Les éoliennes, le paysage et le PNR : cherchez la cohérence

Par Maitre David DEHARRBE (Green Law Avocats) Dans l’espèce rapportée (Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 21 avril 2022, 442953 : disponible sur doctrine, Arianweb et reproduite ci-dessous), le Conseil d’Etat censure la Cour administrative d’appel de Nantes, pour avoir  écarté, comme inopérant contre une autorisation ICPE, un moyen se réclamant d’une charte de  Parc Naturel Régional (PNR)  et jugé « qu’une telle charte n’avait, en tout état de cause, pas pour objet de déterminer les prévisions et règles touchant à l’affectation et à l’occupation des sols et ne pouvait contenir des règles opposables aux tiers ». Pour la haute juridiction le juge d’appel a commis une erreur de droit : « lorsque l’autorité administrative est saisie d’une demande d’autorisation d’implanter ou d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement au sein d’un parc naturel régional, elle doit s’assurer de la cohérence de la décision individuelle ainsi sollicitée avec les orientations et mesures fixées dans la charte de ce parc et dans les documents qui y sont annexés, eu égard notamment à l’implantation et à la nature des ouvrages pour lesquels l’autorisation est demandée, et aux nuisances associées à leur exploitation ». Aux termes du V de l’article L. 333-1 du code de l’environnement de « L’État et les collectivités territoriales  ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ayant approuvé la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l’exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu’ils y consacrent, ainsi que, de manière périodique, l’évaluation de la mise en œuvre de la charte et le suivi de l’évolution du territoire. » Le raisonnement trop catégorique de la CAA de Nantes était voué à la cassation, dès lors qu’au visa de l’article  L. 333-1 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat a déjà admis de contrôler cette obligation de cohérence entre une autorisation individuelle et le contenu de la charte d’un PNR (et à propos d’ailleurs autorisation ICPE d’ailleurs : CE, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 24 avril 2013 , n° 352592). Reste que le Conseil dans l’espèce commentée fait preuve d’une grande pédagogie quant aux contours de la norme de référence que doit constituer pour le juge administratif la charte du PNR : « que la charte d’un parc naturel régional est un acte destiné à orienter l’action des pouvoirs publics dans un souci de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire, de développement économique et social et d’éducation et de formation du public sur le territoire du parc et à assurer la cohérence de cette action avec les objectifs qui y sont définis. Il appartient, dès lors, à l’Etat et aux différentes collectivités territoriales concernées de prendre les mesures et de mener les actions propres à assurer la réalisation des objectifs de la charte et de mettre en œuvre les compétences qu’ils tiennent des différentes législations, dès lors qu’elles leur confèrent un pouvoir d’appréciation, de façon cohérente avec les objectifs ainsi définis. Toutefois la charte d’un parc naturel régional ne peut légalement imposer par elle-même des obligations aux tiers, indépendamment de décisions administratives prises par les autorités publiques à leur égard. Elle ne peut davantage subordonner légalement les demandes d’autorisations d’installations classées pour la protection de l’environnement à des obligations de procédure autres que celles prévues par les différentes législations en vigueur. Si les orientations de protection, de mise en valeur et de développement que la charte détermine pour le territoire du parc naturel régional sont nécessairement générales, les mesures permettant de les mettre en œuvre peuvent cependant être précises et se traduire par des règles de fond avec lesquelles les décisions prises par l’Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte dans l’exercice de leurs compétences doivent être cohérentes, sous réserve que ces mesures ne méconnaissent pas les règles résultant des législations particulières régissant les activités qu’elles concernent ». Et au final en l’espèce, s’agissant de l’autorisation d’exploiter un parc éolien de six aérogénérateurs sur le territoire des communes de Saint-Georges-de-Rouelley et de Ger au sein du Parc naturel régional Normandie-Maine, la Haute juridiction considère qu’il faut que le juge du fond recherche si l’autorisation d’exploitation litigieuse est cohérente avec les orientations fixées par cette charte et les documents qui y sont annexés. Ainsi l’affaire est renvoyée à la CAA de Nantes par les juges du Palais Royal et la juridiction de renvoi devra à nouveau se prononcer sur le moyen tiré de ce que « le préfet de la Manche, en délivrant l’autorisation d’exploiter litigieuse à la société pétitionnaire, avait omis de tenir compte de la charte du parc naturel régional, laquelle distingue, dans la carte du parc, des ” paysages identitaires ” qui ” constituent la référence paysagère, le ” noyau dur ” ou encore ” la zone centrale ” du Parc qui doit être préservée ” et les autres secteurs nommés ” paysages quotidiens ” et comporte un objectif 23.4 intitulé ” Favoriser le développement éolien raisonné ” indiquant que ” le parc cherche à optimiser la cohérence des implantations d’éoliennes et que, dans ce but, il s’appuie sur des enjeux paysagers tels que le respect des éléments identitaires du territoire ”  ». Affaire à suivre …

La chronique de droit des ENR disponible sur le blog !

La chronique de droit des ENR disponible sur le blog !

Sur son blog, le cabinet Green Law Avocats donne désormais accès à sa chronique de droit des ENR publiée depuis plusieurs années dans la revue « Droit de l’environnement » (téléchargeable ci-dessous). Bonne lecture !

Radar et modélisation des perturbations éoliennes : Qinetiq agréée

Par Maître Marie-Coline GIORNO (Green Law Avocats) Par une décision du 3 février 2022 (téléchargeable ci-dessous) publiée au bulletin officiel du ministère de la transition écologique (NOR : TREP2201124S) le 23 février 2022, le ministère de la transition écologique a reconnu la méthode de modélisation des perturbations générées par les aérogénérateurs sur les radars météorologiques CLOUDSiS 1.0 ainsi que la société Qinetiq Ltd chargée de sa mise en œuvre. Pour mémoire, il résulte de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement que « L’installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars utilisés dans le cadre des missions de sécurité météorologique des personnes et des biens et de sécurité à la navigation maritime et fluviale. […] ». Pour mémoire, il résulte de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement que « L’installation est implantée de façon à ne pas perturber de manière significative le fonctionnement des radars utilisés dans le cadre des missions de sécurité météorologique des personnes et des biens et de sécurité à la navigation maritime et fluviale. […] » Afin de permettre l’implantation des éoliennes terrestres sans perturber les radars météorologiques, le  point 12° d de l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement prévoit que lorsque l’implantation des aérogénérateurs est prévue à proximité d’un radar météorologique (cf. distance d’éloignement concernée fixée par le tableau I de l’article 4 de l’arrêté du 26 août 2011 modifié), le dossier de demande d’autorisation environnementale est complété par « une étude des impacts cumulés sur les risques de perturbations des radars météorologiques par les aérogénérateurs implantés en deçà de cette distance ». A propos de cette étude, l’article 4-1 II de l’arrêté du 26 août 2011 modifié ajoute que  cette dernière peut être réalisée selon une méthode reconnue par décision du ministre chargé des installations classées pour la protection de l’environnement. L’article 4-1 III précise que la reconnaissance de cette méthode ainsi que des organismes compétents pour la mettre en œuvre est conditionnée par la fourniture au ministre chargé des installations classées pour la protection de l’environnement d’un certain nombre d’informations  par l’organisme qui souhaite la mettre en œuvre. L’article 4-1 V de l’arrêté du 26 août 2011 énonce, quant à lui, qu’en cas de projet faisant l’objet d’un renouvellement autre qu’un renouvellement à l’identique, les éléments portés à la connaissance du préfet contiennent une étude comparant les impacts sur la situation des radars météorologiques avant et après modification et que cette étude peut être réalisée selon une méthode reconnue par décision du ministre chargé des installations classées pour la protection de l’environnement. C’est dans ce cadre qu’est intervenue la décision du 3 février 2022 du ministère. Aux termes de l’article 1er de cette décision, «  La méthode de modélisation CLOUDSiS 1.0 faisant l’objet du rapport QINETIQ/15/02959/3.0 complété par le rapport QINETIQ/21/04399/1 et la société Qinetiq Ltd (numéro de société 03796233) chargée de la mettre en œuvre, sont reconnues au titre de l’article 4-1.-II, 4-1.III et 4-1.V de l’arrêté du 26 août 2011 modifié susvisé». Il en résulte que la décision du 20 novembre 2015 relative à la reconnaissance de la méthode de modélisation des perturbations générées par les aérogénérateurs sur les radars météorologiques CLOUDSiS 1.0 et de la société Qinetiq Ltd est abrogée. Par ailleurs, un formulaire joint en annexe (téléchargeable-ci-dessous) de la décision du 3 février 2022 doit, en vertu de l’article 4 de cette décision, être rempli par la société Qinetic LTD pour chaque projet éolien ayant fait l’objet d’une modélisation conformément à cette méthode. Enfin, toute modification de la méthode de modélisation ou de l’organisme chargé de sa mise en œuvre doit faire l’objet d’une information préalable de la ministre chargée des installations classées pour la protection de l’environnement. Toute modification de la méthode est soumise aux formalités de la procédure de reconnaissance initiale. La décision relative à la reconnaissance de la méthode de modélisation CLOUDSiS 1.0 ainsi qu’à la reconnaissance de la société Qinetiq Ltd chargée de sa mise en œuvre est entrée en vigueur le 24 février 2022. Decision-TREP2201124S-et-annexes Télécharger

Loi 3DS du 21 février 2022 : Panorama de la réforme

La Loi n°2022-217 de Différenciation, Déconcentration, Décentralisation et Simplification dite « 3DS » a été publiée le 22 février 2022. Fruit de plus de deux ans de travail sur l’efficacité de l’action publique, la Loi 3DS vient approfondir le transfert de compétences dans plusieurs domaines, et tente de créer une dynamique de travail en bonne intelligence entre les autorités déconcentrées et décentralisées de l’Etat. Plusieurs Décrets d’application sont encore à prévoir, mais on peut d’ores-et-déjà dresser un panorama des grands axes du texte et leurs implications potentielles (Document de présentation disponible ici: . Dense et riche en informations, elle traite de sujets divers tels que : Reste cependant à savoir si elle sera à la hauteur de ses ambitions.  

Le projet de décret sur l’Ae en consultation

Par Maître David DEHARBE (Green Law Avocats) En application de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, le Gouvernement a lancé une consultation publique du 7 février 2020 au 28 février 2020 sur le Projet de décret portant réforme de l’autorité environnementale, texte très attendu. I/ L’objet du projet de décret Ce projet de décret (téléchargeable ici) soumis à la consultation du public a pour principal objet d’appliquer la décision « association FNE » du Conseil d’État du 6 décembre 2017 (n° 400559) et l’article 31 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2017 relative à l’énergie et au climat. On sait en effet que le précédent décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 relatif à l’autorité environnementale confiait, pour un certain nombre de projets, aux préfets de région la compétence  d’Ae (s’agissant des avis comme des examens au cas par cas), aux côtés de l’Ae du CGEDD et des MRAe. Or dans sa décision du 6 décembre 2017 (n° 400559, recours contre le décret du 28 avril 2016 portant réforme de l’autorité environnementale), le Conseil d’État a jugé que l’autorité environnementale, dans son rôle consultatif (avis), pouvait également être autorité compétente pour autoriser le projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage sous réserve qu’une séparation fonctionnelle au sein de cette autorité soit organisée. Cette solution trouve son fondement dans les directives dites projet et programme de l’Union européenne et surtout dans l’interprétation que donne la CJUE de la seconde dans  son arrêt Seaport (CJUE, 20 oct. 2008, C-474/10). Le décret 28 avril 2016 n’avait pas prévu un tel dispositif dans les cas où le préfet de région était compétent pour autoriser le projet ou lorsqu’il était en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local. En conséquence, le Conseil d’État a annulé le 1° de l’article 1er du décret 28 avril 2016 en tant qu’il maintenait, au IV de l’article R.122-6 du code de l’environnement, la désignation du préfet de région en qualité d’autorité environnementale. Pour tenter de sauver les projets en cours, des instructions ont été données aux préfets afin que les dossiers concernés soient transférés aux Missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) pour ce qui concerne les avis ; de son côté le juge administratif a admis l’indépendance fonctionnelle de la MRAe et a même validé la possibilité de régulariser avec une nouvelle consultation de la MRAe les projets dont l’autorisation environnementale avaient été annulée (CE, avis, 27 sept. 2018, nº 420119 – CE, 27 mai 2019, nº420554/nº420575 ; cf. sur le refus de prononcer le sursis à exécution d’un arrêt d’appel qui n’aurait pas relevé un tel vice : CE, 6 nov. 2019, nº 430352) Reste que le Conseil d’Etat a confirmé son exigence d’autonomie fonctionnelle de l’Ae (CE, 21 août 2019, Assoc. Citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et a., n° 406892, 406894 – CE, 13 mars 2019, n°414930). Ainsi s’agissant du contentieux éolien, le Conseil d’Etat a nettement jugé que les services placés sous l’autorité hiérarchique du préfet de région, tels que les DREAL ne disposaient pas, « en principe », d’une autonomie réelle à son égard (CE, 20 sept. 2019, nº428274) et qu’ainsi ne commettait aucune erreur de droit, la Cour qui avait estimé que, en l’espèce, cet avis de l’autorité environnementale comme irrégulier. Désormais avec le projet décret mis à consultation du public, le Gouvernement envisage de confier à la MRAe la responsabilité de rendre les avis sur les projets ne relevant pas d’une autorité environnementale nationale (ministre chargé de l’environnement ou formation nationale du Conseil général de l’environnement et du développement durable). Reste que le gouvernement a toujours maintenu, même après l’arrêt « association FNE » du Conseil d’Etat, la compétence du préfet de région pour l’examen au cas par cas, Au demeurant, ce projet de décret s’efforce de transcrire l’article L.122-1 du code de l’environnement qui a été modifié, par l’article 31 de la n° 2019-1147 du 8 novembre 2017 relative à l’énergie et au climat, afin de distinguer, pour les projets, autorité chargée de l’avis et autorité chargé de l’examen au cas par cas. la loi confie cette compétence non plus à l’« autorité environnementale » mais à une « autorité chargée de l’examen au cas par cas » qui sera définie par décret. Mais le Parlement a accepté ce transfert de compétence à la condition toutefois que  soient prévenus les conflits d’intérêt avec le « maître d’ouvrage » ou la personne « en charge du projet ». II/ Principales modifications opérées par le projet de décret : L’article R. 122-3 actuel est scindé en deux articles distincts (article R. 122-3 et R. 122-3-1) afin de distinguer plus explicitement les dispositions visant à désigner l’autorité en charge de réaliser l’examen au cas par cas des projets qui y sont soumis (article R. 122-3) de celles visant à préciser le déroulé de la procédure d’examen au cas par cas (article R. 122-3-1) ; L’article R. 122-6 est modifié pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil d’Etat et confier aux MRAe le soin de rendre les avis qui relevaient précédemment de la compétence du préfet de Région ; L’article R. 122-7 est toiletté à la marge afin de clarifier la durée dont disposent les collectivités territoriales pour rendre leur avis ; L’article R. 122-17 est complété par un alinéa prévoyant, à l’instar du dispositif applicable aux projets, la possibilité pour le ministre en charge de l’environnement d’évoquer certains dossiers relatifs à des plans ou programmes relevant normalement de la compétence des MRAe ; L’article R. 122-24 clarifie l’organisation interne des MRAe qui bénéficient de l’appui technique des agents de la DREAL ; Les articles R. 122-24-1 et R. 122-24-2 sont créés afin de faire application des dispositions relatives au conflit d’intérêt introduites par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et codifiées au V bis de l’article L. 122-1. On relève avec le plus grand intérêt qu’aux termes de l’article R.122-24-1 en projet « Ne constitue pas un conflit d’intérêt le fait, pour l’autorité…