L’éolien offshore : nouvelle donne et perspectives

Strichfiguren / Strichmnnchen: Suche, Fernrohr, Ziel, Aussichten, Perspektive. (Nr. 10)Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats)

Nous l’avions évoqué : en mars dernier, le gouvernement avait annoncé vouloir renégocier à la baisse, les tarifs de rachat de l’électricité retenus sur six projets d’éolien offshore attribués entre 2012 et 2014 (cf. : Vers une annulation rétroactive des projets éoliens offshore déjà attribués, à défaut d’une importante baisse des prix ?).

En cas d’échec des négociations, le gouvernement menaçait même les industriels de relancer par décret les appels d’offres.

Après plusieurs mois de négociations, le chef de l’Etat a confirmé que les six parcs éoliens en mer seraient réalisés, avec des tarifs d’achat revus à la baisse.

1° Une économie de 15 milliards de subvention publique

A l’issue de cette négociation un accord a été trouvé. Le prix de rachat de l’énergie produite passera d’environ 200€/MWh à 150€, ce qui permettra selon Emmanuel Macron de faire baisser la facture des subventions publiques de 15 milliards d’euros sur vingt ans : « Je suis en mesure de vous confirmer la finalisation et l’accord qui a été obtenu pour ce projet, pour les six projets d’éolien offshore. La bonne nouvelle c’est tout d’abord qu’ils sont confirmés (…) puis que nous avons obtenu, parce que ces projets avaient été négociés il y a plusieurs années avec des conditions tarifaires et de subventions qui étaient totalement déconnectées des réalités actuelles du marché, et c’est normal et ce n’est la faute de personne. La négociation a permis de diminuer de 40% la subvention publique et d’avoir un ajustement des tarifs (de rachat de l’électricité produite sur ces parcs, NDLR) de 30%. Ce qui veut dire que l’on va économiser sur la période 15 milliards d’euros d’argent public pour les mêmes projets et la même ambition ».

 

2° La possibilité de modifier rétroactivement les projets d’éolien offshore déjà attribués

Afin de permettre la prise en compte du résultat des négociations qui s’imposerait à Electricité de France, le 8 juin 2018 le gouvernement avait déposé un amendement au projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance (n°120 consultable ici).

Adopté le 12 juin par l’Assemblée Nationale, cet amendement prévoit la possibilité pour l’Etat de demander « au candidat retenu d’améliorer son offre, notamment en diminuant le montant du tarif d’achat, en modifiant les modalités de révision ou de versement de ce tarif ou en réduisant la puissance de l’installation » s’agissant des projets attribués en 2011 et 2013.

Le gouvernement justifie cette mesure en s’appuyant sur l’état du droit actuel, selon lequel « à l’issue de la procédure de mise en concurrence, Electricité de France est en effet tenue de conclure un contrat d’obligation d’achat avec le lauréat de l’appel d’offres, qui respecte les conditions de l’appel d’offres ainsi que l’offre du lauréat, et en particulier le tarif proposé initialement par le lauréat ».

Cet amendement prévoit également pour ces mêmes candidats, que : « la décision de l’autorité administrative désignant le candidat retenu à l’issue de la procédure de mise en concurrence peut être abrogée par décret ».

3°Les six parcs d’éolien offshore confirmés mais avec quel calendrier ?

Pour rappel, parmi les six parcs concernés, trois sont développés par EDF, au large de Fécamp (Seine-Maritime), Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et Courseulles-sur-Mer (Calvados), deux par Engie au large du Tréport (Seine-Maritime) et de l’île de Noirmoutier (Loire-Atlantique), et un par l’espagnol Iberdrola (consortium Ailes Marines), près de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

S’agissant du calendrier de mise en service de ces parcs, le secrétaire d’État à la Transition écologique Sébastien Lecornu a déclaré à l’assemblée nationale que « La fabrication des éléments de ces éoliennes va démarrer pour au moins deux projets dès cette fin d’année 2018 et le calendrier sera tenu, avec un parc à Saint-Nazaire en 2021, à Fécamp en 2022, à Courseulles-sur-Mer, Saint-Brieuc, Dieppe et Le Tréport en 2023, et Yeu-Normoutier en 2024 ».

Cependant, il semblerait que cette promesse soit difficile à tenir.

En effet, Béatrice Buffon, directrice générale adjointe EDF énergie nouvelles, a déjà précisé que l’objectif était de mettre en service le parc de Saint-Nazaire en 2022 et non plus en 2021.

En attendant de voir si le calendrier sera respecté, une nouvelle vague d’appels à projets devrait suivre.

4° De nouveaux appels d’offres

Actuellement en débat public jusqu’au 30 juin 2018, la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est attendue au courant de l’été. Elle devrait venir préciser le calendrier des futurs appels d’offres.

En effet, établie par le ministère de la Transition écologique et solidaire, elle rassemblera les orientations et les moyens d’action des pouvoirs publics pour atteindre les objectifs de la loi votée en 2015 pour lutter contre le réchauffement climatique et du Plan climat pour atteindre la neutralité carbone au milieu de ce siècle. ​

Dans ce cadre, notons que cent députés de la majorité ont, dans une tribune en date du 27 juin 2018, demandé à ce que la PPE fasse désormais l’objet d’une loi cadre, et non d’un simple décret.

En effet, ils regrettent que : « la représentation nationale, le Parlement, ne soit pas réellement saisie sur le fond, à travers la rédaction d’une loi, face à des enjeux aussi stratégiques que ceux que pose la PPE pour l’avenir énergétique de notre pays ».

Ainsi, ils estiment que : « Tous les cinq ans, le Parlement devrait pouvoir se saisir, par la rédaction d’une loi-cadre, du grand débat de réactualisation sur l’avenir énergétique de la France. Une commission de suivi devrait contrôler la bonne application de la loi et le respect des engagements pris ».

En attendant ces nouveaux appels d’offres, notons que le lauréat pour le parc de Dunkerque devrait être connu d’ici la fin de l’année.

Alors qu’environ 10 années se seront écoulées entre l’attribution des appels d’offres et la mise en service des parcs, quelles sont les mesures envisagées pour réduire ce délai dans le cadre des futurs projets ?

Afin d’accélérer le développement de l’éolien en mer, le 30 janvier 2018, l’Assemblée Nationale a adopté le « permis enveloppe » en première lecture du projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance.

5° Vers une nouvelle mesure de simplification avec le permis enveloppe ?

Il s’agit d’une nouvelle procédure d’autorisation qui permettra aux opérateurs lauréats d’appels d’offres de ne pas figer leurs choix technologiques prématurément dès le processus de développement, mais de bénéficier des meilleures technologies d’un point de vue économique et environnemental au moment de passer leurs commandes.

De plus, au moment de l’attribution d’un appel d’offres, l’Etat pourra délivrer au lauréat toutes les autorisations environnementales et d’occupation du domaine maritime nécessaires à la réalisation des études de sites.

Cette procédure qui devrait prochainement être mise en place, permettrait ainsi de réduire les délais et les risques de recours durant la phase de développement des projets, mais également de diviser par presque deux les délais entre l’attribution d’un appel d’offres et la mise en service d’une éolienne. Affaire à suivre…