Par Maitre David DEHARBE (Green Law Avocats)
Par un jugement du 4 mars 2021, Le Tribunal administratif de Montpellier (téléchargeable ici) considère que l’objectif de consommation modérée de l’espace a bien été pris en compte à l’échelle du territoire couvert par un SCOT « Pic Saint-Loup Haute Vallée de l’Hérault » au stade de la définition du document d’aménagement artisanal et commercial.
Pourtant ce document d’urbanisme maintient en particulier le projet d’aménagement dénommé « Oxylane » destiné à accueillir un lotissement multi-activités à dominante commerciale sur un site de près de 24 hectares situé sur le territoire de la commune de Saint-Clément-de-Rivière…
Une association avait saisi le tribunal d’une requête tendant à l’annulation de cette délibération en tant seulement qu’elle maintient le projet « Oxylane », estimant que cette opération méconnait l’objectif de consommation économe de l’espace fixé par le code de l’urbanisme et contrarie d’autres objectifs définis par le SCOT lui-même.
Les juge montpelliérain rappelle qu’il résulte des dispositions des article L .141-16 et L. 141-17 du code de l’urbanisme « qu’en matière d’aménagement commercial, les auteurs du SCOT peuvent fixer des orientations et des objectifs d’implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d’aménagement du territoire et de consommation de l’espace, de protection de l’environnement ou de qualité de l’urbanisme ».
« Le document d’orientation et d’objectif (DOO) précise les orientations relatives à l’équipement commercial et artisanal. Il définit les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes, de maintien d’une offre commerciale diversifiée de proximité permettant de répondre aux besoins courants de la population tout en limitant les obligations de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l’espace et de préservation de l’environnement, des paysages et de l’architecture ». (C. urb., art. L. 141-16)
Mais pour le Tribunal si « l’association requérante soutient que le secteur d’implantation périphérique « Oxylane » est contraire à l’objectif de consommation économe de l’espace défini par l’article L. 141-16 du code de l’urbanisme dès lors qu’il représente une surface 23,5 hectares actuellement situés en zone agricole et naturelle […] Il ressort toutefois des pièces du dossier que le SCOT permet une réduction de la consommation de l’espace à l’échelle du périmètre arrêté en prévoyant une consommation de 300 hectares entre 2013 et 2030, soit une consommation de 17 hectares par an, alors qu’auparavant la consommation foncière annuelle était de 54 hectares. S’agissant plus particulièrement des besoins en matière de zones d’activités économiques, il ressort également des pièces du dossier que la consommation du foncier a également été réduite puisqu’elle était de 92 hectares pour la période 2001 à 2012 et qu’elle est désormais fixée à 60 hectares pour la période 2013-2030. Dans ces conditions, l’objectif de consommation modérée de l’espace a bien été pris en compte à l’échelle du territoire couvert par le SCOT au stade de la définition du document d’aménagement artisanal et commercial de sorte que le moyen ne peut qu’être écarté ».
Par ailleurs, le tribunal estime que, compte tenu de la situation stratégique du projet « Oxylane » au regard des objectifs de développement économique du territoire intercommunal, de l’important gisement de terres agricoles du périmètre du SCOT qui comporte 12 000 hectares de terres agricoles dont 80 % sont classés en espaces à très fort et à fort enjeux, l’identification du projet « Oxylane » en zone agricole ordinaire assure le respect des options d’aménagement retenues dans le projet d’aménagement et de développement durables par les auteurs du SCOT.
Ce contrôle du « respect des équilibres » par le document d’orientation et d’objectifs est très souvent illustré et réduit par la jurisprudence à l’erreur manifeste d’appréciation (CAA Nancy, 11 févr. 2010, Cne de Berentzwiller et a., n° 09NC00452: Envir. 2010, no 55, obs. Gillig.)
Un tel contrôle juridictionnel de la localisation préférentielle des zones commerciales de grande ampleur à l’aune de l’objectif de « l’utilisation économe et équilibrée des espaces naturels urbains, périurbains et ruraux » (L. 101-2 C. urb.) repose sur une appréciation somme toute globale, réalisée volontairement par le juge à l’échelle du territoire total couvert par le SCOT. Cela ne saurait surprendre : le projet commercial de grande échelle n’est pas par nature condamné par les principes « d’équilibre » que le SCOT doit respecter : ils sont lus par le juge comme ménageant la liberté du commerce et de l’industrie et pas encore comme imposant au planificateur la décroissance commerciale !
D’ailleurs traditionnellement le juge administratif a pu rappeler que le DOO ne doit pas soumettre les aménagements commerciaux à des contraintes non prévues par la loi (CAA Bordeaux, 1re ch., 28 déc. 2017, n° 15BX02851 : la Cour estime qu’en prévoyant au document d’orientation et d’objectifs que le Syndicat doit donner un accord préalable pour toute ouverture d’une zone d’extension commerciale, les auteurs du SCOT ont institué une règle non prévue par les dispositions précitées et méconnu l’étendue de leur compétence).