Wind turbine power cordNous tenons à signaler un jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 4 octobre 2012 n°0907032 mentionné dans la lettre de jurisprudence du Tribunal du mois de janvier 2013, qui intéressera tout particulièrement les opérateurs éoliens.

 

Le Tribunal était saisi de la contestation de permis de construire éoliens délivrés en 2009 dans le département du Pas-de-Calais.

Parmi les moyens d’illégalité, le requérant soulevait le moyen tiré de l’absence, dans le dossier de permis de construire, de l’autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles électriques reliant les éoliennes aux postes de livraison et ces mêmes postes aux poste source.

Le Tribunal a rejeté le moyen en considérant que  le raccordement des éoliennes au réseau électrique constitue une opération distincte et postérieure à la construction des éoliennes et qu’elle est donc sans rapport avec la délivrance des permis de construire », faisant ainsi obstacle à ce que l’autorisation d’occupation du domaine public requise pour l’enfouissement des câbles soit exigée au stade de la demande de permis:

 

« En ce qui concerne le moyen tiré de l’absence d’autorisation d’occupation du domaine public :

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige : « La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain (…) / Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d’occupation du domaine public, l’autorisation est jointe à la demande de permis de construire » ; qu’aux termes de l’article R. 421-1 du code de l’urbanisme dans sa version alors en vigueur : « Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire, à l’exception : / a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8 qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 421-4 du même code dans sa version applicable à la date des permis contestés : « Sont également dispensés de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature, les canalisations, lignes ou câbles, lorsqu’ils sont souterrains. » ;

Considérant que si le requérant soutient que la société X.. n’a pas justifié qu’elle disposait d’une autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles électriques reliant les éoliennes aux postes de livraison et ces mêmes postes au poste-source d’A…, il résulte des dispositions précitées que d’une part, les travaux concernant les canalisations, lignes ou câbles, lorsqu’ils sont souterrains, n’entrent pas dans le champ d’application du permis de construire, ni même de la déclaration préalable, et que, d’autre part, une autorisation d’occupation du domaine public n’est requise que lorsque l’ouvrage qui fait l’objet de la demande de permis de construire doit être édifié sur une dépendance du domaine public ; qu’ainsi, le raccordement des éoliennes au réseau électrique, qui se rattache à une opération distincte et postérieure à la construction des ouvrages, est sans rapport avec la délivrance des permis de construire ; que leur délivrance n’était donc pas subordonnée à l’obtention d’une autorisation d’occupation du domaine public à ce titre ; que, par suite, le moyen tiré de l’absence d’autorisation d’occupation du domaine public doit être écarté ; » (Tribunal administratif de Lille, 4 octobre 2012, n°0907032)

En conséquence, l’autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles électriques n’a pas à être jointe au dossier de demande de permis de construire car cette opération ne se rattache pas à la construction objet du PC.

 

Ce jugement relance le débat sur la complétude des dossiers de demande de permis de construire, notamment s’agissant du titre habilitant à construire. La  Cour administrative d’appel de Douai avait en effet jugé l’inverse, dans un arrêt en date du 23 décembre 2011 n°10DA00973, en annulant un permis de construire délivré en raison de l’absence d’autorisation d’occupation du domaine public pour l’enfouissement des câbles dans le dossier de demande :

« Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du 3ème alinéa de l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme en vigueur à la date de demande du permis de construire litigieux : Lorsque la construction est subordonnée à une autorisation d’occupation du domaine public, l’autorisation est jointe à la demande de permis de construire. ; qu’il ressort des pièces du dossier que l’enfouissement des câbles électriques reliant le poste de livraison aux postes sources nécessite une occupation des ouvrages du réseau public de distribution d’électricité implantés sur le domaine public ; que le pétitionnaire du permis litigieux ne justifie pas de la délivrance, par la commune ou par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, d’une autorisation d’occupation du domaine public à cette fin ; que dans ces conditions, la société Ferme Eolienne de Tourny ne peut être regardée comme disposant d’un titre l’habilitant à construire ; » (Cour administrative d’appel de Douai,23 décembre 2011,  N° 10DA00973)

 

Si l’article R. 421-1-1 du code de l’urbanisme a été abrogé, l’obligation de produire une pièce similaire demeure aux termes de l’article R.421-13 du code de l’urbanisme qui dispose :

 « Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public. »

Aussi, le jugement du Tribunal administratif de Lille précité dispensant le pétitionnaire de produire une autorisation d’occupation du domaine public conserve tout son intérêt au regard de cette disposition dans la mesure où,dans le cas des éoliennes, les réseaux de raccordement électrique ne sont pas vus comme se rattachant à la construction dont il est demandé l’autorisation.

 

Précisons enfin que depuis la réforme des autorisations d’urbanisme en 2007, le maire n’a plus l’obligation d’examiner l’existence et la légalité du titre habilitant à construire du demandeur mais doit se contenter de vérifier que ce dernier a rempli l’attestation requise mentionnant qu’il est habilité à construire conformément à ce que prévoit l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme (Conseil d’État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 15 février 2012, 333631, Publié au recueil Lebon). Ce contrôle demeure toutefois en cas de soupçon de manœuvres frauduleuses destinées à induire délibérément l’administration en erreur  (Tribunal administratif de Paris 17 février 2012 n°1013976).

 

Anais de Bouteiller

Green Law Avocat