Par David DEHARBE, Avocat associé (Green Law Avocats)
Le 12 juillet 2018, la société Boralex Massif du Devès souhaitait construire et exploiter une installation de quatre éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Jean de Nay, dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes : elle a donc présenté une demande d’autorisation environnementale en ce sens.
Le 16 mars 2020, le Préfet de la Haute-Loire a pris un arrêté rejetant cette demande.
Le 24 mars 2022, la société a produit une note en délibéré, indiquant notamment que la délivrance de l’autorisation environnementale demandée conditionnait sa participation à un appel d’offre de la Commission de régulation de l’énergie.
Le 14 avril 2022, faisant suite à la demande de la société, la Cour administrative d’appel de Lyon, juge de plein contentieux de l’autorisation environnementale, a annulé l’arrêté préfectoral et a délivré le titre d’exploitation.
L’ Association Regards de la Durande et le propriétaire du château de Thiolent, riverain du site d’implantation du projet, se sont pourvus en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel et ont donc saisi le Conseil d’État. La Région Auvergne-Rhône-Alpes est également intervenue au soutien du pourvoi.
L’intervention de la Région est-elle recevable ?
Le Conseil d’État a répondu à cette question par l’affirmative.
L’article L. 511-1 du Code de l’environnement prévoit que :
C’est dans le cadre de cet article que le Conseil d’État reconnaît, en l’espèce, un intérêt suffisant à intervenir au soutien du pourvoi à la Région.
En effet, le Conseil d’État estime que :
« La région Auvergne-Rhône-Alpes justifie, compte tenu notamment de ses compétences en matière de développement touristique régional et eu égard à la nature et à l’objet du présent litige qui concerne des sites et monuments d’intérêt majeur au plan régional tels que la cathédrale du Puy-en-Velay, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, d’un intérêt suffisant à intervenir au soutien du pourvoi de l’association Regards de la Durande et autres. Son intervention est, par suite, recevable » (CE, 12 juillet 2024, n° 464958, point 2, téléchargeable ici).
Cet arrêt relatif à l’intérêt à intervenir d’une Région dans le domaine des parcs éoliens, peut être mis en perspective avec l’intérêt à agir des collectivités territoriales dans ce même cadre.
Ainsi, dans le cadre d’un contentieux d’autorisations environnementales de parcs éoliens, le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de préciser les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales ont intérêt à agir en tant que tiers intéressés, dans deux arrêts du 1er décembre 2023.
Dans la première affaire (CE, 1er décembre 2023, Département de la Charente-Maritime, n° 467009), le Département de la Charente-Maritime contestait un arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le Préfet avait délivré à la société Ferme éolienne de Chambon-Puyravault une autorisation unique pour l’installation et l’exploitation d’un parc éolien sur le territoire des communes de Chambon et de Puyravault, comportant douze éoliennes et quatre postes de livraison.
Par un arrêt en date du 5 juillet 2022, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la requête comme étant irrecevable.
Statuant sur le pourvoi du Département, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles ledit Département a intérêt à agir contre une autorisation unique pour l’installation et l’exploitation d’un parc éolien.
Dans la seconde affaire (CE, 1er décembre 2023, Région Auvergne-Rhône-Alpes, n° 470723 – cf. notre commentaire sur le blog de Green Law Avocats), le Préfet de l’Allier avait délivré à la société Parc éolien du Moulin du bocage une autorisation environnementale pour l’exploitation de cinq aérogénérateurs avec deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Gipcy, par un arrêté du 24 juin 2021.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint-Hilaire et de Meillers, limitrophes de la commune d’implantation du projet, ont donc demandé à la Cour administrative d’appel de Lyon d’annuler cet arrêté.
À l’instar de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 4 novembre 2022, la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête comme étant irrecevable.
Comme il l’a fait pour le Département, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles la Région et les communes avaient intérêt à agir contre une autorisation environnementale.
Trois apports ont été mis en exergue par ces deux arrêts : d’abord, les personnes morales de droit public ne peuvent contester des autorisations environnementales que si elles sont des tiers intéressés, au sens de l’article R. 181-50 du Code de l’environnement.
Ensuite, en l’espèce, ni le Département de la Charente-Maritime, ni la Région Auvergne-Rhône-Alpes n’avaient la qualité de tiers intéressé.
Enfin, les communes de Saint-Hilaire et de Meillers, s’agissant d’un projet éolien, avaient un intérêt à agir contre l’autorisation environnementale.
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