Permis de construire : la complétude du dossier s’apprécie de manière globale (CE, 23 décembre 2015, n° 393134)

Par un arrêt en date du 23 décembre 2015 (CE, 23 décembre 2015, n°393134, consultable ici), le Conseil d’Etat confirme que la complétude ou régularité formelle d’un dossier de demande de permis de construire doit faire l’objet d’une appréciation globale de la part du juge. Le Tribunal de grande instance de Pontoise avait interrogé le juge administratif sur la légalité d’un permis de construire : les requérants soutenaient que le dossier de demande était entaché d’insuffisance quant à la description de l’insertion paysagère du projet, et que l’autorisation avait par conséquent été adoptée à l’issue d’une procédure irrégulière. Le Conseil d’Etat a profité de cette affaire pour formaliser un principe déjà reconnu par une jurisprudence constante : celui selon lequel une insuffisance ou une lacune du dossier de demande de permis peut être compensée par les autres pièces dudit dossier (CE, 26 janv. 2015, n°362019 ; CAA Bordeaux, 3 janv. 2012, n° 11BX00191 ; CAA Nantes, 25 mars 2011,  n°09NT0282 ; CAA Bordeaux, 9 déc. 2010,  n° 10BX00804 ; CAA Nantes, 13 juill. 2012, n°11NT00590 ; CAA Marseille, 20 déc. 2011,  n° 10MA00789). La Haute Juridiction a ainsi dit pour droit que : « la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ; ».   En l’espèce, au vu des différentes pièces permettant au service instructeur de se représenter l’insertion du projet dans son environnement, le dossier ne pouvait être considéré comme globalement insuffisant : « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire déposée par la société A. comportait une note de présentation décrivant la construction envisagée, notamment son gabarit et son implantation au sein de la zone d’aménagement concertée de la P. et montrant sa proximité avec les constructions anciennes situées dans l’impasse de la P.; que le dossier comportait en outre un document intitulé “ volet paysager “, dans lequel figurait une vue aérienne du terrain, une description de l’intégration paysagère du projet, précisant, notamment, que l’immeuble serait bordé par trois rues dont l’impasse de la P. , et des photographies qui permettaient d’apprécier l’insertion du projet dans son environnement ; que si les requérants soutiennent que les documents figurant au dossier de demande de permis de construire auraient été insuffisants, il ressort des pièces du dossier que l’autorité administrative a été mise en mesure de porter, en connaissance de cause, son appréciation sur l’insertion du projet dans son environnement ; que par suite, c’est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées du code de l’urbanisme ; » Il en résulte que seules les insuffisances substantielles peuvent justifier une annulation du permis (voir par exemple pour une absence d’informations sur l’insertion paysagère du projet : CAA Lyon, 12 novembre 2013, n°13LY00048 ; CAA Bordeaux, 26 mars 2013, n°12BX00011 ; CAA Douai, 13 août 2012, n°11DA01185 ; CAA Bordeaux, 27 mai 2010, n°09BX01734 ; ou l’oubli d’une servitude de passage permettant d’accéder au terrain d’assiette du projet : CAA Douai, 27 nov. 2014, n° 13DA01003).   Notons par ailleurs qu’il a déjà été précisé que ce principe s’applique également lorsque l’administration est en mesure de trouver les informations manquantes dans le dossier de demande de permis de démolir (CE, 30 déc. 2011, n° 342398), ou dans le dossier de demande d’autorisation ICPE (CAA Lyon, 28 févr. 2012, n° 11LY00911) déposé pour une même opération que celle faisant l’objet de la demande de permis de construire.  Cela n’est cependant pas le cas lorsque le maire a pu avoir connaissance des éléments manquants à l’occasion de l’instruction d’une précédente demande (CAA Marseille, 26 janv. 2012, n° 10MA01677). En tout état de cause, cette solution illustre encore le pragmatisme qui imprègne le contentieux de l’urbanisme, et plus particulièrement la tendance à la « danthonysation » du contentieux de l’urbanisme et de l’environnement (voir notre analyse ici).

Modification du PLU : le Conseil d’Etat précise les modalités de prise en compte des conclusions défavorables du commissaire enquêteur (CE, 15 décembre 2015, n°374027)

Le Conseil d’Etat vient de préciser les modalités de prise en compte des conclusions défavorables du commissaire enquêteur lors d’une modification de PLU (CE, 15 décembre 2015, n°374027). Rappelons que si à l’issue d’une enquête publique le commissaire enquêteur émet des conclusions défavorables, cela emporte deux conséquences : d’une part, le juge des référés peut être saisi d’une demande de suspension de la décision prise par l’autorité administrative (voir par exemple : CE, 16 avr. 2012, n° 355792 ; CE, 13 juill. 2007, n° 298772 ; CE 30 avr. 1990, Assoc. Lindenkuppel: LPA 20 févr. 1991, n° 22, note Pacteau ; CE, 14 juin 1991, n° 118315 ; CE, 21 déc. 1994, n° 159960) ;   d’autre part, si l’enquête était afférente au projet d’une collectivité territoriale ou d’un EPCI, celui-ci doit faire l’objet d’une nouvelle délibération de l’organe délibérant (C. envir., ancien article L. 123-12 et actuel article L. 123-16 ; voir aussi sur les conséquences de l’absence d’une telle délibération : TA Grenoble, 12 févr. 2013, n° 1101160).   C’est sur cette obligation de délibérer à nouveau que porte la décision commentée (CE, 15 décembre 2015, n°374027, consultable ici). En l’espèce, plusieurs particuliers avaient demandé au juge administratif d’annuler la délibération par laquelle le conseil municipal d’une commune avait approuvé la modification de son PLU classant en zone agricole à vocation paysagère Ap une zone précédemment classée en zone à urbaniser. La Cour administrative d’appel de Lyon avait annulé ladite délibération au motif que le conseil municipal, n’ayant pas réellement discuté des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur préalablement au vote, n’avait pas délibéré en toute connaissance de cause sur le projet soumis à son vote (CAA Lyon, 15 octobre 2013, n°13LY01068). Le Conseil d’Etat censure toutefois cette interprétation. Ainsi, la Haute juridiction a considéré que le texte de l’ancien article L. 123-12 n’impose pas que l’examen des conclusions défavorables du commissaire enquêteur fasse l’objet : d’une réunion distincte de celle au cours de laquelle le conseil municipal approuve la modification du plan local d’urbanisme ; ni d’une délibération matériellement distincte de celle qui approuve le projet ; ni d’un débat spécifique de l’organe délibérant. Le conseil municipal doit donc simplement délibérer sur le projet après avoir pris connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur. Aussi, estimant qu’en exigeant la tenue d’un débat préalable au vote de la délibération, la Cour administrative d’appel de Lyon avait ajouté une condition non prévue par la loi, le Conseil d’Etat annule l’arrêt du 15 octobre 2013 : « Considérant que les dispositions de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, comme l’a jugé à bon droit la cour administrative d’appel de Lyon, n’imposent pas que l’examen des conclusions défavorables du commissaire enquêteur fasse l’objet d’une réunion distincte de celle au cours de laquelle le conseil municipal approuve la modification du plan local d’urbanisme ni d’une délibération matériellement distincte de la délibération approuvant le projet ; que, toutefois, elles n’exigent pas non plus que l’organe délibérant débatte spécifiquement des conclusions du commissaire enquêteur, mais lui imposent seulement de délibérer sur le projet, y compris lorsqu’il relève de la compétence de l’exécutif de la collectivité, en ayant eu connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur ; Considérant que la cour a estimé que le conseil municipal, bien qu’informé par le maire des conclusions défavorables du commissaire enquêteur, n’en avait pas débattu préalablement à l’adoption de la délibération approuvant la modification du plan local d’urbanisme de la commune ; qu’en en déduisant que cette délibération avait été prise en méconnaissance de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, elle a commis une erreur de droit ; »   Rappelons qu’en toute hypothèse, l’avis défavorable du commissaire enquêteur ne lie pas l’autorité compétente, qui peut tout à fait passer outre (CAA Douai, 1er juin 2011, n° 10DA00193 ; CAA Nancy, 11 févr. 2010,  n° 09NC00474).

Urbanisme : l’absence d’impartialité des conseillers municipaux n’en fait pour autant pas des conseillers intéressés (CE, 22 février 2016, n°367901)

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Le Conseil d’Etat, dans une décision très récente (Conseil d’État, 6ème / 1ère SSR, 22 février 2016, n°367901, mentionné au recueil Lebon), a rappelé que le fait que des conseillers municipaux ne soient pas impartiaux lors de la participation à une délibération ne permettait pas nécessairement de les qualifier de conseillers « intéressés ». Les faits de l’affaire étaient les suivants. Une société a été autorisée à exploiter une centrale d’enrobage à chaud et une installation de recyclage de déblais de terrassement au sein d’une zone d’activités d’une commune, et dans laquelle était autorisée, selon le plan local d’urbanisme alors en vigueur, l’implantation d’installations classées pour la protection de l’environnement. Cependant, que par une délibération du 25 mars 2009, le conseil municipal a approuvé une modification du plan local d’urbanisme interdisant, dans ce secteur, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation et toute installation connexe. Deux conseillers municipaux, anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités, avaient participé au vote et la délibération avait eu précisément pour objet de modifier le règlement du plan local d’urbanisme pour interdire, dans le secteur concerné, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation. La société exploitante et la société réalisant la zone d’activités ont demandé l’abrogation de cette délibération. Par une décision du 22 octobre 2009, le maire de la commune a refusé de donner suite à leur demande d’abrogation. Les deux sociétés ont alors introduit un recours en annulation devant le tribunal administratif de Toulouse qui, par un jugement du 28 juillet 2011, a rejeté leur requête. Ce jugement a été confirmé par la Cour administrative d’appel de Bordeaux par un arrêt du 19 février 2013 contre lequel ces sociétés se pourvoient en cassation. Plusieurs moyens étaient invoqués pour contester le refus d’abrogation. En particulier, il était soutenu la délibération litigieuse du 25 mars 2009 avait été adoptée en méconnaissance de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT), dès lors que deux conseillers municipaux, anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités, avaient participé au vote et que la délibération avait eu précisément pour objet de modifier le règlement du plan local d’urbanisme pour interdire, dans le secteur concerné, les installations classées comportant une activité de fabrication et de transformation.   Rappelons qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires » Il résulte de ces dispositions que « la participation au vote permettant l’adoption d’une délibération, par une personne intéressée à l’affaire qui fait l’objet de cette disposition est de nature à entraîner l’illégalité de cette délibération ; que, de même, la participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption d’une telle délibération, par une personne intéressée à l’affaire qui fait l’objet de cette disposition, est susceptible de vicier la légalité de cette délibération, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d’une participation au vote de la délibération litigieuse, dès lors que la personne intéressée a été en mesure d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse » (Conseil d’État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21 novembre 2012, n°334726, mentionné aux tables du recueil Lebon). Lorsqu’un ou plusieurs membres du conseil municipal intéressés à l’affaire  ont pris part à une délibération, deux situations nous paraissent devoir être distinguées : –       Dans l’hypothèse où le conseiller municipal participe au vote de la délibération, il suffit qu’il ait un intérêt à l’affaire  pour que ladite délibération soit illégale : –       Dans l’hypothèse où le conseiller municipal ne participe  pas au vote de la délibération mais qu’il a participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant l’adoption de cette délibération, il doit avoir été susceptible d’exercer une influence effective sur la délibération litigieuse pour qu’elle soit illégale.   Il convenait donc de déterminer si , en l’espèce, le fait que des conseillers municipaux soient des anciens membres d’un collectif de riverains opposés à la présence de la centrale d’enrobage dans la zone d’activités devait conduire à les qualifier de conseillers « intéressés » à la délibération portant sur une modification du plan local d’urbanisme ayant pour objet de restreindre ce type d’activité sur la commune. La notion d’intérêt à l’affaire est difficile à appréhender. En principe, l’intérêt à l’affaire existe dès lors qu’il ne se confond pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune   (Conseil d’Etat, Section, 16 décembre 1994, n°145370, publié au recueil Lebon). En matière d’association, il a déjà été jugé à propos d’un maire ayant participé à une délibération en vue d’attribuer un local à l’association qu’il présidait devait être considéré comme ayant un intérêt à l’affaire car « l’association, bien que dépourvue de but lucratif, poursuivait des objectifs qui ne se confondaient pas avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune ». (Conseil d’Etat, Section, 16 décembre 1994, n°145370, publié au recueil Lebon ; voir également en ce sens Conseil d’Etat, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 9 juillet 2003, n°248344, mentionné aux tables du recueil Lebon). De même, lorsque plusieurs conseillers municipaux sont membres d’une association ayant obtenu, devant le tribunal administratif, l’annulation d’une délibération du conseil municipal de la commune adoptant le projet de révision du plan d’occupation des sols, ils ne peuvent participer au vote tendant à décider si le maire pouvait être autorisé à faire appel dudit jugement car leur intérêt, en l’espèce, n’était pas distinct de celui de l’association, et qu’ils devaient ainsi être regardés comme intéressés aux questions contentieuses pendantes entre la commune et l’association (CAA Paris, Plénière, 9 octobre 1997, n°97PA00998, publié au recueil Lebon) En revanche, lorsque l’association poursuit des objectifs communs avec les intérêts de la généralité des habitants de la commune, il en va différemment. Ainsi, le Conseil d’Etat a pu juger que le fait…

Urbanisme / Montagne : la servitude parfois imposée  sur les chalets d’alpage et sur les bâtiments d’estive est-elle constitutionnelle ?

Par Me Marie-Coline Giorno (Green Law Avocat)   Un arrêt récent du Conseil d’Etat vient d’apporter d’intéressantes précisions au sujet de la constitutionnalité des règles légales donnant le pouvoir au Maire, en zone de montagne, d’imposer des servitudes interdisant l’utilisation de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive en période hivernale ou limitant leur usage pour tenir compte de l’absence de réseaux (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°394839). Il vient en effet de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) relative à la conformité à plusieurs principes constitutionnels de cette servitude. Devant le Conseil d’Etat, il était soutenu que les dispositions précitées de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme méconnaissaient « la liberté d’aller et venir, le principe d’égalité devant les charges publiques, ainsi que, par l’incompétence négative dont elles seraient entachées, le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au motif qu’elles prévoient la possibilité pour l’autorité compétente d’instituer une ” servitude administrative ” sur certains bâtiments durant la période hivernale sans prévoir aucune information préalable ni aucune procédure contradictoire permettant d’écarter tout risque d’arbitraire dans la détermination des propriétés concernées et sans instituer aucune indemnisation des propriétaires ». (Conseil d’Etat, 10 février 2016, n°394839). Le Conseil d’Etat a estimé que « le moyen tiré de ce qu’il méconnaîtrait les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment, par l’incompétence négative dont il serait entaché, le droit de propriété garanti en particulier par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soulève une question présentant un caractère sérieux » et a transmis la question au Conseil constitutionnel. En zone de montagne, il existe des principes d’aménagement et de protection particuliers. Ces principes résultent notamment de l’application des dispositions de l’ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme, désormais codifiées à l’article L. 122-10 du code de l’urbanisme, qui exigent la préservation des « terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières ». Certaines activités sont toutefois autorisées en zone de montagne telles que les constructions nécessaires aux activités agricoles, pastorales et forestières ou les équipements sportifs liés notamment à la pratique du ski et de la randonnée (ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme désormais codifié à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme). De même, sont admises la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière (ancien article L. 145-3 du code de l’urbanisme désormais codifié à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme). Par ailleurs, les dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, désormais codifiées à l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme, précisent que : « Lorsque des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive, existants ou anciens, ne sont pas desservis par les voies et réseaux, ou lorsqu’ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale, l’autorité compétente peut subordonner la réalisation des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux à l’institution d’une servitude administrative, publiée au fichier immobilier, interdisant l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limitant son usage pour tenir compte de l’absence de réseaux. Cette servitude précise que la commune est libérée de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. Lorsque le terrain n’est pas desservi par une voie carrossable, la servitude rappelle l’interdiction de circulation des véhicules à moteur édictée par l’article L. 362-1 du code de l’environnement. » Cet alinéa vise à prévenir les difficultés liées à l’absence de réseaux et d’équipements publics lorsque les constructions sont destinées à être utilisées de façon temporaire. Il prévoit une dérogation permettant aux personnes ayant déposées une demande de permis de construire ou une déclaration de travaux concernant des chalets d’alpage ou des bâtiments d’estive de réaliser les travaux sans disposer des équipements et réseaux requis. Pour permettre ces constructions, l’autorité compétente peut instituer une servitude tendant à ne pas utiliser les constructions en période hivernale ou à limiter leur usage. De plus, cette servitude  libère la commune de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics. La servitude rappelle enfin l’interdiction de circulation des véhicules à moteur en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l’Etat, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur. Cette servitude, de nature réglementaire, constitue une décision distincte de l’autorisation individuelle de construire. Par suite, son entrée en vigueur dépend, non de la notification et de l’affichage spécifique de l’autorisation de construire mais de son inscription au fichier immobilier et, comme toute décision réglementaire, de sa publication. (CAA Lyon, 19 mai 2011, n° 09LY01441). Très contraignante pour les personnes souhaitant réaliser des travaux faisant l’objet d’un permis de construire ou d’une déclaration de travaux, elle soulève un certain nombre de difficultés (I) qui permettent de s’interroger sur sa constitutionnalité (II). Les difficultés liées à l’institution de cette servitude En premier lieu, cette servitude, une fois publiée, reste en vigueur même si d’autres autorisations d’urbanisme sont délivrées sur le même bâtiment. Elle peut toutefois être amenée à évoluer si les conditions de desserte du chalet ou du bâtiment d’estive évoluent.  (CAA Lyon, 19 mai 2011, n° 09LY01441). Attachée au bien, cette servitude est durable, ce qui présente un premier inconvénient pour les personnes tenues de la respecter. En deuxième lieu, l’institution de la servitude est bien moins contrôlée lors de son édiction que la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou d’estive. Il convient à cet égard de préciser que la restauration ou la reconstruction d’anciens chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d’alpage ou de bâtiments d’estive existants lorsque la destination est liée à une activité professionnelle saisonnière est autorisée par arrêté préfectoral, après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et…

Urbanisme: Extension du délai de validité et renforcement de la possibilité de prorogation des autorisations d’urbanisme (décret du 5 janvier 2016)

Par Sébastien BECUE- Green Law avocats Le 5 janvier 2016, le gouvernement a publié le décret n°2016-6 prolongeant le délai de validité des permis de construire, des permis d’aménager, des permis de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable, texte qui s’inscrit dans la droite ligne du plan de relance pour le logement annoncé par Manuel Valls en août 2014. Les apports principaux du décret sont les suivants : La pérennisation de l’extension du délai de validité des autorisations d’urbanisme de deux à trois années ; La faculté, pour le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, d’en demander deux fois la prorogation pour une durée d’un an ; L’extension de la faculté de prorogation spécifique aux éoliennes à l’ensemble des ouvrages de production d’énergie renouvelable.     La pérennisation de l’extension du délai de validité des autorisations d’urbanisme   Pour rappel, le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme ou d’une décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux est tenu de commencer les travaux autorisés ou déclarés dans un délai déterminé. A défaut, son autorisation « périme » (article R* 424-17 du code de l’urbanisme). Le point de départ de ce délai est en principe la date de notification ou de naissance tacite de la décision, sauf lorsque le commencement des travaux est subordonnée à une autorisation ou à une procédure prévue par une autre législation. Dans ce cas, le délai court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation (article R* 424-20). Le commencement des travaux se formalise en pratique par la transmission à au maire d’un formulaire CERFA de « déclaration d’ouverture de chantier » (DOC) (article R* 424-16). Le juge, lorsqu’il statue en matière de péremption, ne s’arrête toutefois pas au DOC, il contrôle la réalité du commencement des travaux (CE, 9 févr. 1977, n°00114 ; CE, 5 oct. 1988, n°72619). Le bénéficiaire avait jusqu’à maintenant deux années pour débuter les travaux. Mais déjà, dans le cadre du plan de relance, un décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 (que nous commentions ici) prévoyait, de façon dérogatoire, l’extension du délai de validité de deux à trois années pour les autorisations et décisions de non-opposition en cours de validité à la date de la publication du décret et celles intervenant au plus tard le 31 décembre 2015. Le décret ici commenté pérennise donc ce dispositif en l’inscrivant dans le code de l’urbanisme. Le délai de validité de trois années devient ainsi la règle. Il est à noter que le décret ne modifie pas la seconde cause de péremption des autorisations d’urbanisme et décisions de non-opposition, qui est celle causée par l’interruption des travaux au delà d’un délai d’une année. Par ailleurs, le décret procède aussi à l’extension de deux à trois années du délai de validité des décision de non-opposition à déclaration préalable portant sur un changement de destination ou une division de terrain (article R* 424-18 du code de l’urbanisme). La faculté de prorogation des autorisations d’urbanisme   Lorsqu’une autorisation d’urbanisme ou décision de non-opposition risque de « périmer », son bénéficiaire a la faculté de solliciter de l’administration, deux mois au moins avant l’expiration du délai de validité, qu’elle lui soit prolongée pour une durée d’un an, à la condition toutefois que « les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’[aient] pas évolué de façon défavorable à son égard » (article R*424-21 alinéa 1). Jusqu’au présent décret, l’autorité pouvait proroger l’autorisation ou la décision de non-opposition « pour une année ». Désormais elle a la faculté de le faire « deux fois pour une durée d’un an ». Le bénéficiaire devra donc effectuer deux demandes. L’extension de la faculté de prorogation spécifique aux éoliennes à l’ensemble des ouvrages de production d’énergie renouvelable Les éoliennes bénéficient de conditions de prorogation spécifiques et particulièrement intéressantes : la demande de prorogation peut être présentée, tous les ans, dans la limite de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation, et, le cas échéant, après prorogation de l’enquête publique (article R*424-21 alinéas 2 et 3 ; pour une présentation détaillée du régime, voir ici). Le décret objet du présent commentaire étend cette faculté, jusque là réservée aux seules éoliennes, à l’ensemble des ouvrage de production d’énergie renouvelable (à savoir, pour rappel : les ouvrages utilisant les énergies suivantes : éolienne, solaire, géothermique, aérothermique, hydrothermique, marine et hydraulique, biomasse, gaz de décharge, gaz de stations d’épuration d’eaux usées, et biogaz). Modalités d’entrée en vigueur du décret Ces trois modifications s’appliquent à l’ensemble des autorisations en cours de validité à la date de publication du décret, à savoir au 6 janvier 2016; Pour les autorisations d’urbanisme, décisions de non-opposition à déclaration de travaux, de changement de destination ou division de travaux, ayant bénéficié d’une prorogation ou de la « majoration » du décret n°2014-1661 du 29 décembre 2014 précité, le délai résultant est majoré d’un an. Ce décret va très certainement dans le sens des porteurs de projet. Toutefois on attend toujours les mesures permettant une vraie réduction de la durée des contentieux devant les juridictions administratives, à notre sens principal obstacle d’ordre juridique à la reprise de la construction.