L’éolienne est dans le pré …. la règle de prospect aussi !

« Ce qui est aujourd’hui un paradoxe pour nous sera pour la postérité une vérité démontrée » enseigne Diderot. Gageons que les membres du Palais Royal viennent de nous rappeler une nouvelle hypothèse d’opposabilité des règles de propect aux éoliennes. Dans une décision récente (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 20/03/2013, 349807), le Conseil d’Etat vient de rappeler que les cartes communales ne sont pas des documents d’urbanisme tenant lieu de plan local d’urbanisme : « 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 124-1 du code de l’urbanisme : “ Les communes qui ne sont pas dotées d’un plan local d’urbanisme peuvent élaborer, le cas échéant dans le cadre de groupements intercommunaux, une carte communale précisant les modalités d’application des règles générales d’urbanisme prises en application de l’article L. 111-1 “ ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable à la date des décisions litigieuses : “ Les schémas directeurs, les plans d’occupation des sols ou les documents d’urbanisme en tenant lieu et les documents relatifs au schéma départemental des carrières prévoyant une réduction des espaces agricoles ou forestiers ne peuvent être rendus publics ou approuvés qu’après avis de la chambre d’agriculture, de l’Institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée et, le cas échéant, du centre régional de la propriété forestière. Il en va de même en cas de révision ou de modification de ces documents “ ; que les cartes communales ne constituent pas, au sens de ces dispositions, des documents d’urbanisme tenant lieu de plans d’occupation des sols ; qu’ainsi, en jugeant que les décisions litigieuses avaient été prises en violation des dispositions de l’article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et la commune du Recoux sont fondés à demander pour ce motif l’annulation de son arrêt ; » (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 20/03/2013, 349807) Cette précision n’est qu’une confirmation (Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 13/07/2011, 335066) qui emporte l’applicabilité des règles générales d’urbanisme définies aux articles R. 111-1 et suivants du code de l’urbanisme aux territoires couverts par une carte communale. Les règles de prospect fixés par le Règlement National d’Urbanisme (RNU) aux articles R. 111-17 (implantation des constructions par rapport aux voies publiques) et R. 111-18 du code de l’urbanisme (implantation des constructions par rapport aux limites séparatives) sont applicables en l’absence de document d’urbanisme tenant lieu de plan local d’urbanisme conformément à ce que prévoit l’article R111-1 du code de l’urbanisme. Les permis de construire là où s’applique une carte communale y sont donc instruits et délivrés sur le fondement de ces règles auquelles la carte communale ne peut d’ailleurs pas déroger (L. 124-2 du code de l’urbanisme). Or ce rappel doit être combiné avec la qualification des éoliennes comme constituant des constructions auxquelles les règles de propect sont opposables. On sait en effet que parallélement  le Conseil d’Etat a jugé que les règle de propect des PLU sont opposables aux éoliennes à moins qu’une disposition du réglement “n’écarte l’application de cet article ” (Conseil d’Etat 9 décembre 2011 N° 341274 publié au Bulletin). Cette jurisprudence intéressera en pratique les opérateurs éoliens développant dans des communes dotées de carte communale et dont les projets se voient alors appliquer les règles de prospect très contraignantes prévues aux articles R. 111-17 (implantation des constructions par rapport aux voies publiques) et R. 111-18 du code de l’urbanisme (implantation des constructions par rapport aux limites séparatives). Une nuance tout de même, il a pu être jugé que l’éolienne ne constituait pas un “bâtiment” au sen du R. 111-18 par certaines juridictions d’appel (CAA Bordeaux, 5 janvier 2012, Laur, req. n°10BX01911 et CAA Lyon, 30 octobre 2012, n°11LY03046). Faudrait-il distinguer les “constructions” des “bâtiments” … cela paraît guère soutenable dès lors que l’article R. 111-17 utilise indistinctement les deux termes. Autre voie possible, le Conseil d’Etat sera-t-il tenté de donner un sens différent aux mots selon qu’ils sont utilisés dans un PLU ou dans le RNU ? Dans l’immédiat la prudence commande de considérer que les règles de prospect sont opposables aux éoliennes en présence d’une carte communale. Nous percevons ici tous les effets pervers qu’il y a, à qualifier l’éolienne comme de constructuion … paradoxe du droit mis à jour par les juges du Palais Royal commentera certainement une doctrine juridique ébaie … Mais admettre l’opposabilité des règles de propects en zone A ou en zone NC s’agissant d’implanter des éoliennes par définirion à plus de 500 mètrs de toute zone d’habitation est-ce bien utile ? Evidemment non : c’est par juridisme parvenir à interdire ou contraindre ce qu’un zonage urbanistique permet. Au final certains opérateurs éoliens découvrent , à plus d’un  titre et pour des projets déjà lancés, l’obstacle que constitue la règle de prospect comme opposable pour ainsi dire tous azymuts … Et le juriste environnementaliste n’en est pas loin de perdre sa foi dans la neutralité des paradoxes juridiques. Il ne lui reste alors que ce mot : « Mon paradoxe est de prier lorsque je n’ai plus foi en rien ». Prions alors pour le Gouvernement ait le courage de prendre l’initiative de faire sortir les éoliennes du code de l’urbanisme après avoir juré que leur classement ICPE serait synonyme de sécurité juridique ! Maître Anaïs DE BOUTEILLER (Green Law Avocat)    

Police des déchets : la responsabilité subsidiaire du propriétaire du terrain négligeant

Dans la lignée de ses décisions dites « Wattelez I » (Conseil d’Etat, 6 / 2 SSR, du 21 février 1997, 160787, inédit au recueil Lebon) et « Wattelez II » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 26/07/2011, 328651), le Conseil d’Etat vient une fois encore d’affirmer que le propriétaire du terrain sur lequel sont entreposés des déchets n’a qu’une responsabilité subsidiaire par rapport au producteur (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01/03/2013, 354188). Le Conseil d’Etat rappelle que le responsable des déchets ne peut être que le seul producteur ou détenteur des déchets et qu’ainsi le propriétaire du terrain ne peut être subsidiairement mis en demeure d’évacuer les déchets qu’à deux conditions : – L’absence de producteur ou de détenteur connu ; – La commission de la part du propriétaire d’une négligence particulière dans la gestion des déchets sur son terrain.  « 3. Considérant que le responsable des déchets au sens de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, tel qu’interprété à la lumière des dispositions précitées de la directive du 5 avril 2006, s’entend des seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets ; que si, en l’absence de tout producteur ou tout autre détenteur connu de déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés ces déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain, et être de ce fait assujetti à l’obligation d’éliminer ces déchets, la responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets ne revêt qu’un caractère subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de ces déchets et peut être recherchée s’il apparaît que tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01/03/2013, 354188).   Le Conseil d’Etat censure ainsi le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Lyon qui avait jugé légale une mise en demeure d’évacuation des déchets édictée par un maire à l’encontre de propriétaires de terrain, sans tenir compte du fait que la société chargée de l’exploitation du site, productrice de ces déchets, était connue : « 5. Considérant que, pour juger que le maire avait pu légalement mettre ces sociétés en demeure de prendre les mesures nécessaires à l’évacuation des déchets situés sur ce terrain, la cour s’est fondée sur la circonstance qu’elles devaient être regardées, en leur seule qualité de propriétaires du terrain sur lequel avaient été stockés les déchets produits par la société chargée de l’exploitation du site, comme détentrices de ces déchets au sens des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, après avoir écarté comme inopérante la circonstance que la société chargée de l’exploitation du site, productrice de ces déchets, était connue ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la cour a, ce faisant, commis une erreur de droit ; » (Conseil d’État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01/03/2013, 354188).  Du point de vue du contentieux judiciaire des déchets -d’ordinaire relatif à la détermination des personnes supportant le coût de l’évacuation-, la Cour de Cassation adopte une position similaire à celle du Conseil d’Etat puisqu’elle fait peser sur le propriétaire du terrain une présomption simple de responsabilité susceptible d’être renversée par la démonstration de l’absence de comportement fautif de celui-ci (arrêt que nous avions commenté ici : https://www.green-law-avocat.fr/dechet-notion-de-proprietaire-detenteur-la-cour-de-cassation-rejoint-linterpretation-du-conseil-detat/). Cette solution a une portée qu’il convient encore de mettre en perspective par rapport à l’exclusion de la directive mère sur les déchets des terres polluées non excavées. Car désormais une police des sites et sols pollués est instituée par le code de l’environnement (article L556-1 t. : Ordonnance n°2011-253 du 10 mars 2011 – art. 1 ), en dehors de toute référence aux déchets :”En cas de pollution des sols ou de risque de pollution des sols, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable”. Dans cet autre cadre reste à savoir si le raisonnement du Conseil d’Etat relatif au propriétaire détenteur négligeant et finalement “responsable” au nom du principe pollueur payeur trouvera à s’appliquer. La rédaction retenue pour l’institution de la nouvelle police incite à le penser mais s’agissant de désigner le débiteur de l’obligation de remise en état le Conseil, qui peut le plus, nous a habitué à faire pour ainsi dire le moins … Me Anaïs  DE BOUTEILLER (Green Law Avocat)

Résumé non technique et partis pris dans l’étude d’impact : statu quo jurisprudentiel ?

Les concepteurs de dossiers environnementaux et leurs juges ne devraient pas perdre de vue  ce qui se joue avec la forme du résumé non technique ou le degré d’explication des partis pris dans les études d’impact : une participation effective du public qui ne se réduise pas à une simple information sur l’existence de sa consultation. Ainsi lors d’une affaire relative au permis de construire d’un champ de modules photovoltaïques à la Martinique, la Cour administrative d’appel de Bordeaux  a voulu apporter par l’arrêt qu’elle a rendu,  des précisions sur le contenu des études d’impact réalisées antérieurement à la réforme desdites études (CAA Bordeaux, 4 avril 2013, n°12BX00153). Ces précisions sont à relativiser mais nous donnent néanmoins l’occasion de revenir sur le nouveau régime de l’étude d’impact et en particulier sur la forme et la place que doit y prendre le résumé non technique, ainsi que le minimum requis concernant la justification des raisons du projet. Forme et place du résumé non technique Tout d’abord, concernant le résumé non technique, le juge bordelais remarque qu’ « aucune disposition ne définit la place de [ce résumé] dans l’étude d’impact ». De cette constatation, il en déduit que satisfait aux exigences de l’article R. 122-3, III du code de l’environnement, une étude d’impact dans laquelle « chaque paragraphe était suivi d’un résumé non technique dans un encart grisé ». Les exigences de l’article R. 122-3 auxquelles il est fait référence sont celles en vigueur avant la réforme de l’étude d’impact intervenue le 1er juin 2012. L’article R. 123-3, III prévoyait alors qu’ « afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l’étude, celle-ci fait l’objet d’un résumé non technique ». La position adoptée par la Cour administrative d’appel consistant à dire que le résumé non technique d’une étude d’impact peut prendre la forme d’encadrés insérés à la fin de chaque partie de l’étude nous parait pourtant être contraire au texte de l’article R. 122-3, III précité. En effet, cet article indique explicitement que l’objectif du résumé non technique est de faciliter la prise de connaissance des informations contenues dans l’étude. Or, plusieurs résumés non techniques prenant la forme d’un encart situé à la fin de chaque partie de l’étude, ne peuvent sérieusement remplir efficacement cet objectif. Au surplus, on notera que suite à la réforme des études d’impact entrée en vigueur le 1er juin 2012, l’article R. 122-5, IV du code de l’environnement prévoit qu’ « afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l’étude, celle-ci est précédée d’un résumé non technique des informations visées aux II et III [du présent article]. Ce résumé peut faire l’objet d’un document indépendant ». Ainsi, désormais, il est explicitement prévu que le résumé non technique doit : –          Soit précéder l’étude d’impact ; –          Soit faire l’objet d’un document indépendant. Par conséquent, la position discutable du point de vue de la vocation informative du résumé non technique adoptée par le juge dans la présente affaire sous l’empire  des dispositions antérieure à la réforme des études d’impact concernant la place et la forme du résumé non technique ne doit en aucun cas inspirer les rédacteurs de nouvelles études d’impacts ! Ceux-ci devront absolument réaliser un seul et unique résumé non technique de l’étude d’impact qu’ils feront figurer soit en préalable à l’étude d’impact, soit dans un document distinct. Ce résumé non technique reprendra tous les points de l’étude d’impact énumérés à l’article R. 122-5, II et III du code de l’environnement. Les raisons de l’implantation de l’installation sur un site donné Concernant la description des solutions de substitution au projet, le juge bordelais décide qu’ « en l’absence d’autres partis envisagés pour implanter la centrale photovoltaïque en litige, l’étude d’impact n’avait pas à justifier les raisons pour lesquelles le site avait été retenu ».  Cette position est là encore totalement critiquable. En effet, l’article R. 122-3, 3° du code de l’environnement applicable au litige prévoyait que l’étude d’impact doit comporter : « les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d’environnement, parmi les partis envisagés qui font l’objet d’une description, le projet présenté a été retenu ». Pour les études d’impacts des installations classées, existait également à l’époque une disposition tout à fait similaire ayant donnée lieu à une jurisprudence on ne peut plus claire. Si la personne envisageant la création de l’installation n’a pas à présenter dans l’étude d’impact plusieurs sites envisageables, elle devrait néanmoins justifier les raisons pour lesquelles le lieu d’implantation du projet a été retenu. Mais  faute d’avoir souhaité imposer la comparaison, le juge en est  réduit à prendre formellement acte des arguments d’autorité de l’opérateur pour le site qu’il a effectivement retenu. Ainsi lorsque la Cour administrative d’appel de Douai  opère le contrôle des éléments ayant présidés au choix d’un site d’implantation cela flirte avec la motivation alibi : « Considérant que l’étude d’impact présente les neuf facteurs qui ont présidé au choix du parti retenu et qu’il ne résulte pas de l’instruction que la pétitionnaire ait pu en envisager d’autres ; qu’ainsi, elle présente suffisamment les raisons pour lesquelles le site a été retenu » (CAA Douai, 24 mai 2007, n°06DA01405 – dans la même veine CAA Paris, 20 déc. 2007, n°04PA00665). On reprochera à la Cour administrative d’appel de Bordeaux d’avoir raté (une fois de plus) une occasion de tenter d’imposer aux rédacteurs de toutes les études d’impact un vrai travail sur la justification des choix d’implantation du projet. Ce travail certaines professions se l’imposent particulièrement pour optimiser l’implantation par exemple des éoliennes. Il n’est pas une étude sérieuse qui prendrait le risque de faire l’impasse sur ce bilan couts/avantages de l’implantation. Gageons que là encore le cadre textuel de l’étude d’impact rattrape et dépasse la jurisprudence. Depuis la réforme des études d’impact, l’exigence de présenter dans l’étude d’impact les raisons ayant conduit à retenir le projet présenté a été reprise par l’article R. 122-5, IV du code de l’environnement  en des termes qui va rendre plus délicat non seulement de ne pas étudier d’alternatives, mais aussi de dispenser de justification d’implantation. En effet, désormais « [L’étude d’impact…

Inconstitutionnalité partielle de la Loi Brottes : les dispositions relatives aux éoliennes sont sauves

Par une décision n°2013-66 du 11 avril 2013 (Décision n°2013-66 DC, 11 avr. 2013) le Conseil Constitutionnel a validé les dispositions relatives aux éoliennes contenues dans la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes En effet, cette loi adoptée en dernière lecture par l’Assemblée Nationale le 11 mars 2013 avait fait l’objet de deux saisines du  Conseil constitutionnel : l’une portée par 60 sénateurs UMP, l’autre par 60 députés UMP. Dans ces saisines, était notamment remise en cause la validité constitutionnelle des dispositions relatives aux éoliennes, qui pour rappel, prévoient : –          La suppression des ZDE (Zones de Développement de l’Eolien) qui se superposaient avec les Schémas Régionaux Climat Air Energie (SRCAE) –          La suppression de la règle des cinq mâts minimum, –          Une dérogation à la Loi Littoral pour les territoires ultramarins facilitant l’implantation de parcs éoliens en bord de mer, –          Une modification des dispositions de la Loi Littoral  pour permettre notamment le raccordement à terre des énergies marines renouvelables qui, jusqu’alors, s’avérait complexe, voire impossible à réaliser.     Tout d’abord, les parlementaires UMP soutenaient que ces dispositions constituaient des « cavaliers législatifs », c’est-à-dire des dispositions ne présentant aucun lien avec le texte initial de la proposition de loi, et devait donc à ce titre, être déclarées inconstitutionnelles au regard de l’article 45 de la Constitution.   Cependant, tel n’a pas été l’avis des sages qui ont considérés que les dispositions relatives aux éoliennes étant « destinés à faciliter l’implantation d’éoliennes sur le territoire métropolitain et dans les départements d’outre-mer, tendent à accélérer « la transition vers un système énergétique sobre » dans un contexte de « hausse inéluctable des prix de l’énergie » », celles-ci présentent un lien avec la proposition de loi initiale qui contenait huit articles répartis en deux titres, l’un relatif à la tarification progressive de l’énergie, l’autre aux mesures d’accompagnement.   Ensuite, les parlementaires UMP arguaient de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales par la disposition relative à la suppression des zones de développement de l’éolien (ZDE).   Là encore, le Conseil Constitutionnel rejette cet argument en décidant que :   « Les dispositions de l’article 24 de la loi déférée, en supprimant les zones de développement de l’éolien, ont pour effet de ne plus subordonner l’obligation d’achat de l’électricité produite à l’implantation des éoliennes dans de telles zones, ce qui n’affecte pas en soi les recettes des communes ; que la suppression des zones de développement de l’éolien n’a pas pour effet de porter atteinte aux compétences des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le territoire est compris dans le périmètre des schémas régionaux éoliens ; qu’elle n’a pas davantage pour effet d’instaurer une « quasi tutelle » de la région sur les communes, alors que les éoliennes peuvent toujours être implantées hors des zones définies par le schéma régional éolien ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales doit être écarté »     Enfin, les parlementaires auteurs de la saisine soutenaient que la combinaison de la disposition ouvrant une dérogation à la loi Littoral pour les territoires ultramarin avec la disposition supprimant la règle des cinq mâts contrevenaient à l’article 6 de la Charte de l’environnement qui prévoit que les politiques publiques doivent concilier la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social.   Cependant, les sages relevant à juste titre que « l’implantation des éoliennes reste en particulier assujettie aux autres règles d’urbanisme et à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement », ils décident que le législateur n’a pas méconnu les exigences de l’article 6 de la Charte de l’environnement.   Par conséquent, toutes les dispositions relatives aux éoliennes contenues dans la loi Brottes ont été validées par le Conseil Constitutionnel.     Cependant, on ne peut pas en dire autant des dispositions relatives au Bonus-Malus sur les consommations domestiques d’énergie contenues dans cette même loi.   En effet, les sages du Palais Royal ont censuré l’article 2 de la loi et toutes les dispositions attachés en considérant en premier lieu « qu’au regard de l’objectif poursuivi, les différences de traitement qui résultent du choix de réserver le dispositif prévu par l’article 2 aux seules consommations domestiques méconnaissent l’égalité devant les charges publiques ». En second lieu, les sages relevant que « dans des immeubles collectifs d’habitation pourvus d’installations communes de chauffage, les dispositions de l’article 2 de la loi ne fixent pas des conditions de répartition du bonus-malus en rapport avec l’objectif de responsabiliser chaque consommateur domestique au regard de sa consommation d’énergie de réseau », ils décident « que ces dispositions n’assurent pas le respect de l’égalité devant les charges publiques, d’une part, entre les consommateurs qui résident dans ces immeubles collectifs et, d’autre part, avec les consommateurs domestiques demeurant dans un site de consommation résidentiel individuel ».   Ainsi, si le principe du Bonus-Malus sur les consommations d’énergie n’est effectivement pas en lui-même censuré, la mise en œuvre de ce principe telle qu’elle a été prévue par cette loi n’en demeure pas moins inconstitutionnelle.   Et finalement, se pose la question de savoir si la loi Brottes, telle que partiellement validée par le Conseil Constitutionnel peut être promulguée par le Président de la République.   Des réponses nous sont fournies par l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. En effet, cette ordonnance indique en son article 22 que : « Dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution et inséparable de l’ensemble de cette loi, celle-ci ne peut être promulguée ».   Or, force est de constater que dans sa décision, le Conseil Constitutionnel n’a en aucun cas déclaré que les dispositions qu’il censure, à savoir l’article 1 à 6, les deux derniers paragraphes du I de l’article 8 et les deux…

Algues vertes : annulation partielle des 4e programmes d’action départementaux

On dit qu’”Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir”. Cette annulation contentieuse (les jugements sont téléchargeables sur ce lien : n° 1000233 à 36) ne saurait pourtant surprendre quant à son motif l’Etat français : elle interventient en raison de mesures insuffisantes prises pour lutter contre la pollution des sols par les nitrates d’origine agricole. A la requête des associations BRETAGNE VIVANTE et EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE, le Tribunal administratif de Rennes a annulé partiellement, par quatre jugements en date du 30 mars 2013 (n°1000233, 1000234, 1000235, 1000236), les arrêtés pris respectivement par les Préfets du Finistère, du Morbihan, de l’Ile et Vilaine, et des Côtes d’Armor établissant les quatrièmes programmes d’action départementaux en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole.   C’est la directive communautaire n°91/676/CEE du 12 décembre 1991, dite « directive nitrate », qui est à l’origine de ces programmes d’actions lesquels ont pour objectif de maîtriser la pollution des sols par les nitrates d’origine agricole. A la suite de cette directive, la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 a été adoptée et l’ensemble de la Bretagne a été classée comme zone vulnérable et soumise alors une protection renforcée.   Les arrêtés contestés autorisaient l’épandage des effluents d’élevage à partir du 15 février de chaque année sur les terres de culture de maïs. Cette date a été jugée trop précoce par le Tribunal administratif car, lointaine de la période d’ensemencement, elle ne permet pas d’éviter le ruissellement des éléments -dont nitrates- apportés par l’épandage et donc de lutter suffisamment contre la prolifération des algues vertes :   « qu’il résulte de ces éléments comme de l’instruction que les dates retenues pour l’épandage au 15 février sont sans rapport avec les exigences du maïs dont les semis interviennent plus tardivement, sans que le tribunal ne trouve d’ailleurs au dossier d’autre obstacle au recul de la date d’épandage que les capacités de stockage du lisier par les exploitants en cas d’épandage plus tardif ; qu’il apparaît incontestable , au vu des pièces du dossier, que le recul de la date d’épandage est de nature à éviter le ruissellement des éléments apportés par l’épandage alors que le préfet lui-même prévoira dans son arrêté complémentaire un tel recul afin de lutter dans les bassins versants contre la prolifération des algues vertes ; » (Tribunal administratif de Rennes, 30 mars 2013, n°1000233, ASSOCIATIONS BRETAGNE VIVANTE et EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE)   Par ailleurs, le programme d’action ne comportait aucune mesure spécifique relative à la maîtrise de la fertilisation azotée et de gestion adaptée des terres agricoles sur les bassins versants situés en amont des sites littoraux concernés par les algues vertes. Le Tribunal a jugé cette absence de mesure spécifique illégale, compte tenu de l’importance du phénomène de prolifération des algues vertes et de la nécessité de renforcer les moyens de restauration de la qualité de l’eau :   « 10. Considérant que le préfet des Côtes-d’Armor a refusé de faire droit à la demande de l’association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE et de l’association BRETAGNE VIVANTE d’inclure dans le programme d’action des mesures particulières et renforcées à l’égard des secteurs les plus sensibles que constituent les bassins versants des cours d’eaux alimentant les baies où se constate de la façon la plus marquée la prolifération des algues vertes ; que l’importance de ce phénomène, majoritairement lié au phosphore et à l’azote contenu dans le lisier épandu, qui relève avec une particulière acuitédes objectifs de la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991, dont les dispositions ont été transposées notamment dans celles des articles R. 211-80 et R. 211-81 du code de l’environnement relatif aux programmes d’action, implique un renforcement majeur des moyens de restauration de la qualité de l’eau ; que l’arrêté pris le 21 juillet 2010, moins d’une année après l’arrêté attaqué, par le préfet des Côtes-d’Armor pour satisfaire à ces objectifs dans les bassins versants, alors que la situation n’avait pas connu d’aggravation particulièrement importante depuis 2009, atteste du bien-fondé de la demande de l’association EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE et de l’association BRETAGNE VIVANTE et de l’erreur manifeste d’appréciation commise dans l’arrêté initial ; qu’il y a lieu, par suite d’annuler la décision du 20 novembre 2009 également sur ce point ; » (Tribunal administratif de Rennes, 30 mars 2013, n°1000233, ASSOCIATIONS BRETAGNE VIVANTE et EAU ET RIVIERES DE BRETAGNE)   En conséquence, le Tribunal a annulé partiellement les arrêtés préfectoraux et enjoint l’Etat de fixer d’une part, dans un délai de trois mois, « une nouvelle date autorisant l’épandage ne pouvant être antérieure au 31 mars » et d’autre part, de « compléter le 4e programme d’action par toute mesure de maîtrise de la fertilisation azotée et de gestion adaptée des terres agricoles dans les bassins versants situés en amont des sites littoraux concernés par les échouages d’ulves dans le délai de trois mois ».   C’est une victoire pour les deux associations bretonnes de protection de la nature qui militent pour une refonte de la réglementation sur les nitrates en France.   Ces associations avaient déjà pu se réjouir de la condamnation récente de l’Etat à indemniser le coût de ramassage communal des algues vertes prononcée par la Cour administrative d’appel de Nantes le 22 mars 2013 (nous en avions parlé ici : https://www.green-law-avocat.fr/letat-encore-condamne-a-indemniser-le-ramassage-communal-des-algues-vertes/). Me Anaïs  DE BOUTEILLER (Green Law Avocat)