Ae et cas par cas : clarifications

Par Maître Lucas DERMENGHEM, Green Law Avocats Nous l’annoncions le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 relatif à l’autorité environnementale et à l’autorité chargée de l’examen au cas par cas a été publié au Journal Officiel du 4 juillet dernier. Il convient d’en faire une analyse approfondie. I/ Contexte Ce texte était particulièrement attendu depuis qu’un vide juridique avait été crée à la suite de l’annulation partielle, par le Conseil d’Etat, de certaines dispositions du décret n°2016-519 du 28 avril 2016 et du décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 qui avaient pour effet de désigner le préfet de région en tant qu’autorité environnementale chargée d’émettre un avis sur les évaluations environnementales des projets. Faisant application de la célèbre jurisprudence « Seaport » de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) rendue à propos de l’autonomie de l’autorité environnementale, le Conseil d’Etat avait annulé ces dispositions sur la base du raisonnement suivant : « 7. Considérant, que ce même 1° de l’article 1er du décret attaqué a cependant maintenu, au nouveau IV du même article R. 122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d’ouvrage ou d’aménagement doit être réalisé, en qualité d’autorité compétente de l’Etat en matière d’environnement, pour tous les projets autres que ceux pour lesquels une autre autorité est désignée par les I, II et III du même article ; que pour autant, ni le décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’a prévu de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est compétent pour autoriser le projet, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité interne disposant d’une autonomie réelle à son égard, conformément aux exigences rappelées au point 5 ; que, ce faisant, les dispositions du 1° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 ; qu’elles doivent donc être annulées en tant que l’article R. 122-6 du code de l’environnement qu’elles modifient conserve au préfet de région la compétence pour procéder à l’évaluation environnementale de certains projets ; » (CE, 6 décembre 2017, n°400559) « 7. Considérant qu’en maintenant ou en prévoyant la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale pour certains projets ou groupes de projets sans qu’aucune disposition du décret attaqué, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit de dispositif propre à garantir que, dans les cas où le préfet de région est également compétent pour autoriser le projet concerné ou un ou plusieurs des projets faisant l’objet d’une procédure d’autorisation concomitante, en particulier lorsqu’il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région en vertu de l’article 7 du décret précité du 29 avril 2004, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet ou d’un ou plusieurs de ces projets au niveau local, la compétence consultative en matière environnementale soit exercée par une entité disposant d’une autonomie réelle à son égard, les dispositions des 11° et 27° de l’article 1er du décret attaqué ont méconnu les exigences découlant du paragraphe 1 de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 rappelées au point 4 ; » (CE, 28 décembre 2017, n°407601). L’article 31 de la loi n°2019-1147 et le décret commenté ont pour objectif de combler le vide juridique crée par ces décisions. La présente note n’a pas vocation à commenter l’ensemble des apports du décret mais tendra uniquement à se focaliser sur les modifications impactant la désignation de l’autorité environnementale et de l’autorité en charge du cas par cas, ainsi que sur le dispositif visant à prévenir les conflits d’intérêts. II/ L’éviction actée du préfet de région en tant qu’autorité environnementale Désormais, avec l’entrée en vigueur de ce nouveau décret, seules trois autorités, et non plus quatre, peuvent être désignées comme « autorité environnementale » ayant pour mission de donner un avis sur les projets soumis à évaluation environnementale. L’article R122-6 du code de l’environnement est ainsi modifié en conséquence et prévoit une désignation de l’autorité environnementale compétente en fonction des autorités chargées d’élaborer et d’autoriser le projet : 1) Le ministre chargé de l’environnement occupera la fonction d’autorité environnementale pour les projets, autres que ceux mentionnés au 2° de l’article R122-6, qui donnent lieu à un décret pris sur le rapport d’un autre ministre, à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution d’un autre ministre, ou qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité d’un autre ministre. Le ministre de l’environnement peut déléguer la fonction d’autorité environnementale à la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD). 2) La formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGDD) sera l’autorité environnementale pour : Les projets qui donnent lieu à une décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution du ministre chargé de l’environnement ou à un décret pris sur son rapport ; les projets qui sont élaborés par les services placés sous l’autorité du ministre chargé de l’environnement ou par des services interministériels agissant dans les domaines relevant des attributions de ce ministre ; les projets qui sont élaborés sous maîtrise d’ouvrage d’établissements publics relevant de la tutelle du ministre chargé de l’environnement, ou agissant pour le compte de celui-ci ; l’ensemble des projets de travaux, d’aménagement ou d’ouvrages de la société SNCF Réseau et de sa filiale mentionnée au 5° de l’article L. 2111-9 du code des transports.  3) La mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du Conseil général de l’environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé effectuera…

Entrepôts : consultation publique

Par maître David DEHARBE (Green Law Avocats) Le 26 Septembre dernier, un incendie de grande ampleur s’est déclarée à Rouen sur le site de Lubrizol, classé Seveso seuil haut, et sur celui des entrepôts de Normandie Logistique, soumis eux à un régime de déclaration. C’est dans ce contexte que 9 mois plus tard le Gouvernement sollicite l’avis du public sur un projet de renforcement réglementaire, constituant le volet « Entrepôts de matières combustibles » du plan d’action gouvernemental lancé pour tirer les conséquences de l’accident. Le but de ce projet est de modifier la nomenclature des ICPE ainsi que la nomenclature relative à l’évaluation environnementale des projets tout en revoyant les prescriptions applicables à certaines installations. Le 26 Juin, le Ministère de la Transition écologique et solidaire a en effet ouvert une consultation publique relative à un projet de décret et d’arrêté visant plus particulièrement à modifier les seuils d’autorisation et à renforcer les prescriptions de certains entrepôts de stockage classés au titre des rubriques 1510 (entrepôts couverts), 1511 (entrepôts frigorifiques), 1530 (papier), 1532 (bois), 2662 et 2663 (matières plastiques). Concernant la nomenclature ICPE, le projet vise d’abord à considérer le classement de l’installation au niveau de l’entrepôt dans son ensemble et ainsi limiter les doubles classements conduisant in fine à appliquer un régime administratif moins contraignant. Ensuite, il prévoit de revoir à la hausse le seuil d’autorisation pour les installations relevant de la rubrique 1510 (900 000 m³ contre 300 000 m³  actuellement). Enfin, il réserve l’autorisation au stockage de plus de 50 000 m³ de produits susceptibles de dégager des poussières inflammables pour la rubrique 1532 et supprimer le régime d’autorisation pour les rubriques 1511 (sous réserve des obligations liées à l’évaluation environnementale), 1530, 2662, 2663. S’agissant de l’évaluation environnementale, le projet modifie les règles de soumission à l’évaluation environnementale systématique en prévoyant qu’y seront soumis les projets de plus de 40 000 m2 d’emprise au sol dans un espace non artificialisé au lieu de 40 000 m² de surface de plancher auparavant. Ces évolutions de nomenclatures s’accompagnent d’une modification des prescriptions applicables aux rubriques 1510, 1511, 1530, 1532, 2662 et 2663 à compter du 1er Janvier 2021. Le projet d’arrêté a en effet pour objectifs de renforcer les prescriptions relatives aux entrepôts couverts, d’imposer des prescriptions nouvelles aux entrepôts existants compte tenu des enjeux de sécurité, et d’adopter des mesures transitoires permettant de prendre acte de la modification de la nomenclature ICPE. Parmi les nouvelles prescriptions applicables aux établissements couverts figurent notamment la mise à disposition des éléments des rapports de visites de risques qui portent sur les recommandations issues de l’analyse des risques menée par l’assureur, à l’inspection des installations classées, le renforcement des informations minimales contenues dans les études de dangers, ou encore le renforcement des prescriptions relatives à l’éloignement des stockages extérieures et des zones de stationnement susceptibles de favoriser la naissance d’un incendie pouvant se propager à l’entrepôt. Ces prescriptions de nature sécuritaires font suite à la volonté affichée du Gouvernement de sensibiliser davantage les exploitants des installations classées sur l’importance du partage de la connaissance des risques accidentels issue de l’étude de dangers en insistant sur la nécessité pour ces derniers de connaître en temps réel la nature, les quantités et les emplacements des produits présents sur leurs sites, tout en leur rappelant leur entière responsabilité sur la conformité de leurs installations, au regard de leurs études de dangers. On sait que le président de la commission d’enquête du Sénat, chargée d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences de l’accident de Lubrizol, dénonce des défaillances patentes dans l’information des élus et du public dans la gestion cette catastrophe caractérisant un « manque de culture du risque » en France. On mesure tout l’intérêt pour les citoyens de se prononcer en cet été un peu spécial sur ledit projet… la culture du risque sanitaire devrait encore se doubler d’une participation estivale à la prévention du risque technologique. Mais gageons que nos concitoyens ont encore jusqu’au 17 Juillet 2020 pour émettre leur avis à ce propos sur le site internet du Ministère. A minima l’exécutif aura donné l’impression d’avoir mobilisé les DREAL sur le sujet en dotant l’Inspection des installations classées de nouveaux instruments réglementaires dans une période où dire c’est faire … Une fois de plus le droit de l’environnement se donne bien à voir comme le droit des catastrophes où chaque sinistre suscite sa réforme réglementaire ou législative (on pense bien évidemment à la loi Bachelot de 2003 après la catastrophe d’AZF), voire communautaire (Avènement du droit Seveso du nom de la même catastrophe chimique connue par l’Italie). On se demande au final si cette gesticulation réglementaire était vraiment indispensable. Mais une autre réalité va vite rattraper l’inspection des Installations classées : la France est devenue une terre d’entrepôts avec ses 78 millions de m² d’entrepôts et de plateformes logistiques (EPL) d’au moins 5 000 m² pour stocker sa production. Et les DREAL des Hauts-de-France et Auvergne Rhône Alpes qui doivent gérer près de 58 % de ces EPL ne doivent pas oublier que le secteur emploie 165 000 personnes pour   l’entreposage et la manutention alors que la logistique représente près de 10% de la population active… En période de crise économique et de risque de confinement il faut de surcroît encore prendre garde de ne pas menacer nos capacités de stockages qui servent une consommation exsangue …

Nouvelles MTD : rubriques 3642, 3643 et 3710

Par Maître David DEHARBE (Green Law avocats) Par un arrêté du 27 février 2020 relatif aux meilleures techniques disponibles (MTD) – applicables à certaines installations classées du secteur de l’agroalimentaire relevant du régime de l’autorisation au titre des rubriques 3642, 3643 ou 3710 (pour lesquelles la charge polluante principale provient d’installations relevant des rubriques 3642 ou 3643) de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement le ministère de l’Environnement – est venu fixer les prescriptions nationales relatives aux meilleurs techniques disponibles (MTD) applicables à certaines ICPE. Ces MTD ont pour origine le droit communautaire puisqu’elles ont été établies par la décision d’exécution (UE) 2019/2031 de la Commission  européenne du 12 novembre 2019, en application de la directive n° 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (dite Directive IED). Le champ d’application défini à l’article 1er précise que 3 rubriques sont concernées :   La rubrique 3642 (Traitement et transformation de matières premières en vue de la fabrication de produits alimentaires ou d’aliments pour animaux) ; La rubrique 3643 (Traitement et transformation du lait) ; La rubrique 3710 (Traitement des eaux résiduaires), pour certaines des installations, lorsqu’une celles-ci traitent les eaux résiduaires rejetées par une ou plusieurs ICPE classées au titre des rubriques 3642 ou 3643 et que ces installations sont à l’origine de la charge polluante principale. Il s’applique également : au traitement combiné d’effluents aqueux provenant de différentes sources, à condition que la principale charge polluante résulte des installations 3642 ou 3643 visées ci-dessus et que le traitement des effluents aqueux ne relève pas de la directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires ;  à la production d’éthanol dans une installation relevant de la rubrique 3642.2 ou en tant qu’activité directement associée à une telle installation. En revanche l’arrêté précise que les installations ou activités suivantes sont exclues du champ d’application : installation de combustion sur site produisant des gaz chauds qui ne sont pas utilisés pour le chauffage par contact direct, le séchage ou tout autre traitement d’objets ou de matières ; la production de produits primaires à partir de sous-produits animaux, comme l’extraction et la fonte des graisses, la production de farine et d’huile de poisson, la transformation du sang et la fabrication de gélatine ; la réalisation de découpes de référence pour les grands animaux et de découpes pour la volaille. L’article 2 vient ensuite préciser l’application dans le temps du présent arrêt : une application immédiate et une application différée. Sont soumises à application immédiate les ICPE de l’une ou plusieurs des trois rubriques ainsi que les extensions ou le remplacement complet des installations existantes classées au titre d’une ou plusieurs des trois rubriques concernées, autorisés après le 4 décembre 2019. L’application est différée pour les ICPE autorisées sous l’une ou plusieurs des trois rubriques concernées avant le 5 décembre 2019 selon différentes modalités : les prescriptions seront applicables à compter du 4 décembre 2023 aux installations en question dont les conclusions sur les MTD relatives à la rubrique principale sont celles de la décision d’exécution 2019/2031 ; pour les installations dont les conclusions sur les MTD relatives à la rubrique principale ne sont pas celles de la décision d’exécution 2019/2031, les prescriptions seront applicables : quatre ans après la parution au Journal officiel de l’Union européenne, postérieure au 5 décembre 2019, de la décision d’exécution établissant les conclusions sur les meilleures techniques disponibles relatives à la rubrique principale prévues à l’article R. 515-61 ;  à compter du 4 décembre 2023, lorsque la parution au Journal officiel de l’Union européenne des conclusions sur les meilleures techniques disponibles relatives à la rubrique principale prévues à l’article R. 515-61 est intervenue entre le 5 décembre 2017 et le 5 décembre 2019. A ces dates, l’exploitant sera tenu de : Mettre en œuvre les MTD décrites dans l’annexe de l’arrêté ou garantissant un niveau de protection de l’environnement équivalent, sauf si l’arrêté préfectoral d’autorisation fixe des prescriptions particulières ; Respecter les valeurs limites d’émissions (VLE) de l’annexe, sauf dérogation en vertu de l’article 3 de l’arrêté du 27 février 2020. Les prescriptions applicables sont en annexe de l’arrêté du 27 février 2020. Les dispositions générales applicables à l’ensemble des installations du titre Ier de l’annexe concernent trois domaines : L’évaluation et la surveillance des émissions dans les effluents gazeux canalisés ; Les pertes d’hexane spécifiques ; L’évaluation et la surveillance des émissions dans les rejets aqueux. Les MTD applicables à toutes les installations du titre II concernent 10 thématiques : Les caractéristiques du système de management environnemental (SME) ; L’inventaire de consommation d’eau, d’énergie et de matières premières ainsi que des flux d’effluents aqueux et gazeux ; La surveillance des effluents aqueux ; L’efficacité énergétique ; La consommation d’eau et le rejet des effluents aqueux ; Les substances dangereuses ; L’utilisation efficace des ressources ; La maîtrise et le stockage des émissions dans l’eau ; Le bruit ; Les odeurs. Enfin le titre III intègre d’autres dispositions applicables à certains secteurs d’activité qui sont : L’alimentation animale ; La production de bière ; Le secteur de l’industrie laitière ; Le secteur de la production d’éthanol ; Le secteur du traitement et de la transformation des poissons et crustacés ; Le secteur des fruits et légumes ; Le secteur de la meunerie ; Le secteur du traitement et de la transformation de la viande ; Le secteur de la transformation d’oléagineux et du raffinage des huiles végétales ; Le secteur des boissons non alcoolisées et des nectars/jus élaborés à partir de fruits et légumes transformés ; Le secteur de la production d’amidon ; Le secteur de la fabrication de sucre.

Le projet de décret sur l’Ae en consultation

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) En application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, le Gouvernement a lancé une consultation publique du 7 février 2020 au 28 février 2020 sur le Projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale, texte très attendu. I/ L’objet du projet de décret Ce projet de décret (téléchargeable ici) soumis à la consultation du public a pour principal objet d’appliquer la décision « association FNE » du Conseil d’État du 6 décembre 2017 (n° 400559) et l’article 31 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2017 relative à l’énergie et au climat. On sait en effet que le précédent décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 relatif à l’autorité environnementale confiait, pour un certain nombre de projets, aux préfets de région la compétence  d’Ae (s’agissant des avis comme des examens au cas par cas), aux côtés de l’Ae du CGEDD et des MRAe. Or dans sa décision du 6 décembre 2017 (n° 400559, recours contre le décret du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale), le Conseil d’État a jugé que l’autorité environnementale, dans son rôle consultatif (avis), pouvait également être autorité compétente pour autoriser le projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage sous réserve qu’une séparation fonctionnelle au sein de cette autorité soit organisée. Cette solution trouve son fondement dans les directives dites projet et programme de l’Union européenne et surtout dans l’interprétation que donne la CJUE de la seconde dans  son arrêt Seaport (CJUE, 20 oct. 2008, C-474/10). Le décret 28 avril 2016 n’avait pas prévu un tel dispositif dans les cas où le préfet de région était compétent pour autoriser le projet ou lorsqu’il était en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local. En conséquence, le Conseil d’État a annulé le 1° de l’article 1er du décret 28 avril 2016 en tant qu’il maintenait, au IV de l’article R.122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale. Pour tenter de sauver les projets en cours, des instructions ont été données aux préfets afin que les dossiers concernés soient transférés aux Missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) pour ce qui concerne les avis ; de son côté le juge administratif a admis l’indépendance fonctionnelle de la MRAe et a même validé la possibilité de régulariser avec une nouvelle consultation de la MRAe les projets dont l’autorisation environnementale avaient été annulée (CE, avis, 27 sept. 2018, nº 420119 – CE, 27 mai 2019, nº420554/nº420575 ; cf. sur le refus de prononcer le sursis à exécution d’un arrêt d’appel qui n’aurait pas relevé un tel vice : CE, 6 nov. 2019, nº 430352) Reste que le Conseil d’Etat a confirmé son exigence d’autonomie fonctionnelle de l’Ae (CE, 21 août 2019, Assoc. Citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et a., n° 406892, 406894 – CE, 13 mars 2019, n°414930). Ainsi s’agissant du contentieux éolien, le Conseil d’Etat a nettement jugé que les services placés sous l’autorité hiérarchique du préfet de région, tels que les DREAL ne disposaient pas, « en principe », d’une autonomie réelle à son égard (CE, 20 sept. 2019, nº428274) et qu’ainsi ne commettait aucune erreur de droit, la Cour qui avait estimé que, en l’espèce, cet avis de l’autorité environnementale comme irrégulier. Désormais avec le projet décret mis à consultation du public, le Gouvernement envisage de confier à la MRAe la responsabilité de rendre les avis sur les projets ne relevant pas d’une autorité environnementale nationale (ministre chargé de l’environnement ou formation nationale du Conseil général de l’environnement et du développement durable). Reste que le gouvernement a toujours maintenu, même après l’arrêt « association FNE » du Conseil d’Etat, la compétence du préfet de région pour l’examen au cas par cas, Au demeurant, ce projet de décret s’efforce de transcrire l’article L.122-1 du code de l’environnement qui a été modifié, par l’article 31 de la n° 2019-1147 du 8 novembre 2017 relative à l’énergie et au climat, afin de distinguer, pour les projets, autorité chargée de l’avis et autorité chargé de l’examen au cas par cas. la loi confie cette compétence non plus à l’« autorité environnementale » mais à une « autorité chargée de l’examen au cas par cas » qui sera définie par décret. Mais le Parlement a accepté ce transfert de compétence à la condition toutefois que  soient prévenus les conflits d’intérêt avec le « maître d’ouvrage » ou la personne « en charge du projet ». II/ Principales modifications opérées par le projet de décret : L’article R. 122-3 actuel est scindé en deux articles distincts (article R. 122-3 et R. 122-3-1) afin de distinguer plus explicitement les dispositions visant à désigner l’autorité en charge de réaliser l’examen au cas par cas des projets qui y sont soumis (article R. 122-3) de celles visant à préciser le déroulé de la procédure d’examen au cas par cas (article R. 122-3-1) ; L’article R. 122-6 est modifié pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’Etat et confier aux MRAe le soin de rendre les avis qui relevaient précédemment de la compétence du préfet de Région ; L’article R. 122-7 est toiletté à la marge afin de clarifier la durée dont disposent les collectivités territoriales pour rendre leur avis ; L’article R. 122-17 est complété par un alinéa prévoyant, à l’instar du dispositif applicable aux projets, la possibilité pour le ministre en charge de l’environnement d’évoquer certains dossiers relatifs à des plans ou programmes relevant normalement de la compétence des MRAe ; L’article R. 122-24 clarifie l’organisation interne des MRAe qui bénéficient de l’appui technique des agents de la DREAL ; Les articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2 sont créés afin de faire application des dispositions relatives au conflit d’intérêt introduites par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et codifiées au V bis de l’article L. 122-1. On relève avec le plus grand intérêt qu’aux termes de l’article R.122-24-1 en projet « Ne constitue pas un conflit d’intérêt le fait, pour l’autorité…

Le programme de l’inspection des ICPE pour 2020 : les Enr dans le viseur ?

Par Maître David  DEHARBE (Green Law Avocats)   Par une instruction du 31 décembre 2019 (Instruction du Gouvernement du 31 décembre 2019, NOR : TREP1937645J), le gouvernement vient d’adresser aux services des préfets de région et des préfets de département le programme des actions nationales de l’inspection des ICPE pour l’année 2020. Ce document expose notamment des actions thématiques, spécifiques à certains secteurs, retenues pour l’année 2020 en fonction des retours d’expérience de l’année 2019. Certaines de ces actions thématiques doivent être systématiquement mises en œuvre par l’inspection des ICPE. D’autres actions sont dites « au choix ». Chaque région peut donc choisir de suivre spécifiquement ces actions, parmi d’autres, pour l’année 2020. Action en matière d’éoliennes : Il convient de souligner que l’action relative aux éoliennes prévue par l’instruction du gouvernement est « au choix ». L’instruction souhaite mettre cette année l’accent sur le risque accidentel sur les éoliennes, donc sur la sécurité des personnes. Elle préconise des inspections ciblées sur un total d’au moins deux sites par département dans chaque région. Elle indique également qu’une part importante des accidents dont l’administration a eu connaissance est relative aux chutes ou aux projections de pâles. Le gouvernement appelle donc à un renforcement des contrôles, spécifiquement sur les équipements de sécurité et les opérations de maintenance préventive. Action en matière d’installations de méthanisation : Selon l’instruction du gouvernement, les retours d’expérience indiqueraient que les exploitants de méthaniseurs auraient une maitrise moindre des risques d’explosions. Partant de ce constat, le gouvernement préconise que systématiquement les inspections soient renforcées sur le respect de la règlementation technique, notamment celle portant sur les appareils à pression. L’instruction fixe en ce domaine comme objectif un nombre de visites par région au moins égal à trois fois le nombre de départements de ladite région. On aura compris qu’en cette période d’élections municipales, il est de bon ton de faire croire que le éoliennes et la méthanisation sont dangereuses pour les riverains…Mais nos Inspecteurs de l’environnement n’ont-ils pas mieux à faire ? Les autres actions sont plus classiques et sans doute participent un peu moins de l’affichage … Outre ces deux domaines particuliers, l’instruction du 31 décembre 2019 aborde d’autres actions systématiques, telles que : le contrôle renforcé des dimensionnements et des conceptions des zones de rétention et de leurs conduites d’écoulement, à la suite de l’accident de Lubrizol ; le contrôle renforcé de l’effectivité du tri dans les centres de tri ; le contrôle renforcé de la pertinence et de l’application des plans de surveillances et de maintenance des canalisations de transport de gaz et d’hydrocarbures. Par ailleurs, d’autres actions « au choix » sont également proposées par l’instruction : des inspections ciblées sur les risques du secteur de la pyrotechnie et de la manipulation d’explosifs, afin de prévenir les risques d’accidents ; un contrôle des mesures prises par les industriels pour pallier les problèmes susceptibles de survenir en cas de coupures de courant volontaires ou involontaires ; un contrôle des importations de fluides frigorigènes, afin de prévenir le trafic illégal de ces fluides ; une vérification du confinement des substances extrêmement préoccupantes, utilisées comme intermédiaire de synthèse ; sur la créosote : une vérification de la bonne utilisation des produits de traitement du bois et de la gestion des bois usagés ; une vérification de la conformité des émissions de composés organiques volatils, notamment des émissions de NOX ; un contrôle de la gestion des situations de sécheresses dans les installations industrielles ; un contrôle de la conformité des conditions de remblayage des carrières. Que de travail attend encore nos 1300 inspecteurs qui sont finalement aussi nombreux qu’on dénombre en France d’installations Seveso… Mais soyons rassurés éoliennes et méthaniseurs sont sous bonne surveillance de l’Inspection !