Droit de préemption : attention à la rédaction des délégations de signature !

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat) Avant tout exercice du droit de préemption, il est nécessaire de s’assurer de la régularité des délégations éventuellement accordées pour l’exercice de ce droit. A cet égard, la Cour administrative de Bordeaux a, dans une décision du 17 décembre 2015, apporté des précisions extrêmement intéressantes quant à la rédaction des délégations relatives à l’exercice du droit de préemption (CAA Bordeaux, 17 décembre 2015, n°15BX02085-15BX02227). Les faits soumis à l’appréciation de la Cour administrative d’appel de Bordeaux étaient les suivants. La commune de Bordeaux avait, par un arrêté du 1er juillet 2013, exercé le droit de préemption urbain que lui avait délégué la communauté urbaine de Bordeaux sur un ancien site industriel. L’acquéreur évincé avait demandé l’annulation de cet arrêté. Le Tribunal administratif de Bordeaux avait fait droit à sa demande par un jugement n° 13603234 en date du 7 mai 2015 en concluant que M. X, adjoint au maire, n’était pas compétent pour signer la décision du 1er juillet 2013 « faute de disposer d’une délégation de signature incluant précisément le droit de préemption urbain ». La commune de Bordeaux avait alors relevé appel de ce jugement et demandé le sursis à exécution de ce jugement. Après avoir rapidement écarté un moyen tiré de l’insuffisante motivation du jugement, la Cour administrative d’appel s’est prononcée sur la question de savoir si l’auteur de la décision de préemption était compétent. La Cour a commencé par rappeler qu’aux termes de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : […] 15° D’exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l’urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l’exercice de ces droits à l’occasion de l’aliénation d’un bien selon les dispositions prévues au premier alinéa de l’article L. 213-3 de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal […] » La Cour a également précisé qu’en vertu de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal. » En l’espèce, la Cour a constaté que le maire de la commune de Bordeaux avait donné délégation de signature à M. X, adjoint au maire et signataire de l’arrêté attaqué, à l’effet de signer « tous les actes relevant de son champ de délégation », à savoir les « finances et l’administration générale (notamment état civil, recensement, organisation des élections, cimetières, la gestion du patrimoine immobilier communal, les affaires juridiques et informatiques) ». [souligné par nos soins] Or, la Cour administrative d’appel considère à cet égard que : « Cette délégation ne mentionne pas l’exercice du droit de préemption, lequel ne constitue pas, contrairement à ce que soutient la commune, une modalité de gestion du patrimoine immobilier communal, mais un mode d’accroissement de ce patrimoine, soumis au demeurant, compte tenu de l’atteinte qu’il porte aux libertés individuelles, à une procédure spéciale qui encadre ses conditions d’exercice et justifie qu’en cas de délégation consentie pour l’exercice de ce droit, il en soit fait mention expresse dans la décision. » [souligné par nos soins] En conséquence, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux ayant annulé la décision de préemption. Il convient de relever que, dans cette même affaire, le Conseil d’Etat avait déjà donné son avis sur cette question dans le cadre de son office de juge de cassation en matière de référé. Un référé-suspension avait, parallèlement à la procédure au fond, été introduit par l’acheteur évincé devant le Juge des référés du Tribunal administratif de Bordeaux. Celui-ci avait rejeté la demande de suspension et l’acheteur évincé avait alors formé un pourvoi en cassation. Aux termes d’une décision du 2 juin 2014, le Conseil d’Etat avait fait droit à la demande de cassation et, décidant de régler l’affaire au titre des référés, avait suspendu l’exécution de la décision de préemption. Il avait notamment précisé au sein de sa décision que, parmi tous les moyens invoqués, un seul était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée : celui de l’incompétence du signataire. Le Conseil d’Etat avait ainsi estimé que : « Le moyen invoqué par M. C…et tiré de l’incompétence du signataire de l’arrêté du 1er juillet 2013, faute de disposer d’une délégation de signature incluant le droit de préemption urbain, paraît, au vu des pièces versées au dossier en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. » (Conseil d’État, 1ère sous-section jugeant seule, 2 juin 2014, n°373687). Il résulte de ce qui précède que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux était prévisible au regard de la position adoptée par le Conseil d’Etat. Il est assez intéressant de relever que la Cour administrative d’appel semble même être allée encore plus loin que le Conseil d’Etat dans son appréciation des délégations de signature concernant le droit de préemption. En effet, à aucun moment dans sa décision, le Conseil d’Etat n’a exigé qu’en cas de délégation consentie pour l’exercice de ce droit, il en soit fait mention expresse dans la décision. Le Conseil d’Etat se bornait à constater qu’en l’espèce la délégation de signature n’incluait pas le droit de préemption urbain. Cela pouvait sous-entendre que le droit de préemption ne relevait pas « la gestion du patrimoine immobilier communal ». En exigeant la mention expresse du droit de préemption dans la délégation, la Cour administrative d’appel paraît donc avoir été encore plus loin que le Conseil d’Etat…

La revanche de l’éolien sur le droit : l’effet boomerang

Par David DEHARBE (Green Law Avocat) Longtemps l’éolienne aura été saisie par le droit, pour ralentir son implantation. On assiste ces dernières mois à une situation inverse et pour ainsi dire à un effet boomerang : les solutions particulières obtenues et exigées par la filière éolienne au nom d’une simplification du droit se systématisent aux matières juridiques qui les ont concédées. Ainsi l’expérimentation en cours d’une autorisation unique consacre-t-elle un régime EnR (encadré par l’ordonnance ratifiée n° 2014-355, 20 mars 2014 et le D. n° 2014-450, 2 mai 2014) qui a vocation à se généraliser à toutes les installations classées : l’article 103 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (JORF n°0181 du 7 août 2015 page 13537, texte n° 1) habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances afin cette fois de généraliser dans un délai de 18 mois le principe de l’autorisation unique Il est dès lors remarquable que le décret n° 2016-6 du 5 janvier 2016 relatif à la durée de validité des autorisations d’urbanisme et portant diverses dispositions relatives à l’application du droit des sols et à la fiscalité associée (JORF n°0004 du 6 janvier 2016  texte n° 24) allonge la durée de validité des autorisations d’urbanisme. Il porte le délai de validité initial des autorisations d’urbanisme de deux ans à trois ans. De surcroît, ce délai pourra être prorogé d’un an, non plus une seule fois mais deux fois. Enfin, le délai de validité de l’ensemble des permis et des décisions de non-opposition à déclaration préalable portant sur des ouvrages de production d’énergie renouvelable pourra être prorogé plusieurs fois pour une année, jusqu’à l’achèvement d’un délai de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme. Or ces dernières dispositions étaient jusqu’alors réservées aux seuls projets éoliens … Précisons encore trois apports purement urbanistiques de ce même décret. D’une part, ce texte simplifie les formalités opposables aux travaux sur construction existante. Le seuil de soumission de ces travaux à permis de construire est en effet relevé de 20 m2 à 40 m2, sur l’ensemble des territoires dotés d’un plan local d’urbanisme ou d’un plan d’occupation des sols et plus uniquement en zones urbaines. D’autre part, le décret procède à une correction de la partie réglementaire du code de l’urbanisme relative au recours obligatoire à l’architecte, aux fins de mise en cohérence avec la partie législative du même code. Enfin, le décret comporte des corrections et compléments portant sur la fiscalité associée aux autorisations d’urbanisme, afin de tirer les conséquences de la disparition de la participation pour non réalisation des aires de stationnement (PNRAS) et du versement pour dépassement du plafond légal de densité (VDPLD) et de clarifier les éléments à fournir pour l’identification du redevable des taxes.

Urbanisme : détermination de l’autorité compétente lorsque le permis de construire est attribué au nom de l’Etat (CE, 25 novembre 2015, n°372045)

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat   « L’État, c’est moi », aurait affirmé Louis XIV le 13 avril 1655 devant les parlementaires parisiens… Louis XIV disparu, il devient difficile de savoir qui désormais représente l’Etat…et ce plus particulièrement en matière de permis de construire délivrés “au nom de l’Etat”, lorsqu’il existe un désaccord entre le maire et le Préfet lors de l’instruction d’une demande d’autorisation d’urbanisme. Aux termes d’une décision du 25 novembre 2015 (CE, 1ère / 6ème SSR, 25 novembre 2015, n°372045, mentionné dans les tables du recueil Lebon), le Conseil d’Etat a déterminé qui, en cas de désaccord sur le permis de construire, aurait le dernier mot entre le maire ou le Préfet dans l’hypothèse où le maire reviendrait sur l’avis qu’il avait émis initialement. Les faits de l’espèce étaient les suivants. Un permis de construire avait été sollicité sur le territoire d’une commune dépourvue de plan local d’urbanisme mais dotée d’une carte communale et n’ayant pas fait le choix, par le vote d’une délibération en ce sens de son conseil municipal, de conférer au maire le pouvoir de statuer en son nom sur les demandes d’autorisation d’urbanisme. Dans cette commune, les autorisations d’urbanisme étaient donc délivrées au nom de l’Etat. Le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction s’était déclaré favorable au projet, tandis que le maire, postérieurement à l’expiration du délai au terme duquel son avis était réputé favorable, avait émis un avis négatif. Le Préfet avait alors décidé d’accorder le permis de construire sollicité. La commune avait saisi le tribunal administratif qui avait annulé ce permis au motif qu’il émanait d’une autorité incompétente. Par un arrêt du 12 juillet 2013, la cour administrative d’appel de Lyon avait confirmé le jugement grâce au motif suivant: « 7. Considérant qu’il est constant que la commune […], dépourvue de plan local d’urbanisme mais dotée d’une carte communale, n’a pas fait le choix, par le vote d’une délibération en ce sens de son conseil municipal, de conférer au maire le pouvoir de statuer en son nom sur les demandes d’autorisation d’urbanisme ; qu’il ressort des pièces produites […]que le responsable de ce service de la direction départementale des territoires, qui y a d’ailleurs expressément visé l’article R. 422-2 e) précité du code de l’urbanisme, s’est déclaré favorable au projet, manifestant ainsi un désaccord avec le maire […], lequel avait porté sur le formulaire de demande de permis un avis négatif ; que, toutefois, cet avis, daté du 30 mars 2010, est intervenu plus d’un mois après que, le 18 janvier 2010, [le pétitionnaire] a renouvelé sa demande de permis de construire et en a déposé le dossier à la mairie de […]; que le maire de cette commune avait ainsi déjà émis, par son silence, un avis réputé favorable et épuisé sa compétence consultative ; qu’il n’existait en conséquence, l’avis défavorable du 30 mars 2010 devant être ignoré, aucun désaccord entre ce maire et le responsable du service instructeur ; que les faits antérieurs à cet avis réputé favorable, et notamment le refus de permis de construire opposé le 5 mai 2007, sont sans incidence ; que le préfet était dès lors incompétent, comme l’a jugé le tribunal, pour délivrer [au pétitionnaire] le permis de construire en litige ; » (CAA Lyon, 12 juillet 2013, n°13LY00643)   Le pétitionnaire s’était alors pourvu en cassation. Le Conseil d’Etat devait donc désigner qui était l’autorité compétente pour prendre la décision sur la demande d’autorisation d’urbanisme, question qui nécessitait de déterminer si un maire pouvait changer d’avis après avoir émis un premier avis favorable. Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat a censuré la position de la Cour administrative d’appel de Lyon. Il a, tout d’abord, indiqué à qui devait en principe échoir la compétence en matière d’urbanisme. Principe de compétence du Maire: dans les communes qui ne sont pas dotées d’un document d’urbanisme ou qui sont dotées d’une carte communale mais dans lesquelles le conseil municipal n’a pas délibéré pour donner la compétence au maire en matière d’instruction d’autorisations d’urbanisme, l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme dispose que le permis de construire est délivré au nom de l’Etat, par le maire ou par le Préfet. Plus exactement, l’article R.422-1 du code de l’urbanisme précise que « Lorsque la décision est prise au nom de l’Etat, elle émane du maire, sauf dans les cas mentionnés à l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme où elle émane du préfet. » Exceptions à la compétence du Maire: Parmi les exceptions listées à l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme, il est notamment exposé que le Préfet est compétent pour délivrer le permis de construire dans les communes visées au b de l’article L. 422-1 du code de l’urbanisme « En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction mentionné à l’article R. 423-16 » du code de l’urbanisme. Ces précisions sur la compétence apportées, le Conseil d’Etat a alors examiné quelle était la procédure lors de l’instruction d’un permis de construire délivré au nom de l’Etat. Il a notamment souligné qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 423-72 du code de l’urbanisme, «  Lorsque la décision est de la compétence de l’Etat, le maire adresse au chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction son avis sur chaque demande de permis et sur chaque déclaration. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans le délai d’un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis […] ». De plus, le Conseil d’Etat a relevé que, selon l’article R. 423-74 du même code : « Le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction adresse un projet de décision au maire ou, dans les cas prévus à l’article R. 422-2, au préfet. / Dans les cas prévus à l’article R. 422-2, il en adresse copie au maire […] ». Cet état du droit rappelé, le Conseil d’Etat devait donc déterminer si le maire pouvait retirer son avis favorable pour…

Urbanisme : Précisions sur l’application de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme relatif à la concertation du public : mieux vaut trop que pas assez (CE 25 nov. 2015, n°372659)

Par Me Marie-Coline Giorno Green Law Avocat L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme exige que certains projets fassent l’objet d’une concertation publique pendant toute la durée de leur élaboration. Les modalités de la concertation sont, en principe, fixées dans une délibération. Cette formalité est substantielle (CE, 10 févr. 2010,  n° 327149, mentionné dans les tables du recueil Lebon ; CAA Lyon, 29 novembre 2011, n° 10LY01907 ou encore CAA Lyon, 11 octobre 2011, n°09LY02138). L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme ajoute que les documents d’urbanisme ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération ont été respectées. Il s’infère de cette disposition que le juge administratif veille scrupuleusement au respect des modalités de la concertation. Une concertation est ainsi, en principe, irrégulière si les modalités de la concertation prévues dans la délibération les fixant n’ont pas toutes été mises en œuvre. En ce sens, un document d’urbanisme a déjà été censuré dans l’hypothèse où les modalités de concertation prévues par la délibération du conseil municipal n’avaient pas été respectées. Dans cette affaire, deux réunions publiques avaient été tenues et un numéro spécial du bulletin municipal avait été édité conformément aux modalités prévues de la concertation. Cependant, aucun registre n’avait été mis à disposition du public pour que ces derniers puissent y consigner leurs observations comme le prévoyait également cette délibération (CAA Marseille, 25 mars 2014, n° 11MA00409). De même, le fait qu’une boîte à idées, prévue parmi les modalités de la concertation, n’ait pas été mise en place a entaché d’illégalité le document d’urbanisme pris à son issue dès lors que les modalités de la concertation n’avaient pas été respectées (CAA Douai, 8 décembre 2011, n° 10DA01597). Néanmoins, un vice tiré du non-respect des modalités de la concertation peut, parfois, ne pas entacher d’illégalité la décision prise à l’issue de la procédure. Le juge applique alors le principe selon lequel, « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (principe dégagé dans Conseil d’État, Assemblée, 23 décembre 2011, n°335033, Publié au recueil Lebon et appliqué récemment en matière de concertation dans CAA Bordeaux, 11 février 2014, n°12BX02488). Par ailleurs, dans des affaires où il était soutenu que les modalités de la concertation méconnaissaient l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a considéré que la légalité d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme ne saurait être contestée au regard des modalités de la procédure de concertation qui l’a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par la délibération prescrivant l’élaboration de ce document d’urbanisme (Conseil d’Etat, 8 octobre 2012, n° 338760, mentionné aux tables du recueil Lebon ou, également en ce sens, CAA Bordeaux, 11 février 2014, n° 12BX02488). Le moyen est donc inopérant. Récemment, le Conseil d’Etat a encore eu l’occasion de préciser sa position sur l’interprétation des dispositions de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme (Conseil d’État, 1ère / 6ème SSR, 25 novembre 2015, n°372659, mentionné dans les tables du recueil Lebon). En l’espèce, un conseil municipal avait défini les modalités de la concertation devant précéder la révision du plan d’occupation des sols de la commune et sa transformation en plan local d’urbanisme, en prévoyant la mise à disposition d’un registre, l’information du public par bulletin et par voie de presse, l’organisation d’une réunion publique, d’une journée d’information et la mise en place d’une permanence des élus. Cependant, le maire avait également organisé, de sa propre initiative, une concertation supplémentaire auprès des viticulteurs et des artisans, qui ont été reçus individuellement après qu’un questionnaire leur avait été envoyé, et dont il a été fait état dans le bilan de la concertation. La Cour administrative avait jugé que cette consultation supplémentaire, en sus des modalités des modalités définies par la délibération organisant la concertation, entachait d’illégalité la délibération approuvant le plan local d’urbanisme. Le Conseil d’Etat a censuré cette analyse. Il a considéré que « s’il résulte de ces dispositions que la légalité d’une délibération approuvant un plan local d’urbanisme ne saurait être contestée au regard des modalités de la procédure de concertation qui l’a précédée dès lors que celles-ci ont respecté les modalités définies par la délibération prescrivant l’élaboration de ce document d’urbanisme, il ne s’en déduit pas en revanche que l’organisation d’autres formes de concertation en sus des modalités définies par cette dernière délibération aurait, par elle-même, pour effet d’entacher d’illégalité la délibération approuvant le plan local d’urbanisme »  Il en a alors déduit que la Cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit en ne recherchant eu égard aux conditions dans lesquelles elle s’était déroulée, cette consultation supplémentaire avait eu pour effet d’entacher d’irrégularité la procédure de concertation prescrite par l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme. En conséquence, il résulte de tout ce qui précède que lorsqu’une concertation publique est nécessaire dans le cadre de l’élaboration d’un projet, en application de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, il est impératif que ses modalités soient préalablement définies. Cette formalité est substantielle. Lors de la concertation, les modalités prévues doivent être respectées. Une concertation est ainsi en principe irrégulière si les modalités prévues n’ont pas toutes été mises en œuvre, sauf à considérer que les intéressés n’ont pas été privés d’une garantie ou que l’irrégularité n’a pas été susceptible d’avoir une influence sur la décision finale approuvant le document d’urbanisme soumis à concertation préalable. En outre, lorsque des modalités ont été mises en œuvre en plus de celles définies dans la délibération, il convient de constater que cette circonstance n’entache pas, par elle-même, d’illégalité la décision approuvant in fine le document d’urbanisme. Ainsi, lorsqu’une…

Sites et sols pollués: le décret sur les secteurs d’information sur les sols (SIS) est sorti des tuyaux (décret 26 oct.2015)

Par Sébastien BECUE Green Law Avocat Le 27 mars 2014 entrait en vigueur la loi dite « ALUR » (L. n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme). Cette loi visant à favoriser l’accès au logement disposait d’un volet relatif aux sites et sols pollués destiné à encourager la reconversion des friches industrielles (voir notre article de l’époque sur ce thème). Parmi ces dispositions environnementales (article 173 de la loi ALUR) figurait notamment la création des « secteurs d’information sur les sols » (les « SIS »), dispositif qui doit permettre, comme l’indique le Président du CSPRT lors de la présentation du projet de décret, que tout aménageur soit en mesure de « disposer d’informations lorsque son projet est localisé sur un site pollué ». Les préfets sont ainsi chargés de déterminer quels terrains sont soumis à un SIS et les propriétaires des terrains désignés sont soumis à une nouveau type d’obligation d’information précontractuelle s’ils souhaitent les louer ou les vendre. Le décret n° 2015-1353 du 26 octobre 2015  vient préciser les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif. C’est l’occasion de remarquer que sont précisées les modalités de définition des SIS par le préfet et de souligner les obligations attachées à ce nouvel outil. Les modalités de définition des SIS par le préfet   Les terrains concernés par les SIS Pour rappel, l’article L. 125-6 du code de l’environnement prévoit que « L’Etat élabore, au regard des informations dont il dispose, des secteurs d’information sur les sols qui comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l’environnement. » Il s’agit donc des terrains, comme l’explique le rapporteur du projet de décret au CSPRT, pour lesquels « des preuves de pollution doivent ainsi être en possession de l’Etat ». Le décret précise que la liste des SIS sera établie « sur la base des données dont l’Etat a connaissance entre le 1er janvier 2016 et le 1er janvier 2019 » (R. 125-41-I C.env.). Pour déterminer quels terrains feront l’objet d’un SIS, le préfet pourra très certainement s’appuyer sur la base de données BASOL, gérée par le ministère en charge de l’environnement et qui répertorie les sols présentant une pollution avérée ou en cours de diagnostic, ainsi que sur les informations que lui fera remonter l’inspection des installations classées. Le décret exclut certains terrains du dispositif (R. 125-43 C.env.) : les terrains d’emprise des ICPE et INB en exploitation (qui ne sont par ailleurs pas non plus couverts par l’obligation d’information précontractuelle environnementale prévue par l’article L. 514-20 du code de l’environnement) ; les terrains ayant fait l’objet d’une servitude d’utilité publique en application de l’article L. 515-12 du code de l’environnement ; les terrains soumis à des pollutions pyrotechniques (liées aux poudres et composés explosifs ou aux munitions). La procédure d’élaboration des SIS En pratique c’est au préfet de département qu’incombe la charge d’élaborer, pour chaque commune et avant le 1er janvier 2019, un ou plusieurs projets de SIS (R. 125-41 C.env.). Les projets prendront la forme d’un dossier composé des deux éléments suivants (R. 125-42 C.env.) : une note présentant les informations détenues par l’Etat sur la pollution des sols ; un ou plusieurs documents graphiques à l’échelle cadastrale, délimitant le SIS. Une fois le dossier constitué, le préfet le transmet (R. 125-44 C.env.) : pour avis aux maires des communes (ou présidents d’EPCI) sur lesquels sont situés les projets de SIS. Ceux-ci disposent alors d’un délai de six mois pour transmettre leurs observations et joindre à leur éventuelle demande de modification du projet tout document la justifiant ; pour information, par lettre simple, aux propriétaires des terrains concernés par les SIS en leur indiquant les modalités de participation retenues (a priori le site internet où seront publiés les projets). Au vu des résultats de la consultation le préfet arrête la liste des SIS, publie l’arrêté au recueil des actes administratifs et intègre les SIS dans une base de données dédiée (dont le compte-rendu du CSPRT indique qu’il constituera « un outil informatique de saisie des parcelles cadastrales ») (R. 125-45 C.env.). On note qu’alors que le projet de décret soumis au CSPRT prévoyait la consultation individuelle des propriétaires dont les terrains font l’objet d’un SIS, cette disposition a été abandonnée au profit d’une simple information des propriétaires. Enfin, le préfet informe les intéressés en (R. 125-46 C.env.) : adressant l’arrêté aux maires (ou présidents d’EPCI) et aux propriétaires concernés ; affichant l’arrêté pendant un mois dans chaque mairie (ou siège d’EPCI) concernée ; annexant l’arrêté aux documents d’urbanisme des communes (ou EPCI) concernées. Chaque année, la liste des SIS est révisée par le préfet, notamment sur la base d’informations relatives à l’état des sols communiquées par le maire (ou président d’EPCI) ou par les propriétaires concernés par le SIS, ce qui leur permettra éventuellement de prévenir le préfet des évolutions de leur terrain et d’obtenir la suppression du SIS dont il fait l’objet (R. 125-47 C. env.). Il est à noter que plusieurs documents d’aide à l’élaboration des SIS sont actuellement en préparation : une note d’instruction, un guide pour accompagner les DREAL dans l’élaboration des SIS ainsi qu’un guide à l’intention des collectivités. L’intégration des SIS aux documents d’urbanisme D’une part, les SIS feront l’objet d’une annexe spécifique du plan local d’urbanisme des communes où sont situées les terrains concernés (R. 123-13 C.urb.). Il en va de même pour les plans de sauvegarde et de mise en valeur (R*313-6 C.urb.). D’autre part, les communes, lorsqu’elles délivreront des certificats d’urbanisme, seront tenues de mentionner si le terrain fait l’objet d’un SIS et s’il est répertorié sur l’outil CASIAS (R. 410-15-1 C.urb.), clairement définie par le décret comme le pendant cartographique de la base de données BASIAS (R. 125-48 C.env.). Les obligations attachées aux SIS   L’obligation de réalisation d’une étude des sols et de prendre des mesures de gestion pesant sur le constructeur et l’aménageur Lorsqu’un terrain soumis à un SIS fait l’objet d’un projet…