Troubles de voisinage: l’inapplicabilité de l’article 1384, al 1 du Code civil et le pouvoir de requalification du juge

  La Cour de cassation a rappelé, le 14 décembre 2011, la nécessaire distinction entre les troubles anormaux de voisinage et la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde.   Les faits: Dans cette espèce, une société civile immobilière avait acquis un appartement dans un immeuble aux fins d’exercice une activité médicale par son gérant. Le propriétaire avait ultérieurement fait réaliser des travaux d’aménagement dans les appartements situés à l’étage du dessus (suppression des moquettes et pose d’un parquet flottant) et revendu ces derniers à des tiers. Le nouveau propriétaire du 1er étage ainsi que le médecin exerçant son activité dans les lieux, se prévalant de nuisances sonores en raison d’une perte d’isolation phonique, ont alors introduit une action en justice, sur le fondement de l’article 1384, al. 1 du Code civil pour solliciter la condamnation in solidum, de l’ancien propriétaire ayant fait effectuer les travaux et des deux nouveaux propriétaires, à réaliser les travaux d’isolement nécessaires à la suppression du trouble ainsi qu’ au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.   La procédure La Cour d’appel de Dijon les a déboutés au motif que leur action consistait à obtenir la réparation d’un trouble de voisinage et que le caractère anormal de ce dernier n’était pas établi. Elle retient que si une augmentation des bruits d’impact est effectivement constatée, en revanche des bruits de pas des occupants sur le parquet flottant ne constituent pas un trouble d’une anormalité telle qu’il doive être réparé sur ce fondement. Les demandeurs au pourvoi ont alors soutenu que la juridiction d’appel avait méconnu les dispositions des articles 1382 et 1384 du Code civil et l’article 12 du Code de Procédure civile. Cependant, la Cour de Cassation approuve les juges du fond d’avoir « retenu que les dispositions législatives et réglementaires invoquées par [les demandeurs] ne pouvaient servir de fondement à une demande de condamnation qu’ils avaient fondée sur des dégradations acoustiques à l’origine d’un trouble anormal de voisinage ».   Dès lors, la cour d’appel était parfaitement fondée à statuer sur un fondement juridique différent de celui invoqué par les parties. En effet, l’article 12 du CPC impose au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et lui donne pouvoir de donner ou de restituer l’exacte qualification aux faits et actes litigieux.   La Cour d’appel n’a ainsi pas dénaturé les demandes des parties dès lors que la modification du fondement juridique d’une prétention n’affecte pas sa finalité, c’est-à-dire l’avantage recherché par l’auteur de la demande.   Cette solution de la Haute Juridiction ne surprend guère dès lors qu’elle avait d’ores et déjà affirmé que la réparation des troubles de voisinage était étrangère aux dispositions de l’article 1384, alinéa 1 du Code civil (Cass. 2ème civ., 20 juin 1990, pourvoi n°89-12874, Bull. civ. II, n0140, p.72). En présence d’un régime de réparation spécifique fondé sur une création jurisprudentielle autonome, tout dommage résultant d’un trouble de voisinage ne peut être réparé que sur le fondement selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et ne peut donner lieu, en l’absence d’anormalité du trouble, à l’application de la responsabilité du fait des choses visée à l’article 1384, al 1 du Code civil.  

Le quadeur, une nouvelle espèce en voie de disparition

On pourra télécharger ci-dessous l’instruction du Gouvernement du 13 décembre 2011 complétant la circulaire du 6 septembre 2005 relative à la circulation des quads et autres véhicules à moteur dans les espaces naturels et donnant des orientations pour le contrôle de la réglementation en vigueur. Ce texte doit être diffusé car il a une vocation pédagogique certaine. circulaire 34284 Ce texte complète la circulaire Olin très partiellement annulée par le Conseil d’Etat (CE 10 janvier 2007,COLLECTIF POUR LA DEFENSE DES LOISIRS VERTS  et FEDERATION FRANCAISE DE MOTOCYCLISME). Le caractère interprétatif de la circulaire. Après analyse, l’instruction du 13 décembre 2011 complétant la circulaire du 6 septembre 2005 ne semble manifestement pas présenter un caractère interprétatif de la règlementation en vigueur opposable à la circulation des quads et autres véhicules à moteur. Dénuée de caractère impératif, elle n’est donc pas susceptible de recours devant le juge de l’excès de pouvoir (Conseil d’Etat, 18 décembre 2002, n°233618, Mme Duvignières) …  le Ministre a prudemment cette fois évité le contentieux de ses actes. Finalement cette circulaire fait quelques rappels heureux. L’interdiction de principe figurant à l’article L. 362-1 du code de l’environnement L’article L. 362-1 du code de l’environnement prévoit l’interdiction de circulation des véhicules à moteur en dehors du domaine public routier, des chemins ruraux et voies privées ouvertes à la circulation publique. Il n’y a pas d’obligation de matérialiser cette interdiction de principe (Cour d’appel de Dijon, Chambre correctionnelle Arrêt du 24 mars 2010 nos 10/234, 10/269) : L’article R. 362-2 du code de l’environnement prévoit que le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions des articles L. 362-1 et L. 362-3 est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (soit 1 500 euros au plus). L’étendue du pouvoir de police du maire dans la règlementation de la circulation sur les chemins ruraux Là encore la circulaire prend grand soin de souligner que le maire est compétent pour interdire, à titre temporaire ou permanent, l’usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux aux catégories de véhicules et de matériels dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces chemins (articles L. 2213-1 et L. 2215-3 du code général des collectivités territoriales ;  Conseil d’Etat, 9 nov. 1992, no 94372,  Denard). L’interdiction de circulation ne peut toutefois présenter un caractère trop général … Bizarrement le Ministre ne procède pas à ce rappel. Ainsi, le Maire ne peut interdire, de façon générale et permanente, la circulation des véhicules à moteur sur toute l’étendue du territoire de la commune non desservi par une voie bitumée (CAA Bordeaux, 28 mai 2002, no 99BX00597,  Nelias). Mais l’arrêté municipal n’est pas obligatoirement limité dans le temps (Conseil d’Etat, 12 décembre 1997 n°173231). Il semble toutefois à la lecture de la jurisprudence, qu’une discrimination entre les différents types de véhicules puisse être envisagée dès lors qu’elle apparaît justifiée, notamment en raison des spécificités des véhicules et des désordres qu’ils occasionnent (Conseil d’Etat, 29 déc. 1997, no 173042,  Fougerouse ;  CAA Bordeaux, 2e ch., 23 juill. 2002, no 99BX01413,  Assoc. départementale de défense de la propriété privée). De même, les conditions d’utilisation des véhicules agricoles étant différentes de celles des autres véhicules de transport, il est loisible au maire de laisser la possibilité aux véhicules agricoles de circuler sur un <chemin> ayant fait l’objet d’une interdiction de circulation sans porter une atteinte illégale au principe d’égalité devant la loi (CAA Nantes, 24 juillet 2007, n° 04NT01171,  Seillery). Obligation de signalisation Si comme le rappelle la circulaire ce n’est pas le cas sur une voie privée, une interdiction de circulation de véhicules motorisés sur un chemin rural, nécessairement prescrite par un arrêté de police, devra faire l’objet d’une signalisation pour être opposable aux usagers. Le droit écrit est ici très net (cf. les articles L161-13 du code rural, ;L. 113-1 du code de la voirie routière, ; R411-25 code de la route ;  Instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR), 4e partie, signalisation de prescription, novembre 2008, article 56-1). Sachant que la violation des arrêtés de police réglementant la circulation localement n’est pas un risque négligeable. L’article R. 362-3 du code de l’environnement prévoit que le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux mesures édictées en application des articles L. 2213-4 et L. 2215-3 du code général des collectivités territoriales est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe (soit 1 500 euros au plus). Des plans départementaux des itinéraires de randonnée motorisée ? Si l’on ajoute à cela, comme le fait la circulaire que les plages, les chemins de halages, les chemins forestiers et tout autre chemin non carrossé ou temporaire sont interdits sous peine d’amende et parfois de confiscation du matériel, une conclusion s’impose : les quadeurs et autres amateurs de trial ou d’enduro sur voies ouvertes ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas ce qu’ils encouraient ! Nul ne doutera que la pression écologique est ici tout aussi forte que légitime : il en va de la protection des espèces et surtout de leurs habitats, à l’aune de Natura 2000 et du développement durable. Demeure néanmoins cette question politiquement très incorrecte : où garantir le libre  loisir motorisé amateur ? On voudrait juste rappeler un dernier oubli de la circulaire : le plan départemental des itinéraires de randonnée motorisée pourtant prévu à l’article L361-2 du code de l’environnement. C’est un intéressant baromètre de la garantie de la liberté d’aller de venir et accessoirement de déranger les espèces pour celles et ceux qui ne sont pas aussi électoralement influents que les chasseurs français ou désormais les randonneurs: si l’on dénombre quelques 80 plans pédestres de même nature juridique, il suffit d’une main pour compter à l’échelle du territoire les plans motorisés. On peut alors sinon comprendre du moins s’expliquer que le dimanche certains bravent l’interdit et prennent le maquis au guidon de leurs terrible engin … Attention, les gendarmes vous attendent (là aussi) au coin du bois !

Pollution et réticence dolosive : à la recherche de la garantie de l’acquéreur

Dans le cadre d’un litige entre vendeur et acquéreur relatif à la présence en sous-sol de cuves polluées non dénoncées dans le contrat de vente, la Cour d’appel de Douai a rendu un arrêt, le 14 novembre 2011, qui peut en laisser plus d’un perplexe (CA Douai, 14 nov. 2011, n°06/02651) .  En effet, les juges d’appel ont retenu, aux termes de cette décision, une  appréciation plus qu’extensive de la réticence dolosive du vendeur, et plus précisément de l’intention dolosive. Cette solution semble avoir été gouvernée par la volonté de garantir l’acquéreur en présence d’une pollution d’ampleur et de toxicité certaine, à défaut d’autres fondements juridiques envisageables. De surcroît, et alors qu’ils ont très facilement prononcé la condamnation du vendeur, profane en la matière, les juges du fond ont, par ailleurs, limité la garantie due par le notaire en sa qualité de rédacteur de l’acte. Les faits En l’espèce, le vendeur avait vendu à un acquéreur une propriété à usage industriel aux termes d’un acte reçu par notaire le 28 avril 1997. A l’issue de travaux d’excavation pour la mise en place d’un réseau d’assainissement, l’acquéreur a découvert, sous un bâtiment, des citernes enterrées qui, après analyse, se sont avérées contenir des boues toxiques. A la suite d’une expertise judiciaire, l’acquéreur a alors diligenté une procédure au fond à l’encontre du vendeur et du notaire pour solliciter la condamnation de ceux-ci  à lui verser le montant des frais de dépollution. Il a obtenu gain de cause en première instance et un appel a été interjeté. La Cour d’appel de Douai, aux termes de son arrêt rendu le 14 novembre 2011, a condamné in solidum le vendeur et le notaire et opéré un partage de responsabilité entre ces derniers à hauteur des trois quarts pour le vendeur et d’un quart pour le notaire. Si la solution n’apparait pas en soi surprenante dans son principe, la lecture attentive des faits de l’espèce et la motivation des juges de fond suscitent, quant à elles, quelques interrogations. – Une appréciation particulièrement extensive de la réticence dolosive… L’acquéreur avait intenté, à titre principal, son action sur le fondement des articles 1116 et 1382 du Code civil en invoquant la réticence dolosive du vendeur.  La Cour d’appel de Douai se place donc sur ce terrain pour apprécier la responsabilité du vendeur. De l’oubli d’une mention à l’acte de vente à l’intention dolosive Elle relève que l’acte, par lequel le vendeur avait lui-même acquis l’immeuble litigieux, indiquait qu’une activité de vidange avait été exercée sur le site et que la présence de deux citernes dans le sous-sol était mentionnée. Or, si l’acte de vente du 28 avril 1997 rappelait bien les mentions de l’article 8-1 de la loi n°76-663 du 19 juillet 1976 (actuellement article L. 514-20 du Code de l’environnement), il était cependant précisé : « Le vendeur déclare qu’il n’a jamais exploité d’installations soumises à autorisation au sens de la loi précitée sur le terrain objet de la présente vente, hormis celles nécessaires à l’exercice d’une activité de fabrication d’éléments en béton sans danger ou inconvénient au sens de la loi ci-dessus. Il déclare également qu’il n’a jamais été déposé en fouilles, ni utilisé sur le terrain, directement ou dans les appareils ou installations, des déchets ou substances quelconques pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l’environnement (tels que, par exemple, amiante, polychlorobiphényles, polychloroterphényles). De même, à sa connaissance, le vendeur déclare qu’il n’a jamais été exercé sur le terrain et les terrains voisins d’activités entraînant des dangers et inconvénients pour la santé, l’environnement et notamment aucune des activités visées par la loi du 19 juillet 1976 ». Et la Cour d’appel de déduire de l’absence de mention, dans l’acte de vente de 1997, de l’exploitation ancienne d’une activité de vidange et de la présence de cuves enterrées la caractérisation d’une réticence dolosive imputable au vendeur. Un raccourci surprenant… Un tel raccourci a de quoi surprendre. En effet, l’élément dommageable était constitué non par la présence de cuves elle-même mais par la pollution qu’elles contenaient, qui elle n’avait jamais été portée à la connaissance du vendeur. Dès lors, l’intention dolosive apparaît objectivement difficilement caractérisable. Cependant, les juges du fond estiment que le vendeur aurait nécessairement du savoir que les cuves avaient servi à usage de vidange et qu’elles étaient ainsi polluées. Cette appréciation des faits de l’espèce ne répond manifestement pas aux conditions requises et contrôlées par la Cour de Cassation pour retenir la réticence dolosive du vendeur. Il convient de rappeler que l’intention dolosive, tout comme la mauvaise foi, ne se présume pas et qu’elle doit être prouvée.  Or, en l’espèce, les juges du fond se fondent uniquement sur une absence de mention à l’acte, non de l’existence de la pollution elle-même, mais de l’activité relativement ancienne de vidange et de la présence de cuves enterrées pour retenir l’existence d’une intention dolosive. Cette position se révèle particulièrement sévère pour le vendeur et, en l’état, injustifiée.  …et contredit par les faits de l’espèce En effet, le vendeur insistait sur les éléments factuels suivants : – son propre vendeur n’avait pas exercé lui-même d’activité de vidanges, contrairement à une mention erronée dans l’acte d’acquisition du 27 décembre 1962, l’exercice d’une telle activité s’avérant en réalité bien antérieure ; – il avait purement et simplement oublié la présence des cuves enterrées, celles-ci ayant été simplement mentionnées au détour d’une phrase dans son propre acte de vente datant de presque 35 ans, et ces cuves étant de surcroît situées sous un bâtiment existant et donc parfaitement invisibles sans travaux d’excavation tels que ceux les ayant mises à jour ; – il ignorait totalement le fait que les citernes contenaient des boues polluées. En dépit de ces éléments, la Cour d’appel de Douai a estimé que le vendeur avait « volontairement dissimulé [à l’acquéreur] des éléments d’information qui l’aurait dissuadée de contracter si elle les avait connus ; que la réticence dolosive est établie et qu’en conséquence elle ne peut s’abriter derrière la clause de…

Directive Nitrates : des mesures réglementaires contestées !

Face à la pression exercée par la Commission européenne fustigeant l’inefficacité de la réglementation applicable en France pour lutter contre la pollution par nitrates dans les zones vulnérables (cf. récemment l’annonce du 27 octobre 201 sur  l’envoi d’un avis motivé de la commission adressé à la France suivie d’un communiqué de presse en date du 28 octobre 2011 des  ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture sur le durcissement de la réglementation française), les pouvoirs publics français  ont engagé, en 2010,  un programme de réforme visant à renforcer et améliorer la mise en oeuvre de la directive 91/676/CEE  dite directive « nitrates ». A la suite de la publication du décret n°2011-1257 du 10 octobre 2011 (cf. sur ce blog, notre brève du 14/10/2011, « Le décret « nitrates » est publié ») dont l’abrogation a été demandée par les associations  France Nature Environnement (FNE) et Eau et Rivières de Bretagne (ERB), deux arrêtés ont été publiés au journal officiel du 21 décembre 2011 : – le premier, en date du 19 décembre 2011, est relatif au programmes d’actions national à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole ; – le second, en date du 20 décembre 2011, est relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement du groupe régional d’expertise « nitrates » pour le programme d’actions à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole. Notamment, le premier de ces arrêtés décline les mesures du programme d’action national visant à lutter contre la pollution par les nitrates d’origine agricole. Les nouvelles mesures adoptées seront applicables au 1er septembre 2012 (sauf en ce qui concerne les capacités de stockage des effluents  d’élevage pour lesquels le délai d’application butoir est fixé au 1er juillet 2016). Prévoyant une extension des périodes d’interdiction d’épandage des fertilisants, l’arrêté révise également les modalités de dimensionnement et de contrôle des capacités de stockage des effluents d’élevage. Il prévoit encore un relèvement d’environ 20 % des quantités d’azote émises par les vaches laitières, sachant que les normes d’excrétion d’azote par espèce d’animal (herbivores, volailles, lapins, porcins) sont détaillées. En outre, les modalités d’établissement du plan prévisionnel de fumure et du cahier d’enregistrement des pratiques dont l’objet est d’aider l’agriculteur à mieux gérer sa fertilisation azotée sont présentées. Un second arrêté devant intervenir à l’automne 2012 (pour réviser le cadre réglementaire de dimensionnement des ouvrages de stockage des effluents d’élevage, préciser les modalités d’épandage selon les conditions de sols ou encore les règles relatives à la couverture des sols pendant les périodes pluvieuses), l’arrêté du 19 décembre  se présente comme le texte déclinant les principales mesures du programme d’action national qui sera ultérieurement complété. En outre, deux nouveaux textes sont actuellement  soumis à la consultation du public jusqu’au 14 janvier 2012 :  – Un projet de décret relatif aux programmes d’actions régionaux devant succéder aux actuels  programmes départementaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole précise le contenu de ces programmes et les mesures que le préfet de région peut être appelé à prendre ; – Un projet d’arrêté, dont l’entrée en vigueur est prévue au 30 juin 2013,  porte sur les actions renforcées à mettre en oeuvre dans certaines zones ou parties de zones vulnérables en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole (la déclaration annuelle des quantités d’azote épandues, les déclarants, l’obligation de traiter ou d’exporter l’azote issu des animaux d’élevage…). Ces différents textes ont été publiés ou soumis à la consultation du public au mois de décembre 2011 alors qu’un vent de fronde souffle sur le contenu des textes « nitrate » pour lesquels les avis des associations et des représentants d’élus n’auraient pas été suffisamment pris en compte. Patricia Demaye-Simoni Maître de conférences en droit public Arrêté_du_20_décembre_2011_version_initiale[1] 111209_Arrete_DirN_ActionsRenforcees_ConsPub111209_ 111209_Decret_DirNit_ActionsRenforcees_Projet_ConsPub Arrêté_du_19_décembre_2011_version_initiale[1]

Elevage/distance d’éloignement: sur l’étendue du pouvoir de dérogation du Préfet

Pour des raisons sanitaires, l’implantation des bâtiments d’élevage est soumise à des distances d’éloignement par rapport aux habitations ; ces prescriptions se retrouvent en matière d’urbanisme et en matière d’installation classée. La décision du Conseil d’Etat du 10 janvier 2011 n°317994 “EARL CHAMPAGNE”, mentionnée aux tables du Recueil Lebon,  donne l’occasion de préciser l’étendue du pouvoir du Préfet pour accorder une dérogation aux distances d’implantation des bâtiments d’élevage de porcs soumis à déclaration ICPE. La règle d’éloignement et le pouvoir de dérogation du Préfet Les règles d’implantation de ces bâtiments d’élevage sont prévues, en matière d’installation classée,  par l’arrêté du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l’environnement. Cet arrêté fixe une distance minimale de 100 mètres entre le bâtiment d’élevage et les habitations. Des distances réduites sont prévues pour des installations de nature spécifique (bâtiments d’élevage de bovins sur litière, bâtiments mobiles, situés en zone de montagne etc..). L’article 4 de l’arrêté du 7 février 2005 prévoit la possibilité pour le Préfet d’accorder une dérogation aux distances d’implantation : « Le préfet peut, pour une installation donnée, adapter par arrêté les dispositions de l’annexe I dans les conditions prévues par l’article L. 512-12 du code de l’environnement et l’article 30 du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 susvisés. » L’article 2-1-4 de l’annexe I de l’arrêté précise : « Les dispositions du 2.1.1, 2.1.2 et du 2.1.3 ne s’appliquent, dans le cas des extensions des élevages en fonctionnement régulier, qu’aux nouveaux bâtiments d’élevage ou à leurs annexes nouvelles. Elles ne s’appliquent pas lorsque l’exploitant doit, pour mettre en conformité son installation avec les dispositions du présent arrêté, réaliser des annexes ou aménager ou reconstruire sur le même site un bâtiment de même capacité. Sans préjudice de l’article L. 512-15 du code de l’environnement, dans le cas de modifications, notamment pour se conformer à de nouvelles normes en matière de bien-être animal, d’extensions ou de regroupement d’élevages en fonctionnement régulier ou fonctionnant au bénéfice des droits acquis conformément aux dispositions de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, des dérogations aux dispositions du 2.1.1, 2.1.2 et du 2.1.3 peuvent être accordées par le préfet sous réserve de la préservation des intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement. (…) » L’interprétation donnée par le juge administratif Pour la Cour administrative d’appel, la liste des dérogations pouvant être accordée par le Préfet était limitée aux cas prévus à l’article 2-1-4 de l’annexe I. La Cour a donc jugé qu’étant donné que la demande présentée par l’EARL DE LA CHAMPAGNE ne portait ni sur l’extension d’un élevage existant, ni sur la mise en conformité de son installation au sens de ces dispositions, l’EARL ne pouvait bénéficier d’une dérogation de distance d’implantation. Le Conseil d’Etat retient une autre interprétation en considérant que l’ensemble des cas et exceptions permettant de recevoir dérogation n’est pas limité aux cas prévus à l’article 2-1-4 dès lors que l’article 4 de l’arrêté du 7 février 2005 prévoit que le Préfet dispose d’un pouvoir général d’adaptation des distances d’implantation et que l’article L. 521-12 du code de l’environnement lui donne la prérogative d’établir des prescriptions spéciales supplémentaires. L’arrêt de la Cour est censuré sur le motif pris de l’erreur de droit : « Considérant, d’autre part, que la cour administrative d’appel a relevé que les dispositions de l’arrêté ministériel du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment, les élevages de porcs soumis à déclaration, dont il lui incombait de faire application s’agissant d’un contentieux de pleine juridiction, ne permettaient aucune possibilité de dérogation à la règle de la distance de 100 mètres séparant les élevages porcins des habitations de tiers, hormis les cas et exceptions prévus par les dispositions du 2-I-4 de l’annexe I de ce même arrêté ministériel aux termes desquelles, pour les élevages existants, « dans le cas de modifications, notamment pour se conformer à de nouvelles normes en matière de bien-être animal, d’extensions ou de regroupement d’élevages en fonctionnement régulier ou fonctionnant au bénéfice des droits acquis conformément aux dispositions de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, des dérogations aux disposition du 2.1.1 … peuvent être accordées par le préfet (…) » ; (…) ; que la cour administrative d’appel qui, pour annuler l’arrêté préfectoral contesté en tant qu’il autorisait la société à déroger à la règle de distance de 100 mètres, a fait application des dispositions de l’annexe I de l’arrêté du 7 février 2005 sans rechercher si l’article 4 de l’arrêté ministériel ne permettait pas d’accorder une dérogation aux règles de distance des élevages vis-à-vis des bâtiments d’habitation, a commis une erreur de droit ; » En conséquence, le Préfet dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder une dérogation aux distances d’implantation des bâtiments d’élevage de porcs lors d’une déclaration ICPE. Le déclarant devra toutefois veiller, lors du dépôt du permis de construire, à ce que la distance d’implantation retenue ne méconnaisse pas les distances prescrites par le règlement sanitaire départemental. Anaïs De Bouteiller Avocat au Barreau de Lille Green Law Avocat Conseil_d_État_10_01_2011_317994 EARLCHAMPAGNE