléments versés au dossier et des échanges lors de l’audience publique que l’étude néerlandaise, qui porte sur le cas particulier de la culture horticole dans laquelle l’usage des pesticides est particulièrement important, si elle souligne la grande capacité de dispersion des produits en cause, n’apporte aucun élément nouveau sur les effets d’une exposition à ces produits, qui plus est à des doses plus réduites compte tenu de leur diminution avec l’éloignement, sur la santé. Par ailleurs, si certaines études récentes, en particulier une étude italienne versée au dossier par le requérant, souligne la correlation entre les dépassements répétés du seuil de 50 µg / m³ pour les PM10 dans l’air survenus en Lombardie sur la période du 10 au 29 février 2020 et la virulence de l’épidémie de covid-19 dans cette région à compter du 3 mars de cette année, ces études ne portent pas sur la question spécifique des effets à court et moyen termes de l’épandage de pesticides à des fins agricoles sur la santé des habitants des zones situées à proximité. Elles n’apparaissent pas, en l’état de l’instruction, de nature à remettre en cause l’avis rendu sur ce sujet par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail le 4 juin 2019 qui recommandait les distances minimales de sécurité que l’arrêté du 27 décembre 2019 a retenu ». Ainsi les éléments présentés sont toujours insuffisants pour les juges qui estiment donc que la condition d’urgence n’est pas remplie. S’agissant du recours des associations, la Haute juridiction, qui statuait le 15 mai soit après le déconfinement, a relevé dans un premier temps, s’agissant de l’instruction technique, que : « 10. Il résulte cependant de l’instruction que les distances minimales en cause sont conformes aux préconisations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail dans son avis du 4 juin 2019 au vu duquel a été pris l’arrêté, avis qui est fondé sur des calculs d’exposition des riverains aux produits en cause lorsqu’ils sont effectivement présents à leur domicile au moment de leur épandage, comme c’est particulièrement le cas dans la période actuelle. En outre, la mesure en cause, si elle permet aux agriculteurs, dans les départements dans lesquels un projet de charte d’engagements a été élaboré conformément aux exigences des articles D. 253-46-1-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et de l’arrêté du 4 mai 2017 modifié et de son annexe 4, et soumis effectivement à la concertation publique, notamment par la mise en oeuvre effective des mesures de publicité prévues par l’article D. 253-46-1-3 de ce code, d’appliquer le contenu du projet de charte sans attendre son approbation par le préfet, n’a ni pour objet ni pour effet de priver les populations concernées de l’information à laquelle elles ont droit sur l’existence et le contenu d’un projet de charte ni du bénéfice d’une concertation effective avant l’approbation du projet de charte par le préfet. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que cette mesure soit de nature à présenter un risque imminent pour la santé ni à compromettre la concertation prévue par les articles R. 253-46-1-1 et suivants du même code ». Le Conseil d’Etat précise ici que l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail prend en compte la situation lorsque les riverains sont chez eux. Il précise également que la mesure concerne les départements dans lesquels un projet de charte d’engagements a déjà été élaboré. Cette instruction, dont les effets prendront fin le 30 juin, ne présente donc pas un risque imminent pour la santé et…

Principe de précaution et fixation des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques (CE, 7 mars 2018, n°399727)

Par Me Lucas DERMENGHEM- Green Law Avocats L’association Robin des Toits avait sollicité du Premier ministre qu’il procède à l’abaissement des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements de téléphonie mobile, prévues par le décret n°2002-775 du 3 mai 2002. Saisi du recours de cette association tendant à l’annulation du refus du Premier ministre de procéder à cet abaissement, le Conseil d’Etat a rejeté néanmoins cette demande par un arrêt du 7 mars 2018 (CE, 7 mars 2018, n°399727). Cette décision suscite l’intérêt notamment en ce qu’elle décline la méthodologie d’application du principe de précaution – invoqué par l’association – à la fixation des valeurs limites d’exposition en matière de champs électromagnétiques. Ce sujet délicat est en effet l’un des domaines dans lesquels l’application du principe de précaution est régulièrement sollicitée, en raison de l’évolution des connaissances scientifiques et de la mouvance du cadre de protection de la santé humaine en la matière. La Haute Assemblée détaille ainsi la méthode que doit suivre l’autorité compétente de l’Etat pour la fixation des valeurs limites précitées : « Considérant que, s’agissant de la fixation des valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements de téléphonie mobile, l’autorité compétente de l’Etat doit rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, la réévaluation de ces valeurs par application du principe de précaution ; que, pour remplir cette obligation, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d’évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d’une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d’autre part, à l’intérêt de l’opération, les mesures de précaution dont l’opération est assortie afin d’éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives ; qu’il appartient au juge, au vu de l’argumentation dont il est saisi, de vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée, puis de s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution »[1] Cette rédaction n’est pas sans rappeler une décision précédemment rendue par le Conseil d’Etat, déjà sur le thème de l’application du principe de précaution en matière d’ondes électromagnétiques, à propos de la construction de la ligne Très-Haute-Tension (THT) « Cotentin-Maine » (CE, 12 avril 2003, Association Coordination interrégionale STOP THT et autres, req. n° 342409). Si les considérants de principe de ces deux décisions sont presque identiques, on s’étonnera toutefois des termes employés par la Haute Assemblée dans l’arrêt le plus récent. En effet, dans son arrêt de 2013, le Conseil d’Etat estimait que des procédures d’évaluation du risque devaient être mises en œuvre par les autorités publiques dans le cas où existaient des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque pour l’environnement ou pour la santé (Cf. considérant n°37 de l’arrêt). Dans l’arrêt de 2018, la rédaction employée suggère que c’est précisément la mise en place de procédures d’évaluation qui doit permettre d’identifier un tel risque. Selon le Conseil d’Etat, l’évaluation du risque doit désormais être l’un des outils permettant d’identifier le risque et ne doit pas intervenir a posteriori, une fois le risque identifié. Dans la décision commentée, la Haute Assemblée constate d’abord que des procédures d’évaluation des risques ont été mises en œuvre, par la mission de veille et de vigilance en matière de radiofréquences exercée par l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et par le contrôle du respect des valeurs limites d’exposition effectué par l’Agence nationale des fréquences (Cf. considérant n°4 de l’arrêt ). Ensuite, le Conseil d’Etat constate que les mesures de précaution entourant la fixation des valeurs limites d’exposition au public des champs électromagnétiques sont suffisantes, à la lumière de l’état des connaissances scientifiques engagées à ce jour, lesquelles ne plaident pas en faveur de l’abaissement des valeurs limites d’exposition (Cf. considérant n°5 de l’arrêt). Ainsi : les conclusions des nombreuses recherches scientifiques consacrées aux effets non thermiques des ondes radioélectriques, dont plusieurs études internationales, n’ont pas mis en évidence d’effet athermique de ces ondes sur l’homme entraînant des conséquences sanitaires délétères, en l’absence de mise en évidence de tels effets, le Conseil de l’Union européenne n’a pas révisé sa recommandation du 12 juillet 1999 relative à l’exposition du public aux champs électromagnétiques (Cf. Recommandation du Conseil n° 1999/519/CE du 12/07/99 relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz), J.O.C.E n° L 199 du 30 juillet 1999) préconisant les valeurs limites qui ont été reprises par le Premier ministre dans le décret du 3 mai 2002 ; les rapports d’expertise collective publiés par l’ANSES en 2009 et 2013 n’ont pas préconisé la révision de ces valeurs limites ; la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants a certes engagé une révision de ses propres conclusions concernant les hautes fréquences mais, comme l’a indiqué la Commission européenne, il convient d’attendre les conclusions de ces travaux pour examiner à nouveau la pertinence des valeurs limites d’exposition. Le Conseil d’Etat en conclut qu’en l’état actuel des connaissances scientifiques, et dans l’attente des résultats des travaux engagés, il ne peut être considéré que le Premier ministre a commis une erreur d’appréciation en s’abstenant de modifier à la baisse les valeurs limites d’exposition (Cf. considérant n°6 de l’arrêt.). On remarquera toutefois que le Conseil d’Etat prend le soin de souligner que des travaux ont été engagés et que leurs résultats sont attendus. Cela pourrait-il suggérer qu’en fonction de leur contenu, ces conclusions seront susceptibles d’entraîner la modification des seuils d’exposition actuellement fixés et que le refus de procéder en ce sens pourra, cette fois, constituer une…

Il est des silences qu’on entend (CE, 1ère- 6ème chambres réunies, 17/11/2017, n° 398573)

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Le régime français du refus implicite encore très souvent maintenu, malgré la proclamation du principe qui voudrait que le silence vaille accord, pose parfois la question de sa compatibilité avec le droit communautaire dérivé. Ainsi par un arrêt du 17 novembre 2017 (téléchargeable ici : CE, 1ère– 6ème chambres réunies, 17/11/2017, n° 398573), le Conseil d’Etat juge que « lorsque le droit de l’Union européenne impose, ainsi que le fait le paragraphe 2 de l’article 6 de la directive 89/105/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, la motivation d’une décision administrative, devant intervenir dans un délai déterminé, comme une garantie conférée aux administrés intéressés, de telles dispositions ne font pas, en principe, obstacle à la formation, à l’expiration des délais prévus à cet effet par le droit interne, d’une décision implicite de rejet mais s’opposent toutefois à ce qu’une telle décision ne soit pas accompagnée d’une motivation à l’expiration du délai imposé par le droit de l’Union européenne ». En l’espèce, la Haute juridiction considère que « dès lors, en l’absence de motivation à l’expiration de ce délai, le ministre des affaires sociales et de la santé ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration selon lesquelles « une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation ». Le même arrêt apporte encore cette précision de principe ; « Enfin, lorsque la décision en cause doit être prise au vu de l’avis motivé d’un organisme collégial, lequel s’est prononcé dans un sens défavorable à la demande, l’administré ne peut être regardé comme ayant eu connaissance des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande du seul fait qu’il s’est vu communiquer cet avis avant l’expiration du délai imparti, sauf à ce que l’administration lui ait préalablement fait connaître, le cas échéant par une mention de l’accusé de réception de sa demande, que l’absence de décision explicite dans ce délai manifesterait qu’elle entend rejeter sa demande en s’appropriant les motifs de l’avis à intervenir ». Ainsi le Conseil d’Etat conditionne la motivation d’une décision implicite de rejet par référence anticipée à un avis, à une information préalable de cette éventualité au bénéfice du demandeur. Cette solution s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la CJUE rendue en matière de droit d’accès à l’information environnementale. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment de l’arrêt rendu le 26 juin 2003 dans l’affaire C-233/00, Commission c/ République française, que des dispositions de droit européen prévoyant que des décisions doivent être motivées dans un certain délai impliquent que l’autorité publique fournisse d’office, et non sur requête du demandeur, les motifs de ses décisions. La Cour a ainsi jugé dans l’affaire C-233/00 : « Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 4, de ladite directive exige que l’autorité publique fournisse d’office les motifs de sa décision de  rejet d’une demande d’informations relatives à l’environnement, sans que le demandeur ait à présenter une demande en ce sens, même si, dans  l’hypothèse d’un silence gardé par l’administration, ces motifs peuvent être communiqués à ce dernier à une date ultérieure » (même arrêt). Et à propos des décisions implicites de rejet des demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques rendues sous le nouveau régime désignant le Directeur de l’ANSES comme autorité compétente, le Conseil d’Etat a ainsi neutralisé le moyen tiré de ce que l’article R. 253-12 du code rural et de la pêche maritime méconnaîtrait les dispositions combinées des règlements n° 1107/2009 et n° 546/2011 (CE, 3ème – 8ème chambres réunies, 19/06/2017, n° 392989). Le poète nous révèle que « Les îles ont un silence qu’on entend ». Le droit non avare de ses propres paradoxes sera parvenu à inventer la fiction d’une motivation dans le silence de la décision… david.deharbe@green-law-avocat.fr

Autorisations des « phyto » : mise en conformité des gammes d’usage « amateur » et « professionnel »

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Le régime des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques résulte essentiellement du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil. Le contenu des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques est défini à l’article 31 de ce règlement. Aux termes de cet article : « 1. L’autorisation définit les végétaux ou les produits végétaux et les zones non agricoles […] sur lesquelles le produit phytopharmaceutique peut être utilisé et les fins d’une telle utilisation. 2. L’autorisation énonce les exigences relatives à la mise sur le marché et l’utilisation du produit phytopharmaceutique. Ces exigences comprennent au minimum les conditions d’emploi nécessaires pour satisfaire aux conditions et prescriptions prévues par le règlement approuvant les substances actives, phytoprotecteurs et synergistes. L’autorisation inclut une classification du produit phytopharmaceutique aux fins de l’application de la directive 1999/45/CE. […] 3. Les exigences visées au paragraphe 2 comprennent également, le cas échéant: a) la dose maximale par hectare pour chaque utilisation; b) le délai à respecter entre la dernière utilisation et la récolte; c) le nombre maximal d’utilisations par an. 4. Les exigences visées au paragraphe 2 peuvent concerner les points suivants: a) une restriction relative à la distribution et à l’emploi du produit phytopharmaceutique afin d’assurer la protection de la santé des distributeurs, des utilisateurs, des personnes présentes sur les lieux, des habitants, des consommateurs ou des travailleurs concernés ou de l’environnement, en prenant en considération les exigences imposées par d’autres dispositions communautaires; une telle restriction est indiquée sur l’étiquette; b) l’obligation d’aviser, avant l’utilisation du produit, tout voisin qui est susceptible d’être exposé à la dérive de pulvérisation et a demandé à être informé; c) des indications relatives à l’utilisation appropriée conformément aux principes de lutte intégrée contre les ennemis des cultures tels que visés à l’article 14 et à l’annexe III de la directive 2009/128/CE; d) la désignation de catégories d’utilisateurs, tels les professionnels et les non-professionnels; e) l’étiquetage approuvé; f) le délai entre les utilisations; g) le cas échéant, le délai entre la dernière utilisation et la consommation du produit phytopharmaceutique; h) le délai de rentrée; i) la taille de l’emballage et les matériaux qui le composent. » [Souligné par nos soins] Il est donc nécessaire que les autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques comportent la désignation des catégories d’utilisateurs concernés par les produits, tels les professionnels ou les non-professionnels. En ce qui concerne la désignation des catégories d’utilisateurs tels les professionnels et les non-professionnels prévue au d) du 4° de cet article, l’article D253-8 du code rural et de la pêche maritime prévoit plus précisément que : « I. Selon les catégories d’utilisateurs, les autorisations de mise sur le marché, les permis de commerce parallèle ou d’expérimentation des produits phytopharmaceutiques sont délivrés pour l’une des gammes d’usages suivantes : 1° La gamme d’usages ” professionnel ”, correspondant à l’ensemble des usages réservés aux utilisateurs professionnels au sens de l’article R. 254-1 ; 2° La gamme d’usages ” amateur ”, correspondant à l’ensemble des usages également à disposition des utilisateurs non professionnels. Seuls peuvent être autorisés pour la gamme d’usages ” amateur ” les produits : – dont la formulation et le mode d’application sont de nature à garantir un risque d’exposition limité pour l’utilisateur. Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture précise les catégories de produits ne répondant pas à ce critère ; et  -dont l’emballage et l’étiquette proposés, outre qu’ils sont conformes aux exigences réglementaires relatives aux conditions d’étiquetage en vigueur, répondent aux conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’agriculture. La décision d’autorisation de mise sur le marché des produits relative à la gamme d’usages ” amateur ” comporte la mention ” emploi autorisé dans les jardins ”. Sans préjudice des dispositions des articles 40 et 52 du règlement (CE) n° 1107/2009, sont autorisés pour la gamme d’usages ” amateur ” les produits phytopharmaceutiques bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché dans un autre Etat membre comportant une mention reconnue équivalente. Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture établit les modalités de mise en conformité des autorisations existantes au regard des deux gammes de produits susvisées. II. Pour l’application du 1 de l’article 31 du règlement (CE) n° 1107/2009, un catalogue national des usages phytopharmaceutiques, rendu public par le ministre chargé de l’agriculture, répertorie les usages qui peuvent être autorisés pour les produits phytopharmaceutiques, correspondant notamment à l’association d’un végétal, produit végétal ou famille de végétaux avec un ravageur, groupe de ravageurs, maladie ou groupe de maladies contre lequel le produit est dirigé ou avec une fonction ou un mode d’application de ces produits. » [souligné par nos soins] L’arrêté annoncé pour établir les modalités de mise en conformité des autorisations existantes au regard des deux gammes de produits susvisés a été signé le 21 octobre 2015 (consultable ici). Il s’agit d’une signature plutôt tardive dans la mesure où la consultation du public sur le projet d’arrêté s’était déroulée du 3 au 23 juillet 2013. Cet arrêté, relatif à la mise en conformité des autorisations de mise sur le marché et permis de commerce parallèle des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants au regard des deux gammes d’usage « amateur » et « professionnel », a été publié au Journal officiel le 30 octobre 2015 et est entré en vigueur le lendemain de sa publication. Il comporte trois articles : – Le premier article prévoit que les titulaires de mise sur le marché et de permis de commerce parallèle de produits phytopharmaceutiques mettent en conformité leurs autorisations et permis avec le dispositif des deux gammes d’usage prévues à l’article R. 253-8 précité. Il est précisé que, le cas échéant, les titulaires d’autorisations et de permis peuvent proposer une requalification au regard des définitions mentionnées à l’article D. 253-9 du même code (« produit de seconde gamme », « produit…

Mise à distance des éoliennes pour les générations futures : suspense au Parlement

Par Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Tous les jours, les médias répètent qu’il faut abandonner l’énergie nucléaire et les énergies fossiles, qu’il faut multiplier le recours aux énergies renouvelables, que le projet de loi sur la transition énergétique doit constituer une avancée fondamentale pour l’environnement, qu’il est nécessaire d’agir pour le climat et qu’à cette fin, la 21ème conférence sur le climat qui se déroulera fin 2015 à Paris doit être un succès… Dans un contexte où les préoccupations environnementales reviennent manifestement sur le devant de la scène, le Sénat semble pourtant en avoir décidé autrement en mettant un frein au développement de l’énergie éolienne terrestre. Pourtant, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte présenté au nom de M. Valls par Mme Royal affichait initialement des objectifs ambitieux. Ainsi, l’exposé de ses motifs précisait notamment que : « Le projet de loi fixe les objectifs, trace le cadre et met en place les outils nécessaires à la construction par toutes les forces vives de la nation – citoyens, entreprises, territoires, pouvoirs publics – d’un nouveau modèle énergétique français plus diversifié, plus équilibré, plus sûr et plus participatif. Il vise à engager le pays tout entier dans la voie d’une croissance verte créatrice de richesses, d’emplois durables et de progrès. Une croissance qui lutte contre le réchauffement climatique, combat le chômage et réduit la facture énergétique de la France, qui s’élève à près de 70 milliards d’euros au détriment de notre balance commerciale et de nos finances publiques. Une croissance non prédatrice qui protège la biosphère et nous permet de vivre en harmonie avec ses écosystèmes dont nous sommes partie intégrante. Une croissance qui valorise de nouvelles technologies et permet de conquérir de nouveaux marchés dans le domaine des énergies renouvelables et des transports propres. […] Ce texte exprime la conviction que la France dispose de puissants atouts pour réussir une mutation énergétique qui n’est pas une contrainte à subir mais une chance à saisir. » Son article 38 devait notamment procéder au toilettage et à la clarification de diverses dispositions du code de l’énergie. Ce projet de loi a été déposé par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale et, dans un premier temps, examiné par elle. Le texte adopté par l’Assemblée Nationale le 14 octobre 2014 a ajouté après cet article 38 un article 38 bis A concernant l’implantation des éoliennes au regard des documents d’urbanisme et un article 38 bis concernant le moment auquel doit s’apprécier la compatibilité d’une installation classée avec les documents de planification d’urbanisme. Il n’était toutefois nullement question de modifier la distance d’implantation entre les habitations et les éoliennes. Dans un second temps, le projet de loi dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale a été transmis au Sénat. Avant d’être examiné en séance plénière, le projet de loi a été transmis à une commission chargée de l’étudier, de proposer des modifications (amendements) et d’élaborer le « texte de la commission ». Un amendement a été déposé sur le texte de la Commission par plusieurs sénateurs dont M. Germain. Cet amendement visait à ajouter un nouvel article après l’article 38 bis A afin d’imposer une distance de 1000 mètres entre les habitations et les éoliennes industrielles, contre 500 mètres actuellement. Aux termes de cet amendement, la deuxième phrase du cinquième alinéa de l’article L.553-1 du code de l’environnement devait désormais être rédigée ainsi : « La délivrance de l’autorisation d’exploiter est subordonnée à l’éloignement des installations d’une distance de 1000 mètres par rapport aux constructions à usage d’habitation, aux immeubles habités et aux zones destinées à l’habitation définies dans les documents d’urbanisme en vigueur à la date de publication de la même loi. » L’exposé des motifs de cet amendement faisait état du fait que la distance de 500 mètres actuellement retenue était « largement sous-évaluée ». A cet égard, l’exposé des motifs se faisait l’écho des protestations « rapportées quasiment rapportées quotidiennement dans la presse régionale, de la part de populations rurales ou périurbaines qui manifestent leur désarroi. Les recours sont presque systématiques. » Pour justifier l’insuffisance de la distance actuelle, étaient aussi invoqués « une atteinte substantielle au droit de propriété et au droit de jouissance des riverains », l’impact sur la santé et la dévalorisation des biens immobiliers. Cet amendement avait donc pour objectif de concentrer les éoliennes industrielles dans les zones inhabitées et ce, afin de « préserver le point de départ des vocations écologistes : la beauté de la nature et de nos paysages qui participent de notre exception culturelle ». Cet amendement a été discuté en séance publique le 17 février dernier. M. Germain, qui défendait l’amendement, a alors justifié sa position par les considérations suivantes : « En définitive, c’est un sujet de biodiversité : nous souhaitons protéger le périurbain et le rural. Évidemment, l’urbain de passage qui voit au loin ces éoliennes les trouve belles et majestueuses. C’est vrai ! Mais, pour ceux qui vivent à côté, ces éoliennes géantes sont parfaitement intolérables, sans parler de la dévalorisation de leurs biens immobiliers. » M. Nègre, au nom de la Commission du développement durable, a déplacé le débat en soulignant un point très intéressant sur les distances entre les éoliennes et les habitations : Il a ainsi énoncé : « J’ai ainsi découvert que l’Académie nationale de médecine a recommandé en 2006 une distance de protection de 1 500 mètres et que la Royal Society of Medecine a mis en évidence un impact des éoliennes sur la santé perceptible jusqu’à 10 000 mètres de distance. J’ai également appris que le land de Bavière a décidé, après réflexion, que la distance par rapport à l’éolienne devait être égale à la hauteur de celle-ci multipliée par dix. […] Au Danemark, la distance doit être égale à trois fois la hauteur totale de l’éolienne.[…] En revanche, en Espagne, il n’existe pas de distance minimale, c’est étudié au cas par cas. Aux États-Unis, les comtés de Californie ont instauré des distances variant de une à quatre…