Le juge civil des référés décomplexé face à l’ICPE causant un trouble anormal à son voisinage (Cass, 14 janv.2014, n°13-10167)

Dans un arrêt en date du 14 janvier 2014 (C.cass, 14 janvier 2014, pourvoi n° 13-10167), la Cour de cassation confirme un arrêt de Cour d’appel, statuant en référé, ordonnant l’arrêt de l’activité d’une centrale à béton, sous astreinte de 700 euros par jour de retard, au titre de l’existence des troubles anormaux de voisinage. La Cour de cassation relève ainsi : « Attendu qu’ayant relevé que les attestations produites faisaient état de graves nuisances, que des constats d’huissier établissaient l’importance des dépôts de ciment et graviers maculant l’environnement immédiat du restaurant et celle des nuages de poussières provoqués par le passage des camions et que la police municipale avait relevé de nombreuses infractions de voirie, la cour d’appel statuant en référé, qui a justement retenu que les sociétés exploitantes de la centrale à béton devaient répondre des conséquences d’une exploitation gravement préjudiciable aux intérêts des tiers, a pu déduire de ses constatations, abstraction faite d’un motif surabondant relatif à l’existence d’un dommage imminent pour la pérennité de la société Pito, que les conditions d’exploitation de la centrale créaient pour cette société des nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage et que le trouble causé justifiait que soit ordonné l’arrêt de l’exploitation ». Cet arrêt souligne tout le potentiel juridique de la théorie des troubles anormaux de voisinage générés par une installation classées, de surcroît lorsque le juge civil statue en référé. D’abord, cet arrêt rappelle que dès lors que le code de l’environnement réserve les droits des tiers, la compétence exclusive du préfet en matière d’installations classées ne fait pas obstacle à la mise en jeu de la responsabilité de l’exploitant ICPE pour troubles de voisinage devant le juge judiciaire (Cass. 2e civ., 22 janv. 1959 : Bull. civ. 1959, II, p. 46. – Cass. 2e civ., 29 mars 1962 : Bull. civ. 1962, II, p. 258. – Cass. 2e civ., 16 juill. 1969 : Bull. civ.1969, II, p. 184 Cass. 1re civ., 13 juill. 2004, n° 02-15.176, FS-P :      JurisData n° 2004-024670 ; Bull. civ. 2004, I, p. 174 ; Environnement 2004, comm. 111, obs. D. Gillig ; AJDA 2005, p. 1235, note M. Moliner-Dubost ; RD imm. 2005, p. 40, obs. F.-G. T. – Rép. min. n° 05959 : JO Sénat Q, 14 mai 2009, p. 1215) et donc, au cas particulier, à la constatation d’un trouble manifestement illicite par le juge des référés (Cass. 1re civ., 15 mai 2001, n° 99-20.339, P, Divanac’h c/ Rannou : JurisData n° 2001-009553 ; Bull. civ. 2001, I, n° 135 ; RD imm. 2001, p.360, obs. M. B. ; RD imm. 2002, p. 370, obs. F.-G. T. ; D. 2001, p. 2242). Dans le cadre de cette théorie jurisprudentielle qui date du 19ème siècle, il n’est pas nécessaire, pour la victime, de démontrer la faute de voisin industriel au regard de son autorisation pour obtenir la cessation du trouble anormal de voisinage. Ce qui importe comme le rappelle la Cour c’est la démonstration d’une « exploitation […] préjudiciable aux intérêts des tiers ». Confronté à une action en trouble anormal, l’auteur du trouble ne pourra pas s’exonérer de sa responsabilité par la preuve de son absence de faute. La responsabilité  est engagée de manière objective dès que le trouble présente un caractère anormal et que le lien de causalité est établi entre le dommage allégué et le fait générateur invoqué. En l’espèce l’exploitation préjudiciable de l’installation se concrétise par des méconnaissances grossières des prescriptions élémentaires de fonctionnement d’une centrale à bitume. Mais rappelons que le seul respect des prescriptions techniques n’est pas exonératoire de responsabilité si la victime parvient à démontrer des conséquences résiduelles de l’exploitation encadrée en termes de dommage (Cass. 2e civ., 17 févr. 1993, n° 91-16.928, P : JurisData n° 1993-000172 ; Bull. civ. 1993, II, n° 68. Pour un cas extrême concernant des éoliennes non classées : TGI Montpellier, 17 septembre 2013, commenté ici). Gageons néanmoins que « la tendance générale en matière d’installations classées est en définitive de ne retenir l’existence d’un trouble anormal de voisinage que lorsque la réglementation n’a pas été respectée » (F. NESI, « Trouble anormal de voisinage et nuisances industrielles », Revue juridique de l’économie publique n° 696, Avril 2012,  étude 3). Ceci doit en particulier être le cas lorsque les seuils de pollution sont définis par des prescriptions ICPE, mais lorsque la règle est formulée sous la forme d’une obligation de moyen et non de résultat, la responsabilité de l’industriel n’en sera que plus exposée. Enfin et surtout  le juge des référés peut aller jusqu’à suspendre l’activité même de l’installation classée. Et c’est justement ce que confirme ici la Cour de cassation. Cette solution pour relativiser la séparation des autorités administratives et judiciaires n’est pas nouvelle : même si en principe il est interdit au juge judiciaire de « contrarie[r] les prescriptions édictées par l’Administration dans l’intérêt de la sûreté et de la salubrité publique» (Tribunal des conflits, 23 mai 1927 : S.1927, 3, p. 94), la Cour de cassation admet – sans doute contra legem – que les juridictions civiles en référé et sur la base de l’article 809 CPC puissent suspendre l’activité industrielle objet même de la police administrative (Cass. 2e civ., 10 nov. 2010, n° 09-17.147). Ainsi les exploitants d’installations classées ne peuvent ignorer l’insécurité juridique dans laquelle peut se trouver leur installation puisque leur respect des prescriptions imposées au fonctionnement de leur installation classée ne fait pas obstacle à ce que leur responsabilité soit mise en cause si leur activité génère des nuisances excédant un seuil normal pour le voisinage. La question sera alors de déterminer l’anormalité du seuil, en fonction d’un faisceau d’indices. David DEHARBE Aurélien BOUDEWEEL Green Law avocat

Transport de matières dangereuses: l’arrêté TMD de 2009 modifié notamment sur la question du séjour temporaire de wagons

Par un arrêté ministériel en date du 20 décembre 2013, le gouvernement est venu modifier l’arrêté du 29 mai 2009 relatif aux transports des marchandises dangereuses par voie terrestre. Les principales règles de sécurité relatives au transport des marchandises dangereuses sont définies par l’arrêté du 29 mai 2009 relatif aux transports de marchandises dangereuses par voies terrestres (dit arrêté TMD) qui transpose en droit français la directive 2008/68/CE du 28 septembre 2008 relative au transport intérieur des marchandises dangereuses. Rappelons que des critères permettent de savoir si un produit est classé dangereux et c’est au regard de ces critères (dégagés notamment à travers les accords internationaux en la matière) qu’il appartient à l’expéditeur de la marchandise d’en déclarer le cas échéant le caractère dangereux. Il doit en donner le nom chimique et indiquer très exactement comment il est classé dans la classification prévue par la réglementation et prévoir les conditions d’emballage et d’étiquetage réglementaires. Cet arrêté TMD de 2009 met notamment en œuvre, au niveau national l’appendice C de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 (COTIF), relatif au règlement concernant le transport international ferroviaire de marchandises dangereuses (dit règlement « RID »). L’arrêté du 20 décembre 2013, modifiant en partie l’arrêté TMD de 2009, définit le contenu du rapport annuel du conseiller à la sécurité visé au 1.8.3.3 et précise certaines modalités du transport ferroviaire de marchandises dangereuses (notamment au sujet du séjour temporaire de wagons chargés de marchandises dangereuses). Ce faisant, il vient modifier en substance l’annexe II de l’arrêté du 29 mai 2009 dit TMD. On notera que la principale modification porte sur le point 2.3.1.1 de l’annexe II qui se trouve ainsi rédigé :  « 2.3.1.1. Les wagons chargés contenant des marchandises dangereuses ne peuvent être utilisés aux fins de stockage en dehors des chantiers ou des installations classées pour la protection de l’environnement et des installations nucléaires de base. Ils ne doivent séjourner en dehors de ces installations que sur les voies ferrées autorisées par le gestionnaire d’infrastructure, selon les règles établies par celui-ci et diffusées aux transporteurs ferroviaires, et par les prescriptions du présent arrêté, pour les opérations d’expéditions, d’acheminement et de livraison. Le séjour temporaire doit respecter le plan de transport et répondre aux prescriptions du présent arrêté. En exploitation normale, si le séjour temporaire excède quarante-huit heures, les vérifications prévues au 1.4.2.2.1 c sont réalisées toutes les vingt-quatre heures, après un délai de quarante-huit heures. Ces opérations sont enregistrées par le transporteur afin d’en assurer la traçabilité. Dans le cas d’exploitation dégradée ou d’un incident générant une modification du séjour temporaire prévu au plan de transport, le transporteur en informe l’expéditeur, le destinataire et le gestionnaire d’infrastructure, en vue de définir avec ce dernier les dispositions à prendre. Le séjour temporaire ne couvre pas le cas des marchandises en attente de livraison du fait du non-respect de l’obligation fixée au destinataire au 1.4.2.3.1 du RID. La mise en attente de livraison de ces wagons peut être autorisée, sous réserve d’une demande motivée présentée au moins vingt-quatre heures à l’avance par le destinataire au transporteur. Celui-ci en informe le gestionnaire d’infrastructure et sollicite une dérogation dans les conditions du 5 de l’article 23. Cette dérogation est accordée, sous réserve du respect des conditions de sécurité définies au cas par cas, en concertation avec le gestionnaire de l’infrastructure et le transporteur. » Cet arrêté du 20 décembre 2013 rappelle donc les obligations qui s’imposent dans le cadre du transport des matières dangereuses par voie ferroviaire et où un certain nombre de mesures préventives doivent être prises pour assurer la sécurité de la population notamment dans le cas du stationnement prolongé de wagons. Il faut réserver le cas du transport de matières radioactives, qui font l’objet de dispositions spécifiques. Ainsi, au niveau national, des règles particulières sur le transport de matières radioactives ont été posées, notamment des autorisations et agréments de transports à la suite de la publication de l’ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012, (art. L. 595-1 et suivants du code de l’environnement). Au niveau communautaire, le Parlement européen s’est prononcé en séance plénière le 11 décembre 2013 en faveur d’un projet de règlement visant à simplifier la réglementation. Il prévoir l’introduction d’une procédure d’enregistrement unique pour les transporteurs de matières radioactives, afin de remplacer les diverses procédures d’autorisation et de déclaration des États membres (Proposition de règl. COM (2012) 561, Rapport Bela Kovacs sur le projet de règlement du Conseil établissant un système communautaire d’enregistrement des transporteurs de matières radioactives (COM (2012) 0561- C7-0320/2012 – 2011/0225 (NLE)). Aurélien BOUDEWEEL Green Law Avocat

La cohabitation des éoliennes et des radars : plus que jamais une question d’expert! (CE, 30 déc. 2013, “Sté E.”)

Le Conseil d’Etat a rendu un arrêt ce 30 décembre 2013 qui constitue une nouvelle étape sur le long chemin des opérateurs éoliens cherchant à cohabiter avec un radar météo (CE, 30 décembre 2013, “Ste E.”, n°352693). Cet arrêt fait suite à celui de la Cour administrative d’appel de Douai du 30 juin 2011 qui avait confirmé la légalité d’arrêtés préfectoraux de refus de permis de construire fondés sur la localisation d’un parc éolien dans la zone dite “de coordination” autour d’un radar météo (soit entre 5 et 20km autour du radar). Il n’est pas inutile de rappeler que l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai intervenait lui même à la suite d’une expertise ordonnée par ladite Cour, et réalisée par un expert dont il sera établi par la suite qu’il ne présentait pas les garanties d’impartialité requises. En effet, un autre opérateur dont une expertise avait été diligentée devant le TA d’Amiens à l’égard d’un autre radar météo (celui d’Avesnes s/ Helpe, alors que le dossier devant la CAA de Douai et maintenant jugé par le Conseil d’Etat concernait le radar d’Abbeville), avait sollicité la récusation de cet expert, avec succès (voir notre analyse de l’ordonnance de récusation du 10 avril 2012). Un pourvoi en cassation est enregistré en décembre 2011 contre l’arrêt de la CAA de Douai fondé sur l’expertise réalisée par cet expert. Cependant, le Conseil d’Etat par une décision du 30 décembre 2013 rejette ce pourvoi en considérant notamment: “8. Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable : ” Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions projetées, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d’autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ” ; 9. Considérant que la cour a relevé que le projet de champ éolien serait de nature à provoquer ” un affaiblissement de la précision et de la fiabilité des estimations des précipitations à partir des mesures en réflectivité, d’une part, et, surtout, une dégradation de l’évaluation de la vitesse du vent par mode Doppler, d’autre part ” ; qu’elle a également estimé que la société requérante ne pouvait utilement soutenir que les radars utilisés pourraient être adaptés afin de permettre la réalisation de son projet ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt en jugeant que les perturbations engendrées par le parc éolien seraient de nature à altérer le fonctionnement du radar météorologique ne peut qu’être écarté ; 10. Considérant que la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis et qu’elle n’a pas dénaturés une appréciation souveraine en jugeant, par une décision suffisamment motivée et exempte d’erreur de droit, qu’il ressortait des pièces du dossier que les dysfonctionnements induits par les éoliennes sont de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme en raison de la perturbation importante de la détection des phénomènes météorologiques dangereux qu’elles entraînent, sans réelle possibilité de neutralisation de leurs effetset, par suite, que le préfet de la Somme n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en refusant de délivrer le permis de construire les installations litigieuses ;’ Contrairement à ce qu’un survol de la décision pourrait laisser penser, il nous semble que la Haute juridiction ne pouvait malheureusement pas juger dans un sens différend. D’une part, s’agissant du défaut d’impartialité de l’expert que l’opérateur avait soulevé postérieurement à l’arrêt de la Cour et pour la première fois en cassation, il s’agit là d’un “moyen nouveau”. Juridiquement, il est constant qu’un tel moyen est inopérant (et même sans qu’il soit besoin d’en informer préalablement les parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative : CE, 24 novembre 2010, Commune de Lyon, n° 325195, T. p. 932). C’est profondément regrettable, surtout qu’en l’espèce, le défaut d’impartialité de cet expert avait été reconnu par une décision définitive du Tribunal administratif d’Amiens au sujet d’une expertise sur certains points comparables. C’est dire que le Conseil d’Etat, pour un pur motif de procédure, est contraint de ne pas censurer un rapport d’expertise dont il est de notoriété publique qu’il est profondément biaisé. D’autre part, le juge de cassation n’a pu ici que contrôler, s’agissant des faits qui ont été soumis à l’appréciation des juges d’appel, que leur “dénaturation” . Rappelons que le juge de cassation suit le principe selon lequel il ne contrôle pas les faits en cassation. Notamment, il s’interdit de contrôler les éléments de preuve car ils relèvent de la souveraineté des juges du fond (CE, 7 mars 1962, Jaffré : Rec. CE, tables, p. 1086. – 19 janv. 1966, Lion Mayer : Rec. CE, p. 43. – 13 nov. 1991, Brami, req. n° 98515. – sect., 10 juill. 1992, Normand : Rec. CE, tables, p. 889-905. – 22 mars 1993, CHR de Brest : Rec. CE, p. 79). Néanmoins, certains contrôles peuvent encore être opérés en cassation, comme celui de la “dénaturation des faits”. La dénaturation des faits peut permettre au juge de cassation de sanctionner les appréciations opérées par le juge du fond à partir du moment où elles ont donné des faits une interprétation fausse ou tendancieuse (CE, 4 janv. 1952, Simon : Rec. CE, p. 13, concl. M. Letourneur. – 9 févr. 1966, com. Gouv. près la commission régionale des dommages de guerre de Colmar c/ Dame Debré-Feldbau : Rec. CE, p. 101. – 16 mars 1975, Bischoff : RD publ. 1975, p. 1453. – 3 déc. 1975, Bové : RD publ. 1976, p. 618. – 25 nov. 1985, Dame Frapier de Montbenoît-Gervais : Rec. CE, p. 911. – 23 juin 1993, Cne de Lespinasse, req. n° 129363. – 13 déc. 1993, Albert Beaume, req. n° 117130 : Dr. fisc. 1994, n° 13, comm. 644, concl. Loloum. – 26 janv. 1994, Knafo : Dr. fisc. 1994, n° 15, comm. 751. – 26 janv. 1994, Panas : Dr. fisc. 1994, n° 18, comm. 831. –…

Démontage des éoliennes industrielles : pourquoi cela restera exceptionnel (TGI Montpellier, 17 septembre 2013)

Faut il pour les opérateurs désespérer d’avoir tenté d’implanter des éoliennes en milieu rural? Nous ne le pensons pas, même à la lecture du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Montpellier le 17 septembre 2013, qui a fait grand bruit au-delà même de la seule filière éolienne, qui se devait d’être scrupuleusement analysé avant d’en tirer d’hâtives conclusions. Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’une décision de justice isolée et rarissime. Il s’agit, à l’analyse du jugement motivé qui a été rendu, d’une appréciation conservatrice et finalement peu cohérente avec la réglementation de l’éolien en France. Rappelons tout d’abord les faits : les requérants sont une société et un couple d’habitants d’un Château, classé au titre de la législation sur les monuments historiques et situé sur une commune voisine d’un parc de 10 éoliennes. La construction, autorisée par arrêté de permis de construire, a eu lieu entre 2005 et 2006. Les requérants n’ont semble t-il pas jugé opportun de contester les autorisations d’urbanisme. Ils ont assigné la société exploitante du parc éolien, ainsi que les propriétaires fonciers ayant donné leurs parcelles à bail. Précisons d’emblée que les propriétaires ont été condamnés solidairement au paiement des diverses sommes d’argent par le Tribunal, mais que dans ces rapports solidaires, les sommes resteraient à l’entière charge de l’exploitant éolien. Les requérants ont assigné l’exploitant et les propriétaires devant le TGI de Montpellier, selon la règle classique de la compétence territoriale dépendant du siège du défendeur. Leurs demandes étaient fondées sur l’article 544 relatif au droit de propriété et sur l’article 1382 du code civil (fondement légal de la responsabilité pour faute), double fondement qui rejoint la théorie des troubles anormaux de voisinage. Rappelons le principe dégagé par la Cour de cassation selon lequel « nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage » (Cass, 2ème civ., 19 décembre 1986 ; Civ. 2e, 23 oct. 2003, Elissondo et autres c/ SA Intercoop, no 02-16.303, RDI 2004. 276, obs. Bergel). Sur ce fondement, ils demandaient : le démontage des 10 éoliennes sous astreinte de 1500€ par jour de retard et par éoliennes ; le versement à chacun d’entre eux d’une somme de 30 000€ pour le « préjudice de jouissance déjà subi » ; le versement à chacun d’entre eux d’une somme de 20 000€ pour le « préjudice moral déjà subi » ; le versement à chacun d’entre eux d’une somme de 15000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile (c’est-à-dire les frais de procédure et d’avocat). Par jugement du 17 septembre 2013, le TGI de Montpellier a fait partiellement droit à leurs demandes : en condamnant l’exploitant éolien à démonter les 10 éoliennes dans un délai de 4 mois à compter de la signification du jugement et en prévoyant une astreinte de 500€ par jour de retard et par éolienne non démontée ; en condamnant l’exploitant éolien et les propriétaires à payer solidairement aux trois demandeurs une somme totale de 37 500€ à titre de dommages et intérêts, une somme de 5000€ au titre des frais de procédure, ainsi qu’aux dépens. Ce faisant, le Tribunal s’est fondé en réalité sur des éléments factuels apparaissant pour le moins ténus (tels que ressortant du jugement du moins) et en tout état de cause partiels pour qui a déjà ouvert des études d’impact éoliennes : –        deux constats d’huissier de 2009 et de 2012 constatant que les éoliennes étaient visibles depuis la propriété des requérants ; –        un constat d’huissier désigné par requête (de façon non contradictoire donc) ayant interrogé pendant 8 semaines « divers habitants du village » où est situé le château, et « plus éloigné des éoliennes », ce qui fait dire au Tribunal que « les habitants subissent donc un préjudice moindre que les occupants du château » ; On apprend ainsi que 26 personnes ont été interrogées et que 18 d’entre elles ont fait état de nuisances. Il ressort de ces seuls éléments qu’un préjudice de divers ordre est constitué : « En premier lieu un préjudice esthétique de dégradation de l’environnement résultant d’une dénaturation totale d’un paysage bucolique et champêtre, ce qui est d’une gravité bien plus importante et non comparable avec la modification d’un paysage urbain  environnant par la construction d’un immeuble ou d’un mur dans un espace encore non construit ; En deuxième lieu un préjudice auditif dû au ronronnement et sifflement des éoliennes et existant en raison de son caractère permanent même en dessous des limites réglementaires d’intensité du bruit, obligeant à des mesures de protection élémentaires contre le bruit et créant un trouble sanitaire reconnu par l’académie nationale de médecine dans un rapport du 14 mars 2004, visé dans le jugement rendu le 4 février 2010 entre les consorts A. et la Sté Y. et versé aux débats (page 10); » En troisième lieu et surtout un préjudice d’atteinte à la vue dû au clignotement de flashs blancs ou rouges toutes les deux secondes de jour et de nuit, fatiguant les yeux et créant une tension nerveuse auquel s’ajoutent en cas de soleil rasant des phénomènes stroboscopiques et de variation d’ombre, étant précisé que le parc éolien Z., même en admettant comme soutenu en défense qu’il soit situé à 3,3 km du château, cause à ce titre un préjudice supérieur à celui de X. du fait de sa localisation en face du château et non sur son aile ; » Une fois les préjudices constitués selon le Tribunal, il procède à une appréciation, par nature souveraine, de l’ « anormalité » des troubles : « Attendu que cet ensemble de nuisances, de caractère tout à fait inhabituel, permanent et rapidement insupportable crée un préjudice dépassant les inconvénients normaux de voisinage, constituant une violation du droit de propriété des époux W. contraire à l’article 544 du code civil auquel il convient de mettre fin pour l’avenir par démontage des éoliennes, et qui justifie une indemnisation en dommages-intérêts pour ce qui est du préjudice déjà réalisé ; » En l’espèce, on pourra s’étonner à plusieurs égards : 1)      il ne ressort pas qu’une étude acoustique ait été diligentée par les requérants, de sorte qu’à la seule lecture du jugement, il n’est pas établi précisément le niveau sonore des éoliennes, et…

ICPE: exclusion des garanties financières pour certaines installation de combustion (arrêté du 20 septembre 2013)

Un arrêté du Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie publié au Journal Officiel du 25 octobre 2013 modifie la liste des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à l’obligation de constituer des garanties financières en application du 5° de l’article R. 516-1 du code de l’environnement. Pour rappel, au delà des installations réglementairement visées par l’article R 516-1 du code de l’environnement, l’arrêté du 31 mai 2012 (modifié par l’arrêté du 20 septembre 2013) fixe la liste des installations classées soumises à cette obligation de constitution de garanties financières selon les substances qu’elles utilisent et les activités qu’elles mènent, et ce en application de l’article R 516-1, 5° : « Les installations soumises à autorisation au titre de l’article L. 512-2 et les installations de transit, regroupement, tri ou traitement de déchets soumises à autorisation simplifiée au titre de l’article L. 512-7, susceptibles, en raison de la nature et de la quantité des produits et déchets détenus, d’être à l’origine de pollutions importantes des sols ou des eaux. Un arrêté du ministre chargé des installations classées fixe la liste de ces installations, et, le cas échéant, les seuils au-delà desquels ces installations sont soumises à cette obligation du fait de l’importance des risques de pollution ou d’accident qu’elles présentent. » Le nouvel arrêté du 20 septembre 2013 (publié au JORF du 25 octobre 2013) exclut de cette liste les installations de combustion de gaz naturel et de gaz de pétrole liquéfié autrement dit « G.P.L. » visées à la rubrique 2910-A de la nomenclature ICPE. Leur exclusion s’explique, selon le ministère, par le constat selon lequel « ces installations ne présentant pas de risque de pollution des sols et ne produisant pas de déchets, l’insertion dans le dispositif des garanties financières ne présente que peu d’intérêt ». Pour les autres installations visées à la rubrique 2910-A, l’obligation de constitution de garanties financières perdure pour les installations dont la puissance thermique maximale de l’installation est supérieure à 50 MW et, à compter du 1er juillet 2017, pour celles dont la puissance thermique maximale de l’installation est supérieure à 20 MW. Il sera remarqué que les installations de combustion de biomasse, qui devaient également être exclues de l’obligation de garanties financières dans le projet d’arrêté soumis à consultation par le Ministère, demeurent finalement soumises à cette obligation. Enfin, l’arrêté prend en compte la modification de la nomenclature ICPE découlant du décret du 22 mars 2012 en ce qu’il reprend la nouvelle dénomination de la rubrique 1523 relative à la fabrication industrielle du soufre. L’arrêté soumet donc à garanties financières la fabrication industrielle (rubrique 1523-A.1), ainsi que la transformation ou la distillation de soufre (rubrique 1523-A.2). Valentin Guner Green Law Avocat