L’obligation d’information du vendeur prévue par l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement ne s’applique que lorsqu’une ICPE a été implantée sur le terrain vendu (Cass, 22 novembre 2018)

Par Valentine SQUILLACI, Avocat au Barreau de Lille, Green Law Avocats Aux termes de son arrêt du 22 novembre 2018, la Haute juridiction exclut l’application des dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement dans le cas où le terrain, issu de la division d’un site dont une partie a été le siège d’une installation classée, n’a pas accueilli ladite installation (Cass. Civ. 3ème, 22 novembre 2018, n°17-26.209). Analyse. A l’heure où l’obligation d’information du vendeur d’un terrain pollué est en voie d’expansion puisque les arrêtés d’application relatifs à la détermination des secteurs d’information sur les sols (qui devront faire l’objet d’une information par le vendeur en vertu de l’article L125-6 du Code de l’Environnement) sont en cours d’élaboration, la Cour de Cassation vient de rappeler que les contours de cette obligation doivent être appréciés strictement. L’arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la Cour de Cassation (Cass. Civ. 3ème, 22 novembre 2018, n°17-26.209) concerne en effet l’application des dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement qui mettent à la charge de vendeur d’un terrain sur lequel a été exploité une Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ci-après « ICPE ») l’obligation d’informer l’acquéreur, par écrit, d’une telle exploitation. Le vendeur est également tenu d’informer son cocontractant des « dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation » et dont il aurait connaissance lors de la vente. Faute pour le vendeur de se conformer à ces obligations, il s’expose, au choix de l’acquéreur, à la résolution de la vente, à la restitution d’une partie du prix (qui correspondra en pratique au coût de la dépollution) ou à la réhabilitation du site à ses frais « lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ». Ce dispositif, créé par la loi n°92-646 du 13 juillet 1992 relative à l’élimination des déchets ainsi qu’aux installations classées pour la protection de l’environnement, a été modifié à plusieurs reprises et son évolution illustre le phénomène d’expansion de l’obligation d’information du vendeur. Ainsi, le législateur a ajouté en 2003 l’obligation, pour le vendeur également exploitant de l’installation, d’indiquer par écrit à l’acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. Par ailleurs, applicable à l’origine uniquement aux installations soumises à autorisation, l’obligation d’information instituée par L. 514-20 du Code de l’Environnement a été étendue aux installations soumises à enregistrement en 2009 (Ordonnance n° 2009-663 du 11 juin 2009 relative à l’enregistrement de certaines installations classées pour la protection de l’environnement, article 15). Semblant vouloir contenir cette expansion, la Cour de Cassation avait déjà tranché (Civ. 3ème, 9 avril 2008, n°07-10.795) en faveur d’une application littérale du texte en confirmant que cette obligation ne s’étendait pas, d’une part, à la vente d’un terrain sur lequel l’exploitation est en cours (le texte précise en effet que l’obligation s’applique « lorsqu’une installation (…) a été exploitée sur un terrain ») et, d’autre part, aux installations soumises à déclaration (Cass. Civ.3ème, 16 juin 2009, n°07-20-463 ; Cass. Civ. 3ème, 20 juin 2007, n°06-15.663). Aux termes de son arrêt du 22 novembre 2018, la Haute juridiction confirme cette tendance en excluant l’application des dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement dans le cas où le terrain, issu de la division d’un site dont une partie a été le siège d’une installation classée, n’a pas accueilli ladite installation (I). Dans une telle hypothèse, seule l’obligation d’information de droit commun semble dès lors trouver à s’appliquer (II). L’exclusion de l’application des dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’Environnement faute d’exploitation d’une ICPE sur le terrain vendu A l’origine de l’arrêt commenté, un site industriel ayant été le siège, depuis la fin du 19ème siècle, d’activités de fabrication de pièces automobiles et sur lequel l’exploitant avait été autorisé à exploiter plusieurs activités soumises à la législation relative aux ICPE. A compter de la fin des années 1980, l’exploitant, dont les droits avaient été repris par une autre société, a progressivement cessé ses activités et cédé des portions du site à divers acquéreurs. L’un de ces acquéreurs, ayant acquis trois parcelles du site en 1992 et 1993, a découvert, dans le cadre d’une opération de réaménagement de son terrain, une pollution des sols et des eaux souterraines. Ce dernier a donc poursuivi le vendeur en soutenant notamment que celui-ci ne l’avait pas informé de l’exploitation d’une ICPE sur le site, ni du risque de pollution associé. L’acquéreur a été débouté de ses demandes par les juges du fond (TGI de Bobigny, 6ème Chambre, 5ème section, 10 septembre 2015, n°12/08673 puis CA PARIS, Pôle 4, Chambre 1, 23 juin 2017, 15/20790), ces derniers relevant sur ce point que bien que le site dont était issu le terrain acquis avait effectivement été le siège d’une ICPE, le demandeur n’apportait pas la preuve qu’une ICPE avait été exploitée sur son terrain. L’acquéreur s’est pourvu en cassation en soutenant que l’obligation d’information instituée par l’article L.514-20 du Code de l’Environnement « porte non seulement sur la vente des parties du site sièges des activités relevant du régime de l’autorisation mais également sur la vente de tout terrain issu de la division de ce site ». Ce moyen n’était pas dénué de tout bon sens dès lors qu’il existe en effet un risque important de contamination de la pollution potentiellement liée à l’exploitation d’une installation classée aux parcelles environnantes. Mais la Cour de Cassation refuse d’interpréter ainsi les dispositions de l’article L.514-20 du Code de l’Environnement et rejette ce moyen en affirmant que le texte « nécessite, pour son application, qu’une installation classée ait été implantée, en tout ou partie, sur le terrain vendu ». On notera que la Cour assimile l’exploitation d’une installation classée aux installations ou équipements « de nature, par leur proximité ou leur connexité avec une installation soumise à autorisation, à  modifier les dangers ou inconvénients de cette installation » au sens de l’ancien article R. 512-32 du Code de l’Environnement. Dans la mesure où l’article R512-32 a été abrogé par le Décret 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation…

Expérimentation d’un droit à déroger aux dispositions relatives à l’enquête publique dans les régions de Bretagne et des Hauts-de-France (décret n°2018- 1217)

Par Me Jérémy Taupin – Green Law Avocats Il faut noter au Journal Officiel du 26 décembre dernier la publication du décret n° 2018-1217 du 24 décembre 2018 pris en application des articles 56 et 57 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance (loi ESSOC). Pour rappel, l’article 56 de la loi ESSOC prévoyait qu’à titre expérimental, la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale, lorsque le projet a préalablement donné lieu à une concertation préalable prévue à l’article L. 121-15-1 du code de l’environnement sous l’égide d’un garant et dans les conditions prévues par son article L. 121-16-1, pouvait faire l’objet de la procédure dérogatoire suivante : l’enquête publique est remplacée par une participation du public par voie électronique dans les formes prévues à l’article L. 123-19 du code de l’environnement. Le contenu du dossier de participation est alors le même que celui du dossier d’enquête publique ; l’affichage de l’avis d’ouverture est effectué dans les mêmes communes que celles dans lesquelles aurait été affiché l’avis d’enquête publique en l’absence d’expérimentation ; cet avis mentionne : – la demande d’autorisation du projet ; – les coordonnées des autorités compétentes pour prendre la décision, celles auprès desquelles peuvent être obtenus des renseignements pertinents, celles auxquelles des observations ou questions peuvent être adressées ainsi que des précisions sur les conditions dans lesquelles elles peuvent être émises ; – la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de la participation et des autorités compétentes pour statuer ; – une indication de la date à laquelle et du lieu où les renseignements pertinents seront mis à la disposition du public et des conditions de cette mise à disposition ; – l’adresse du site internet sur lequel le dossier peut être consulté ; – le fait que le projet soit soumis à évaluation environnementale et que, le cas échéant, il est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement d’un autre Etat membre dans les conditions prévues à l’article L. 123-7 et le lieu où ce rapport ou cette étude d’impact peuvent être consultés ; – lorsqu’il a été émis, l’avis de l’autorité environnementale mentionné à l’article L. 122-7 ou à l’article L. 104-6 du code de l’urbanisme ainsi que du ou des lieu (x) où il peut être consulté. – l’adresse à laquelle des observations peuvent être transmises par voie postale. Le décret précise les régions concernées par l’expérimentation : il s’agit des régions de Bretagne et des Hauts-de-France, et ce pour une durée de trois ans à compter de la loi n° 2018-727, soit jusqu’au 11 août 2021. Elle fera l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme. Les porteurs de projets dont la réalisation est prévue dans ces régions y seront donc particulièrement attentifs. Enfin, le décret prévoit par ailleurs une publication de l’avis de publicité des concertations préalables et des participations par voie électronique dans des journaux régionaux ou locaux ainsi que dans un journal à diffusion nationale pour les projets, plans et programmes d’importance nationale.

Le Conseil constitutionnel et la loi littoral revisitée par la Loi ELAN

Par Maître Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocats) Dans une décision rendue le 15 novembre dernier (Décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018),  le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution plusieurs dispositions du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi “ELAN”). Les Sages de la rue Montpensier avaient été saisis par soixante députés et sénateurs, qui contestaient notamment la constitutionnalité des articles 42, 43, 45 du projet de loi. Ces articles ont pour objet de modifier les règles applicables en matière de construction dans les zones littorales. Les parlementaires auteurs de la saisine estimaient qu’en étendant les possibilités de construction dans les zones littorales, ces nouvelles dispositions méconnaissaient le droit à un environnement sain, le devoir de préservation et d’amélioration de l’environnement ainsi que le principe de précaution, respectivement protégés par les articles 1er, 2 et 5 de la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle (Décisions n°2011-192 QPC du 10 novembre 2011 et n°2014-394 QPC du 7 mai 2014). En premier lieu, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de l’article 42 du projet de loi, qui modifie l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme afin de prévoir les conditions d’autorisation d’une construction ou d’une installation dans une zone littorale. Plus précisément, elles permettent que des constructions et installations soient autorisées dans la zone littorale autrement qu’en continuité avec des agglomérations ou des villages existants. Le Conseil estime que les garanties dont sont assorties ces dispositions permettent de garantir le respect de la Charte de l’environnement. Les juges relèvent ainsi que seules les constructions visant l’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et l’implantation de services publics sont susceptibles d’être autorisées. En outre, le Conseil relève que le périmètre des zones où de telles constructions ou installations sont susceptibles d’être autorisées est doublement limité puisque, d’une part, il ne comprend pas la bande littorale de cent mètres, les espaces proches du rivage et les rives des plans d’eau et, d’autre part, il est restreint aux secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le SCOT et délimités par le PLU. Cette motivation de la constitutionnalité de la dérogation en zone littorale est-elle un simple élément de contexte ? Au contraire il nous semble que la décision, en faisant valoir que la dérogation ne porte pas atteinte à la bande littorale de cent mètres, aux espaces proches du rivage et aux rives des plans d’eau semble ériger cette inconstructibilité en exigence constitutionnelle depuis l’entrée en vigueur de l’article 1er de la Charte de l’environnement ; lui-même visé par la décision comme norme de référence du contrôle du Conseil. Cette lecture nous semble également cohérente au regard d’une autre décision rendue récemment par le Conseil constitutionnel, dans laquelle il considère la bande des cent mètres comme une « zone présentant une importance particulière pour la protection de l’environnement », et ce toujours au titre de son analyse du moyen relatif à la conformité avec la Charte de l’environnement (Décision n°2017-672 QPC du 10 novembre 2017). Cette interprétation renforcerait en particulier le principe de non-constructibilité de la bande des 100 mètres et devrait inciter le juge administratif à interpréter avec la plus grande rigueur les exceptions légales qui a elle-même consenties la loi littoral n° 86-2 du 3 janvier 1986. Aux termes de l’article L. 121-16 du Code de l’urbanisme, issu de la loi littoral ce n’est qu’ « En dehors des espaces urbanisés, [que] les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs désignés au 1° de l’article L. 321-2 du code de l’environnement ». On pense évidemment à l’appréciation de l’exception des dents creuses qualifiables d’« espace caractérisé par une densité significative de construction » (CE, 27 septembre 2006, n°275924), dont on peut même se demander, dès lors qu’elle n’est pas en elle-même finalisée par une construction nécessairement d’intérêt général, si elle est compatible avec la Charte de l’environnement. Dans ce cas, il faudrait faire constater par le juge administratif l’abrogation de la loi sur ce point du fait de l’intervention en particulier de l’article 1er de la Charte de l’environnement (comme le permet la jurisprudence Eaux et Rivières de Bretagne, s’agissant d’une loi antérieure à son entrée en vigueur : CE, 19 juin 2006, n°282456, AJDA p. 1584). Et dans la bande des 100 mètres ne pourrait dès lors perdurer que certaines exceptions justifiées par des constructions d’intérêt général à l’instar de celle visées à l’article L. 121-17 du Code de l’urbanisme, qui dispose : « L’interdiction prévue à l’article L. 121-16 ne s’applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau […] ». Ce débat reste néanmoins à engager devant le juge administratif… mais un peu de prospective juridique n’est pas interdit. Pour revenir à la loi ELAN objet de sa saisine, le Conseil constitutionnel observe également dans son analyse que les constructions ou installations autorisées ne pourront avoir pour objet d’étendre le périmètre bâti existant ou d’en modifier les caractéristiques de manière significative, et que l’autorisation d’urbanisme sera soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CNDPS). En second lieu, le Conseil constitutionnel s’est penché sur la conformité à la Charte de l’article 43 du projet, lequel réécrit l’article L. 121-10 du code de l’urbanisme afin d’autoriser certaines constructions et installations en discontinuité avec l’urbanisation, par dérogation à l’article L. 121-8. Pour estimer la disposition constitutionnelle, les juges relèvent trois garanties. D’abord, l’autorisation ne pourrait porter que sur des constructions et installations nécessaires aux « activités agricoles ou forestières » ou aux « cultures marines ». S’agissant des espaces proches du rivage, seules les autorisations de culture marine pourront être autorisées. Reste à savoir ce que le pouvoir réglementaire ou la jurisprudence définiront comme entrant dans les catégories précitées. Ensuite, le Conseil note que l’autorisation sera subordonnée à l’accord de l’autorité administrative…

Droits d’antériorité et continuité écologique : le Conseil d’Etat fait passer le poisson

Par Maître Lucas DERMENGHEM (Green Law Avocats) Par un arrêt du 22 octobre 2018, le Conseil d’Etat a apporté des précisions salutaires sur les délais à prendre en compte en matière de respect des obligations au titre de la continuité écologique pour les ouvrages situés sur un cours d’eau, en particulier s’agissant de la réalisation de dispositifs de circulation de poissons migrateurs. Les faits étaient simples : le Préfet du Bas-Rhin a, par arrêté préfectoral du 17 avril 2012, prescrit à l’exploitant d’une centrale hydroélectrique la mise en œuvre de différentes mesures relatives au débit réservé et à la continuité écologique. Parmi ces prescriptions figurait la réalisation d’une passe à poissons, dont un arrêté préfectoral du 26 mars 2013 portant prescriptions complémentaires a fixé le délai de réalisation de cet aménagement au 1er octobre 2013. Ce dernier arrêté a fait l’objet d’un recours de la part de l’exploitant, rejeté par le Tribunal administratif de Strasbourg, dont le jugement fut confirmé par la Cour administrative d’appel de Nancy, conduisant le requérant à former un recours en cassation devant le Conseil d’Etat. Si l’un des moyens soulevés devant le Conseil d’Etat tendait à l’irrégularité de la procédure d’adoption de l’arrêté préfectoral portant prescriptions complémentaires, l’intérêt de l’affaire réside essentiellement dans les modalités de mise en œuvre de la réalisation d’une passe à poissons, en particulier sur les délais dans lesquels cette prescription doit être respectée. En l’espèce, le Conseil d’Etat a apporté des précisions relatives à la question des délais applicables pour la réalisation d’une passe à poissons au regard de deux dispositions. La première est l’ancien article L. 232-6 du code rural (devenu ensuite l’article L. 432-6 du code de l’environnement, dont la rédaction est identique, et aujourd’hui abrogé). Cet article disposait que dans certains cours d’eau dont la liste est fixée par décret, tout ouvrage doit comporter des dispositifs assurant notamment la circulation des poissons migrateurs. Les ouvrages existants devaient être mis en conformité dans un délai de 5 ans à compter de la publication d’une liste d’espèces migratrices par bassin ou sous-bassin pour lesquels un dispositif devait être mis en place afin d’assurer leur circulation. La seconde est l’article L. 214-17 du code de l’environnement dans sa version alors applicable, issu de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques. Selon cette disposition, les ouvrages situés sur une liste de cours d’eau dans lesquels il est nécessaire d’assurer la circulation des poissons migrateurs doivent être gérés, entretenus et équipés selon des règles définies par l’autorité administrative. L’article précise que le régime précité s’applique, pour les « ouvrages existants régulièrement installés », à l’issue d’un délai de cinq ans après la publication des listes de cours d’eau concernés par arrêté ministériel. Le Conseil d’Etat va apporter les précisions suivantes sur l’articulation entre ces deux articles : « 9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles du III de l’article L. 214-17 du code de l’environnement cité au point 6, telles qu’éclairées par les travaux parlementaires, que si un délai de cinq ans après la publication des listes prévues au 2° du I du même article L. 214-17 est accordé aux exploitants d’ ” ouvrages existants régulièrement installés ” pour mettre en œuvre les obligations qu’il instaure, ce délai n’est pas ouvert aux exploitants d’ouvrages antérieurement soumis à une obligation de mise en conformité en application de l’article L. 232-6 du code rural, devenu l’article L. 432-6 du code de l’environnement, qui n’auraient pas respecté le délai de cinq ans octroyé par ces dispositions pour mettre en œuvre cette obligation. Ces ouvrages existants ne peuvent ainsi être regardés comme ” régulièrement installés “, au sens du III de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, et sont donc soumis aux obligations résultant du I de cet article dès la publication des listes qu’il prévoit ». Pour le Conseil d’Etat, un ouvrage n’ayant pas respecté le délai de cinq ans pour se mettre en conformité au titre de ses obligations en matière de circulation de poissons migrateurs issues de l’article L. 232-6 du code rural ne peut être considéré comme un « ouvrage existant régulièrement installé » au titre de l’article L. 214-17 du code de l’environnement et ainsi bénéficier du délai de 5 ans pour se mettre en conformité dans le cadre de cette disposition. Cette solution n’est pas sans rappeler celle qui voulait que les droit d’antériorité ne pouvait bénéficier à une installation nouvellement classées que si elle avait été régulièrement sous l’empire de l’ancienne législation qui lui était applicable avant le décret de classement (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 30/01/2013, n° 347177). En l’espèce, l’exploitant de l’ouvrage était soumis aux obligations de l’ancien article L. 232-6 du code rural puisque le cours d’eau sur lequel il était situé figurait sur les listes établies au titre de cette disposition depuis le 24 décembre 1999. En l’occurrence, un dispositif de circulation des poissons migrateurs devait donc avoir été installé sur l’ouvrage par l’exploitant dans un délai de 5 ans, soit depuis le 25 décembre 2004. Or, l’exploitant n’a jamais construit ce dispositif. Ainsi, à la date de publication de l’arrêté ministériel classant le cours d’eau sur lequel est situé l’ouvrage au titre de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, l’exploitant ne s’était pas mis en conformité au regard de l’ancien article L. 232-6 du code rural. Il ne pouvait donc être considéré comme un « ouvrage existant régulièrement installé » et bénéficier ainsi du délai de cinq ans pour se mettre en conformité en vertu de l’article L. 214-17. Les obligations issues de cet article lui étaient dès lors applicables à compter de la date de classement du cours d’eau, soit le 1er janvier 2013. A compter du 1er janvier 2013, le préfet pouvait donc prescrire à l’exploitant la mise en œuvre d’une passe à poissons opérationnelle avant le 1er octobre 2013, sans que celui-ci ne puisse bénéficier du délai de 5 ans prévu par l’article L. 214-17 du code de l’environnement.

La commune peut se constituer partie civile pour protéger son environnement

Par David DEHARBE (Green Law Avocats) Les collectivités locales sont de plus en plus tentées et d’ailleurs incitées par le droit positif à se constituer parties civiles en cas d’atteinte à leur environnement et plus généralement au cadre de vie de leurs résidents. L’affaire de l’Erika a ainsi vu les collectivités obtenir en appel la recevabilité de leur action civile tendant à la réparation du préjudice écologique (CA Paris, 30 mars 2010, 08/02278 Clemente et a. c/ Conseil Général de la Vendée et a.). Et depuis que la loi sur la protection de la biodiversité a inscrit dans le code civil le principe selon lequel « Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer » (art. 1246), il est désormais acquis que « les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné » (art. 1248) ont vocation à déclencher les actions judiciaires permettant la réparation de ce nouveau chef de préjudice. Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. crim., 2 mai 2018, n° 17-82.854.) signalé par Thierry Fossier (Droit de l’environnement, n°271, oct. 2018, p. 329), doit retenir l’attention car il systématise finalement cette solution, aux atteintes à l’environnement constitutives d’une infraction pénale  trouvant leur base légale dans une règle du code de l’environnement et méconnue sur le territoire communal. La Cour d’appel de Chambéry avait déclaré une société et son gérant coupables de construction ou aménagement de terrain sur la commune de Veyrier- du-Lac dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) et les a respectivement condamnées au paiement d’une amende de 5 000 euros dont 2 000 euros avec sursis, et de 10 000 euros, dont 5 000 euros avec sursis. Ce faisant la Cour avait aggravé les sanctions infligées par les premiers juges. Mais la Cour de cassation relève que cette aggravation de la peine est intervenue sans prendre en compte les ressources et les charges des prévenus, pour considérer que la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. En effet « en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ». Mais pour l’environnementaliste cette censure doit sans doute moins retenir l’attention que le rejet en ces termes du 3ème moyen du pourvoi : « Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné les prévenus à verser un euro de dommages-intérêts à la commune de Veyrier- du-Lac, l’arrêt retient que celle-ci justifie d’un préjudice en relation directe et certaine avec les faits objet de leur condamnation ; Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que la méconnaissance des règles du code de l’environnement cause nécessairement un préjudice à la commune, la cour d’appel a justifié sa décision ». Si une commune est effectivement recevable à se constituer partie civile contre la personne qui réalise des travaux sur son territoire en méconnaissance d’une règle d’urbanisme (Cass crim 4 avril 2018, n°17-81083), c’est la première fois que la Haute juridiction décline cette solution à propos d’une règle qu’elle qualifie expressément « d’environnementale ». Reste que les dispositions d’un PPRN pour trouver leur cadre juridique dans le code de l’environnement constituent des servitudes à annexer au Plans Locaux d’Urbanisme et se trouvent sanctionner au titre du code de l’urbanisme (cf. L 480-4 CU et L562-5 code de l’environnement). En tout état de cause, cette reconnaissance large de la compétence de la commune pour sanctionner civilement les atteintes à l’environnement sur son territoire lève l’obstacle de la démonstration de l’exercice d’une compétence administrative. Comme l’avait d’ailleurs relevé la Cour d’appel de Paris dans l’affaire de l’Erika lorsqu’elle avait consacré le préjudice écologique :  « Il n’est donc pas nécessaire, comme l’ont énoncé les premiers juges, que les collectivités territoriales disposent d’une compétence spéciale en matière d’environnement leur conférant une responsabilité particulière pour la protection, la gestion et la conservation d’un territoire pour demander réparation des atteintes à l’environnement causées sur ce territoire par l’infraction, condition nécessaire pour leur reconnaître un préjudice direct » (CA Paris, 30 mars 2010, 08/02278 Clemente et a. c/ Conseil Général de la Vendée et a.).