La durée de validité des autorisations d’urbanisme à nouveau allongée, mais de façon temporaire (décret du 29 décembre 2014)

Le 29 août 2014, le Premier ministre Manuel Valls, et la Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, Sylvia Pinel, ont présenté un plan de relance du logement visant à : Libérer le foncier privé ; Augmenter l’offre de logements neufs intermédiaires et sociaux ; Favoriser l’acquisition de logements neufs ; Améliorer l’habitat ; Poursuivre la simplification des normes de construction ; Simplifier et recentrer les dispositions de la loi Alur. Le dossier de presse de ce plan de relance peut être consulté ici. Afin d’atteindre son objectif de poursuite de la simplification des normes de construction, ce plan de relance prévoyait notamment de prolonger les délais de validité des permis de construire de deux à trois ans, dès cet automne. Le calendrier semble avoir pris légèrement du retard mais la prolongation des délais de validité des permis de construire est désormais actée depuis un décret du 29 décembre 2014, publié dès le lendemain au Journal Officiel de la République Française (décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d’aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable). Ce décret s’adresse à un public très large dans la mesure où il concerne : l’Etat, les collectivités territoriales, les particuliers, les entreprises et enfin les professionnels de l’aménagement et de la construction, c’est-à-dire toutes les personnes concernées par la relance de la construction de logements. Il a pour objet d’allonger la durée de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration. Notons à cet égard qu’il n’est plus question de prolonger la seule validité des permis de construire, comme annoncé dans le dossier de presse communiqué à la fin du mois d’août 2014. Le décret prévoit que le délai de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration est porté à trois ans au lieu de deux ans. Cette prolongation est automatique et n’a nul besoin d’être demandée par le pétitionnaire (contrairement à la prolongation qui peut être demandée, mais n’est pas automatique pour les permis éoliens, voir notre analyse ici). Cette prolongation de la durée de validité des autorisations n’est que temporaire. En effet, le régime prévu par le décret du 29 décembre 2014 est provisoire dans la mesure où il concerne les autorisations d’urbanisme (ou de non opposition à déclaration) actuellement en cours de validité et celles qui interviendront au plus tard le 31 décembre 2015. Il est donc valable uniquement un an. Rappelons qu’un régime assez similaire avait été prévu par le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d’aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable (aussi appelé décret “anti-crise”). Les dispositions auxquelles il est dérogé par le décret du 29 décembre 2014 sont les premier et troisième alinéas de l’article R.* 424-17 et à l’article R.* 424-18 du code de l’urbanisme. A cet égard, il convient de rappeler les dispositions de ces articles.  L’article R.*424-17 du code de l’urbanisme dispose : « Le permis de construire, d’aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux. » Aux termes de l’article R.*424-18 du code de l’urbanisme : « Lorsque la déclaration porte sur un changement de destination ou sur une division de terrain, la décision devient caduque si ces opérations n’ont pas eu lieu dans le délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l’article R*424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même lorsque la déclaration ne comporte pas de travaux et porte sur l’installation d’une caravane en application du d de l’article R*421-23 ou sur la mise à disposition des campeurs de terrains ne nécessitant pas de permis d’aménager en application de l’article R*421-19. »   Il ressort de la lecture du décret que le deuxième alinéa de l’article R.*424-17 du code de l’urbanisme que ne sont pas concernées par une augmentation du délai de deux à trois ans les opérations qui font l’objet d’une interruption de travaux supérieure à un an. En outre, le décret du 29 décembre 2014 précise que le régime transitoire ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R.* 424-21 à R.* 424-23 du même code. Il est, par conséquent, toujours possible d’obtenir des prorogations sur demande, conformément à ces textes. Certaines de ces prorogations sont d’ailleurs bien plus intéressantes que celle autorisée par le présent décret dans la mesure où, à titre d’exemple, pour les éoliennes, la demande de prorogation peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation (article R.*424-21 du code de l’urbanisme, alinéa 2). Enfin, lorsque les autorisations concernées par le décret du 29 décembre 2014 ont fait l’objet, avant cette date, d’une prorogation dans les conditions définies aux articles R.* 424-21 à R.* 424-23, le délai de validité résultant de cette prorogation est majoré d’un an. En conclusion, en premier lieu, en dépit du but louable dans lequel le décret s’inscrit, le plan de relance du logement, il n’est pas certain qu’il parvienne à atteindre son objectif de poursuite de la simplification des normes de construction. En effet, le décret du 29 décembre 2014 ajoute un régime dérogatoire et provisoire à un régime existant ce qui ne simplifie guère la situation actuelle. Le gouvernement est coutumier des faits comme en témoigne le nouveau régime des décisions implicites (le silence valant désormais acceptation) qui…

Les causes d’exonération d’un dommage de travaux publics : Attention, terrain glissant ! (CAA Bordeaux, 17 nov.2014)

La Cour administrative d’appel de Bordeaux (formation des chambres réunies, du 17 novembre 2014, n°12BX01795) vient de rendre une intéressante décision en matière d’indemnisation du fait d’un dommage de travaux publics. Le 19 avril 2000, à la suite d’une période de précipitations intenses, un glissement de terrain sur les pentes du Mont Cabassou, dans la commune de Rémire-Montjoly (Guyane), a provoqué une importante coulée de boue. Cette coulée de boue a, en partie, enseveli l’usine de fabrication de yaourts, glaces et jus de fruits appartenant à la société Cilama, située en contrebas de la RN 3, à la base du Mont Cabassou. Les assureurs de la Cilama lui ont versé plus de douze millions d’euros en réparation des dommages aux biens subis lors du glissement de terrain et des pertes d’exploitation. Ils ont ensuite saisi le tribunal administratif de Cayenne pour demander la condamnation de l’État à réparer leur préjudice. Par un jugement du 9 juin 2008, le tribunal administratif de Cayenne a déclaré l’Etat entièrement responsable des dommages et l’a condamné à rembourser intégralement les assureurs. L’État a alors interjeté appel. La cour administrative d’appel de Bordeaux a alors déclaré l’Etat responsable d’un tiers des dommages subis par la société Cilama, a rejeté les conclusions de l’Etat tendant à ce que la commune de Rémire-Montjoly le garantisse des condamnations prononcées contre lui et a prescrit une expertise en vue d’évaluer le montant exact du préjudice (Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 19 janvier 2010, n°08BX02263). A la suite d’un pourvoi de la société Cilama, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt pour insuffisance de motivation et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Bordeaux (Conseil d’État, 29 juin 2012, n°337820). L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux rendu après renvoi du Conseil d’Etat est la décision présentement commentée (Cour administrative d’appel de Bordeaux, formation des chambres réunies, du 17 novembre 2014, n°12BX01795). Cette décision mérite qu’on s’y intéresse en ce qu’elle rappelle dans quelles conditions la responsabilité de l’Etat peut être engagée en cas de carence du maire ou en présence de dommages causés à des tiers par des travaux publics. Tout d’abord, la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif de Cayenne en ce qu’il avait retenu la responsabilité pour faute de l’Etat (I.) puis, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, admet la responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages de travaux publics causés à des tiers (II.).  Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Cayenne Après avoir rappelé les dispositions du 5° de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales et le 1° de l’article L.2215-1 du même code, la Cour considère « qu’il résulte de ces dispositions que la responsabilité de l’Etat en matière de prévention des accidents naturels ne peut être engagée qu’à la condition que le préfet, en s’abstenant de se substituer au maire pour prendre les mesures propres à prévenir de tels accidents, ait commis une faute lourde ». Il est vrai qu’en principe, la prévention des accidents naturels relève de la compétence du maire. Néanmoins, en cas de carence du maire, le Préfet peut se substituer au maire de la Commune après une mise en demeure restée sans résultat. Si toutefois le Préfet reste lui aussi inactif, la responsabilité de l’Etat ne peut alors être engagée qu’à la condition que le préfet, en s’abstenant de se substituer au maire, ait commis une faute lourde (Conseil d’Etat, 1ère et 2ème sous-sections réunies, 7 avril 1967, n°65187 65224, mentionné aux tables du recueil Lebon, Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, n°283000, Conseil d’État, 4ème et 5ème sous-sections réunies, 25 juillet 2007, n°293882). En l’espèce, le tribunal administratif s’est borné à retenir que l’insuffisance des mesures de prévision et de prévention prises par les services de l’équipement était constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Dès lors qu’il n’a pas caractérisé l’insuffisance des mesures de prévision et de prévention prises par les services de l’équipement de « faute lourde », le tribunal administratif a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son jugement. C’est donc à bon droit que la cour administrative d’appel de Bordeaux annule le jugement du tribunal administratif de Cayenne. Sur l’effet dévolutif de l’appel  Dans un premier temps, la cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle le principe de responsabilité sans faute de l’Etat du fait des dommages causés par des travaux publics à des tiers (2.1.). Puis, dans un second temps, elle écarte chacune des causes d’exonération susceptibles d’être invoquées (2.2.). – Sur la responsabilité sans faute de l’Etat pour des dommages causés à des tiers par des travaux publics  La cour administrative de Bordeaux rappelle le principe de responsabilité sans faute de l’Etat pour les dommages causés aux tiers par des travaux publics.  Tout d’abord, elle explique « que le mouvement de terrain survenu le 19 avril 2000 a été provoqué par le soulèvement des couches géologiques supérieures du Mont Cabassou […] et que ce soulèvement résulte des fortes pressions provenant du gonflement, à la suite de pluies intenses, d’une nappe d’eau profonde et captive située dans le substratum granitique, fissuré dans sa partie supérieure ». Puis, elle précise «  qu’à la suite de deux précédents glissements de terrain importants, survenus le 14 février 1989 et le 23 mai 1990, les services de l’équipement, chargés de l’entretien de la RN 3, ont notamment décidé, afin de prévenir la survenance de nouveaux mouvements de terrain ou tout au moins d’en limiter l’ampleur, de faire procéder à des prélèvements de matériaux dans la partie supérieure des zones touchées par ces deux glissements ». Elle en déduit alors « qu’en réduisant l’épaisseur des couches géologiques supérieures dans la partie du Mont Cabassou exposée aux surpressions en provenance de la nappe captive et en diminuant ainsi le poids de ces couches dont la pression contrebalançait ces surpressions, ces travaux publics, à l’égard desquels les sociétés Cilama et Antilles Glaces ont la qualité de tiers, ont joué un rôle déterminant dans…

Le juge, les sites pollués et leur propriétaire : la technique des petits pas

La technique des petits pas « est au fond à la jurisprudence ce que l’expérimentation est à la loi » (Guy Canivet, « La politique jurisprudentielle », Mélanges en l’honneur de Jacques Boré, La création du droit jurisprudentiel, Dalloz, 2007, p. 79 à 97). Prétorien et fruit de l’interprétation des polices administratives, le droit de l’environnement connaît bien cette technique : « Trois pas en avant, trois pas en arrière…» comme dirait la comptine pour enfants sur la fermière qui allait au marché. Le Conseil d’Etat, grand amateur des petits pas, a utilisé ce moyen pour faire évoluer la responsabilité en matière de gestion des déchets comme nous le confirme cette espèce récente : CE du 24 octobre 2014, n°361231. En effet, la réglementation en matière de gestion des déchets désigne le producteur des déchets ou leur détenteur mais non le propriétaire des terrains sur lesquels des déchets sont entreposés. A titre d’exemple, l’article L. 541-2 du code de l’environnement relatif à la responsabilité en matière de gestion des déchets dispose :  « Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Tout producteur ou détenteur de déchets s’assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. » Il ne ressort nullement de cet article que le propriétaire du terrain sur lequel sont entreposés les déchets pourrait voir sa responsabilité recherchée sur son fondement. Pourtant, la jurisprudence a étendu les dispositions de cet article au propriétaire d’un terrain sur lequel sont entreposés des déchets. Le propriétaire a alors été assimilé au détenteur des déchets. Cela a permis d’allonger la liste des responsables potentiels lors d’une défaillance dans la gestion des déchets et de s’assurer ainsi de la prise en charge financière de leur élimination. A cet égard, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel  « le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26 juillet 2011, n° 328651, mentionné dans les tables du recueil Lebon) Neil Armstrong aurait sans doute affirmé que « C’était un petit pas pour l’Homme mais un grand pas pour la gestion des déchets ». L’utilisation de l’adverbe « notamment » sous-entendait clairement que la négligence à l’égard d’abandons sur son terrain était une des hypothèses permettant de regarder le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets comme leur détenteur mais que d’autres hypothèses pourraient ultérieurement être identifiées. Le Conseil d’Etat a mis plusieurs années avant d’identifier de telles hypothèses et, après ce premier pas de géant, a préféré y aller à pas de fourmi. Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a attendu que la Cour de cassation se prononce. Celle-ci a adopté une solution de principe presque identique à la sienne mais a fait un petit pas supplémentaire en identifiant une nouvelle hypothèse de responsabilité du propriétaire du terrain sur lequel sont entreposés des déchets : la complaisance. (Peut-être que ce petit pas devrait plutôt s’analyser en un refus de la Cour de cassation de s’aligner mot pour mot sur la jurisprudence du Conseil d’Etat… Je vous laisse le soin de faire votre propre analyse sur cette question. Pour ma part, je préfère considérer qu’il s’agit d’un petit pas). La Cour de cassation a ainsi estimé : « qu’en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est, à ce seul titre, le détenteur au sens des articles L. 541-1 et suivants du code de l’environnement dans leur rédaction applicable, tels qu’éclairés par les dispositions de la directive CEE n° 75-442 du 15 juillet 1975, applicable, à moins qu’il ne démontre être étranger au fait de leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance » (Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 juillet 2012, n° 11-10.478, Publié au bulletin) Dans un deuxième temps, après ce petit pas en avant de la Cour de cassation, le Conseil d’Etat a fait un petit pas en arrière pour restreindre la responsabilité du propriétaire ayant fait preuve de négligence à l’égard d’abandons de déchets sur son terrain. Aux termes de deux décisions du 1er mars 2013, il a affirmé que cette responsabilité du propriétaire du terrain était subsidiaire par rapport à la responsabilité encourue par le producteur ou les autres détenteurs des déchets. Aussi, la responsabilité du propriétaire du déchet ne pouvait être recherchée que s’il apparaissait que tout autre détenteur des déchets était inconnu ou avait disparu. Il a ainsi considéré que : « si, en l’absence de tout producteur ou tout autre détenteur connu de déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés ces déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain, et être de ce fait assujetti à l’obligation d’éliminer ces déchets, la responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets ne revêt qu’un caractère subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de ces déchets et peut être recherchée s’il apparaît que tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 1er mars 2013, n° 354188, mentionné dans les tables du recueil Lebon ; voir également en ce sens : Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 1er mars 2013, n° 348912). Cette solution a été confirmée quelques mois plus tard par une autre décision du Conseil d’Etat (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 25 septembre 2013, n° 358923). Dans un troisième temps, le Conseil d’Etat a fait un…

Urbanisme / construction d’une maison dont le chantier est abandonné : attention à la péremption du permis en application de l’article L480-4 du code de l’urbanisme !

Par une réponse ministérielle en date du 16 septembre 2014 (réponse ministérielle, 16 septembre 2014 suite à la Question écrite n°62840 de la Députée Marie-Jo ZIMMERMANN), le ministre de l’écologie rappelle que le permis de construire est périmé si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année, de sorte que les travaux déjà exécutés avant l’abandon du chantier peuvent être constitutifs d’une infraction pénale devant être constatés par l’établissement d’un procès-verbal dans les conditions prévues par l’article L480-1 du code de l’urbanisme. Rappelons que la réponse du ministre de l’écologie repose sur l’interprétation qui doit être faite de l’article R424-17 du code de l’urbanisme, lequel prévoit que : Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de 2 ans à compter de la notification visée à l’article R421-34 du code de l’urbanisme ou de la délivrance tacite du permis de construire ; Le permis est également périmé si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. La jurisprudence rendue en la matière rappelle que les deux causes de caducité ne sont absolument pas liées. Le Conseil d’État considère ainsi que l’interruption des travaux pendant une durée de plus d’un an rend caduc le permis de construire alors même que le délai de 2 ans n’est pas expiré (CE, 8 nov. 2000, n° 197505). Attention donc au début de travaux avant l’expiration du délai de deux ans qui seraient ensuite interrompus pendant plus d’une année. Les nombreux jugements et arrêts permettent de se rendre compte que les juges apprécient souverainement la notion de “commencement de travaux” ou celle “d’interruption des travaux” au sens des dispositions du code de l’urbanisme : Un permis de construire est ainsi considéré comme périmé dès lors que les travaux ont commencé mais ont été interrompus depuis plus de deux ans dans la mesure où un permis a été accordé pour 500 maisons individuelles mais qu’en 4 ans il n’a été construit qu’un pavillon (CE, 2 déc. 1987, n° 56789) ou encore lorsque seuls des travaux de terrassement et quelques travaux de débroussaillement et de défrichement ont été effectués quelques jours seulement avant le délai de validité du permis (CE, 21 juin 2002, n° 211864). Un permis de construire dont le chantier est interrompu depuis plus d’un an est ainsi considéré comme périmé dès lors que l’on constate l’arrêt du chantier pendant plus d’un an après l’arasement de l’ancien bâtiment (CE, 8 nov. 2000, n° 19750). La réponse ministérielle du 16 septembre 2014 est aussi l’occasion de rappeler la procédure de constatations des infractions prévue par le code de l’urbanisme. On rappellera brièvement que :  Les infractions aux dispositions concernant le permis de construire sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’Urbanisme, suivant l’autorité dont ils relèvent, et assermentés (C. urb., art. L. 480-1, al. 1er et R. 480-3) ; Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’EPCI compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoit l’article L. 480-4, ils sont tenus d’en faire dresser procès-verbal (C. urb., art. L. 480-1, al. 3) ; Sur sa forme, le procès-verbal doit contenir la date, le lieu et la nature de l’infraction, la référence aux textes de loi concernés. Plans et photos peuvent être annexés au PV. Les procès-verbaux dressés par les agents autorisés font foi jusqu’à preuve contraire (C. urb., art. L. 480-1, al. 1er). Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public (C. urb., art. L. 480-1, al. 4). Une vigilance particulière doit donc être portée par les maîtres d’ouvrages sur les risques de péremption de permis de construire et notons enfin qu’aucun délai n’est imparti au maître d’ouvrage pour achever les travaux. Par ailleurs, rappelons qu’il est envisageable d’échelonner les travaux dans le temps à la double condition : – Que l’interruption soit inférieure à un an ; – Que les travaux exécutés d’une année sur l’autre soient suffisamment importants pour ne pas être considérés par la juridiction administrative comme un simulacre destiné à éviter la péremption.     Aurélien BOUDEWEEL Avocat

Inondations … Attention les Ministres sortent les parapluies ! (instructions ministérielles du 22 sept. et 6 oct. 2014)

Le Gouvernement semble très mal à l’aise sur la question de la gestion du risque inondation dans les zones à risque. Il s’agit pourtant d’une question au cœur de l’actualité : en effet, le procès « Xynthia » est actuellement en délibéré, le bilan à mi-parcours du plan « Submersions rapides » vient d’être dressé et les récentes inondations dans le sud de la France ont encore fait des victimes… Le Gouvernement encourt un risque de voir sa responsabilité engagée pour carence fautive dans les zones où il existe un risque d’inondation. Afin de se couvrir, il a sorti les parapluies : deux instructions ministérielles sont venues donner des consignes aux Préfets afin qu’ils agissent de façon à ne pas pouvoir se faire reprocher une quelconque carence dans la gestion du risque inondation. La première instruction ministérielle date du 22 septembre 2014. Elle émane de Madame la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Cette instruction ministérielle est relative aux thèmes prioritaires d’actions nationales en matière de risques naturels et hydrauliques pour 2014-2015. Comme l’indique son titre, elle a pour objectif d’établir des priorités d’actions pour les deux années à venir, dans le domaine de la prévention des risques naturels et hydrauliques. Le titre de cette instruction est d’ailleurs un peu trompeur dans la mesure où l’instruction concerne essentiellement le risque d’inondations. Elle établit des priorités pour « assurer le meilleur fonctionnement possible des services de prévision des crues et d’hydrométrie et des services de contrôle de sécurité des ouvrages hydrauliques ». L’instruction prévoit en outre des actions prioritaires sur quatre thèmes : –        la poursuite de la mise en œuvre de la directive européenne 2007/60/CE du 23  octobre  2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, afin de mieux identifier les territoires prioritaires et de faire émerger les stratégies des acteurs locaux ; –        l’accompagnement des projets portés par les collectivités territoriales, notamment les programmes de travaux de confortement des digues pour les territoires touchés par la tempête Xynthia ; –        la poursuite de l’élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRn) sur les secteurs à forts enjeux, en terminant notamment l’élaboration des PPR littoraux prioritaires ; –        l’accompagnement des collectivités dans la mise en œuvre du volet prévention des inondations de la compétence GEMAPI (gestion des eaux et des milieux aquatiques et prévention des inondations) créée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’information des métropoles. Hormis le risque inondation, cette instruction rappelle qu’il faut également tenir compte des autres risques naturels. A cet égard, elle invite les Préfets à mettre en œuvre une gouvernance partenariale avec les différents acteurs de la prévention des risques naturels et insiste sur le partage impératif des informations sur les risques naturels entre les différents acteurs. Elle ajoute que les projets d’urbanisme importants doivent être exemplaires en ce qui concerne la gestion des risques et que des priorités locales peuvent être établies. Enfin, Madame le Ministre attire l’attention des préfets sur l’une des recommandations du rapport d’évaluation à mi-parcours du plan « submersions rapides » concernant la responsabilité de l’Etat dans les campings à risque. Pour ces campings, elle souligne qu’il est nécessaire d’adopter des plans d’actions en insistant sur le fait que les situations les plus critiques peuvent aboutir à la fermeture. Elle rappelle à cet effet que la mise en œuvre de cette action leur avait été demandée par une lettre du 17 février 2011 et une circulaire interministérielle du 7 avril 2010. C’est sur ce point que les parapluies sont grands ouverts : l’instruction ministérielle mentionne en effet très clairement la responsabilité de l’Etat dans les campings à risque et la nécessité d’agir pour éviter tout dommage. La seconde instruction ministérielle date du 6 octobre 2014. Elle émane de Madame la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et de Monsieur le Ministre de l’Intérieur. Cette instruction est relative à l’application de la réglementation spécifique aux terrains de camping et de caravanage situés dans les zones de submersion rapide. Elle tire le bilan de l’évaluation à mi-parcours du plan de « submersions rapides » et vient compléter l’instruction du mois de septembre sur cette question.  Elle a pour objet de rappeler la réglementation relative aux terrains de camping et de caravanage situés dans les zones à risque prévisible. A cet égard, elle exige le recensement de l’ensemble des campings situés en zone à risque. Pour les campings existants, elle demande que soit vérifié le respect des prescriptions d’information, d’alerte et d’évacuation arrêtées en application de l’article L. 443-2 du code de l’environnement. Cette instruction impose également aux Préfets de département de vérifier la validité des autorisations accordées. Outre ces mesures, elle insiste sur la nécessité de prendre en compte les autres risques naturels et technologiques lors de l’instruction du permis d’aménager et du contrôle de légalité. Elle précise également les conditions d’évacuation des campings dans les zones à risque lorsque la vigilance orange ou rouge pour crue est déclenchée. Par ailleurs, elle invite les gestionnaires de camping à prendre en compte ses recommandations en présence d’un risque de tempête (élagage des arbres, surveillance, regroupement des campeurs dans des abris en dur). Elle demande aussi à ce que des inspections des campings soient réalisées. Enfin, un modèle de cahier des prescriptions est annexé à cette instruction. Ce modèle comporte plusieurs rubriques : –        sur les risques existants ; –        sur les mesures d’information ; –        sur les dispositifs d’alerte ; –        sur la procédure d’évacuation et de mise à l’abri ; –        sur le rôle du gestionnaire du camping. Les gestionnaires des campings se voient donc imposer de nombreuses mesures de prévention des risques, à croire que ce sont eux les responsables des dommages causés par les inondations. Certes, ils ont demandé l’autorisation d’implanter un camping dans une zone à risque. Cependant, l’autorisation est, in fine, délivrée par l’administration, sous le contrôle du Préfet. Il est assez maladroit pour l’Etat d’imposer de nombreuses obligations aux gestionnaires des campings existants alors qu’il peut être considéré que c’est lui, à l’origine, qui a commis une faute en ne s’opposant…