Par David DEHARBE, avocat gérant (Green Law Avocats)
Dans un jugement n° 2100866 en date de 23 mai 2023, le tribunal administratif de Limoges a prononcé l’annulation de décisions de dirigeants de l’association Qualibat refusant de reconnaître la validation d’une attestation de réussite d’une formation « Efficacité énergétique » délivrée à un autoentrepreneur (téléchargeable ci-dessous).
Dans cette affaire, un autoentrepreneur, a conclu avec l’organisme de formation « Institut pour le développement de l’efficacité énergétique » (IDEE) une convention de formation professionnelle portant sur une formation intitulée « devenir RGE ».
Cet organisme bénéficiait alors d’un agrément délivré par l’association Qualibat pour dispenser une formation d’efficacité énergétique aux professionnels réalisant des travaux concourant à améliorer la performance énergétique du bâtiment dans cadre du signe de qualité « Reconnu garant de l’environnement » (RGE)
La qualification RGE, accordée par des organismes qualificateurs comme l’association Qualibat, étant nécessaire pour que des particuliers puissent bénéficier de certaines aides financières et fiscales relatives à des travaux de rénovation énergétique réalisés par des entreprises ou des artisans.
A la suite d’une épreuve de questionnaire à choix multiple (QCM) subie à distance, pour laquelle il a obtenu un résultat de 27/30, l’autoentrepreneur s’est vu délivrer, de la part de l’organisme de formation IDEE, une attestation de réussite à sa formation établie le 15 mai 2020.
L’intéressé a alors versé cette attestation de réussite à l’appui de son dossier de demande de qualification RGE.
Cependant, une décision du 25 mai 2020, Certibat, service de certification relevant de l’association Qualibat a suspendu l’agrément de l’organisme de formation IDEE.
Par des courriers des 23 et 25 juillet 2020, l’autoentrepreneur a demandé au directeur de « Qualibat Limoges » et au directeur de Certibat de reconnaître la validité de l’attestation de réussite établie le 15 mai 2020 par l’organisme de formation IDEE.
En réponse à ce courrier du 23 juillet 2020, le directeur régional de la délégation centre-ouest de l’association Qualibat lui a indiqué, par un courriel du 27 juillet 2020, que cette attestation de réussite n’était pas valide.
Une réponse identique a été apportée à son courrier du 25 juillet 2020 par une décision du 18 août 2020 du directeur général de l’association Qualibat.
Enfin, par une décision du 15 septembre 2020, la commission supérieure de l’association Qualibat a rejeté « l’appel » formé par l’organisme de formation IDEE à l’encontre de la décision de suspension de son agrément.
C’est dans ce contexte que l’autoentrepreneur a engagé un recours devant le Tribunal administratif aux fins :
- D'annuler les décisions des 27 juillet et 18 août 2020 par lesquelles l’association Qualibat a déclaré non valide l’attestation de réussite à la formation « Efficacité énergétique » délivrée le 15 mai 2020 par l’institut pour le développement de l’efficacité énergétique (IDEE) et qu’il a fourni à l’appui de sa demande tendant à ce que lui soit reconnue la qualification Reconnu Garant de l’Environnement (RGE) ;
- D'annuler la décision du 25 mai 2020 par laquelle Certibat, service de l’association Qualibat, a suspendu l’agrément de l’organisme de formation IDEE ;
- D’enjoindre à l’association Qualibat de reconnaître la validité de son attestation de réussite, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
I. Compétence des juridictions administratives
C’est bien de manière implicite que le tribunal se reconnaît compétent pour statuer sur la légalité des décisions de Qualibat invalidant une attestation de réussite d’une formation « Efficacité énergétique ».
Certes, la jurisprudence administrative laisse entendre que le contentieux des décisions des organes de Qualibat relève de la compétence de la compétence du juge administratif sachant que :
- Le retrait d'une certification provisoire 1552 travaux de traitement de l’amiante se rattache à l'exercice d'une prérogative de puissance publique (TA de Rouen, 19 octobre 2015, n° 1503110, considérant 2, disponible sur Doctrine) ;
- L'activité de délivrance de qualifications professionnelles aux entreprises de Qualibat constitue une mission de service public (Autorité de la concurrence, Décision 03-D-16 du 25 mars 2003 relative à une saisine de la société CLIPS, point 6) ;
- Le juge des référés ne s'est pas reconnu incompétent pour statuer retrait de la qualification 7122 ainsi que la mention « reconnu garant de l’environnement » (RGE), dans les catégories de travaux 111, 114 et 115 (TA de Paris, 23 juillet 2022, n° 2215660, disponible sur Doctrine ; TA de Paris, 2 septembre 2022, n° 2217074, disponible sur Doctrine).
Cependant, la sphère de compétence du juge administratif doit être relativisée dans le contentieux des décisions liées à l’association Qualibat, dès lors que les juridictions administratives se sont déclarées incompétentes dans certaines hypothèses :
- La décision par laquelle la commission des mesureurs Qualibat a refusé de délivrer à une entreprise la qualification 8711 relative à la « mise en place d’un système de mesures et réalisation des mesures de perméabilité à l’air de l’enveloppe des bâtiments » au motif qu’elle ne disposait pas d’un opérateur autorisé (Tribunal administratif de Paris, 21 mars 2013, n°1208718, considérant 3, disponible sur Doctrine) ;
- Les décisions prises par l’association Qualibat dans le cadre de l’application de son règlement général (Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 26 novembre 2014, n° 1402058, considérant 3, disponible sur Doctrine).
II. Annulation des décisions déclarant non valide l'attestation de réussite à la formation « Efficacité énergétique »
Selon le Tribunal administratif de Limoge, l’association Qualibat est tenue de mettre à disposition de l’organisme de formation IDEE un outil permettant de générer à distance des QCM et également à cet organisme de formation de fournir aux stagiaires le matériel informatique nécessaire afin qu’ils puissent se soumettre à l’épreuve de QCM en ligne (article 12 de l’arrêté du 19 décembre 2014, NOR : DEVR1427944A, JORF n°0298 du 26 décembre 2014 ; « 3.5 Contrôle individuel des connaissances / Contrôle après formation », référentiel de l’agrément des formations relatives aux travaux en efficacité énergétique dans le cadre du dispositif RGE, février 2017 ; « 3.4 Passage QCM en ligne » du mode d’emploi de « gestion des QCM depuis l’espace réservé »).
Pour le contrôle des connaissances relatif à la formation intitulée « devenir RGE », les juges du fonds en déduisent qu’il ne ressort ni de ces textes, ni des mentions de l’agrément de cet organisme de formation, que :
- Le recours à un QCM en présentiel présentait un caractère obligatoire (TA de Limoges, 23 mai 2023, n° 2100866, point 5) ;
- Et qu’il aurait été interdit à ce même organisme de formation de faire subir à ses stagiaires un QCM en ligne, à distance (TA de Limoges, 23 mai 2023, n° 2100866, point 5).
Par suite, la juridiction considère que sont entachées d’erreur de droit les décisions du directeur régional de la délégation centre-ouest de l’association Qualibat et de son directeur général refusant de reconnaître, à l’appui de son dossier de demande de qualification RGE, la validité de l’attestation de réussite à la formation « Efficacité énergétique » établie le 15 mai 2020 par l’organisme de formation IDEE (TA de Limoges, 23 mai 2023, n° 2100866, point 6).
Qui plus est, les juges ont décidé d’enjoindre à l’association Qualibat de reconnaître la validité de cette attestation dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement (TA de Limoges, 23 mai 2023, n° 2100866, point 7).
En revanche, le tribunal juge irrecevable les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision de Certibat du 25 mai 2020 portant suspension de l’agrément de l’organisme de formation IDEE et de 15 septembre 2020 de la commission supérieure de Qualibat (TA de Limoges, 23 mai 2023, n° 2100866, point 3).
En effet, si l’attestation de réussite a été établie le 15 mai 2020 par l’organisme de formation IDEE, le requérant ne peut être regardé comme justifiant d’un intérêt à agir contre la décision postérieure du 25 mai 2020 portant suspension pour l’avenir de l’agrément de cet organisme (TA de Limoges, 23 mai 2023, n° 2100866, point 3).