Régularisation d’une DUP dans l’instance : précisions de l’office du juge

pause autoroute

Par Frank ZERDOUMI,  Juriste et Docteur en droit public (Green Law Avocats)

Dans un arrêt du 29 mai 2024 (téléchargeable ici), le Conseil d’État précise l’office du juge de cassation lorsqu’il doit examiner, en tant que juge d’appel, une décision de refus de sursis à statuer afin de permettre la régularisation du vice qui entache une déclaration d’utilité publique qui emporte mise en compatibilité d’un document d’urbanisme.

En l’espèce, le Préfet du Val d’Oise avait approuvé les nouvelles dispositions des plans locaux d’urbanisme de Sarcelles, Garges-lès-Gonesse et Bonneuil-en-France, par un arrêté du 25 avril 2016.

Dans le même arrêté, il avait déclaré d’utilité publique le projet de réalisation de la section Est de l’Avenue du Parisis, entre la route départementale 301 à Groslay et la route départementale 84a à Bonneuil-en-France, sur le territoire des communes de Groslay, Sarcelles, Garges-lès-Gonesse, Arnouville et Bonneuil-en-France. Plusieurs personnes ont alors saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Celui-ci a annulé cet arrêté, jugement confirmé par la Cour administrative d’appel de Versailles.

Toutefois, l’arrêt de la Cour a été annulé par le Conseil d’État et l’affaire lui a été renvoyée.

À nouveau, le 12 juillet 2022, la Cour a confirmé l’annulation de l’arrêté et a refusé d’accorder un sursis à statuer afin de permettre la régularisation de l’enquête publique en procédant à une information du public sur les conditions de financement du projet. Le Conseil d’État a alors été saisi de ce refus de statuer et en a profité pour préciser son office.

Dans un premier temps, la Haute Assemblée indique que :

«Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d’utilité publique et urgents des travaux et approuvant la mise en compatibilité de plans d’occupation des sols et de plans locaux d’urbanisme, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, qu’il soit ou non saisi de conclusions en ce sens, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Son appréciation, tant sur le caractère régularisable du vice que sur la mise en œuvre de ce pouvoir ou sur la fixation du délai pour procéder à cette régularisation est souveraine, sous réserve du contrôle par le juge de cassation de l’erreur de droit et de la dénaturation. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l’intervention d’une décision prise par l’auteur de l’arrêté et valant mesure de régularisation du vice dont est entaché l’arrêté. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations» (CE, 29 mai 2024, n° 467449, point 3).

Dans un second temps, le Conseil d’État tire les conséquences du principe affirmé :

«Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, après avoir jugé que l’étude économique et sociale jointe au dossier d’enquête publique était entachée d’insuffisances s’agissant des modalités de financement du projet ayant eu pour effet de nuire à l’information complète de la population, la cour administrative d’appel, pour rejeter les conclusions de département du Val d’Oise tendant à ce que puisse être prise une mesure de régularisation de l’enquête publique en procédant à une information du public sur les conditions de financement du projet, a jugé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que ces conditions de financement aient été évaluées avec une précision suffisante à la date de son arrêt. En se fondant sur une telle circonstance, alors qu’il lui appartenait, non de se borner à rechercher si les insuffisances entachant le dossier d’enquête publique étaient déjà corrigées à la date de son arrêt, de telle sorte que seule l’intervention d’une décision valant mesure de régularisation serait le cas échéant demeurée nécessaire, mais encore, à défaut que ces insuffisances soient déjà corrigées, d’examiner si, au vu des éléments versés à l’instruction, elles apparaissaient pouvoir l’être dans le délai d’une mesure de régularisation, la cour a commis une erreur de droit» (CE, 29 mai 2024, n° 467449, point 4).

Ainsi la régularisation spontanée du vice par l’administration (encore dite «hors instance»), dont il serait constaté par le juge du fond quelle n’est pas intervenue exige qu’il d’apprécier si une «régularisation dans l’instance» est possible.

En ce qui concerne le sursis, la Haute Juridiction parachève ses précisions :

«Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, après avoir jugé que l’étude économique et sociale jointe au dossier d’enquête publique était entachée d’insuffisances s’agissant des modalités de financement du projet ayant eu pour effet de nuire à l’information complète de la population, la cour administrative d’appel, pour rejeter les conclusions de département du Val d’Oise tendant à ce que puisse être prise une mesure de régularisation de l’enquête publique en procédant à une information du public sur les conditions de financement du projet, a jugé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que ces conditions de financement aient été évaluées avec une précision suffisante à la date de son arrêt. En se fondant sur une telle circonstance, alors qu’il lui appartenait, non de se borner à rechercher si les insuffisances entachant le dossier d’enquête publique étaient déjà corrigées à la date de son arrêt, de telle sorte que seule l’intervention d’une décision valant mesure de régularisation serait le cas échéant demeurée nécessaire, mais encore, à défaut que ces insuffisances soient déjà corrigées, d’examiner si, au vu des éléments versés à l’instruction, elles apparaissaient pouvoir l’être dans le délai d’une mesure de régularisation, la cour a commis une erreur de droit» (CE, 29 mai 2024, n° 467449, point 4).

Cet arrêt peut (et doit) être mis en perspective avec un autre arrêt du 21 juillet 2022 (Conseil d’État 21 juillet 2022, Commune de Grabels, n° 437634), dans lequel la Haute Juridiction avait déjà délimité le champ du recours contre une mesure de régularisation d’une déclaration d’utilité publique à la suite d’un jugement avant dire droit.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État s’était déjà prononcé sur les modalités de régularisation mises en œuvre pendant le délai de son sursis à statuer. Notamment, il avait précisé les moyens susceptibles d’être invoqués à l’issue d’une régularisation, en l’occurrence uniquement des moyens dirigés contre la mesure de régularisation.

Au présent cas, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel du 12 juillet 2022 et a sursis à statuer sur la requête du département du Val d’Oise, en vue de la notification de la mesure de régularisation.

Besoin d’un avocat sur le sujet, contactez :